
mercredi. Heureusement, le moment est bien choisi pour
aller chercher de l’argent. Alors que tout le système
financier s’écroule, les coûts d’emprunt sont dérisoires.
Qui va acheter ? Probablement les éternels clients des
bons du Trésor américains : les Japonais, les Chinois et
les Britanniques.
Pendant ce temps-là, à Wall Street, les opérateurs
faisaient des paris sur les prochains établissements prêts
à se faire racheter ou à devoir se déclarer en faillite. La
banque d’affaires Morgan Stanley et la caisse d’épargne
Washington Mutual tenaient toujours la cote. Pour la
première, deux pistes étaient évoquées : soit une fusion
avec Wachovia, la quatrième banque du pays, soit un
renflouement par China Investment Corp (CIC), le fonds
d’investissement de l’Etat chinois, qui détient déjà 9,9 %
du capital de la banque. Selon CNBC, le directeur général
de Morgan Stanley, John Mack, pencherait pour la
solution Wachovia, et les discussions en étaient hier soir à
un stade avancé. Pas certain cependant que les autorités
donnent leur feu vert. «Je ne peux pas imaginer que la
Fed autorise cette fusion, avance Dick Bove, un analyste
financier. Car cela voudrait dire que tous les problèmes de
Morgan Stanley devront être désormais réglés par la
FDIC.» La FDIC est l’organisme fédéral qui garantit les
dépôts des particuliers. Et elle a déjà fort à faire avec les
nombreuses banques régionales américaines qui
menacent de faire faillite. Du coup, Morgan Stanley
n’abandonnait pas la solution CIC et n’excluait pas de
donner 49,9 % de son capital au fonds chinois en
échange d’argent frais. Ces incertitudes pesaient sur le
titre de Morgan, qui perdait hier soir plus de 25 %, après
une chute équivalente la veille.
Enchères. Pour Washington Mutual, Wall Street était plus
optimiste. Le titre progressait hier de plus de 15 %. Selon
Reuters, cette caisse d’épargne, dont le siège est à
Seattle, aurait accepté de se vendre aux enchères. Et
plusieurs établissements étaient prêts à faire une offre :
les américains Citigroup, Wells Fargo et JP Morgan, ainsi
que le britannique HSBC. Si ces opérations se
concrétisent d’ici la fin de la semaine, le visage de Wall
Street aura changé à une vitesse jamais vue.
Sarkozy attend avant de deviser
Par ANTOINE GUIRAL Libération du vendredi 19
septembre 2008
Resté étonnement muet, le Président s’exprimera jeudi
sur la situation en France.
Des idées, et vite. Avis à ses conseillers et aux experts de
Bercy : Nicolas Sarkozy ne doit pas décevoir ! Jeudi 25
septembre, il tiendra au Zénith de Toulon un meeting
«républicain», selon la terminologie élyséenne, où il sera
question de la politique économique de la France. Face à
4 000 spectateurs, il s’agira pour le chef de l’Etat de
rassurer les Français sur les conséquences de la crise
financière, de mettre en perspective la cohérence de sa
politique de réformes et d’avancer des solutions pour
sortir du tunnel. Sacré programme.
«Gravité». Depuis le début de la semaine, la pression
monte et le silence présidentiel étonne. Le PS réclame
«en urgence» un débat sur la situation économique. Mais
hier, le chef de l’Etat était en déplacement dans le Jura
pour parler politique de santé et réforme du système des
soins. Si prompt à réagir et à jouer les pompiers sur tous
les sujets, Nicolas Sarkozy veut cette fois se donner un
peu de temps en raison «de l’importance et de la gravité
du sujet», souligne un conseiller. L’attente autour de ce
qu’il dira est telle que «cela oblige au double salto
arrière», souligne une autre proche.
L’Elysée s’apprête donc à tirer une fusée à deux étages
avec un premier message international en début de
semaine prochaine et un autre à vocation plus
domestique, jeudi à Toulon. Lundi et mardi, Nicolas
Sarkozy sera à New York, où il entend profiter de la
tribune de l’Assemblée générale des Nations unies pour
lancer un plaidoyer en faveur de «la moralisation du
capitalisme financier» (un sujet qu’il a déjà évoqué l’an
dernier en ce même lieu) et faire des propositions pour
prévenir de futures crises. Cela ne mange pas de pain et
sera sans aucun doute applaudi comme il se doit. Face à
une opinion publique inquiète, l’exercice franco-français
risque d’être beaucoup plus délicat. Car ici, sans même
parler des conséquences de la crise financière, tous les
voyants sont déjà rouge écarlate. La croissance devrait au
mieux atteindre 1 %, le chômage ne baisse plus et, sur
fond d’inflation persistante, la question du pouvoir d’achat
reste la préoccupation numéro 1 des Français. Côté
marges, il n’y a quasiment rien à manœuvrer. Et Paris
devrait avoir toutes les peines à respecter ses
engagements européens de ne pas dépasser 3 % du PIB
avec ses déficits publics. Le discours de Toulon
interviendra de surcroît au moment même des derniers
arbitrages budgétaires du projet de loi de finances 2009.
Dans un tel contexte, que raconter aux Français en étant
crédible ? Comme toujours, le volontarisme sera la
principale arme du chef de l’Etat. Persuadé que la France
est relativement mieux armée pour résister au séisme
financier qui secoue la planète, Nicolas Sarkozy
cherchera surtout à éviter un choc de défiance
économique. Pour cela, il entend tenir un «langage de
vérité» et rappellera qu’il avait prédit cette crise dès 2007.
Faute de solutions miracles, le Président va jouer la carte
européenne et montrer que plusieurs gouvernements le
suivent (l’Allemagne, la Grande-Bretagne) dans sa
volonté de mieux réguler les marchés et le capitalisme.
Recadrage. Autre piste : la croissance verte. Il lui faudra,
avant cela, avoir mis un terme à la série de couacs sur les
annonces quasi quotidiennes de nouvelles taxes pour les
produits ou les comportements peu écologiques. Le
ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, et sa secrétaire
d’Etat, Nathalie Kosciusko-Morizet, seront reçus
aujourd’hui à l’Elysée avec la ministre de l’Economie,
Christine Lagarde, pour un recadrage. A charge pour eux
de plancher ensemble pour fournir des idées au chef de
l’Etat. Même chose pour le secrétaire général adjoint de
l’Elysée chargé des questions économiques, François
Pérol, et le conseiller spécial et «plume» du Président,
Henri Guaino.
Quant à Nicolas Sarkozy, il a prévu de partir déstresser
dès ce week-end avec Carla à New York… capitale
mondiale de la crise financière.