OuvrageVietnam - Université Toulouse 1 Capitole

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LA RELATION ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE
DANS L'ECONOMIE DE MARCHE.
LE ROLE DE LA FORMATION
LA RELATION ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE
DANS L'ECONOMIE DE MARCHE.
LE ROLE DE LA FORMATION
sous la direction de
Nguyen Minh Thuyet, Le Danh Ton,
Jean-Louis Hermen et Jean-Pierre Théron
Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse
Copyright : 2000
Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse
Place Anatole France
31042 Toulouse cedex
France
ISBN : 2- 909628-57-4
Couverture : peinture sur soie, représentant la pagode au pilier
unique (Hanoi)
DISCOURS D'OUVERTURE
ET DE BIENVENUE
DISCOURS D'OUVERTURE
DU PROFESSEUR-DOCTEUR HOANG VAN HUAY
VICE-MINISTRE DES SCIENCES, DES TECHNOLOGIES
ET DE L'ENVIRONNEMENT
- Monsieur l'ambassadeur de la République française à Hanoi,
- Monsieur le directeur de l'AUPELF-UREF en Asie du sud-est
- Monsieur le vice-président de l'Université nationale d'Hanoi,
- Monsieur le recteur de l'Université des sciences sociales et humaines,
- Mesdames, Messieurs,
J'ai aujourd'hui l'honneur d'ouvrir cet important colloque international et je voudrais en remercier les organisateurs.
Au nom du ministre des Sciences, de la Technologie et de l'Environnement, je voudrais aussi souhaiter la bienvenue au sein de notre
Université à Monsieur l'ambassadeur de France, à Monsieur le directeur de l'Aupelf-Uref en Asie du sud-est, à Messieurs les responsables de l'Université nationale de Hanoi et de son Université des
sciences sociales et humaines, à Messieurs les responsables de l'Université des sciences sociales de Toulouse et de la Faculté de droit et
des sciences politiques de l'Université de Tunis III ainsi qu'à tous les
scientifiques et personnes présentes aujourd'hui pour ce colloque.
Puissions-nous librement partager nos expériences, nos travaux et nos
connaissances dans un but d'enrichissement mutuel.
Mesdames, Messieurs,
Ces récentes années, l'économie du Vietnam a surmonté de nombreux défis et aussi enregistré -nous en sommes convaincus- des
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HOANG VAN HUAY
succès remarquables. Ces succès ont été obtenus en partie par
l'application de la politique de renouveau, de doi moi, conçue et menée
par le Parti communiste vietnatnien. L'application de cette politique a
été amplement et systématiquement appliquée à partir des dernières
années de la décennie 1980. Parallèlement à l'existence d'une
économie de plusieurs composantes, nous avons assisté à l'émergence
et à la reconnaissance du secteur privé, composante d'une économie
de marché et reconnu à ce titre comme partie intégrante de l'économie
vietnamienne. Il dispose encore aujourd'hui de nombreuses
opportunités pour se développer.
Les entreprises publiques se trouvent elles aussi dans un environnement renouvelé et sont plus dynamiques. Ainsi, dans les nouveaux
mécanismes économiques vietnamiens, les différents types d'entreprises sont traités comme des sujets économiques égaux
Cependant, il existe encore plusieurs problèmes à aborder et à
résoudre dans le cadre des relations entre le secteur privé et le secteur
public au Vietnam. Comment: rendre les entreprises publiques plus
efficaces ? Comment élever le rôle de l'État en tant que leader économique ? Quels obstacles lever pour que le secteur privé puisse jouer
pleinement son rôle et apporter une contribution significative au développement économique en général ? Comment aménager les relations entre le secteur privé et le secteur public et définir une voie de
développement économique unique au Vietnam ? Comment adapter
la formation du personnel au nouveau marché du travail ?
Ce sont là des problèmes compliqués, exigeant la coopération entre
scientifiques, économistes et politiciens. Les recherches et les expériences internationales jouent un rôle très important dans la résolution
de tels problèmes.
Dans ce sens, j'apprécie hautement le fait d'organiser ce colloque
au sein de l'Université des sciences sociales et humaines appartenant à
l'Université nationale de Hanoi et 1a coopération de l'Université des
sciences sociales de Toulouse I et 1a Faculté de droit et des sciences
politiques de l'Université de Tunis III.
Les travaux et rapports des scientifiques français et tunisiens sont
incontestablement des expériences précieuses obtenues après
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DISCOURS D'OUVERTURE
plusieurs années de recherches et d'expérimentation. Les recherches
des professeurs vietnamiens contribuent aussi certainement pour une
part importante au processus de renouveau économique du Vietnam.
Ce colloque permettra de franchir un nouveau pas dans la
coopération pour la recherche scientifique et la formation entre les
Universités françaises, tunisiennes et vietnamiennes.
Encore une fois, je souhaite un bon déroulement de ce colloque et
un partage du savoir et de l'expérience de nos trois pays, France,
Tunisie et Vietnam.
Je vous remercie de votre attention.
DISCOURS DE BIENVENUE
DU PROFESSEUR-DOCTEUR DAO TRONG THI
MEMBRE DU COMITÉ CENTRAL
DU PARTI COMMUNISTE VIETNAMIEN
VICE-PRESIDENT DE L'UNIVERSITE NATIONALE D'HANOI
- Monsieur l'ambassadeur de France,
- Monsieur le vice-ministre des Sciences, des Technologies et de
l'Environnement,
- Monsieur le directeur de l'AUPELF-UREF en Asie du sud-est,
- Messieurs les représentants des Universités française, tunisienne
et vietnamiennes,
- Mesdames, Messieurs,
Au nom de la direction de l'Université nationale d'Hanoi, je voudrais souhaiter la bienvenue ici à Monsieur l'ambassadeur de France,
à Monsieur le directeur de l'AUPELF-UREF, à Monsieur le vice-ministre des Sciences, des Technologies et de l'Environnement, aux responsables de l'Université des sciences sociales de Toulouse I, de la
Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université de Tunis III,
à tous nos invités étrangers ainsi qu'à tous les scientifiques présents
aujourd'hui.
Mesdames, Messieurs,
L'Université nationale d'Hanoi et en son sein l'Université des
sciences humaines et sociales, est un centre de premier rang dans les
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DAO TRONG THI
domaines de la formation et de 1a recherche scientifique multi-sectorielles au Vietnam.
Parmi nos activités de formation et de recherche, celles liées à
l'Économie ont toujours été considérées comme prioritaires. Ces derniers temps en effet, notre Université a organisé plusieurs colloques
sur les problèmes économiques essentiels auxquels le Vietnam et
d'autres pays de la région font face actuellement et dans le futur.
Aujourd'hui, dans le cadre de la coopération entre nos Universités
respectives, il s'agit d'aborder le problème des relations entre les
secteurs public et privé dans l'économie de marché, d'y étudier le rôle
de la formation, de partager nos différentes expériences internationales et de les confronter à la réalité du Vietnam.
Ce colloque est donc un événement important pour l'Université
d'Hanoi et pour ses membres, non seulement pour le développement
de ses activités de recherche scientifiques mais aussi pour ses relations
internationales.
Comme vient de le souligner Monsieur le vice-ministre des
Sciences, des Technologies et de l'Environnement, ce colloque contribuera en effet grandement d'une part à renforcer le processus général
-déjà engagé- de renouveau économique du Vietnam, d'autre part à
éclairer d'un oeil nouveau et avisé les relations entre les secteurs public et privé dans notre pays.
Au nom de la direction de l'Université nationale d'Hanoi, je remercie donc tous les scientifiques étrangers et vietnamiens pour leur
contribution en acceptant d'apporter et de mettre en commun aujourd'hui les résultats de leurs travaux.
Je remercie également l'ambassade de France à Hanoi et l'AUPELF-UREF pour leur aide précieuse.
Et je vous souhaite, à vous, Mesdames et Messieurs, ainsi qu'à nos
Universités de Toulouse, Tunis et Hanoi, un bon déroulement pour ce
colloque. Puisse notre coopération se renforcer et porter bientôt ses
fruits.
Merci de votre attention.
PRÉSENTATION DES ACTES DU COLLOQUE
PRESENTATION DES ACTES DU COLLOQUE
PAR ALBERT LOURDE,
DIRECTEUR GENERAL DE L'AGENCE UNIVERSITAIRE
DE LA FRANCOPHONIE EN ASIE DU SUD-EST
La tenue de cet important colloque sur "La relation entre secteur
public et privé dans l'économie de marché. Le rôle de la formation"
consacre plusieurs années de contacts et de préparation entre les universitaires d'Hanoi, de Toulouse et de Tunis. Le thème choisi est
particulièrement bienvenu puisqu'il a permis une confrontation des
questions, des points de vue et des expériences entre des universitaires et des professionnels se réclamant de traditions, de pratiques et
de préoccupations différentes mais que réunit un souci commun de
favoriser l'entrée de leur pays et de son économie dans l'ère de la
mondialisation, de faire une place décisive aux mécanismes du marché sans que les pouvoirs publics renoncent à leur devoir d'encadrement des initiatives et de contrôle des structures privées.
Ce colloque témoigne également de l'importance que l'Agence universitaire de la francophonie attache à la mise en œuvre d'opérations
fondées sur le multilatéralisme. De ce point de vue aussi, la réunion, à
Hanoi, de chercheurs et de praticiens venus d'institutions
universitaires ou économiques se situant sur trois continents, en
Afrique, en Europe et en Asie, apparaît comme exemplaire. Par-delà
les distances et les systèmes sociaux différents, c'est notamment la
langue française qui a permis aux divers partenaires dans cette recherche de rassembler leurs efforts. Des traditions intellectuelles
communes, mêlant le souci de l'objectivité, l'attachement aux méthodes de la recherche scientifique et un intérêt constant pour les expériences étrangères ont facilité les contacts préalables, la définition
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ALBERT LOURDE
de la problématique, la délimitation et la répartition des thèmes
d'étude.
Cette manifestation prend sa place dans un important effort de
coopération au centre duquel figure l'Université des sciences sociales
d'Hanoi, sa Faculté de droit et sa Faculté d'économie. Les formations
d'enseignement supérieur qui s'y déroulent en français couronnent
l'action soutenue par le Bureau Asie du Sud-Est de l'Agence universitaire de la francophonie, depuis cinq ans, à l'intention de plus de vingt
mille enfant et adolescent, aux niveaux primaire et secondaire, en vue
de faire de la langue française, leur moyen de communication
privilégiée au niveau international, dans le cadre de la politique
définie par les plus hautes instances du Viet Nam en faveur d'une
ouverture sur le monde, aux plans tant économique que culturel.
Cette rencontre scientifique témoigne aussi, s'il en était besoin,
deux ans après le Sommet de Hanoi, du niveau et de la vigueur de la
francophonie universitaire au Viet Nam où plus de cinq mille étudiants étudient en français les disciplines scientifiques dans quarante-sept filières universitaires francophones.
Les étudiants issus de la filière juridique ont d'ores et déjà fait la
preuve de leur compétence en obtenant le D.E.A. au sein de l'Université de Toulouse I qui accueille aussi des professeurs chargés d'enseigner le droit français à Hanoi et à Ho Chi Minh ville.
L'élargissement de cette coopération avec la Faculté de droit de
Vientiane qui a déjà commencé par l'accueil à Toulouse de
professeurs lao, va également dans le bon sens.
La publication de ce livre arrive donc à point nommé pour
conclure une opération exemplaire, pour en constater la réussite et
pour en diffuser les résultats. Il ouvre en même temps sur de
nouvelles perspectives et de nouveaux projets qui contribueront à
renforcer l'action francophone en Asie du sud-est.
PRESENTATION DES ACTES DU COLLOQUE
PAR MOHAMED RIDHA BEN HAMMED,
DOYEN DE LA FACULTE DE DROIT
ET DES SCIENCES POLITIQUES DE TUNIS
Le fait que l'Université des sciences sociales et humaines de Hanoi
et l'Université des sciences sociales de Toulouse aient souhaité
s'associer avec la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis
pour organiser ce colloque sur "la relation entre secteur public et
privé" est révélateur de l'ouverture tous azimuts qui caractérise désormais la politique de relations internationales de nos établissements
d'enseignement supérieur. Il est devenu habituel que, par-delà les
différences de continents, les membres des communautés académiques d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Europe se retrouvent pour
comparer leurs réflexions et échanger leurs expériences. Ce colloque
en témoigne, en l'occurrence autour de la pratique du français et
d'une tradition de francophonie qui nous ont réunis.
Le thème choisi, qui a conduit à analyser les conditions de coexistence et de collaboration entre administrations, entreprises publiques,
coopératives et entreprises privées des trois secteurs de l'économie,
dans le cadre d'un système soumis aux lois du marché, ne pouvait
que retenir l'attention des chercheurs tunisiens. Chacun a conscience
qu'en ces temps d'élargissement des équilibres économiques à
l'échelle de la planète et de généralisation de règles de concurrence
par-delà les frontières, il y a là des questions qui intéressent toutes les
nations désireuses de ne pas rester à l'écart du mouvement général de
mondialisation. C'est le cas de la Tunisie.
Au surplus, les inflexions dans les politiques économiques suivies
par notre pays au cours des trente dernières années en font un riche
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MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
terrain d'expériences, tant du point des résultats obtenus en fonction
de la plus ou moins grande implication de l'État en faveur du développement que de la façon de gérer les transitions, les périodes d'accroissement du rôle des pouvoirs publics comme celles d'allègement
de leur intervention. À chaque étape, le souci toujours présent chez
les dirigeants politiques tunisiens, quelles que soient les équipes au
pouvoir, d'éviter les solutions rigides et de leur préférer les compromis, de tempérer l'idéologie par l'empirisme et de ne jamais négliger
la dimension sociale des problèmes peut fournir, hors de nos frontières, des thèmes de réflexion, parfois des modèles intéressants.
C'est bien ainsi que l'ont entendu les participants à ce colloque,
collègues vietnamiens, français ou appartenant à d'autres nationalités
que celles des trois pays organisateurs. L'université d'Hanoi a accueilli la délégation de la Faculté de droit de Tunis avec une efficacité
et un souci de compréhension réciproque dans le traitement des
thèmes retenus qui font bien augurer du succès de nos projets de
coopération future. Avec les professeurs de l'Université des sciences
sociales de Toulouse, les liens sont déjà anciens et les opérations de recherche commune nombreuses. Cette nouvelle expérience et ce livre
supplémentaire viennent compléter la longue liste des thèmes traités
ensemble et des ouvrages publiés. C'est une étape nouvelle dans notre
coopération et il faut souhaiter qu'elle continue de se développer tant
de façon bi-latérale que multilatérale.
PRESENTATION DES ACTES DU COLLOQUE
PAR BERNARD BELLOC,
PRESIDENT DE L'UNIVERSITE
DES SCIENCES SOCIALES DE TOULOUSE
Une coopération exemplaire s'est développée entre l'Université des
sciences sociales et humaines d'Hanoi et notre Université. Initiée, il y a
quatre ans, par une délégation venue de Toulouse et composée de
juristes et d'économistes, elle s'est prolongée et développée sur un
principe de réciprocité et d'équilibre des échanges, avec toute une
série de visites croisées et de séjours scientifiques de collègues
vietnamiens à Toulouse et de Toulousains à Hanoi. Tout au long de
ces années, elle a préservé le souci de pluridisciplinarité qu'elle avait
adopté dès l'origine et qui constitue l'une des caractéristiques et l'un
des plus importants atouts de nos deux institutions d'enseignement
supérieur. Le colloque dont ce volume reproduit les actes a retenu le
thème de "La relation entre secteurs public et privé dans l'économie
de marché. Le rôle de la formation". Les questions traitées se prêtaient
particulièrement à une approche pluridisciplinaire, au point que l'on
n'imagine pas qu'elles aient pu être étudiées sans que soient
rassemblés et parfois confrontés les points de vue des juristes et des
économistes, ainsi que des historiens et des sociologues.
Coopération exemplaire également par la volonté de se placer sous
le signe d'une collaboration aussi étroite que possible entre le monde
universitaire et celui de l'entreprise. Ce colloque ne se présente pas
seulement comme une occasion de réflexions académiques entre
spécialistes des questions traitées. Y ont été associées la Chambre de
commerce d'Hanoi, la Chambre de commerce française à Hanoi ainsi
que la Chambre régionale de commerce et d'industrie de
Midi-Pyrénées. Ici comme ailleurs, il s'agit, pour notre Université,
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BERNARD BELLOC
d'offrir aux organisations et aux entreprises partenaires la possibilité
de bénéficier de nos compétences scientifiques pour mieux appréhender leur environnement et, par là-même, pour mieux préparer
leurs décisions stratégiques, à travers des actions de recherche appliquée qui sont autant d'actions de transfert de technologie transposées aux disciplines qui sont les nôtres. Il faut souhaiter que l'avenir
vienne concrétiser, de ce point de vue, les ouvertures et les opportunités que ce colloque a permis d'esquisser, à Hanoi ainsi que dans le
reste du Viêt-nam.
Les actes de ce colloque témoignent de l'ampleur des travaux effectués et de la diversité des recherches engagées. Comme le prouve
la répartition des interventions, n'ont été négligés ni la description des
évolutions idéologiques qui ont préparé et soutenu les transformations économiques dont le Viêt-nam est le théâtre, ni le problème des
rapports entre entreprises d'État et entreprises privées. Les unes
comme les autres sont désormais invitées à joindre leurs efforts pour
participer au développement du pays. Le rôle que peuvent jouer les
politiques économiques de l'État à l'égard des secteurs public et privé
est aussi traité dans la mesure où nul n'imagine des équilibres entièrement laissés aux mécanismes du marché. Enfin les questions de restructuration des entreprises publiques ont été abordées en tenant
compte du modèle que constitue l'entreprise privée mais sans perdre
leurs spécificités tant pour ce qui est de leurs missions que des
contraintes particulières qui pèsent sur elles. Un dernier ensemble de
communications traite de l'ingénierie de la formation dans l'accompagnement du processus d'évolution du secteur privé. Il y a là un
complément logique des réflexions conduites autour du thème central
du colloque et un domaine que notre Université maîtrise parfaitement
comme en témoignent les multiples applications qui en ont été faites
en France et dans le monde, chaque fois adaptées aux contraintes locales mais toujours marquées par un souci constant de rigueur scientifique.
Répétons-le : il est de la vocation souhaitable d'un tel colloque de
constituer le point de départ de nouvelles initiatives et de nouvelles
actions de coopération. Une importante réunion comme celle qui s'est
tenue les 10 et 11 mai 1999 à Hanoi doit apparaître comme un commencement bien plus que comme la conclusion d'efforts anciens. Les
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PRESENTATION DES ACTES
opérations avec le Viêt-nam et notamment avec les facultés de droit et
d'économie d'Hanoi constituent l'une des récentes et fortes priorités
de notre Université. L'accueil qui nous a été réservé, la qualité des
travaux qui ont été présentés, le sérieux des échanges qui se sont
noués ne peuvent que nous conforter dans ces choix. Ils se sont
déroulés en 1999 sous le signe de la francophonie avec la participation
de la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis à laquelle
nous rattachent des liens anciens et étroits. Ainsi, entre nos collègues
tunisiens et vietnamiens, une très vieille coopération en a rejoint une
toute jeune. Tout en préservant la dimension francophone et cet intérêt pour des thèmes juridiques et économiques qui nous a réunis, il
conviendra d'en élargir le cadre, en accord avec nos partenaires actuels, pour s'ouvrir sur d'autres pays du sud-est asiatique et sur
d'autres disciplines.
PREMIERE PARTIE
RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE :
EVOLUTIONS IDEOLOGIQUES
Chapitre 1
RELATIONS ENTRE SECTEUR PUBLIC
ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM
docteur Phi Manh Hong, professeur associé
Cette étude porte sur les relations existant entre le secteur public et
le secteur privé au Viet Nam en terme d'évolution historique. Cette
dernière est influencée par le modèle économique dominant à chaque
période de l'histoire du pays. Un tournant dans l'évolution des
relations entre ces deux secteurs résulte du changement de modèle
économique qui a démarré au Viet Nam il y a plus d'une dizaine
d'années et qui se poursuit actuellement.
-IPériode antérieure au Doimoi (avant 1986)
A - La période de planification centralisée
Les relations entre le secteur public et le secteur privé sont déterminées par le modèle économique socialiste calqué sur celui de
l'ex-U.R.S.S. Ce modèle s'est imposé au nord-Viet Nam dès 1958 et a
été étendu ensuite au sud après la réunification du pays en 1975. Il
repose sur plusieurs principes.
La propriété privée et spécialement la possession capitaliste des
moyens de production, sont considérées comme la source des diverses
maladies affectant le capitalisme. L'instauration du socialisme suppose la mise en place puis la généralisation d'un régime de propriété
sociale des moyens de production reposant sur l'élimination de la
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ANDRE CABANIS
propriété privée. La propriété sociale (également qualifiée de "propriété publique") peut prendre deux formes différentes : soit la propriété du peuple entier, synonyme de propriété étatique et présentée
comme la variante la plus haute de la propriété sociale, soit la propriété collective qui est considérée comme une forme de propriété publique de niveau inférieur. Dans une telle logique, la victoire du socialisme se traduit par une domination totale de la propriété publique.
La propriété privée sous toutes ses formes est, par nature, étrangère
au socialisme et son élimination constitue l'un des éléments
prioritaires de la réforme socialiste.
La planification centralisée et obligatoire est considérée comme
l'outil privilégié pour que l'État puisse contrôler et même gérer l'ensemble de l'économie nationale. Par la planification globale des activités économiques, l'État s'assure le monopole de la distribution des
ressources. L'économie de marché est contestée en raison de sa nature
anarchique et spontanée. L'élimination des mécanismes du marché
par la planification est présentée comme un des éléments de supériorité du nouveau régime économique. Le principe de la répartition des
ressources par la planification est assuré en s'appuyant sur le pouvoir
administratif de l'État.
Ce modèle économique permet, en peu de temps, de fermer les
blessures causées par la guerre et de donner un nouvel élan au
développement grâce notamment à la réforme agraire. Pendant les
années allant de 1958 à 1960, la réforme socialiste est vigoureusement
conduite au nord. Les entreprises privées capitalistes sont
transformées en entreprises publiques ou en entreprises mixtes,
devenues publiques plus tard. La quasi-totalité des paysans et des
travailleurs individuels sont rassemblés dans des coopératives. Ainsi,
au nord, le secteur privé, de toutes façons fort modeste et peu
développé, surtout dans le secteur secondaire, est-il précocement
restreint et éliminé. Le secteur public s'est développé sur la base des
nationalisations et des nouveaux investissements. Il est devenu le
secteur dominant et quasi unique parmi les activités industrielles.
Simultanément, le processus de collectivisation de l'agriculture se
révèle défavorable aux diverses formes de l'économie privée.
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RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE
La position monopolistique du secteur public ne constitue qu'une
facette du modèle économique socialiste. L'autre aspect se retrouve
dans les rapports spécifiques qui se développent entre l'État et les entreprises dont il détient la propriété. Les entreprises publiques dépendent entièrement de l'État et ne constituent aucunement des sujets
économiques autonomes susceptibles de prendre des décisions par
elles-mêmes. L'État fait figure de chef, imposant aux entreprises leurs
objectifs et leurs plans de production et contrôlant en même temps les
"inputs" nécessaires pour atteindre ces objectifs et cette production. La
destination et le prix des produits sont également déterminés par
l'État. L'output de chaque entreprise est prédéterminé par la
planification étatique au même titre que l'input. Les profits des
entreprises sont en général transférés à l'État. À l'inverse, lorsqu'une
entreprise est déficitaire, elle reçoit de l'État une subvention destinée à
combler ses pertes. Quant aux coopératives, elles n'existent pas
vraiment en tant qu'entreprises. Elles sont étatisées mais avec un
niveau de contrainte moins important dans la mesure où leur output
doit seulement se situer dans le cadre des plans d'achat prévus par
l'État.
Il résulte de ce système économique que les transactions
spontanées entre les entreprises sont en principe exclues. Des relations
liées à l'équilibre du marché n'existent qu'en apparence. Les prix
déterminés par l'État ne reflètent pas exactement les coûts de
production, ni les bénéfices escomptés par les producteurs, pas plus
que le niveau de la demande en provenance des consommateurs. Ces
prix sont donc loin de jouer le rôle de reflet d’un marché influant sur
la décision des acteurs économiques. En réalité, la prédominance du
secteur public fondée sur une planification centralisée n'est pas
compatible avec les activités d'un marché réel. Telle est la raison qui
justifie la thèse selon laquelle la recherche d'un autre type de rapports
entre secteur public et secteur privé implique la mise en place d'un
autre modèle économique quant aux relations du marché.
Bien que l’expansion du secteur public au Viet Nam résulte surtout
des choix effectués par les pouvoirs publics en faveur du modèle économique institutionnalisé décrit plus haut, le rythme rapide du développement de ce secteur durant la période examinée s’explique
aussi par d'autres facteurs. Il faut d’abord souligner que l’économie
30
ANDRE CABANIS
traditionnelle du nord, caractérisée par une autosuffisance globale et
par le repli des échanges sur de petits espaces aboutit à accepter facilement un modèle économique non-marchand. Il convient également
de constater que, comme dans d'autres pays sous-développés, après
avoir reconquis son indépendance, le Viet Nam considère l'objectif de
construction de son indépendance économique comme une priorité
fondamentale nécessaire pour consolider son indépendance politique.
Face à un secteur privé peu développé, particulièrement pour ce qui
est des industries, le développement d'un secteur public puissant est
alors analysé comme relevant d’une stratégie visant à promouvoir
l'économie nationale.
Après de longues années de guerre, du fait de l'aspiration à l’indépendance économique et du désir d’accélérer le processus de développement, les efforts déployés pour sortir le pays d’une logique internationale fondée sur des échanges commerciaux inégaux et sur une
vocation exportatrice limitée à des produits non-manufacturés ou de
première transformation incitent le Viet Nam à mettre rapidement sur
pied un important secteur industriel, privilégiant notamment
l'industrie mécanique. Les éléments de dynamisme liés au marché
libre ne sont pas considérés comme fiables pour le développement de
ces entreprises. Aussi les entreprises publiques fondées et contrôlées
par l'État sont-elles chargées d’un rôle de mise en oeuvre de l'industrialisation. Il est clair que le souhait de développer l'industrie a
contribué à la croissance du secteur public.
En effet, au Viet Nam, l'industrialisation est alors présentée comme
la tâche centrale de la période transitoire. Il s'agit d'une forme
d'industrialisation surtout orientée vers la satisfaction des besoins
internes avec une priorité accordée au développement de l'industrie
lourde. La distribution des ressources monopolisée et centralisée entre
les mains de l'État favorise l'installation de cette industrie au
détriment de l'agriculture, des industries légères et de l'installation
d'une économie efficace. L'orientation en faveur du marché intérieur
ainsi qu'une conception rigide de l'indépendance et de la souveraineté
contribuent également à l'instauration d'une économie généralement
fermée et d'un commerce entièrement contrôlé par l'État et peu
développé.
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31
RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE
Un tel modèle économique révèle vite ses limites. En raison d'un
manque d'autonomie dans l'organisation de leurs activités et dans la
répartition de leurs bénéfices, les entreprises ne sont guère encouragées à améliorer leur productivité et leur efficacité. Les mécanismes
de distribution des ressources fondés sur une planification directe par
l'État ne peuvent que refléter la rareté relative de ces ressources et se
montrent incapables d'en assurer l'utilisation la plus efficace. Pour y
remédier, dès le début des années 1960, le Parti communiste et l'État
entreprennent une campagne dite "Ba xay, ba chong" (ce que l'on peut
traduire par : "triple édification et triple opposition"). Simultanément,
est engagée une politique de rénovation de la gestion des
coopératives. Par la suite, ces tendances réformatrices doivent céder le
pas à l'élargissement de l'effort de guerre et à la riposte aux
bombardements américains au nord à partir de 1965.
Les opérations militaires et l'aide massive en provenance des pays
se réclamant à l'époque du socialisme empêchent les dirigeants de
prendre conscience des lacunes du système économique. Ces aides
permettent au gouvernement de combler les déficits budgétaires et de
répondre aux demandes tant des industries que des villes pour ce qui
est des éléments d'input et, plus spécialement, des diverses formes
d'approvisionnement. Le secteur public est ainsi en mesure de fonctionner et même de se développer, sans avoir besoin de s'appuyer sur
ses propres forces.
En raison de ces spécificités (économie agricole traditionnelle, situation de guerre), le système économique sur lequel fonctionne le
Viet Nam durant cette période n'est pas aussi rigoureusement centralisé et planifié que ne le prescrit le modèle soviétique. Malgré une
économie agricole largement collectivisée, les paysans gardent la
disposition d'une partie des terres cultivables (5 %) pour les exploiter
à leur gré. Le surplus de produits émanant de cette économie privée
peut être ensuite vendu sur les marchés ruraux autorisés dans tous les
villages. Ainsi, une forme de marché libre, quoique limitée, n'a jamais
été entièrement éliminée. Il fait même preuve d'une vitalité qui lui
permet d'attirer des ressources et des produits normalement
distribués dans le cadre du secteur public conformément aux mécanismes fixés par la planification. Une telle possibilité est mise à profit
par tous ceux ayant accès aux articles vendus par l'État à un prix
32
ANDRE CABANIS
modique. En l'occurrence, on peut analyser ce mécanisme comme
l'élément annonciateur de rapports commerciaux s'établissant sur un
marché privé fonctionnant au sein du secteur public mais en dehors
de ce qui est prévu par les procédures de planification.
Après la réunification du pays, le modèle économique fondé sur la
planification et la centralisation se répand dans l'ensemble du pays.
Les aides -surtout les aides non-remboursables- se sont progressivement réduites. Les échanges se déroulant conformément aux lois du
marché, depuis longtemps enracinées au sud, s'avèrent incompatibles
avec les nouveaux rapports économiques imposés par le Nord. Les lacunes du modèle économique fondé sur la planification et la centralisation se manifestent progressivement et de façon de plus en plus
claire. La crise économique que connaît le pays vers la fin des années
1970 et le début des années 1980 conduit à contester la valeur de ce
modèle économique.
B - La période de transition
C'est la période où l'ancien modèle économique continue globalement d'exister bien que certains aspects soient attaqués de plusieurs
côtés et partiellement remplacés par de nouveaux éléments.
Simultanément, des efforts de rénovation sont déployés pour adapter
le modèle aux nouvelles circonstances. Toutefois, le secteur privé et le
marché libre ne sont pas officiellement reconnus. En même temps,
certains mécanismes de l'économie de marché sont introduits dans le
secteur public, pour le revitaliser. Tout ceci contribue à établir un
nouveau
rapport
entre
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RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE
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ANDRE CABANIS
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ANDRE CABANIS
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AAAAéfastes pour certains de l'ouverture à la concurrence.
- II -
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ANDRE CABANIS
Influences réciproques des secteurs public et privé
sur leurs modes de gestion
S'agissant des collaborations éventuelles entre secteurs privé et
public, ce sont les libéraux qui sont les plus méfiants quant aux
risques de contagion éventuelle auxquels le premier pourrait
s'exposer en collaborant avec le second. À l'inverse, les modes de
gestion privée exercent une forte attraction sur les partisans d'un
interventionnisme plus poussé de l'État dans des domaines qui ne
sont pas traditionnellement les siens. À partir de la fin des années
1930 et plus encore après la Libération, l'extension des
nationalisations et la multiplication des entreprises publiques avec le
passage pour nombre de responsables publics, de postes de directeur
de ministère à des fonctions dirigeantes au sein des sociétés
nationales, développent cet état d'esprit. Les grandes écoles y
contribuent également. Elles mêlent dans leurs enseignements défense
du service public et méthodes de gestion privée. Elles ancrent les
nouvelles générations dans l'idée qu'il faut diriger un établissement
public comme une entreprise. Les problèmes de financement public
constituent une puissante incitation à chercher des crédits à
l'extérieur. Les comparaisons coûts-avantages prennent la forme
d'une rationalisation des choix budgétaires. Cet état d'esprit atteint
son paroxysme dans les années soixante et soixante-dix où les hauts
fonctionnaires se voient comme les nouveaux dirigeants d'entreprise
privilégiant des exigences de souplesse dans l'action administrative et
de productivité dans les objectifs.
Le ministre se rêve à la tête de son département dans la situation
d'un manager dirigeant sa société, disposant d'une batterie d'indicateurs économiques et financiers, véritable tableau de bord sur la situation du pays, prenant ses décisions de façon purement objective, se
libérant de toute dépendance à l'égard d'organes collégiaux malveillants et agressifs. Tout au plus accepte-t-il de rendre compte au
peuple en général conçu comme une sorte d'assemblée d'actionnaires,
respectueuse et déférente, honorée qu'on lui fournisse quelques éléments sur la bonne marche de l'institution, se contentant des informations partielles que l'on veut bien lui distiller, celles que la confidentialité des affaires et le secret des modes de production permettent de
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RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE
lui révéler. Il n'est pas exclu qu'avec le libéralisme, cette confusion des
genres puisse être appelée à disparaître.
Aux temps de l'interventionnisme économique, l'on s'efforce, au
sein des mêmes structures, à combiner les avantages des gestions privée et publique. C'est la logique à laquelle répond le système des sociétés d'économie mixte. En les multipliant, dans les années 1960, les
pouvoirs publics souhaitent donner à leurs interventions à la fois
l'efficacité et la souplesse que l'on prête a priori aux entreprises privées ainsi que le rôle de défense de l'intérêt général que doivent
remplir les structures publiques. En principe, au sein du capital des
sociétés d'économie mixte, doivent figurer à la fois des capitaux privés et publics. En fait l'intérêt de ce régime juridique paraît tel qu'il en
vient à être utilisé par des institutions exclusivement publiques,
comme l'État et les collectivités locales lorsqu'elles ont une opération
de quelque envergure à mettre en oeuvre.
Au XIXe comme en cette fin du XXe siècle, c'est au contraire la recherche d'une coupure aussi nette que possible entre l'intervention du
secteur public et celle du secteur privé. À les réunir, a fortiori à les
confondre, l'on risque d'accumuler les inconvénients au lieu d'additionner les avantages. Protégées par la présence, à leur côté, de l'autorité publique, rassurées par le sentiment de bénéficier des garanties
de solvabilité qui s'attache normalement à cette dernière, les
entreprises privées ont tendance à perdre ce souci de la rentabilité, de
la productivité, de l'équilibre financier qui est normalement l'une de
leurs qualités primordiales. Entraînés par la proximité de salariés
habitués aux facilités, aux incitations et à la souplesse des modes de
gestion privés, les agents des administrations sont tentés d'oublier les
exigences de rigueur, de soumission des intérêts particuliers à la
préservation de l'intérêt général. Il résulte de cette crainte des effets
néfastes d'un cotoiement trop poussé, un souci marqué de bien
différencier ce qui relève des uns et des autres et d'éviter autant que
possible toute rencontre et même toute proximité.
En témoigne le satut des chemins de fer organisé par un ensemble
législatif élaboré, au terme de longs débats parlementaires, au cours
des années 1840. L'État ne pouvant se désintéresser d'un secteur dont
chacun pressent qu'il va constituer un élément décisif du développe-
56
ANDRE CABANIS
ment économique, ce que confirmeront a posteriori les historiens du
démarrage industriel, il est prévu qu'il s'occupe du tracé des voies,
des expropriations et des importants travaux de terrassement rendus
nécessaires par les exigences spécifiques au transport ferroviaire.
Ainsi les pouvoirs publics peuvent-ils à la fois aider au développement du réseau en prennant une partie des frais à sa charge et en
orienter la configuration dans une triple perspective de défense du
pays par le développement du réseau du nord-est indispensable en
cas de mobilisation, d'aménagement du territoire avant l'heure par le
souci de relier toutes les villes importantes, enfin et parfois de succès
électoral par des promesses parfois imprudentes de dessertes à la
rentabilité douteuse mais traversant des circonscriptions qui
constituent des enjeux politiques notables ou dont les élus savent user
de leur influence.
Une fois leur travail effectué, les ingénieurs de l'État se retirent et
une entreprise privée vient prendre en charge, dans des conditions
définies de façon contractuelle, la pose des rails, l'installation et
l'entretien du matériel roulant, d'une façon générale tout ce qui
concerne l'exploitation. Au bout de 99 ans, tout doit revenir à l'État,
lui permettant, le cas échéant, de renégocier la concession ou de préférer une gestion en régie. Il y a donc, en l'occurrence, séparation
stricte des responsabilités des acteurs publics et privés, avec une zone
de contact aussi limitée que possible, réduite à la remise de l'emplacement des voies après la fin des travaux de terassement et de
construction des ouvrages d'art. Cela ne suffit d'ailleurs pas à assurer
la rentabilité aux diverses sociétés ferroviaires qui se partagent le
réseau. Les libéraux interprètent cette situation qui nécessite l'intervention financière du budget de l'État, comme la preuve que toute
rencontre si fugitive soit-elle avec ce dernier, a des effets néfastes sur
les entreprises. À l'inverse, les partisans de l'interventionnisme, de
plus en plus nombreux à la fin du XIXe et au XXe siècle y voient la
preuve que la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous de l'initiative privée.
Il s'ensuit un programme de nationalisations qui se conclut en 1937
avec la création d'une structure unique, la S.N.C.F. Là encore les interprétations varient sur une telle mesure, certains soulignant que les
sociétés ferroviaires vivaient depuis longtemps des subventions
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RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE
d'équilibre versées par le contribuable, d'autres faisant valoir que, de
toutes façons la plupart des concessions pour 99 ans allaient progressivement venir à expiration en commençant par les tronçons les
plus utilisés, les plus fréquentés, donc les plus rentables. Quelle que
soit l'interprétation des mesures intervenues entre 1842 et 1937, il est
à remarquer que le système en cours d'installation sous la pression de
la communauté européenne et présenté comme susceptible d'introduire certains éléments de concurrence renoue, sous des modalités
différentes, avec l'idée d'une séparation entre la gestion du réseau
proprement dit selon des techniques centralisées et son exploitation
par des sociétés privées, éventuellement diverses. Ce système a eu, en
outre, l'avantage d'alléger la dette de la S.N.C.F., alourdie par les frais
de construction des nouvelles voies destinées au T.G.V.
- III L'exception française en matière de relations
entre secteurs public et privé
Il n'est pas question de surestimer les spécificités françaises dans
un monde où les évolutions sont de plus en plus internationales, surtout au niveau économique. Du moins peut-on tenter d'esquisser
quelques lignes de forces plus marquées en France qu'ailleurs, ainsi
que quelques directions de recherches particulières. Il vaut d'abord de
noter, de ce point de vue, que, si la France s'inscrit dans un mouvement mondial pour ce qui est des rapports plus ou moins étroits entre
secteur public et secteur privé et de la place plus ou moins prépondérante reconnue à l'un ou l'autre, si les avancées et les reculs alternés
de l'interventionnisme et du libéralisme se constatent de façon à peu
près parallèle dans tous les pays développés, en revanche c'est plutôt
du monde anglo-saxon qu'est venu le modèle libéral économique qui
s'est ensuite imposé en Europe occidentale à la fin du XVIIIe et au
début du XXe siècle, dans le monde entier en cette fin de XXe siècle.
Il faut souligner, dans cette perspective, l'antériorité et l'influence
des auteurs libéraux britanniques au XVIIIe siècle et américains au
XXe siècle. Les auteurs français partisans du libéralisme économique
font ici plutôt figure de disciples. Il suffit de comparer Adam Smith
publiant ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
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ANDRE CABANIS
en 1776 ou Malthus avec son Essai sur le principe de population sorti en
1798 avec Jean-Baptiste Say, auteur de la loi des débouchés, ou
Frédéric Bastiat, meilleur vulgarisateur que théoricien. Il suffit
également de comparer l'École de Chicago avec Hayek et La route de la
servitude ou Friedman et Capitalisme et liberté avec ceux qui ont
popularisé leurs idées en France, ainsi Henri Lepage avec Demain le
capitalisme (1978) ou Guy Sorman et La révolution conservatrice (1983).
La spécificité française peut être recherchée dans un modèle essayant de trouver le bon dosage entre interventionnisme et libéralisme, tentant d'organiser des rapports de collaboration entre secteur
public et secteur privé, sans aller jusqu'à la quasi exclusion de l'un par
l'autre ou réciproquement. Au lendemain de la deuxième guerre
mondiale, la démarche planificatrice indicative a constitué un élément
de cette volonté et de cette expérimentation. Elle a été préparé, sous le
nom de "planisme" par des groupes de réflexion qui se sont développés aussi bien à droite qu'à gauche pendant les années 1930 et
dont les itinéraires différents pendant la guerre n'ont pas affaibli les
thèses. Ainsi certains membres du groupe X-Crise, composé surtout
d'ingénieurs, pour beaucoup polytechniciens, et partisans d'un
dirigisme économique, se retrouvent-ils avec Gérard Bardet comme
inspirateur de certains aspects de la politique du gouvernement de
Vichy. Simultanément, c'est dans le milieu syndical et sous l'impulsion de Léon Jouhaux, secrétaire général de la C.G.T., qu'un groupe
de travail à tendance plutôt socialiste élabore au milieu des années
1930 un projet de plan économique qui s'efforce de promouvoir une
gestion rationalisée de l'économie avec instance de concertation
constituée par un Conseil supérieur de l'économie qui regrouperait
représentants des syndicats, des secteur économiques et des
consommateurs, avec une orientation de l'économie prioritairement
par l'intermédiaire d'un secteur bancaire placé, dans une large
mesure, au service de l'intérêt général.
Ces analyses influenceront les analyses présentées dans le programme de la Résistance et les politiques conduites à la Libération.
Pour autant, le plan initié par Jean Monnet se veut respectueux de
certaines valeurs libérales. Son premier objectif est fort pratique : il
s'agit, en période de pénurie, de répartir au mieux les ressources en
énergie, en matières premières, en matériel et en équipement pour fa-
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RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE
ciliter le redémarrage de l'économie française. À plus long terme, il
entend, sur une base de concertation et de confrontation des projets,
élaborer un outil de prévision qui puisse éclairer et orienter l'action
des secteurs public et privé, voire promouvoir des politiques communes. L'idée d'"ardente obligation" formulée à l'époque gaulliste
vient ajouter un élément plus volontariste à ce qui était à l'origine et
pour ce qui est des grands équilibres, plutôt prévisionnel.
Au cours des années 1960 et 1970, les auteurs et la classe politique
à l'époque au pouvoir, dans le cadre de la majorité gaulliste, s'efforcent de proposer des schémas nouveaux, prenant en compte l'essoufflement perceptible du modèle interventionniste en honneur jusqu'alors mais sans renoncer à ce que le secteur public joue un rôle
prépondérant dans l'économie. De ce point de vue les idées gaullistes
selon lesquelles il appartient à l'État de définir les grands équilibres
doivent s'accommoder d'autres composantes du même mouvement,
prônant la concertation et la participation.
Edgar Faure, originaire du courant radical, met une longue et incontestable expérience politique au service d'une volonté de mise en
question de la "techno-bureaucratie". En 1968, il s'efforce de répondre
aux revendications étudiantes en instituant une organisation
universitaire encore en vigueur de nos jours et qui fait, par rapport
aux structures de gestion des universités ailleurs dans le monde, une
place remarquablement importante à la représentation des étudiants
et du personnel administratif. On est très loin du système traditionnel
des anciennes facultés dirigées par les professeurs les plus anciens.
Avec Edgar Faure, le thème du nouveau contrat social qui donne son
nom à son mouvement renvoie non pas tant aux constructions de
Rousseau pour lequel les individus abandonnent une fois pour toutes
leur liberté originelle au profit d'une volonté générale à laquelle
chacun doit désormais se plier, mais plutôt à un consensus social où
le contrôle parlementaire trouverait sa place pour limiter les excès de
la technocratie.
Jacques Chaban-Delmas, placé à la tête du gouvernement par
Georges Pompidou, insiste pour sa part sur le thème de la "nouvelle
société" qui répond comme en écho à l'ouvrage de Michel Crozier sur
La société bloquée (1970). Le rôle des pouvoirs publics est moins
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ANDRE CABANIS
d'imposer le changement que de l'accompagner, d'éliminer les dysfonctionnements qui peuvent venir de la législation, voire des modes
de fonctionnement de l'administration, de faciliter la transition en
prenant en charge les situations les plus difficiles, les victimes de la
croissance. La généralisation des procédures de concertation est
conduite par un de ses plus proches collaborateurs, par Jacques
Delors, empreint de convictions démocrates-chrétiennes dont on retrouvera des éléments lorsqu'il occupera le poste de ministre des
Finances au sein du gouvernement socialiste mis en place en 1981,
puis à la tête de la commission des Communautés européennes où il
essaie d'imposer des éléments de politiques sociales à une institution
dont ce n'est pas la première préoccupation.
Alain Peyrefitte renoue avec certains auteurs du XIXe siècle, au
premier rang desquels Alexis de Tocqueville, en dénonçant comme Le
mal français (1976), la tradition centralisatrice de notre pays. Le
problème n'est pas seulement l'hypertrophie du secteur public, il est à
l'intérieur même de ce dernier, dans l'organisation des rapports de
pouvoir entre le centre et la périphérie. Le fait que toutes les décisions
doivent remonter au sommet pour être prises dans la capitale
introduit des éléments de lenteur et de méconnaissance des
problèmes locaux auxquels la base répond en multipliant les attitudes
d'irresponsabilité. En fait, c'est là encore, à la gauche qu'il
appartiendra de réaliser ce projet décentralisateur avec les lois prise
sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur, Gaston Deferre, à partir de
1982. Ces transferts de pouvoirs, de responsabilités et de crédits aux
collectivités locales sont même considérés comme le plus important et
le plus durable résultat de l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981.
Une formule essaie de résumer ces dénonciations partielles et dispersées d'une société interventionniste dont on ne sait encore si elle
va basculer vers une place plus importante du secteur public ou vers
un désengagement massif de l'État. Cette formule, celle de "libéralisme avancée" utilisée par Valéry Giscard d'Estaing. Son livre sur La
démocratie française qui a donné son nom à l'une des grandes composantes de la vie politique française est à la fois un plaidoyer pour
son action en cours, un témoignage sur l'état d'esprit optimiste qui
règne alors au sein d'une société qui espère échapper plus ou moins à
la crise et l'appel à une nouvelle répartition des responsabilités, telles
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RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE
qu'il appartiendrait aux pouvoirs publics d'accompagner et
d'accélérer les inévitables mutations qui sont "la loi de l'époque". De
tous ces points de vue, l'avenir ne va pas confirmer ses analyses. Il
appartiendra à la gauche d'en gérer les contradictions. Ce n'est pas le
moindre paradoxe de l'époque actuelle que de constater qu'il y a là
une situation qui n'est pas spécifiquement française : au contraire,
c'est à une Europe dominée par les majorités socialistes dans la
plupart des grands parlements nationaux qu'il appartient de mettre
en oeuvre une politique concertée très empreinte de libéralisme.
Dans son Rapport 1999, le Conseil d'État esquisse une description
de l'évolution de la notion d'intérêt général qui demeure au centre de
l'action du secteur public. Il souligne qu'il s'agit d'un terme d'utilisation habituelle à partir du XVIIIe siècle, en remplacement de celui de
"bien commun". Les libéraux y voient le résultat du libre jeu des
intérêts privés ce qui limite la responsabilité de l'État à la protection
des libertés publiques. À la suite de Rousseau, une autre conception
recherche l'intérêt général dans un dépassement des intérêts
particuliers, défini par la loi expression de la volonté générale.
Actuellement la notion traditionnelle d'intérêt général serait mise en
cause par une décentralisation qui aboutirait à le définir différemment selon les niveaux territoriaux considérés. La contractualisation mais aussi la démocratie participative s'efforceraient de compenser les faiblesses de la démocratie représentative. La construction
européenne ferait une place à l'intérêt général par le biais du concept
de "service universel" qui menace le "service public à la française".
DEUXIEME PARTIE
RAPPORTS ENTRE ENTREPRISES D'ÉTAT
ET ENTREPRISES PRIVEES
Chapitre 1
L'ÉCONOMIE PRIVÉE AU VlET NAM
DANS LE CONTEXTE DE LA POLITIQUE DE RÉNOVATION
docteur Hoang Kim Giao,
professeur associé
Il n'est pas simple de tenter une évaluation exacte de l'économie
d'État, de cette forme d'économie que le Viet Nam a adopté il y a
quelques cinquante ans et dont il s'est accommodé. Il est encore plus
difficile d'essayer de mesurer les caractéristiques réelles du secteur
privé, évaluation qui se heurte à des obstacles que l'on s'efforce de
dépasser en envisageant une réconciliation des deux systèmes.
L'économie privée n'est reconnue et admise que depuis dix ans. Elle
est en voie de développement et de mutation. C'est une réalité économique déjà acceptée, mais en mutation constante et qui reste très
changeante. En poussant la métaphore un peu loin, on peut la comparer à un corps en état de puberté et dont les caractères ne sont pas encore stabilisés.
Cacher ses biens et ne pas révéler ses revenus constituent l'une des
spécificités psychologiques de la population mais aussi l'un des obstacles les plus difficiles à surmonter par le gouvernement lorsqu'il
veut connaître avec précision la situation de l'économie privée. Il faut
y voir la conséquence d'une méfiance ancienne à l'égard des précédentes réformes économiques et, par contrecoup, vis-à-vis de la politique économique actuelle. Les capitaux dont disposent les individus
dans l'ensemble du pays demeurent un secret. Il en résulte une incapacité à exploiter convenablement les ressources nationales.
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HOANG KIM GIAO
L'ignorance du potentiel économique national est évidemment
anti-économique.
Il existe des formes d'investissements privés très variées et riches,
astucieuses et libres, camouflées sous des appellations diverses :
compagnie, industrie, fabrique, groupe, centre, magasin, salon etc.,
avec un fort décalage entre les déclarations déposées auprès des
administrations et la réalité des structures. Le nombre des investisseurs privés, leurs capitaux, leurs revenus sont incontrôlables, surtout dans le secteur du commerce et des services et malgré un effort
incessant des bureaux de statistiques et des impôts qui, en fait, ne parviennent qu'à des chiffres approximatifs. C'est au prix d'une prise en
compte de tous ces problèmes que l'on peut tenter d'esquisser une
image de la situation actuelle de l'économie privée.
-ICaractéristiques de l'économie privée
A - Place de l'économie privée dans un système économique à plusieurs composantes
Dans des pays relevant d'idéologies diverses, se retrouve la même
forme de système économique réunissant plusieurs composantes, en
général au nombre de deux : économie d'État et économie privée avec
un critère de différenciation fondé sur le droit de propriété. Entre ces
deux composantes, il peut exister des formes économiques intermédiaires avec des types de propriétés divers. L'économie d'État et
l'économie privée sont complémentaires. Le problème de l'État est
d'organiser l'ensemble de telle façon que chaque activité occupe sa
place, dans une proportion raisonnable par rapport à l'ensemble et
avec une structure convenable.
On soutient volontiers que l’économie d'État doit se voir reconnaître un rôle directeur. Pour apprécier la véracité d'une telle affirmation, il faut se demander ce que serait l’économie en dehors de l’État et quelle est sa place tant dans l’économie nationale que dans la vie
quotidienne. Dans certains cas, l’économie fonctionnant en dehors de
l’État s’oppose à l’économie d’État. L'économie dite "à plusieurs
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ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
composantes" intègre les éléments suivants : à côté de l'économie
d'État qui appartient aux pouvoirs publics et de l'économie privée ou
individuelle qui est gérée par des particuliers, il peut exister une
économie fondée sur des investissements "ralliés" : c'est l'économie où
se trouvent regroupés des droits de propriété et des composantes
économiques venant des opérateurs nationaux et étrangers. Les nouvelles formes de coopérative font partie de cette sorte d'économie.
B - Conditions d'un retour à la confiance en matière économique
Pour instaurer la confiance, l'État doit lui-même avoir confiance
dans la population. Existe-il vraiment jusqu'à présent une confiance
de l'État envers le peuple ? Il faudrait en faire la démonstration. Le
peuple ne compte pas sur l'économie d'État pour faire progresser le
pays. Le peuple n'est convaincu ni de la compétence de l'État en matière de gestion économique au moment où s'installe une économie du
marché, ni de l'efficacité de sa politique à long terme en faveur du
développement de l'économie privée. La réforme économique a produit des effets non souhaités sur une population marquée par un profond complexe de culpabilité chez les riches, donc par la crainte d'être
considérés comme trop à l'aise, sentiment perceptible depuis quelques
dizaines d'années. C'est ce qui explique que les pouvoirs publics, tant
au niveau central que local, soient très en peine d'évaluer le potentiel
économique national.
Paradoxalement, il faut développer des action de sensibilisation et
d'information pour encourager les gens à s'enrichir, à accepter les
contraintes de la concurrence dans le secteur commercial, dans une
perspective non seulement de survie mais également d'enrichissement. Pour ressusciter au sein de la population cette volonté d'enrichissement, l'État doit intensifier les mesures pour conseiller et
convaincre les particuliers disposant de capitaux de placer leur argent
dans des activités productives. Il lui appartient également de lutter
contre les violations de la loi et de punir les pratiques illégales. Il faut
déplorer les erreurs commises actuellement dans le cadre de
l'économie privée. Cette situation n'est pas seulement imputable à la
faute des investisseurs : elle résulte aussi du manque de lois et de
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HOANG KIM GIAO
règlements nécessaires pour une bonne organisation capable de réunir
les composantes économiques.
C - Patronat et économie privée
Les patrons des entreprises privées doivent remplir les conditions
posées par les lois en vigueur. Ils sont tenus de respecter ces
dernières. C'est en fonction de leurs activités actuelles dans le
domaine économique ainsi que politique ou social qu'ils seront
évalués. Peu importe ce qu'a pu être leur action ancienne. Il faut
laisser dormir le passé. À ce jour, la politique n'insiste que sur le
présent et l'avenir de chaque individu.
De fait, parmi les actuels patrons d'entreprises privées, rares sont
ceux qui possèdent une vraie compétence dans le domaine
économique. S'il est vrai que certains sont instruits et expérimentés, il
en est beaucoup qui se jettent dans les activités commerciales sans les
avoir jamais pratiquées, par opportunisme. Dans ces conditions,
nombre d'entre eux paraissent voués à faire faillite ou à violer les
prescriptions légales. Il faudrait donc arrêter des critères de choix
avant d'autoriser les individus à créer une entreprise. Ils doivent être
reconnus compétents et expérimentés dans le secteur commercial et
en particulier dans la spécialité qu'ils entendent exercer.
D - Place de l'économie privée dans une stratégie économique globale
En dehors de la détermination du rôle de l'État ou de la place de
l'économie privée, les pouvoirs publics n'ont pas encore défini une
vraie doctrine en matière de développement économique. Cependant,
au sein de la population, il existe déjà une stratégie propre à favoriser
sa prospérité. Cette stratégie que l'on peut qualifier de "populaire", de
"conventionnelle" et fondée sur le "bouche à oreille", se développe
rapidement et imprègne la vie quotidienne des individus. Elle est
caractérisée par les principes suivants : individualisme dans
l'investissement, préférence pour des placements limités et une immobilisation courte, modes de gestion fondés sur la confiance en priorité, sur l'argent ensuite.
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69
ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
Ce système est logique par le lien établi entre investissement, développement et gestion. Il est à la fois empirique et quasi philosophique. Il est bien adapté au développement économique du pays et
convient à la politique de l'État. Pour une plus forte croissance du
produit national, il faut bien évaluer les stratégies de l'économie
privée et ses caractéristiques notamment sociales d'autant qu'elle occupe une place de plus en plus importante dans le pays. Ce dernier a
déjà connu une période de "gestion économique à plusieurs composantes", entre 1945 et 1954, pendant la guerre contre les colonialistes
français accompagnée d'un souci de rénovation de l'organisation économique nationale. Actuellement, on revient à un système de gestion
économique à plusieurs composantes. Si l'histoire ne se répète pas, du
moins peut-on en tirer quelques expériences.
- II Avenir de l'économie privée
A - Les quatre objectifs
Le nouveau système poursuit quatre objectifs : mobiliser le capital
national, résoudre le problème du chômage, élever les revenus de la
population, développer le budget national. En fait, si l'on prétend
atteindre ces quatre objectifs simultanément, l'on risque de n'en atteindre aucun ou de faire très peu de progrès sur chaque aspect dans
la mesure où les efforts déployés pour atteindre l'un d'entre eux peut
mettre en cause l'équilibre général du système et menacer les trois
autres. Ainsi, l'augmentation du budget national passe par l'alourdissement des impôts ce qui risque de dissuader les investisseurs et
d'inciter à la fraude fiscale.
C'est pourquoi, il faut parfois sacrifier certains de ces quatre objectifs pour se concentrer sur un ou deux d'entre eux et être sûr de les
atteindre. Il faut étudier avec soin la situation économique de chaque
région, de chaque période, de chaque secteur, de chaque profession...
pour déterminer avec précision et exactitude les objectifs à privilégier
dans chaque cas. Par exemple, il est évident que, dans tout le pays,
s'imposent deux objectifs principaux consistant à mobiliser le capital
70
HOANG KIM GIAO
national et à résoudre le problème du chômage. Reste entière la
question de déterminer, s'il faut en privilégier un, lequel sacrifier.
Longtemps, il n'y eut aucune réponse à une telle interrogation.
Maintenant, l'on admet que la solution doit se fonder sur l'étude des
caractéristiques propres à chaque période, à chaque région et à
chaque profession.
Ainsi, dans le secteur de la production, l'objectif de base est à
chercher dans la mobilisation du capital national et dans la création
d'emplois. Dans cette perspective, le paiement des impôts apparaît
souhaitable mais secondaire. Dans le commerce et les services privés
où il est au contraire, moins indispensable de mobiliser les capitaux
privés et plus difficile de susciter des emplois de salariés, il est plus
aisée d'imposer le respect d'une législation fiscale rigoureuse.
Actuellement, les investissements privés se répartissent à raison de
70 % dans le commerce et les services contre 30 % seulement dans les
activités productives. On ne peut se satisfaire d'une telle situation.
Seule une politique fiscale adaptée peut contribuer à régler ce
déséquilibre. C'est surtout dans la domaine de la production agricole
que l’investissement d'origine privée apparaît tout à fait insuffisant,
alors qu'il y a là une des conditions de base pour la modernisation de
ce secteur décisif. Le système fiscal n'est pas suffisamment incitatif.
Si la majeure partie des investissements privés s'oriente vers le
commerce et les services c'est parce que, dans ce domaine, "le montant
des intérêts est élevé pour un capital minime et le retour sur investissement rapide". Il faut accepter ce constat. Le commerce privé représente 90 % du système de distribution des marchandises au détail, ce
qui rend les achats des consommateurs plus faciles. Le marché noir et
la fraude fiscale constituent un phénomène général dans l'ensemble
du commerce comme dans la production, qu'elles soient ou non sous
la responsabilité de l'État. Seul le niveau d'irrégularité et de fraude
sont différents.
Actuellement, les commerçants ne participent pas réellement à
l'effort d'accroissement de la production de marchandises. Les autorités ne savent pas comment adosser le développement des activités
productives aux progrès de la distribution. Il faudrait pourtant réorienter vers ces activités les capitaux gagnés dans le commerce. Ce
71
71
ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
sera difficile aussi longtemps que le commerce rapportera des bénéfices plus importants que la production. C'est bien pour cette raison
que ceux qui ont l'habitude d'investir dans la production ne se cantonnent pas à ce domaine mais s'occupent aussi de la distribution de
leurs produits, voire du trafic des matériels pour la production.
Qu'apporte donc le développement du commerce privé au développement de l'économie à plusieurs composantes ? La réponse n'est
pas simple. Le commerce privé satisfait deux des quatre objectifs
poursuivis par les pouvoirs publics : il apporte une contribution importante au budget national, il verse des revenus élevés au travail et
des intérêts substantiels au capital investi. Faut-il donc renoncer aux
objectifs "mobilisation du capital national" et "solution au problème
du chômage" pour atteindre les objectifs d'augmentation du "budget
national" et des "revenu des travailleurs" ?
B - Les trois formes d'économie
En dehors de celle qui relève de l’État, on peut distinguer trois
formes d'économie : collective, individuelle et privée.
1 - L'économie collective
Cette forme économique est, peut-être un peu vite, assimilée à
l'économie coopérative. En fait, il s'agit d'un type d'organisation de la
production ou du commerce en fort déclin et, donc, en évolution rapide vers l'économie individuelle ou purement privée. Cette mutation
s'explique par l'impression d'inefficacité que donnent les coopératives
et par leur médiocre adéquation à la psychologie des travailleurs
vietnamiens. Le nombre des coopératives et de leurs membres
diminue spectaculairement chaque année, dans toutes les régions du
pays.
En 1987, il existe 33 000 coopératives rassemblant 1,22 millions de
travailleurs. En 1990, il ne reste plus que 13 000 coopératives avec
450 000 travailleurs et en 1991, 9 600 coopératives avec 337 000 travailleurs. Ainsi, de 1987 à 1991, cette forme d'économie a connu une
baisse de 70 % de ses établissements et de 72 % de ses travailleurs. Et
72
HOANG KIM GIAO
la situation continue de se détériorer. La solution la plus répandue
consiste à transformer les coopératives en structures individuelles.
Parfois, c'est la mutation en entreprise privée qui est privilégiée mais
il ne s'agit pas là d'une solution très fréquente même si elle semble
avoir démontré son efficacité. Une troisième possibilité consiste à
choisir d'évoluer en coopérative par actions, ce qui est loin de
résoudre tous les problèmes et, le plus souvent, dure peu.
Les deux premières solutions témoignent d'une volonté d'adaptation à la vie économique et à la psychologie tant des travailleurs que
des investisseurs. Le mouvement est particulièrement marqué dans
l'agriculture. Il permet aux agriculteurs, à partir d'une juste évaluation de leurs besoins en matière d'équipements, de mettre en place
des structures de production efficaces qui pourront ensuite se grouper
de nouveau au sein de coopératives rénovées, sur la base du
volontariat, pour des objectifs limités et en fonction de la contribution
de chacun sous forme de capital ou de travail. Cette évolution
concerne aussi les métiers traditionnels, dans les villages. Il serait vain
de s'y opposer. Elle ne se fait d'ailleurs pas sans hésitation, ni recul,
comme une illustration de la formule populaire : "deux pas en avant,
un en arrière".
2 - L'économie privée
Il s'agit d'une forme d'entreprises aux statuts variés, adaptés et
librement choisis, créées sous des dénominations diverses qui oscillent entre "compagnie", "fabrique", "centre", "groupe", "société"...
L'apogée de cette formule remonte à la fin de 1988 et dure jusqu'en
1990, période qui voit la création de cinq cents compagnies et sociétés
privées, surtout à Ho Chi Minh-Ville avec 235 établissements dotés
d'un capital de plus de cent millions de dongs chacun. À Hanoi, le
mouvement est plus modeste avec soixante-dix-sept établissements
dotés de 33 millions de dongs en moyenne. Après la faillite d'un certain nombre d'établissements de crédit privés en 1990, le nombre de
ces compagnies et sociétés diminue. À Ho Chi Minh-Ville, il n'en reste
que cent soixante-dix dont 30 % seulement fonctionnent dans de
bonnes conditions. À l'inverse, 30 % sont en mauvaise santé ou subsistent dans l'illégalité. En 1991, avec la promulgation d'une loi sur les
73
73
ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
investissements privés qui prescrit aux structures privées dans ce secteur de souscrire une nouvelle déclaration, nombre d'investisseurs hésitent à renouveler cette formalité sans que l'on connaisse avec précision les causes de leurs réticences.
En février 1992, presque un an après la promulgation de la loi, le
pays compte deux cent vingt investisseurs privés déclarés, représentant un montant total de capitaux de 127,6 milliards de dongs. À Ho
Chi Minh-Ville, les cinquante-sept investisseurs ayant renouvelé leur
déclaration sur les cent soixante-dix anciens disposent d'un capital
moyen situé entre 1,5 et 2 milliards de dongs. À Hanoi, les
vingt-quatre redéclarés sur soixante-dix-sept annoncent un montant
de capital représentant entre 500 et 800 millions de dongs. À Hai
Phong, quarante-deux redéclarés totalisent 16,5 milliards de dongs,
soit une moyenne de 400 millions pour chaque investisseur. À Hau
Giang, soixante-trois redéclarés atteignent 6,7 milliards de dongs, soit
100 millions en moyenne pour chaque investisseur. À Quang Nam-Da
Nang, cent quatre redéclarés rassemblent 9,5 milliards de dongs. La
plupart sont des investisseurs privés, il n'y a que six sociétés à responsabilité limitée. À Quang Ngai, sur quinze investisseurs représentant trois milliards de dongs, il n'y a, selon des statistiques d'octobre 1992, que deux compagnies à responsabilité limitée.
En juillet 1992, plus d'un an après la promulgation de cette loi, il
n'y a encore, dans tout le pays, que 785 compagnies et sociétés déclarées pour une masse de capitaux de 424 milliards de dongs. Sur ce total, les entreprises privées représentent 57 % (avec 447 entreprises), les
sociétés à responsabilité limitée 41 % (avec 318 compagnies) et les
sociétés par actions seulement 2 % (soit 21 sociétés) alors que l'apport
de fonds extérieurs constitue la forme désirée.
En août 1992, dans tout le pays, l'on compte 1 292 opérations d'investissement représentant seulement 700 milliards de dongs de capitaux. Fin 1992, les organismes économiques ont enregistré 2 796
opérations réalisées par des investisseurs privés, par les 119 sociétés à
responsabilité limitée et les 74 sociétés anonymes. Les villes où ces enregistrements sont les plus nombreux sont Ho Chi Minh-Ville avec
891 enregistrements, Manoi avec 460, Quang Nam Da Nang avec 398,
Dong Nai avec 394, Song Be avec 294, Khanh Hoa avec 236 et Minh
74
HOANG KIM GIAO
Hai avec 230. Depuis 1993, le développement de l'économie privée
paraît plus stable.
Formes
d'investissements
Entreprises
privées
SARL
Sociétés
anonymes
1993
1994
1995
8 418
71 %
13 532
72 %
20 000
71 %
3 217
28 %
5 034
27 %
8 300
28 %
103
1%
131
1%
180
1%
Total des
investis-sements
11 738
18 697
28 480
Total du
capital (en
milliards)
3 979
6 311
12 100
Par rapport à 1993, le nombre des opérations d'investissement a
connu une augmentation de 159 % en 1994 et de 242 % en 1996. En
même temps que le nombre d'opérations, le capital investi augmente
de 158 % et de 304 %. Ces chiffres montrent que l'augmentation des
masses de capitaux investis est plus rapide que celle des opérations
elles-mêmes, encore que la différence ne soit pas encore très importante : 304 % par rapport à 242 %.
Le nombre des entreprises individuelles augmente progressivement : 70 % contre 57 % en 1992. En contrepartie, la proportion des sociétés à responsabilité limitée est tombée à 28 %, par rapport à 41 % en
1992. Quant aux sociétés anonymes, elles stagnent à 2 %, pour également 2 % en 1992. Ces chiffres montrent que les structures privées
continuent de préférer la forme "uni-patronale" à la forme de
"multi-patronale" adaptée aux grandes sociétés. Les sociétés anonymes n'occupent que 2 % et les S.A.R.L. que 28 %, avec des pourcentages plus élevés dans les grandes villes telles que Hochiminh ville,
75
75
ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
Hanoi et Hai Phong. Et en réalité, ces sociétés sont encore moins nombreuses que les chiffres officiels ne le laisseraient croire dans la mesure où certains investisseurs n'hésitent pas à déposer deux ou trois
déclarations pour des sociétés différentes afin de répartir les risques et
d'éviter une faillite totale en cas d'échec.
Les statistiques sur les investissements aboutissent à des résultats
apparemment comparables : les grandes villes comptent un certain
nombre de sociétés anonymes et de S.A.R.L., alors que les petites
villes n'abritent guère que des sociétés individuelles. Cette situation
apparente est la conséquence d'erreurs dans certaines dispositions de
la loi sur les investissements et de celle sur les sociétés. Elle résulte
aussi de dysfonctionnements dans l'organisation des enregistrements
au niveau local et d'un respect limité de la réglementation de la part
des investisseurs.
L'économie privée fonctionne donc difficilement et lentement. Fin
1996, les capitaux mobilisés en provenance de l'ensemble de la population n'atteignent que 12 100 milliards de dongs. Les capitaux mobilisés par personne se situent entre 100 et 300 millions de dongs en
moyenne. Celui d'une S.A.R.L. s'élève entre 400 et 700 millions et celui
d'une société anonyme entre 1 000 et 2 000 millions de dongs. Le
nombre des travailleurs employés dans cette forme d'économie privée
est de l'ordre de deux millions.
Les deux objectifs consistant à mobiliser le capital national et à
résoudre le problème du chômage n'ont donc pas été pleinement atteints. Pourtant, les entreprises et les sociétés privées doivent impérativement se développer durant la période d'ouverture pour favoriser les transactions commerciales avec les pays étrangers. Leur croissance n'est pas encore suffisante, même après la période de redéclaration ouverte par la loi.
3 - L'économie individuelle
Un phénomène surprenant tient à l'apparition -sous des noms divers- d'entreprises dont les activités s'appuient sur des dizaine de
milliers de familles. C'est sur elles que repose l'économie dite "individuelle". Chaque unité de commerce ou de production compte de
76
HOANG KIM GIAO
trois à cinq travailleurs, avec un capital de quinze à vingt millions de
dongs. Cette économie individuelle se développe discrètement et
régulièrement : 360 000 familles en 1990, environ 500 000 en 1991
après la loi sur les investissements et celle sur les sociétés, plus de
700 000 à la fin de 1992. Actuellement, selon le Bureau central des
impôts, il n'existe pas moins d'un million de familles de ce type.
Cette forme d'économie résout plus efficacement que les entreprises et les sociétés privées les problèmes de mobilisation du capital
et de chômage. En moyenne, la masse des capitaux et le nombre de
travailleurs par famille sont inférieurs à ceux d'une entreprise privée.
Mais, globalement, cette forme d'économie joue un rôle plus important que celui les entreprises privées. Elle mobilise une masse de
capitaux 2 à 2,5 fois plus importante que celle des entreprises et fait
travailler 3,5 à 4 fois plus de personnes. L'économie individuelle est
souvent liée au monde rural et à ces métiers traditionnellement pratiqués à la campagne qui avaient tendance à tomber en désuétude.
Cette forme d'activité se développe très bien et silencieusement. Elle
ressuscite les anciens métiers plus ou moins oubliés. Dans tout le
pays, il y a trois cents villages artisanaux traditionnels qui attirent des
travailleurs de la campagne et qui produisent des marchandises ayant
une grande réputation tant dans le pays qu'à l'étranger.
L'appel à l'économie individuelle relève d'une "stratégie de circonstance". Elle permet de fournir rapidement du travail aux chômeurs et d'améliorer le niveau de vie des catégories démunies. Elle
présente l'inconvénient d'être fondée sur des structures de petite envergure et sur des technologies arriérées. Elle ne constitue pas véritablement un moyen d'enrichir ceux qui s'y livrent et ne peut donner
naissance à de grandes entreprises. Elle ne joue donc qu'un rôle très
limité dans le progrès économique du pays. Il lui est difficile à s'intégrer à l'économie d'ouverture, dans la mesure où elle n'a pas encore
la capacité commerciale de s'imposer sur les marchés internationaux
sauf à bénéficier d'un soutien de l'État.
En définitive, la mise en place de nouvelles formes d'entreprises
privées se fait selon un mouvement marqué par la complexité et l'instabilité. Il faut des modes de sélection pour retenir les meilleurs. Il
faut remplacer les sociétés anonymes et les S.A.R.L. par des sociétés
77
77
ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
au statut unifié et adapté à la variété des situations actuelles. Si l'on
considère que le premier objectif de la politique de développement
d'une économie à plusieurs composantes consiste à mobiliser le
capital national, il faut reconnaître que les résultats demeurent encore
modestes. Le pays se trouve en face d'un grand défi.
Le capital investi par la population au cours des dix dernières années ne représente qu’environ 12 000 milliards de dongs, soit 25 % du
budget annuel de l'État, soit 1,5 fois l'argent que les ménages déposent
auprès des caisses de crédit. Il faut constater pour le déplorer que,
d'après les estimations, les sommes liées à des opérations de corruption atteignent à peu près le même chiffre que l'effort financier de
tout un peuple en faveur de son économie.
Il reste à surmonter trois problèmes. Il faut d'abord reconnaître
que la politique de l'État n'inspire pas suffisamment confiance au
peuple et ne le rassure pas sur les conditions de développement de
l'économie privée. En deuxième lieu, il convient de souligner que les
investisseurs nationaux n'ont pas une connaissance suffisante des
processus d'investissement dans le cadre d'une économie de marché
et qu'ils ne possèdent qu'un niveau technologique très bas. Il faut
enfin constater les insuffisances du tissu économique, des
dynamismes locaux, des informations économiques nationales et
internationales, de la stabilité du marché, de l'efficacité et de la
sévérité de la loi.
Une politique fiscale adaptée peut contribuer à résoudre certains
problèmes. Elle passe d'une part par le remplacement du vieil impôt
sur les recettes par la T.V.A., d'autre part par un abaissement des taux
susceptibles de déboucher à terme sur un accroissement des recettes
globales. La diminution des taux accroît la confiance de la population,
tant d'un point de vue psychologique que juridique. Il est révélateur
que, dans les pays pratiquant l'économie de marché, où les entreprises
privées représentent entre 70 et 80 % de l'économie nationale,
l'évasion fiscale ne soit pas aussi importante que dans notre pays.
Un défaut supplémentaire de notre politique fiscale tient à ce que
le poids de l'impôt augmente en fonction de l'augmentation des
sommes investies. Il y a là un mode de calcul dissuasif pour ceux qui
sont prêts à mobiliser leurs disponibilités financières pour rendre leur
78
HOANG KIM GIAO
entreprise plus importante et participer à l'effort national de
développement économique. Dans la mesure où l'on souhaite ne pas
perdre de vue le double objectif de mobilisation du capital national et
de solution au problème de l'emploi, il serait beaucoup plus efficace
de prévoir un allégement au moins temporaire de la pression fiscale
en cas de nouvel investissement ou d'embauche supplémentaire.
Il appartient aux pouvoirs publics de soutenir l'économie privée
lorsque ses activités contribuent au développement de l'économie nationale. Le fait que les taux d'intérêt demeurent très élevés, entre 10 et
20 %, ne contribue pas à une plus grande crédibilité du programme
gouvernemental de développement économique aux yeux de la population. Il conviendrait de prendre des mesures tendant à encourager le
dynamisme et à assurer la sécurité des investissements. C'est à ce prix
que pourront se révéler toutes les potentialités économiques de la
population.
C - Motivations des investisseurs dans l'économie privée
Lorsque les particuliers décident d'investir, c'est avec des motivations diverses liées à plusieurs modes de gestion de leurs capitaux.
Ils passent par des phases d'apprentissage, d'exploration et d'expérimentation à l'égard des nouvelles institutions financières mises à
leur disposition. Il est donc inévitable que le montant des sommes
placées passe par des hauts et des bas, liés à l'évolution de la vie des
affaires. De ce point de vue, il convient de chercher à déterminer les
raisonnements et les critères de choix qui expliquent que tel ou tel
type de placement ait été privilégié à tel moment et qui éclairent sur
les motivations de la clientèle nationale et étrangère.
Jusqu'à présent, les gros commerçants en activité avant les événements survenus entre 1945 et 1975 ainsi que leurs descendants
n'investissent pas dans le secteur commercial, à l'exception de ceux
qui étaient partis à l'étranger et qui y voient un moyen de se
réimplanter. Cette abstention est surprenante dans la mesure où il
s'agit de personnes qui disposent encore d'une compétence, d'une
expérience et d'une connaissance du monde des affaires qui devraient
leur faciliter les contacts pour lier des relations au niveau
79
79
ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
international et se trouver des clients et des fournisseurs. En fait, ils
semblent attendre un moment plus favorable, lorsqu'auront disparu
les facteurs de risques qui pourraient se produire dans un milieu
économique instable et où subsistent nombre d'obstacles, avec un
appareil législatif qui n'assure pas encore une réelle sécurité. Lorsqu'il
aura été répondu à ces interrogations, ces agents économiques
potentiels dans le domaine du commerce de gros et de détail pourront
se révéler, pour le développement de l'économie nationale, une
ressource importante à exploiter.
Actuellement, la majorité des investisseurs dont la plupart sont
propriétaires des capitaux qu'ils placent, n'a pas de projet à long
terme. Ils lancent des affaires au coup par coup. Lorsqu'ils font faillite, ils encourent souvent des sanctions dans la mesure où apparaissent alors des irrégularités dans leur gestion. On peut dire que les investisseurs expérimentés et compétents ne représentent que 10 % du
total. Ce sont eux qui apportent la contribution la plus durable au
développement économique du pays. À noter que figurent également
parmi les nouveaux opérateurs, des individus ayant encourus des
condamnations pénales pour des raisons diverses et dont certains
voient dans le lancement d'une activité commerciale un moyen de se
réhabiliter en se rendant utiles au pays.
D - Domaines de prédilection de l'économie privée
Une première considération à prendre en compte en matière
d'orientation des investissements tient à la masse des marchandises
étrangères introduites clandestinement dans le pays. Il convient donc
de s'abstenir absolument de s'engager dans des fabrications qui pourraient se trouver par la suite concurrencées par des produits homologues en provenance de l'étranger tant il est vrai que, depuis
quelques années, nombre d'entreprises locales, surtout dans le secteur
des articles ménagers, sont confrontées à l'invasion des marchandises
étrangères.
En revanche, les investisseurs ont à juste titre tendance à se positionner sur des marchés porteurs tant au plan régional que national et
où ils savent pouvoir se montrer concurrentiels du point de vue de la
80
HOANG KIM GIAO
qualité et des prix. Il en va ainsi dans le secteur des matériaux de
construction et de la construction en général, en très forte croissance
depuis quelques années et où les opérateurs étrangers n'occupent
qu'une place modeste. Ce constat explique que 20 % des investissements se fassent dans ce domaine.
Autre activité intéressante : le conditionnement des produits
agricoles où la concurrence étrangère ne joue guère non plus. Les
entreprises affluent sur ce créneau, attirées par la perspective
d'obtenir un retour sur investissement en monnaies étrangères. Il
s'agit de conditionner, pour des ventes au détail, des fruits de mer, du
poivre, du café, de la cannelle ou de l'anis. Ces produits sont ensuite
vendus à des intermédiaires privés qui se font une concurrence féroce
tant au niveau des achats que des ventes, ce qui se traduit
malheureusement par une baisse des prix à l'étranger. En tous cas, ce
secteur mobilise également 20 % des investissements.
La production de céramiques de qualité est également source de
bénéfices non négligeables. Elle s'oriente soit vers la reproduction de
modèles anciens, soit vers des créations contemporaines. Les prix très
bas pratiqués par notre pays lui permettent d'attirer un certain
nombre d'amateurs occidentaux. Ce sont 5 % des investissements qui
s'orientent vers cette activité.
Pour ce qui est des marchandises destinées à un usage quotidien, il
existe un nombre considérable de centres de production de toutes
tailles, situés surtout dans le sud. Ce sont essentiellement des marchandises en provenance du sud que l'on trouve actuellement sur les
marchés du nord. Paradoxalement, les produits de ce type fabriqués
dans le nord ne se vendent pas sur place mais dans les régions de
montagnes ou à la campagne. De toutes façons et compte tenu de
l'importance des besoins, les perspectives d'augmentation de la
demande à l'égard de ces produits paraissent pour le moment
illimitées. Finalement, c'est la qualité et le prix qui décident des
ventes. Ce secteur représente 20 % des investissements.
Depuis cinq ou six ans, une nouvelle activité se fait jour. Elle
consiste en la confection de vêtements adaptés aux besoins des marchés occidentaux. En pratique, les ateliers du pays louent leur savoir
faire aux investisseurs étrangers en fabriquant les produits comman-
81
81
ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
dés avec des matériaux importés et selon les modèles imposés par les
clients. Dans tout le pays, se multiplient les fabriques, les entreprises,
voire simplement les familles qui travaillent dans ce cadre. Il y a là
une activité prospère qui fournit des emplois mais à laquelle manque
un encadrement syndical. La surenchère à laquelle se livrent les
fabricants nationaux aboutit, là aussi, à une baisse des prix préjudiciable à tous. Cette activité attire environ 10 % des investissements.
La stratégie de production à laquelle se rallient actuellement
nombre d'entreprises privées consiste à multiplier les types d'articles
proposés tout en préservant un principe de "synchronisme dans la
fabrication" avec des lignes de produits coordonnées. Par delà la
diversification des marchandises offertes à la vente, demeurent cependant quelques produits de base qui constituent le fond des ventes
et donnent leur image à l'ensemble.
E - Concurrence avec les marchandises étrangères
Les marchandises locales qui peuvent, avec quelques chances de
succès, entrer en concurrence avec les marchandises étrangères sont
peu nombreuses. Il est loisible aux particuliers de déposer des demandes en vue de bénéficier d'un droit d'exportation directe. Une
telle possibilité est prévue par la réglementation. En fait, peu d'investisseurs s'y aventurent dans la mesure où les produits locaux ont
de la peine à s'imposer sur les marchés internationaux par un manque
de confiance de la part de la clientèle étrangère. Cela s'explique par
une insuffisante fiabilité des marchandises du point de vue de leur
qualité, par la faible marge de maneuvre des investisseurs et par une
image encore trop peu favorable des produits vietnamiens hors des
frontières.
Si l'on veut aller au fond des choses, il faut reconnaître que l'une
des principales lacunes qui expliquent l'impossibilité d'affronter
victorieusement les concurrents étrangers tient à l'incapacité de faire
appel à des technologies modernes dans les activités de production.
S'y ajoute un déficit de communication avec le monde extérieur. Les
opérateurs vietnamiens manquent des informations les plus nécessaires sur les flux d'échanges au niveau mondial et sur les techniques
82
HOANG KIM GIAO
juridiques en matière de transactions internationales. À la limite, la
fierté nationale et la conviction que la marchandise que l'on offre ne
peut qu'être la meilleure constituent un obstacle à l'exportation en
compromettant d'utiles adaptations aux goûts de la clientèle.
F - Recherche de la clientèle et des informations technologiques
Les pouvoirs publics n'ont guère pris d'initiatives pour venir en
aide sur ce point aux opérateurs privés au point de donner l'impression que leur principale préoccupation consiste à consolider l'économie d'État, quitte à abandonner le secteur non étatique à ses propres
forces. Il est révélateur que, dans les délégations étrangères reçues au
Viet Nam figurent une forte proportion de chefs d'entreprises venus
étudier les potentialités du marché local. En revanche, dans les délégations diplomatiques vietnamiennes à l'étranger, les commerçants
et les industriels sont peu nombreux. Il est vrai aussi que notre pays
manque de sociétés privées à capitaux nationaux de grande taille capables de discuter d'égal à égal avec des partenaires étrangers.
Dans ces conditions, la recherche d'une clientèle nouvelle hors des
frontières comme la quête d'informations technologiques transposables à l'intérieur du pays demeurent l'affaire d'initiatives individuelles. Chacun se débrouille en fonction de ses contacts personnels
à l'étranger ou en s'appuyant sur des experts internationaux, spécialisés dans la coopération avec le Viet Nam, organisateurs de foires et
d'expositions à l'étranger.
G - Développement illégal de l'économie privée
Si les responsables politiques laissent les initiatives se développer
sans aucun encadrement, l'on peut craindre l'apparition de déséquilibres importants. Il faut promouvoir une politique économique à
la fois assez générale pour concerner tout le pays et assez souple pour
permettre la survie, voire le développement des spécificités régionales. Ce souci d'adaptation peut passer par la faculté de compléter la
législation nationale par des règlements locaux qui tiennent compte
des potentialités particulières à chaque zone du pays. Il est
souhaitable de valoriser les particularismes et les diversités qui op-
83
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ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
posent non seulement le nord et le sud comme on l'a déjà vu à
plusieurs reprises mais également le centre et les hauts plateaux.
L'État doit, par exemple et c'est un minimum, autoriser chacun à
investir là où il le souhaite sans lui imposer ni de demeurer dans sa
région d'origine, ni de se rendre dans les seules zones en retard de
développement. En l'absence de souplesse et de liberté, la fraude se
développe.
Développement de l'économie privée dans le nord,
le centre et le sud
(en nombre d'investiseurs et en capitaux)
(Exemples représentatifs : Hanoi, Danang, Hô Chi Minh-Ville ...
Statistiques 1993)
Régions
Hanoi
Danang
Hô Chi Minh
Entreprise
s privée
340
35 %
324
74 %
595
29 %
S.A.R.L.
631
64 %
108
25 %
1411
69 %
1%
4
1%
48
2%
Sociétés
9
par actions
Total des
entreprises
Total du
capital
980
436
2054
394 milliards
104 milliards
1460 milliards
Il est clair que, dans le sud, les investissements sont deux fois plus
importants que dans le nord et cinq fois plus que dans le centre. De
même la capitale du sud est dans un rapport de 1 à 3,5 avec celle du
nord et de 1 à 13 avec celle du centre. Plusieurs raisons expliquent
cette supériorité du sud tant par la qualité que par la variété des
productions.
84
HOANG KIM GIAO
Il se trouve d'abord que le sud a su maintenir une économie
fondée sur un niveau de consommation important et sur une grande
diversité de produits. Il n'a abandonné l'économie de marché que
pendant une dizaine d'années et n'en a pas perdu tous les réflexes qui,
de toutes façons, reviennent rapidement. À l'inverse, le nord n'a plus
pratiqué un système fondé sur la concurrence pendant quarante ans
et demeure marqué par les habitudes de l'économie dirigée. Pour ce
qui est du centre, il s'appuie sur un niveau de consommation
insuffisant tandis que les hauts plateaux pratiquent l'autarcie et
l'autosuffisance.
Par ailleurs, le sud constitue un point de rencontre traditionnel
avec les partenaires internationaux. Les gros commerçants du sud
sont habitués au marché libre et à l'économie ouverte avec les pays
développés étrangers. Il y a là un avantage décisif du sud par rapport
au nord ou aux autres régions. Le dynamisme, la disponibilité, la
sensibilité aux besoins de la clientèle, le goût du risque dans les
opérations commerciales fournissent d'indéniables atouts au sud.
*
**
Le passage à l'économie de marché dans les pays voisins a
convaincu chacun qu'un "gouvernement intelligent doit savoir
amener le pays de la misère à la prospérité". Dans une économie
fondée sur la concurrence, le rôle des entreprises privées est
fondamental. Une exacte évaluation de leur contribution au
développement économique général est indispensable pour que l'État
soit en mesure de planifier avec efficacité son intervention pour les
années à venir. Il demeure cependant regrettable que persiste un écart
important entre la connaissance des principes de l'économie privée et
l'évaluation de son apport à l'économie nationale.
Chapitre 2
ÉCONOMIE PRIVÉE ET RÈGLEMENT DU PROBLÈME
DE L'EMPLOI AU VIET NAM
Vu Minh Vieng
Le processus de renouveau au Viet Nam a démarré il y a plus
d'une décennie. Le trait le plus marquant de ce processus résulte de la
volonté de mettre en place une économie fonctionnant selon les mécanismes du marché, ce qui impose la prise en compte de nombreux
problèmes macro-économiques, notamment ceux liés à l'emploi et au
chômage. Au temps de l'économie planifiée et centralisée, il incombait
à l'État de garantir un emploi à chacun, essentiellement grâce aux
entreprises publiques et aux coopératives. La place de l'économie
privée demeurait limitée. L'embauche contractuelle des travailleurs
était en général interdite. Dans l'esprit de chacun, avoir un emploi
impliquait d'être employé par le secteur économique étatique. Le
chômage était marginal et quasi clandestin. Avec la transition vers
une économie de marché, il apparaît au grand jour et le
gouvernement doit y faire face.
-ILes caractéristiques et les causes du chômage
Actuellement, les campagnes abritent 80 % de la population et
mobilisent 73 % des ressources humaines. Dans la mesure où le travail
dans ce secteur revêt un caractère essentiellement saisonnier, on peut
parler, chez les paysans, de chômage partiel. En 1998, le taux moyen
d'utilisation du temps de travail dans ce secteur est de 70,88 %, soit
une baisse de 2,02 % par rapport à l'année 1997. Certaines régions
86
VU MINH VIENG
rurales atteignent des taux plus élevés, tels 76,97 % à Tay Nguyen,
74,46 % dans le sud-est, 71,32 % dans le bassin du fleuve Cuu Long.
Reportés en terme de postes de travail, ces chiffres conduiraient à
conclure que ce sont de l'ordre de 20 à 30 % des travailleurs de la
campagne qui n'ont pas d'emploi. À l'heure actuelle, le temps que les
agriculteurs consacrent à la culture et à l'élevage occupe une place
relativement modeste dans leur temps de travail total.
En ville, le taux de chômage est de 6,85 % en 1998, en augmentation de 0,84 % par rapport à l'année 1997. C'est le bassin du fleuve
Rouge qui enregistre le taux le plus élevé (8,25 %) suivi par le nord du
centre (7,26 %). En revanche, c'est au nord-ouest et à Tay Nguyen que
ce taux est le plus bas avec moins de 6 %. Pour ce qui est des femmes,
ce taux s'établit à 6,55 %. avec des écarts tels que 9,09 % à Hanoi,
6,76 % à Hô Chi Minh-Ville, 6,35 % à Da Nang et 8,43 % à Haiphong.
Dans le secteur public, on compte près de 1,8 million de travailleurs répartis dans près de 6 000 entreprises étatiques. Selon les rapports des syndicats, la proportion des travailleurs à la recherche
d'emploi dans ce secteur est supérieure à 8 %, parfois même supérieure à 25 ou 30 %, voire à 50 ou 60 %. Pourtant la situation de déficit
durable de nombreuses entreprises étatiques exige de poursuivre et
d'accentuer la restructuration et le réaménagement de ce secteur, avec
les dégagements de personnels que cela implique.
Comme dans les autres pays en développement, le chômage au
Viet Nam prend différentes formes : chômage complet ou chômage
partiel, chômage corporel et chômage incorporel. Le chômage au Viet
Nam existe au sein d'une économie agricole où les habitudes
d'autoconsommation n'ont pas réellement disparu. Le rendement du
travail et le revenu moyen demeurent très bas. La pression sur l'emploi continue à s'aggraver.
Les caractéristiques et les réalités sus-mentionnées résultent de
plusieurs facteurs. Le premier tient à ce que le taux de croissance démographique est encore élevé dans le pays. Malgré les efforts déployés par le gouvernement en vue de maîtriser la natalité, la population augmente de 1,4 million de personnes chaque année donc avec
un taux de croissance de 2 % pour un nombre total de 76 millions de
87
87
ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM
personnes. Il est prévu qu'en l'an 2000, il y aura environ 46 millions de
personnes en âge d'exercer un métier.
Le capital humain n'est pas d'un niveau très élevé. Les travailleurs
sans formation représentent 87 % du total, les travailleurs qualifiés
8 %, les ingénieurs 2 %, enfin les experts de haut rang 0,5 %. Deux
motifs expliquent cette situation. La principale cause tient à la
modestie des revenus de la plupart des travailleurs ce qui les dissuade d'investir dans l'éducation. La deuxième est liée à l'archaïsme
du système de formation professionnelle qui a de la peine à s'adapter
à la transformation de l'économie. Il n'est donc guère en mesure de
préparer efficacement les travailleurs dans leur volonté d'adaptation
aux changements structurels qui affectent leur profession.
Plus de 70 % des travailleurs sont employés dans l'agriculture ou
dans la sylviculture. Pourtant la superficie des terres est limitée. La
surface moyenne de terre cultivée par personne reste très réduite (0,1
hectare par personne) et la densité démographique considérable (200
personnes par km2). Chaque année, à la campagne, un million de personnes entrent dans la tranche d'âge en âge de travailler. Le revenu
des agriculteurs reste bas : 20 % des foyers sont très pauvres (avec un
revenu moyen inférieur à 15 kg de riz par personne et par mois). Le
marché du travail en milieu rural est donc limité et il est difficile de
développer de nouvelles professions. Faute de capitaux, de techniques, de ressources naturelles disponibles, de capacité de bonne
gestion... la pression de l'emploi à la campagne s'aggrave continuellement. Il en résulte un exode des populations du nord vers le sud et
des fermes vers les villes. Le nombre des travailleurs urbains du
secteur informel et des chômeurs augmente donc.
D'autres changements tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays ont
également des conséquences sur l'emploi au Viet Nam. À l'intérieur, il
s'agit de la réorganisation des entreprises étatiques, ce qui implique le
départ d'un grand nombre de salariés. S'y ajoutent les militaires
démobilisés et le retour des travailleurs émigrés. Au plan
international, il faut souligner les conséquences de la crise financière
et monétaire en Asie du sud-est qui entraîne d'une part une diminution de la production des entreprises fondées sur des capitaux étran-
88
VU MINH VIENG
gers et d'autre part des difficultés supplémentaires pour l'émigration
des travailleurs.
- II Les efforts déployés par l'État et les collectivités locales
La maîtrise du chômage puis la solution du problème de l'emploi
n'ont évidemment pas seulement une dimension économique mais
également sociale. L'objectif est de créer de nouveaux emplois, de
diminuer le nombre de personnes à la recherche d'un travail, de
fournir des postes à plein temps et stables à ceux qui n'occupent que
des activités à temps partiel et provisoires, enfin d'améliorer la
productivité et d'augmenter les salaires de ceux qui ont trouvé une
place en entreprise mais qui demeurent mal payés.
L'État se donne pour objectif de développer une économie à plusieurs composantes dans laquelle le secteur privé se voit reconnaître
un espace d'existence et même de développement. Le travailleur bénéficie de la liberté de choix de l'emploi et de l'entreprise où il va
postuler. L'employeur de quelque composante économique qu'il relève, décide seul du choix des employés selon ses besoins et dans le
respect de la loi. L'État s'engage dans des programmes d'appui à la
formation et au bon fonctionnement du marché du travail. Pendant
trois ans, de 1991 à 1993, 2,28 millions de personnes ont trouvé un emploi. En 1994, plus d'un million d'emplois ont été créés. Il est estimé
qu'en 1998, environ 1,3 million de personnes ont trouvé un emploi
dont la plupart venaient d'être créés. Le Fonds national d'emploi a
prêté un montant de 500 milliards de dongs répartis entre 13 600
projets. Grâce à ces crédits et à la bonne orientation de l'économie, de
nouveaux emplois sont créés, des emplois à plein-temps ont été
fournis à 260 000 personnes. L'année 1998 est également marquée par
le départ de 12 000 travailleurs à l'étranger qui allègent d'autant le
marché de l'emploi.
Dans tout le pays, les collectivités locales déploient également des
efforts en vue d'apporter leur contribution à la solution du problème
de l'emploi. Ils lancent des programmes de développement socio-économique pour exploiter efficacement les ressources existantes,
89
89
ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM
également pour investir dans la limite de leurs moyens dans la création de postes de travail. En ce qui concerne les politiques impulsées
par le gouvernement en vue d'appuyer et de faciliter la recherche
d'emplois, elles s'appuient sur des allègements fiscaux, des subventions, des crédits, l'appel aux nouvelles technologies, des investissements, de la formation... Des centres au service de l'emploi ont largement contribué au règlement du problème de l'emploi du secteur
privé. Dans la mesure où ce secteur privé occupe 92 % du total des
travailleurs (en y incluant les paysans), c'est lui qui apporte la meilleure contribution en création d'emplois au cours de ces dernières années.
- III Le marché du travail
Pour étudier le marché du travail qui ne se développe pas encore
assez rapidement, les auteurs sont conduits à distinguer deux
marchés différents qui traduisent une structure de l'emploi à trois
niveaux. Au fur et à mesure du passage à l'économie de marché et de
l'élargissement du secteur privé, s'impose la loi de l'offre et de la
demande qui n'était pas reconnue dans l'ancienne économie planifiée
et centralisée.
Le marché urbain du travail officiel concerne les grandes entreprises publiques ou à capitaux étrangers. Les premières sont
restructurées pour renouveler leurs technologies, moderniser leurs
techniques de gestion, améliorer leur compétitivité et élargir leurs
marchés. L'objectif principal est de créer de nouveaux emplois et
d'assurer à ceux qui y travaillent des revenus stables. Les salariés de
ces entreprises sont recrutés par voie de concours et sur la base de
contrats de travail ce qui a mis un terme au système ancien des
emplois à vie. Ces nouvelles pratiques tendent à rendre les employés
et les employeurs plus responsables. Ils encouragent les personnes qui
n'ont pas encore été intégrées en entreprise à suivre au plus près les
besoins du marché du travail et à réajuster leurs comportements, dans
le choix des domaines de formation, par l'acquisition des
connaissances complémentaires qui ne leur ont pas été fournies dans
le cadre de leur cursus de formation initiale. Cette nouvelle attitude
90
VU MINH VIENG
facilite l'augmentation de l'offre de formation et de recyclage dans le
secteur privé.
Dans les entreprises à participation étrangère, les exigences imposées aux travailleurs sont encore plus rigoureuses. Actuellement,
1 500 entreprises de ce type emploient environ 230 000 personnes. Les
salaires y sont attrayants mais la demande en main-d'œuvre évolue
de façon désordonnée en fonction des fluctuations de la production
imputables notamment aux conséquences de la crise. Ainsi, en 1998, le
nombre total enregistré des travailleurs ayant perdu leur emploi dans
des entreprises à participation étrangère à Hô Chi Minh-Ville s'est
élevé à 4 500 personnes. Ce chiffre officiel est sans doute sousestimé et
le nombre réel est estimé à 10 000 personnes. À Hanoi, une étude
conduite sur douze entreprises a abouti au chiffre de 1 300 personnes
qui ont perdu leur emploi ou qui ont vu réduire leur temps de travail.
D'une façon générale, ce marché officiel mobilise la plus grande partie
de la main-d'œuvre qualifiée et satisfait sans trop de difficultés les
besoins de main-d'œuvre tant des entreprises publiques, que des
entreprises conjointes et des entreprises privées.
Plus animé apparaît le marché urbain de travail non-officiel.
L'excédent de travailleurs résulte de la réduction des effectifs dans le
secteur public, des licenciements, des pré-retraites, de la démobilisation des militaires, du retour des coopérants vietnamiens de
l'étranger, de l'exode rural, de la vacuité de la main-d'œuvre agricole
pendant les périodes de soudures, enfin de l'entrée des bacheliers sur
le marché du travail. À Hanoi, en 1998, on évalue à 56 000 les
travailleurs qui proviennent d'autres provinces. À Hô Chi Minh-Ville,
ce chiffre est de 700 000 personnes. Ce marché est capable de leur
offrir un nombre considérable d'emplois mais à très bas salaire. Parmi
ceux qui ont la chance de trouver un travail relativement stable, les
salaires de certains atteignent 450 000 dongs par mois. D'autres qui
doivent se contenter de la recherche toujours renouvelée d'un travail
quotidien, se groupent spontanément dans des lieux convenus à
l'avance pour se tenir à disposition des employeurs éventuels et
constituer une sorte de "marché parallèle du travail" à Hanoi. Les
contrats de recrutement sont négociés de façon simplifiée. Dans la
plupart des cas, ce sont des contrats verbaux. En revanche, les salaires
91
91
ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM
sur ce marché sont malgré tout sensiblement plus élevés que ceux
offerts dans le monde rural.
Le fonctionnement du marché du travail est étroitement lié aux
flux migratoires à l'intérieur du pays. L'écart de salaires entre les
différentes régions témoigne des difficultés qui font obstacle à certaines migrations. Une bonne circulation de la main-d'œuvre permet
de réduire le poids des salaires : les ressources humaines peuvent être
déplacées d'une région où le niveau de salaire est élevé vers une autre
où les salaires sont moindres et où seront créés de nouveaux emplois.
En fait, bon nombre de raisons expliquent pourquoi la mobilité de la
main-d'œuvre n'est pas meilleure.
Les mécanismes du marché du travail ont aussi des conséquences
sur la psychologie et le comportement de chaque individu. Ils font
évoluer la conception et la perception des demandeurs d'emplois
vis-à-vis des entreprises. La participation au marché du travail et la
concurrence dans la recherche d'un poste requièrent des efforts individuels et des investissements financiers pour améliorer la qualification de ceux qui souhaitent une embauche ou une amélioration de
leur situation.
Le fonctionnement du marché du travail est lié aux politiques
gouvernementales. Toute politique économique l'influence peu ou
prou. Les besoins en main-d'œuvre étant, dans une économie de marché, générés par le développement économique, les politiques de
promotion de la production constituent le meilleur garant d'importantes créations d'emplois. Les mesures législatives et réglementaires
ayant trait aux salaires, à l'embauche, aux licenciements fournissent
l'environnement juridique du marché du travail. C'est sur ces bases
que le secteur privé se développe.
- IV Le rôle joué par les PME et les PMI
La définition des PME-PMI est différente d'un pays à l'autre. Au
Viet Nam, le Premier ministre a signé une note n° 681/CP-KTN datée
du 20 mars 1996 fixant provisoirement les critères de classification
dans la catégorie des PME-PMI. En fait ces critères reflètent seulement
92
VU MINH VIENG
des décisions administratives destinées à établir les bases juridiques
sur lesquelles sont mises en œuvre les politiques d'appui aux
PME-PMI. Ils ne sont pas suffisants pour délimiter de façon incontestable le secteur des PME-PMI. Au demeurant, le manque de précisions, sur plusieurs points, dans le cadre juridique régissant le commerce rend cette détermination plus difficile. Il existe donc d'autres
critères : sont classées PME-PMI les petits établissements de production et de commerce ayant été enregistrées, possédant un capital et
employant des salariés conformément à la réglementation.
Selon cette définition, le secteur des PME-PMI se compose en premier lieu des entreprises étatiques de moyenne ou de petite taille,
enregistrées conformément à la loi sur les entreprises étatiques, en
deuxième lieu des sociétés par actions, des sociétés à responsabilité
limitée et des entreprises privées de moyenne ou de petite taille enregistrées conformément à la loi sur les sociétés, à la loi sur les entreprises privées et à la loi sur les investissements étrangers. Ce secteur
comprend, en troisième lieu, les moyennes et les petites coopératives
enregistrées selon la loi sur les coopératives, enfin et en quatrième lieu
les entreprises individuelles et les groupes de production et de
commerce qui possèdent un capital légal conforme à la réglementation gouvernementale et qui ont été enregistrés selon l'arrêté n° 66HDBT.
Selon les statistiques résultant de l'enquête générale menée en 1995
et portant sur les établissements économiques, administratifs et sur les
services publics, les PME-PMI représentent 88,2 % du total des
entreprises si l'on se fonde sur le critère du capital. Si c'est le critère
du nombre des travailleurs qui est retenu, la proportion est de 96 %. Il
y a donc environ 90 % des entreprises au Viet Nam qui sont des
PME-PMI. Si l'on adopte à la fois le critère du capital et celui du
nombre des salariés, plus de 90 % des entreprises du secteur privé
sont des PME-PMI. Ces dernières fonctionnent essentiellement dans
les domaines du commerce et des services sociaux, de l'industrie et de
la construction, du transport des marchandises et des voyageurs. Le
développement du secteur privé à la faveur du passage vers l'économie de marché se confond avec celui des PME-PMI. Ce modèle se généralise dans toutes les branches autorisées par la loi et dans toutes
93
93
ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM
les régions du pays. Il en résulte l'idée que le secteur des PME-PMI
s'identifie au secteur non-étatique.
Un peu partout dans le monde, parler du secteur des PME-PMI,
c'est parler d'un secteur qui attire un grand nombre de salariés et qui
contribue donc de façon décisive à la solution du problème de l'emploi. Au Viet Nam, au cours de ces dernières années, le secteur privé
essentiellement composé de PME-PMI, joue un rôle décisif pour fournir un emploi aux nouveaux travailleurs ainsi qu'aux salariés superflus du secteur public. En 1995, la plupart des travailleurs du secteur
privé (24,5 millions) exercent leur activité dans l'agriculture et la
sylviculture, dans des exploitations individuelles ou familiales
produisant sans être enregistrées. Les autres travailleurs qui sont environ 6,6 millions, relèvent essentiellement des PME-PMI enregistrées
et travaillent dans d'autres domaines. En fait, la majorité des
professionnels du secteur des PME-PMI se concentrent dans le domaine des industries de transformation, de la construction, des services commerciaux et du transport. À titre d'exemple, 35,7 % des travailleurs des PME-PMI travaillent dans les industries de transformation, 19,5 % dans le commerce et dans les services de réparation,
15,6 % dans la construction, 11,1 % dans le transport et dans les services de dépôt...
Un facteur qui contribue à expliquer le rôle de créateur d'emplois
joué par les PME-PMI tient à ce que le coût nécessaire pour créer un
emploi dans les PME-PMI est moins élevé que dans les grandes entreprises. Les études montrent que, dans le premier cas, le montant est
seulement de 740 000 dongs, c'est-à-dire correspondant à 3 % du coût
nécessaire dans le deuxième cas. L'élargissement des activités des
PME-PMI au secteur privé est parvenu à rétablir et à développer des
professions traditionnelles, à utiliser différentes catégories de travailleurs et à mieux s'adapter aux changements nés du processus de
transition de l'économie.
Pour autant, ce secteur n'a pas pu éviter certains problèmes. La
plupart des PME-PMI ont été créées ces dernières années. Dans de
nombreux cas, les investisseurs ont fondé leur entreprise sans avoir
réuni les conditions nécessaires pour son succès. D'où inefficacité,
voire faillite. Environ 30 % des investissements initiaux des PME-PMI
94
VU MINH VIENG
sont utilisés pour la production alimentaire ou, d'une façon générale,
de biens de consommation. Le niveau de technologie et de gestion est
en général limité. La compétitivité est donc réduite. En ce qui
concerne les travailleurs et les gestionnaires, l'on constate également
qu'ils présentent certains défauts.
-VL'économie des familles paysannes et le secteur rural
En 1988, il a été reconnu que, dans l'agriculture, l'exploitation familiale pouvait remplacer les coopératives agricoles tant pour la
production que pour la commercialisation. À partir de là, le secteur
rural connaît de grands changements. La loi agraire, adoptée en 1993,
reconnaît des droits d'utilisation de longue durée, d'héritage, d'hypothèque et de transfert de terre. La production et le commerce agricoles enregistrent des taux de développement considérables : la production vivrière moyenne dépasse 400 kg par personne, le taux de
croissance agricole est de 2,7 % en 1998 et de 4 % en moyenne
pendant les quatre années précédentes.
Il existe encore à l'heure actuelle quelques unités économiques
contrôlées par l'État dans l'agriculture. Pourtant, 98 % de la production vivrière sont fournis par le secteur non-étatique. Comme il a été
indiqué plus haut, plus de 70 % de la main-d'œuvre travaillent dans
l'agriculture et chaque année, ce secteur doit accueillir un million de
travailleurs supplémentaires. Les agriculteurs se répartissent entre
onze millions de familles. Il s'agit donc d'une production agricole
éparpillée tant du point de vue de la répartition de la terre que des
moyens de production. Pourtant, si l'on compare avec le modèle de
production des coopératives d'antan, contrôlées par l'État, on peut
constater que l'économie des familles paysannes a fait preuve de davantage d'efficacité dans l'utilisation des ressources naturelles. La
productivité et le revenu sont donc plus élevés. Pourtant, même avec
l'économie des familles paysannes, les problèmes d'emploi dans le
secteur agricole n'ont pas été réglés de façon satisfaisante. Ces problèmes supposent, pour être résolus, un développement plus multiforme.
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95
ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM
Au cours de ces dernières années, il est apparu dans l'agriculture,
certaines formes nouvelles de production et de commerce tels des
fermes, des petites exploitations de caoutchouc, des groupes coopératifs fondés sur le volontariat, des coopératives de service... Bien
qu'aucune enquête officielle n'ait été conduite, l'on estime à 50 000 le
nombre des fermes dans les domaines de l'agriculture, de la sylviculture et des produits aquatiques. Ces fermes ont réussi à se doter de
terrains suffisants, de moyens de production et à attirer des travailleurs contractuels.
Chaque ferme, en moyenne, utilise sept hectares de terre agricole,
dix travailleurs et investit 97,6 millions de dongs (dont 87 % sont des
capitaux propres). Ces fermes qu'elles se soient spécialisées dans des
productions précises ou qu'elles pratiquent la polyculture, ont contribué au développement de l'agriculture, de la sylviculture et des produits aquatiques. Les coopératives de fournitures de crédits et de
consommation fondées sur les besoins internes, ont renforcé
l'économie familiale et aidé les agriculteurs à avoir accès aux
nouvelles technologies et à mieux s'adapter au marché.
Le fonctionnement du marché du travail dans le secteur rural est
marqué par certaines spécialités. L'embauche des travailleurs se généralise dans des régions de culture spécialisée tels le Bassin du
fleuve Cuu Long pour le riz, tels Dac Lac et Lam Dong pour les
plantes industrielles comme les caféiers et les caoutchoutiers, tel Bac
thai pour les théiers... Cette embauche est, dans la plupart des cas, saisonnière et crée donc des flux de migration à caractère périodique. Si
l'emploi est plus stable dans les petites industries, celles-ci ne se développent que très lentement dans le secteur rural. Ainsi, entre recrutements saisonniers ou trop rares, la situation de l'emploi ne s'est pas
suffisamment améliorée dans les campagnes.
- VILes solutions envisagées
La maîtrise du chômage et la solution du problème de l'emploi
constituent des problèmes stratégiques dans le cadre du processus de
développement et concernent toutes les politiques ma-
96
VU MINH VIENG
cro-économiques. Pour l'année l999, l'objectif visé est de créer un à
deux millions d'emplois, de venir en aide à 250 000 personnes dans la
recherche d'un travail stable, enfin d'encourager l'émigration de
25 000 travailleurs et experts. Il faut maintenir le taux de chômage
urbain au-dessous de 7 % et augmenter le taux d'utilisation du temps
de travail à la campagne pour le faire passer à 72-73 %.
L'appui au secteur privé dans le règlement des problèmes d'emploi
suppose plusieurs mesures. Il convient de perfectionner les politiques
d'aide au secteur privé commercial par le biais de mesures fiscales,
d'assistance financière, de fournitures de capitaux pour investissement, d'encouragement au rétablissement des professions traditionnelles, de création de nouvelles professions et technologies, de
développement des petites entreprises attirant de nombreux travailleurs, enfin des aides aux assurances et à la formation. Il convient
d'utiliser plus efficacement les crédits directs réservés au règlement
du problème d'emploi. Selon le plan envisagé pour l'année 1999, un
montant de l'ordre de 485 milliards de dongs venant du Fonds national d'appui aux emplois sera réservé aux prêts, sans compter d'autres
crédits préférentiels.
Cette politique passe aussi par l'amélioration de l'investissement
pour le développement agricole et rural. En 1999, l'État envisage
d'augmenter de 50 % le budget versé aux activités agricoles et rurales,
notamment pour la restructuration de l'économie agricole, pour le
règlement des problèmes d'urbanisation de la campagne et pour le
développement de l'industrie rurale. Le gouvernement s'efforce
également de perfectionner et de développer les services chargés de
l'emploi, de faire en sorte que ces services soient étroitement liés au
marché du travail, d'appuyer les établissements de formation
professionnelle et de créer de nouveaux emplois. Il reste encore à
contrôler la croissance démographique et à établir un programme de
développement des ressources humaines pour que les travailleurs
puissent mieux s'adapter au développement de l'économie de marché.
Chapitre 3
LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRIVATISATION
DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE
Jacques Viguier, professeur
Chaque État possède une tradition historique et une culture
propre quant à la place respective des entreprises d'État et des entreprises privées et quant à l'étendue des services publics. La France a
toujours été perçue comme attachée à une conception plutôt extensive
des services publics, dont l'État assurait la mise en oeuvre. Pourtant,
progressivement, l'État a accepté que les collectivités locales puis les
personnes morales de droit privé interviennent dans le domaine du
service public.
Quant aux collectivités locales, il est frappant de constater l'opposition entre la fin du XIXème siècle et la fin du XXème siècle. À la
fin du XIXème, l'État est totalement rétif à toute extension des compétences des collectivités locales et lutte contre les revendications des
communes, exprimées principalement à travers la théorie du socialisme municipal. À la fin du XXème siècle, l'État est prêt à se
désengager dans de nombreux secteurs et à accorder aux collectivités
locales des compétences nouvelles.
Quant aux personnes morales de droit privé, elles interviennent
aujourd'hui à l'échelon national, comme à l'échelon local. À l'échelon
national, même les gouvernements dominés par une idéologie de
gauche ont accordé aux personnes morales de droit privé une place
de plus en plus grande dans divers secteurs, en opposition avec des
principes soutenus quelques décennies auparavant. À l'échelon local,
98
JACQUES VIGUIER
les compétences accrues des communes, départements, régions les ont
conduits dans de nombreux cas à faire appel à des personnes morales
de droit privé pour certains secteurs, même parmi ceux relevant d'une
intervention ancienne.
Les collectivités locales ont donc connu en France un développement important de privatisation de leurs services publics locaux. C'est
un mouvement qui se manifeste clairement depuis une quinzaine
d'années et dont il faut évoquer les raisons (I) et la nature (II).
-ILes raisons du développement de la privatisation
Si les autorités administratives locales choisissent de privatiser
leurs services publics locaux, il paraît évident qu'elles croient que le
recours au privé est meilleur que la gestion publique. Lorsque l'on recherche les raisons plus précises de la privatisation, apparaissent des
raisons idéologiques et politiques (A) ainsi que des raisons économiques et sociales (B).
A - Les raisons idéologiques et politiques
Les raisons idéologiques et politiques ont marqué l'échelon national. Elles apparaissent aussi à l'échelon local. Il y a parfois une influence de la logique nationale sur la logique locale.
A l'échelon national, les choix politiques sont généralement affichés de manière claire par les gouvernants ou les futurs gouvernants
au moment des élections. Certains sont attachés au libéralisme et
souhaitent confier de nombreuses activités au secteur privé, d'autres
sont favorables à un interventionnisme important de l'État. Les débats
et les réformes autour des secteurs des télécommunications, de
l'audiovisuel et des transports le montrent. L'influence de la logique
européenne de concurrence a été importante pour le secteur des transports ferroviaires ou de l'électricité.
A l'échelon local, l'autonomie de plus en plus grande au cours du
XXème siècle des collectivités locales leur permet de bénéficier d'une
grande liberté de choix pour la gestion de leurs services publics. Le
99
99
PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE
principe de libre administration des collectivités locales affirmé
constitutionnellement fonde leur capacité à choisir la gestion publique
ou la gestion privée de leurs services publics.
À la différence de l'échelon national, il n'y a pas toujours d'affirmation très claire, notamment au moment des élections, quant aux
préférences des candidats pour tel ou tel mode de gestion. Plus précisément, si les grandes communes se caractérisent par une politisation
de leurs élections au sens où les candidats s'affirment de droite ou de
gauche, avec les conséquences que cela implique pour la gestion privée ou publique de certains services publics, les petites communes,
dans lesquelles les élections sont souvent peu politisées, ne sont pas le
cadre de tels débats.
Pourtant des priorités apparaîtront au sein de l'organe délibérant
de la collectivité locale. Elles pourront conduire à conserver une gestion directe pour certains services publics et à faire appel à des personnes privées pour d'autres activités.
La modification du rôle de l'État a joué incontestablement un rôle
de modèle pour les collectivités locales. Celles-ci constituent un microcosme de l'État et reproduisent sur de nombreux points la logique
étatique. Le mouvement d'interventionnisme croissant et d'extension
des compétences de l'État marquant la fin du XIXème et le début du
XXème siècle a été poursuivi, de nombreuses décennies après, par un
mouvement d'accroissement des compétences locales. De la même
manière que l'État, lorsqu'il était trop engorgé par l'élargissement de
ses compétences, s'est déchargé de certaines d'entre elles sur le secteur
privé où les collectivités locales, de même ces dernières ont dû, suite à
l'augmentation de leurs actions, recourir au secteur privé. Il y a en
quelque sorte un effet mécanique qui a touché successivement État et
collectivités locales. On est ici à la fois sur le terrain politique et
économique. En effet, à côté des raisons idéologiques et politiques,
certaines raisons économiques et sociales apparaissent.
B - Les raisons économiques et sociales
100
JACQUES VIGUIER
Les raisons économiques et sociales sont à l'origine de la technique
de la concession de service public à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle.
La distribution d'eau et la distribution de gaz sont ressenties
comme des besoins d'intérêt collectif impliquant l'intervention des
communes. Or tout en ressentant la nécessité sociale de créer de tels
services, certaines collectivités ne disposent pas de la capacité financière de les mettre en place. Elles vont alors faire appel à des
personnes morales de droit privé avec lesquelles elles vont passer un
contrat de concession de service public. La personne privée reçoit la
mission de construire les installations (réseaux, usines, etc.) et de gérer le service créé. L'avantage pour la commune concédante, c'est
qu'elle n'investit pas elle-même tout en permettant à ses habitants de
disposer à moyen terme de la capacité d'accéder à l'eau et au gaz
directement dans leurs habitations, ou indirectement, en se rendant
par exemple dans les bains-douches municipaux.
Aujourd'hui d'autres facteurs que la seule capacité financière
peuvent jouer. Ainsi, depuis une quinzaine d'années, les autorités locales se voient investies d'une mission implicite de défense de l'emploi et de lutte contre le chômage. En favorisant la mise en place rapide de services publics pris en charge par des personnes privées,
elles peuvent favoriser l'emploi.
Ainsi voit-on mettre en avant l'idée de qualité, d'efficacité, de
compétence reconnue. Il ne s'agit pas de retomber dans les errements
d'un débat politique non appuyé par la réalité, moins de recourir à
des groupes importants de droit privé qui, dans certains secteurs
techniques (assainissement, traitement des déchets, télévision...), ont
fait preuve de leurs capacités.
De manière générale, le choix entre public et privé s'effectue aujourd'hui pour certaines collectivités locales à l'approche empirique.
Elles se prononcent après un véritable examen du dossier.
Cependant les collectivités locales sont encore très partagées quant
à la nécessité de faire appel à des personnes morales de droit privé
pour la gestion de leurs services publics. De très nombreux départements, communes et régions sont encore attachés à préserver
101
101
PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE
une gestion publique. Mais quelles que soient les préférences affichées
par telle ou telle collectivité locale, le mouvement de privatisation des
services publics locaux s'est développé et la nature de ce mouvement
de privatisation est toujours la même.
- II La nature du développement de la privatisation
Le mouvement de privatisation se traduit par le transfert au secteur privé de la prise en charge de certaines activités (A). Plusieurs
modalités d'intervention du secteur privé peuvent être utilisées (B).
A - Le transfert au secteur privé de la prise en charge de certaines
activités
La qualification de privatisation recouvre deux réalités différentes.
Soit il s'agit de la mise en place d'une nouvelle activité de service
public qui n'avait jamais existé dans une collectivité locale donnée. La
prise en charge de cette activité peut être confiée dès sa création à une
personne morale de droit privé. On parle alors de privatisation au
sens où cette activité aurait pu être confiée à un service déjà existant
de la collectivité locale qui aurait étendu son champ d'activité ou
aurait pu entraîner la création d'un nouveau service à l'intérieur de la
collectivité publique à elle-même. L'exemple de la télévision locale
peut être donné ici. Ce type de service public reste exceptionnel, mais
implique généralement l'intervention de personnes privées. À un
moindre degré, certaines actions de communication de communes,
départements ou régions font appel à des personnes privées.
Soit il s'agit de confier à une personne morale de droit privé une
activité de service public que la collectivité locale assurait jusque-là
elle-même. Cette seconde hypothèse donne parfois lieu à polémique
lorsque le service public paraissait fonctionner de manière correcte.
C'est là où le choix politique peut jouer et des conflits importants se
manifester entre ceux qui détiennent la majorité dans l'organe délibérant de la collectivité locale et l'opposition. On parle parfois de
démembrement pour désigner cette situation. Il s'agit de faire passer
102
JACQUES VIGUIER
un service public assuré dans le cadre d'une gestion directe ou, même,
par un établissement public, dans le secteur privé, et ainsi de démembrer la collectivité locale. Un service de la collectivité ou un
établissement public est supprimé et l'activité qu'il assurait sera prise
en charge par une personne morale de droit privé, qui pourra intervenir dans le cadre de plusieurs techniques.
B - Les différentes modalités d'intervention du secteur privé
La personne morale de droit privé n'a pas forcément le choix
quant à son mode d'intervention. Tout se décide ici dans le cadre d'un
dialogue entre les organes de la collectivité locale et la personne
privée. L'organe délibérant de la collectivité locale a la capacité juridique de choisir tel ou tel mode privé de gestion et de l'imposer à
son co-contractant, si un contrat est passé. La situation est différente si
l'attribution au secteur privé se fait dans un cadre non-contractuel.
Les contrats passés entre la collectivité locale et des personnes
morales de droit privé apparaissent dans des secteurs comme l'eau,
l'assainissement ou les transports. La collectivité locale passe un
contrat avec une personne morale de droit privé en confiant à celle-ci
la prise en charge de certains services publics. La concession de service public est le procédé le plus ancien. La collectivité locale concédante confie au concessionnaire pour une longue durée (en moyenne
cinquante ans) la construction des installations nécessaires au fonctionnement du service ainsi que la gestion du service mis en place. À
la fin du contrat, la collectivité locale devient propriétaire des installations construites par la personne privée, et peut, si elle le souhaite, assurer elle-même le service public.
De nombreuses autres modalités contractuelles existent. Elles se
sont multipliées depuis quelques décennies. Chaque contrat passé devient presque un contrat original dans certaines de ses clauses.
Pourtant, à côté de la concession, d'autres modalités de gestion privée
existent. L'affermage conduit la collectivité locale à confier à une
personne privée la gestion d'un service public pour lequel les installations nécessaires sont déjà construites et demeurent la propriété
de la collectivité locale. La régie intéressée se traduit par un système
103
103
PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE
de rémunération particulier, où le régisseur intéressé voit les sommes
qu'il reçoit augmenter non en fonction du chiffre d'affaires mais de
certains critères comme, pour un service de transport, l'augmentation
du nombre de voyageurs transportés.
Les techniques non contractuelles se traduisent par une habilitation ou un agrément accordé à une personne morale de droit privé,
qui interviendra alors dans un secteur donné avec un cadre plus
concurrentiel. On peut citer ici le service extérieur des pompes
funèbres dans lequel les communes peuvent intervenir directement
ou passer des contrats, mais aussi voir une entreprise habilitée
concurrencer leurs actions (article L.2223-19 et article L.2223-23 du
code général des collectivités territoriales). L'habilitation est délivrée
ici par le préfet.
Depuis une vingtaine d'années, les collectivités locales et certaines
personnes morales de droit privé ont rivalisé d'ingéniosité pour créer
de nouvelles techniques. Les collectivités locales doivent rester
vigilantes et ne pas se laisser manipuler. Qu'il s'agisse de gestion
publique directe ou indirecte ou de gestion privée, la capacité de
contrôle de la collectivité locale demeure. Un contrôle permanent et
attentif est le meilleur garant contre des risques de mauvaise gestion,
en particulier par des personnes morales de droit privé.
TROISIEME PARTIE
POLITIQUE ECONOMIQUE DE L'ÉTAT
A L'EGARD DES SECTEURS PUBLICS ET PRIVES
Chapitre 1
LES RAPPORTS ENTRE L'ÉCONOMIE D'ÉTAT ET L'ÉCONOMIE
PRIVÉE DU VIET NAM : RÉALITÉ ET SOLUTION
docteur Trinh Thi Hoa Mai
La plupart des auteurs sont désormais d’accord pour considérer
comme une nécessité l’existence et le développement de l’économie
privée au sein de cette économie à plusieurs composantes qui caractérise désormais notre pays. Dans ces conditions, régler les rapports
entre ces divers secteurs conditionne leur développement parallèle.
L’expérience a montré que, dans les pays ayant choisi de développer
une économie à plusieurs composantes, organiser les relations entre
l'économie étatique et les autres composantes économiques en général, et entre l'économie étatique et l'économie privée en particulier
constitue un enjeu important, capable de décider du succès ou de l’échec de l’effort de développement économique de chaque pays. Au
Viet Nam, un problème urgent posé aux économistes tant sur le plan
théorique que pratique consiste à définir la place et le rôle de chaque
secteur économique et les rapports qui peuvent se développer entre
eux.
Le processus de développement d’une économie à plusieurs
composantes au Viet Nam ces dernières années induit des solutions
mais aussi des problèmes. Pourtant, seule une solution réfléchie et
judicieuse à tous les problèmes est capable d’accélérer le
développement économique du Viet Nam dans l’avenir. Dans le
cadre de ce travail, ce sont les relations entre l’économie d’État et
l’économie privée qui seront traitées.
108
TRINH THI HOA MAI
-IOrganiser les relations entre l’économie d’État et l’économie privée implique tout d’abord de définir leur place exacte dans l’économie du pays. Ce choix conditionne le développement de chaque secteur économique. La signification de ce choix est double : il constitue
à la fois la cause et le résultat de l’accumulation des conditions nécessaires pour bien organiser les rapports entre ces deux secteurs.
A – L’économie d’État comprend les activités économiques de l’État parmi lesquelles celles des entreprises étatiques occupent une part
prépondérante : elles constituent la force de production la plus
importante du pays et assurent la réalisation des objectifs socio-économiques de l’État. Dans le système économique d’un pays tel que le
nôtre, l’économie d’État doit être la composante dominante. Elle intervient à plusieurs niveaux. Il revient d’abord aux entreprises d’État
de créer de la valeur sous forme de marchandises ou de services de
façon à orienter les prix du marché. Les activités de ce secteur manifestent la responsabilité régulatrice de l’État sur le marché à travers
la qualité et la quantité des produits marchands et des services
fournis, ce qui contribue au développement des autres composantes
de l’économie.
Il revient également au secteur public de prendre en charge certaines activités médiocrement rémunératrices, peu attirantes pour
l’économie privée, mais indispensables du point de vue de l’intérêt
national et de la vie quotidienne des populations. L’État a un rôle
d’exploration et d'expérimentation à l'égard des branches à caractère
stratégique afin d’atteindre les objectifs d’industrialisation et de
modernisation du pays fixés par le gouvernement et le parti. La
finalité du secteur public ne se limite évidemment pas à maximiser les
profits économiques. Il doit privilégier l’effet socio-économique. Il lui
revient de prouver sa capacité à contrôler le marché financier et
monétaire et à contribuer à la stabilisation des grands équilibres
macro-économiques du pays.
109
109
ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
B – L’économie privée, les autres composantes de l’économie non
étatique et l’économie d’État constituent un système cohérent. Si l’économie d’État joue un rôle décisif, l’économie privée et les autres
composantes se voient reconnaître une place complémentaire mais
importante. Encore que les choix stratégiques en matière d’investissement, de politique commerciale et de méthode de gestion des entreprises privées relèvent de la décision des chefs d’entreprises
concernés, toutes ces entreprises, à quelque composante qu’elles appartiennent, doivent tendre vers un objectif commun : le développement d’une économie à orientation socialiste. Elles se fondent sur des
méthodes communes qui tendent à l’amélioration du rendement du
travail, de la qualité des produits et de l’efficacité de la gestion. Donc,
l’économie d’État et l’économie privée sont considérées comme des
forces convergentes au service du développement économique.
Produisant les mêmes marchandises, offrant les mêmes services à
la société, les entreprises privées et d’État sont des acteurs égaux du
monde économique. Leurs rapports sont placés sous le signe à la fois
de l’égalité, de la coopération et de la concurrence. Cette dernière doit
être comprise comme le moyen de mieux satisfaire les besoins de plus
en plus importants de la société.
Donc, il n'est pas souhaitable que la concurrence entre entreprises
fonctionne comme un processus tendant à s’exclure mutuellement, du
type "le fort vainc le faible" ou "le grand poisson mange le petit
poisson". Au contraire, les entreprises doivent chercher à se développer grâce à la concurrence. Cette dernière contribue à une valorisation maximale des points forts qui caractérisent chaque structure de
production. Elle ne doit pas déboucher sur un monopole au profit
d'une entreprise ou d'une composante économique. Des modes de
gestion efficaces et adaptés à la demande doivent voir le jour. Les
résultats ainsi obtenus vont rendre service à toutes les composantes
de l’économie pour un développement plus rapide et pour une
meilleure réponse aux demandes de développement économique du
pays.
Ainsi, même dans la concurrence, il y a encore place pour la coopération, grâce à une économie de marché bien orientée.
110
TRINH THI HOA MAI
- II L’examen réaliste des caractéristiques de l’économie à plusieurs
composantes au Viet Nam ces dernières années montre que
l’économie étatique, secteur encore important, continue de bénéficier
des faveurs de l’État. Elle bénéficie de divers privilèges, à travers les
politiques financière et monétaire de l’État. Pourtant, durant ces
années de rénovation et bien que ce secteur ait évolué, dans
l’ensemble il ne répond pas encore aux besoins d’une économie
soucieuse de développement.
A - Situation médiocre des entreprises d'État
Le secteur public ne met pas suffisamment en valeur sa position
dominante au sein de l’économie nationale. Plusieurs considérations
peuvent être évoquées à l'appui de ce bilan. Il faut d'abord constater
que la plupart des entreprises d’État sont peu efficaces et n’atteignent
que 40 à 50 % d'une productivité considérée comme normale. Le
besoin d’équipement pour une unité de production dans ce secteur
est de 1,3 à 2,2 fois plus élevé que dans le secteur non-étatique. Le
taux profits / fonds est insuffisant (environ 15 %) et diminue d’une
année sur l’autre. D’après une statistique nationale, 20 à 25 % de ces
entreprises gagnent de l’argent, 30 à 35 % équilibrent leurs comptes et
40 % sont en déficit.
La production de la majorité des entreprises d'État est de mauvaise
qualité. Selon la même statistique, 15 % de leurs produits sont
exportables, 65 % sont de qualité moyenne et 20 % sont de mauvaise
ou de très mauvaise qualité. Les mécanismes de gestion sont relâchés
et la gestion financière médiocre. La fuite des capitaux et la diminution de leur valeur lorsqu’ils restent dans le pays sont révélatrices.
L’ordre social et la loi ne sont pas respectés avec assez de rigueur. La
concussion et le gaspillage s’aggravent.
Les raisons de la situation médiocre des entreprises d’État sont
multiples. Il y a, bien sûr, des raisons extérieures telles les catastrophes naturelles dont le pays est parfois victime, ou encore la crise
financière qui a frappé l'Asie ces dernières années… Mais il faut
chercher les causes essentielles de ces problèmes dans le subjecti-
111
111
ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
visme dont font preuve les responsables, dans des processus de prise
de décision hasardeux, dans des choix en faveur d'investissements
mal orientés et d'une structure d’investissement mal aménagée, voire
illogique. S'y ajoutent les insuffisances de la gestion d’affaires.
B - Relative bonne santé des entreprises privées
Les entreprises privées coexistent avec les entreprises d’État. Bien
qu’elles se développent dans des conditions moins favorables du
point de vue de leur régime juridique, elles ont beaucoup progressé.
Cela prouve la place et les grandes potentialités du secteur privé dans
l’économie nationale. L'expérience a ainsi montré que, si les entreprises privées pouvaient bénéficier d’investissements bien orientés,
elles seraient effectivement une force économique supplémentaire
pour l’économie d’État.
D’après les données résultant d’un sondage de l’Institut central de
gestion économique, on constate qu’au niveau national, les capitaux
investis dans les entreprises privées ont presque doublé. Le nombre
des sociétés à responsabilité limitée de grande envergure augmente
régulièrement. Si le nombre des sociétés disposant de capitaux d’un
montant de trois cent millions de dongs a diminué au cours des dernières années, passant de 32,2 % à 22,3 %, en revanche celles disposant de 1,5 milliard de dongs de capitaux augmentent, progressant de
11,5 % à 22,8 %.
C’est particulièrement vrai à Hanoi où ces sociétés occupent 30 %
du total (contre 14,64 % auparavant), 15,7 % à Haiphong
(auparavant : 8 %), et 17,07 % à Hô Chi Minh-Ville (auparavant : 10,3
%). Le potentiel de croissance de l’économie privée se traduit par le
besoin de diversifier les professions et d’attirer des capitaux
étrangers. Quant aux domaines d’activités où s’épanouissent les sociétés privées, ils sont multiples.
1 - Des entreprises privées de taille inégale
Les entreprises privées sont en majorité des entreprises à propriétaire unique, de taille petite ou moyenne. Une particularité du mode
112
TRINH THI HOA MAI
d’appropriation est liée à la dimension des entreprises privées. En
général, les entreprises à propriétaire unique sont de petites entreprises avec un capital de l'ordre de cent à cent trente millions de
dongs. Elles constituent 71 % des entreprises privées du pays.
Les entreprises appartenant à plusieurs propriétaires sont le plus
souvent des entreprises d’envergure moyenne et représentent 28 %
des entreprises privées. Elles prennent la forme de sociétés à
responsabilité limitée, avec un propriétaire officiel unique. En fait, les
détenteurs de ces entreprises relèvent d’une même famille et
cherchent ainsi à éviter que pèsent sur tous les lourdes obligations
liées aux entreprises à responsabilité limitée. Telle est du moins leur
stratégie qui a des conséquences sur les modes de fonctionnement de
ce genre d’entreprises.
Quant aux entreprises de grande envergure ayant pris la forme de
sociétés par actions, elles bénéficient d’une attention particulière,
mais n’occupent que 1 % du nombre total.
2 - Des entreprises privées inégalement réparties entre secteurs d'activité
et régions du pays
Les entreprises privées sont concentrées dans les domaines du
commerce, des services, de la production alimentaire et de confection.
Il s’agit de secteurs gros consommateurs de main-d’œuvre, avec un
retour rapide sur investissement, avec beaucoup de bénéfices et peu
de risque. Ces domaines rassemblent 70 % des entreprises privées du
pays. En revanche les activités purement productives en général et de
production agricole en particulier, n'attirent guère les investisseurs
privés. C’est ce qui explique que les entreprises privées qui fonctionnent dans ces domaines n’occupent que 30 % du total.
À l’heure actuelle dans l’ensemble du pays, 21 % des sociétés à
responsabilité limitée sont dans l’industrie contre 5 % de ces sociétés
dans l’hôtellerie. Pour ce qui est des entreprises privées en général
25 % sont dans l’industrie et 12 % dans l’hôtellerie et le tourisme. Les
modalités d'installation géographique de ces entreprises privées sont
également diverses : 19 % sont au nord, 18 % au centre, 63 % au sud
et 4,18 % dans les régions montagneuses. La répartition inégale des
113
113
ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
entreprises privées du pays montre que leur naissance et leur développement sont directement liés aux conditions de mise en place
d'une économie de marché, à l’accentuation de l’ouverture économique et aux particularités psychologiques des agents économiques.
3 - Le niveau des travailleurs dans les entreprises privées
Les chefs d’entreprises sont jeunes. À Hô Chi Minh-Ville, ils ont
entre trente-cinq et quarante-cinq ans (48,5 %) contre quarante à
soixante ans à Hanoi (82,8 %). Pour ce qui est de la formation dont ils
ont bénéficié : à Hô Chi Minh-Ville 32,8 % ont une formation universitaire contre 41,9 % à Hanoi.
En général, les chefs d’entreprises privées manquent de connaissance en matière de gestion. La plupart ont de la peine à s’habituer à
l’économie de marché. Actuellement, le directeur d’une entreprise
doit être un professionnel et présenter des qualités tout à fait nouvelles par rapport aux habitudes du travail en structures collectives.
Ce n’est pas le cas de la majorité des propriétaires des entreprises
vietnamiennes.
Le niveau d’instruction des salariés dans les entreprises privées est
modeste, adapté à un travail de type artisanal. Étant peu formés, ils
manquent de compétence. Moins de 70 % des travailleurs n’ont pas
fini la dixième.
- III Les problèmes urgents
À partir du panorama des deux secteurs économiques traités ici,
on peut repérer les problèmes à résoudre en priorité parmi ceux qui
exercent une influence sur le développement de ce secteur.
A - Plus que jamais, dans le cadre du processus d’industrialisation
et de modernisation du pays, l’économie d’État se trouve confrontée à
un grand défi. Le développement exige que les entreprises d’État
jouent un rôle moteur dans l’orientation de l’économie. En fait, leur
114
TRINH THI HOA MAI
influence sur la croissance demeure marginale. Globalement, le secteur d’État est loin de tenir toute sa place dans le développement
économique. Pourtant, il faut souligner que les faiblesses des entreprises d’État au Viet Nam ces derniers temps résultent moins des défauts inhérents à cette forme juridique que des insuffisances constatées au niveau du personnel ainsi que de facteurs externes sur lesquelles les structures de production ont peu de prise. Pour que les
deux secteurs se développent, il faut en finir avec des politiques qui
constituent l'expression d'habitudes de pensée erronées et archaïques.
B - L’économie privée fait preuve de dynamisme mais elle n’est
pas toujours bien orientée. Nombre de potentialités du secteur privé
restent encore inexplorées soit par manque d'audace dans les stratégies de développement, soit du fait d’obstacles au progrès des affaires.
C - Entre l’économie privée et l’économie d’État, il n’y a pas ni entraide, ni coopération alors qu'elles devraient se développer entre
composantes différentes d’un système cohérent.
D - L’égalité nécessaire dans le cadre de la vie des affaires n'est pas
encore respectée pas plus que n'est mis en place un environnement
juridique régissant les diverses composantes économiques du pays et
les traitant comme des acteurs également nécessaires au développement.
- IV Quelques solutions fondamentales
Plusieurs solutions sont proposées par les économistes afin d’améliorer les relations entre l’économie d’État et l’économie privée et afin
d'accélérer leur développement. Dans le cadre de ce travail nous
voudrions évoquer quelques-unes de ces propositions.
115
115
ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
A - Il faut créer un environnement notamment juridique fondé sur
une égalité entre économie d’État et économie privée afin qu'elles coexistent dans de bonnes conditions et qu'elles se développent de
concert. Il est temps de distinguer les entreprises d’État qui sont en
charge d'un service public et dont les objectifs sont
socio-économiques, des entreprises d’État qui visent simplement à
faire des profits.
Les entreprises étatiques relevant par leurs activités du monde des
affaires doivent être dans une situation d’égalité par rapport aux
entreprises privées. L’inégalité de ces deux secteurs se constate ces
derniers temps dans le régime des capitaux, dans la répartition des
impôts et dans la formation de la main-d’œuvre utilisée. Remédier
aux inégalités de traitement par le système bancaire entre les
entreprises étatiques et privées, est devenu un impératif. Cette
inégalité empêche les entreprises privées d’accéder aux marchés des
capitaux, donc à certains crédits.
La création d’un environnement juridique placé sous le signe de
l’égalité entre toutes les composantes économiques est liée au perfectionnement du droit économique, à la reconnaissance d’un statut
pour les entreprises privées, à la création d’un "espace de jeu" traitant
équitablement les établissements économiques internes et étrangers
au Viet Nam.
L’État et les institutions socio-économiques doivent prendre des
mesures pour améliorer la formation et fournir une main-d’œuvre de
bonne qualité à l’économie privée. Symétriquement, l’égalité dans la
formation des ressources humaines exige que l’économie privée ne
bénéficie pas seulement d’un certain nombre d’avantages mais qu’elle
participe à la formation de personnels de bonne qualité.
L’économie privée constitue un élément à part entière de l’économie et un atout important pour le développement. C’est pourquoi elle
ne doit pas se développer dans une ambiance de malentendu, mais
sur la base d’un projet concerté et dans un contexte de concurrence
saine avec les autres composantes économiques afin de minimiser les
points faibles et de valoriser les points forts potentiels de ce secteur
économique dans notre pays.
116
TRINH THI HOA MAI
B - L’État doit fournir suffisamment d’informations à toutes les
composantes, particulièrement aux composantes non étatiques, telle
l’économie privée. Le manque d’informations a posé pas mal de problèmes aux entreprises privées. Fournir les connaissances utiles aux
entreprises privées, partie intégrante de l’économie unie, doit être
considéré comme un travail nécessaire et urgent. Certains proposent
de créer un centre national d’informations économiques, ayant pour
tâche de publier les données les plus récentes indispensables aux entreprises.
C - Il faut améliorer les liaisons entre entreprises étatiques et
privées. Ces derniers temps, les entreprises d’État se développent
grâce aux mesures prises en leur faveur mais sans tenir compte de
l’existence des entreprises privées. Ces dernières ne se développent
qu'en surmontant beaucoup d’obstacles et de difficultés, parfois
même en devant se protéger contre l’économie d’État. Cette attitude
limite le développement des deux secteurs. Si l’on maintient la situation des rapports limités entre économie d’État et économie privée
comme auparavant, on limitera les atouts de chaque secteur. Des
interventions communes profiteront à toutes les deux. Leurs points
forts seront maximisés et l’on diminuera les handicaps de chaque
composante.
Les atouts de l’État en ce domaine tiennent au contrôle des flux financiers, à la maîtrise des infrastructures, enfin à ses pouvoirs économiques et politiques. Les atouts de l’économie privée tiennent à sa
capacité à mobiliser l’épargne populaire, à utiliser certaines techniques traditionnelles et à faire appel à des personnels qualifiés. Les
chefs d’entreprises doivent détenir le don ou l’art de gérer. L’action
cohérente des deux secteurs économiques correspond au modèle
d'une économie capitaliste d’État.
Les documents adoptés lors du sixième congrès du Parti communiste du Viet Nam ont souligné la nécessité de mettre en œuvre les
bons modèles économiques à chaque étape de la chaîne de production
et de circulation des produits, afin d’exploiter toutes les capacités des
117
117
ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM
secteurs économiques alliés. Il y a là une décision stratégique qui
participe de la volonté de libérer et d’exploiter toutes les capacités
disponibles en vue de développer les forces productives du pays.
L’économie capitaliste privée est encouragée et orientée, en fonction
de l’idéologie socialiste, vers les formes du capitalisme d’État.
L’économie capitaliste d’État constitue une forme économique de
transition, organisée à tous les niveaux, depuis les structures d’offre
et de vente de marchandises jusqu’aux entreprises d’État.
Dans un contexte économique international favorable, l’édification d’une structure économique ouverte est considérée comme un
impératif. Le capitalisme d’État résultant d’une collaboration entre le
gouvernement prolétarien et le capitalisme étranger constitue une
forme à développer.
L’introduction du capitalisme d’État dans notre pays est fondée
sur l’idée qu'il constitue une forme économique intermédiaire et un
élément important dans une politique économique de transition vers
le socialisme. L’appel au capitalisme d’État dans le cadre de l'effort
d’industrialisation et de modernisation revêt une signification
importante. Grâce à lui, l’on peut espérer attirer des milliards de
dollars de capitaux et de techniques nouvelles. Le capitalisme d’État
doit préserver le rôle de recensement et de contrôle de l’État sur tous
les secteurs dans une ambiance de succès de l’économie de marché et
de respect des orientations socialistes du pays.
Il en résulte que l’alliance du secteur d’État et du secteur privé,
l’actionnarisation et la joint venture de l’économie nationale et du
capitalisme étranger constituent trois programmes à développer dans
notre pays. D’après les économistes, il faudrait améliorer le rapport
économie d’État / économie privée pour augmenter la place de
l’économie capitaliste d’État au sein de notre économie à plusieurs
composantes, tous ces éléments étant mobilisés pour concourir au
développement de l’économie.
Chapitre 2
LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE DE L'ÉTAT
ET LE SECTEUR ÉCONOMIQUE PRIVÉ
AU VIET NAM
docteur Vu Duc Thanh
L'étude de ce thème doit être éclairée par trois remarques préalables. En premier lieu, il faut souligner que le terme "politique économique de l'État" désigne l'ensemble des décisions stratégiques résultant des motions adoptées par les organes dirigeants du Parti
communiste du Viet Nam ; s'y ajoutent évidemment la législation
d'État et les éléments de la réglementation gouvernementale organisant la vie économique. En deuxième lieu, il convient de tenir compte
de ce que le secteur privé au Viet Nam ne concerne directement que
les activités économiques des individus, des familles et des petits
commerçants ; actuellement, ce secteur est désigné sous la
dénomination : "secteur d'exploitation privée". Enfin, l'on doit
souligner que le secteur privé ne représente qu'une partie du système
économique du pays ; il est donc affecté non seulement par les
mesures qui le touchent directement mais également et indirectement
par les décisions concernant d'autres composantes de l'économie,
notamment le secteur public.
120
VU DUC THANH
-IAperçu de la politique économique de l'État
à l'égard du secteur privé
avant le "renouveau" économique (1955-1985)
S'agissant de la politique économique imposée par le gouvernement, l'époque se situant entre 1955 et 1985 peut se diviser en quatre
courtes périodes présentant différentes caractéristiques.
A - Période de restauration économique
Durant cette période, le Viet Nam est provisoirement divisé en
deux zones dotées de deux régimes différents. Le nord développe son
économie sous la direction du Parti communiste vietnamien.
L'économie du nord est en retard depuis longtemps, phénomène aggravé par les conséquences de la guerre contre les colonialistes français. Dès septembre 1954, le bureau politique du Parti communiste
vietnamien établit un plan triennal (1955-1957) pour réparer les
dommages de la guerre et, simultanément, reconstruire et développer
l'économie avec, comme tâche centrale, la réforme agraire. En mai
1955, le gouvernement promulgue huit politiques encourageant la
production, surtout celle des paysans. Dans le contexte d'une économie agricole arriérée, ces politiques sont évidemment orientées vers le
développement de l'économie privée en la considérant comme un
agent important dans la reconstruction économique. Les résultats obtenus ont prouvé la justesse de ces politiques.
B - Période de la réforme socialiste de l'économie (1958-1960)
Au carrefour de plusieurs influences, le Viet Nam a très tôt choisi
la voie du développement socialiste, suivant le modèle de l'URSS. En
avril 1958, l'Assemblée nationale du Viet Nam adopte un deuxième
plan triennal (1958-1960) organisant la réforme et le développement
de l'économie ainsi que les progrès de la culture. La réforme socialiste
de l'économie est mise en oeuvre en poursuivant trois objectifs
essentiels : la nationalisation des entreprises héritées de l'ancien
régime ainsi que celles appartenant aux capitalistes compradors,
l'application aux "capitalistes nationaux" d'un processus de réforme
121
121
ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM
progressive par la mise en place d'entreprises commerciales mixtes
avec participation de l'État, enfin la collectivisation de l'agriculture,
du commerce et des industries individuelles. Parallèlement à ce
processus, l'État accroît ses investissements en faveur du
développement de l'économie nationale. De tout cela, il résulte une
réduction de la place de l'économie privée qui était encore peu
développée lors de l'indépendance et qui devient un élément secondaire dans l'économie du pays.
C - Période 1961-1975
En septembre 1960, le Parti communiste vietnamien réunit son
troisième congrès en vue de tracer la voie révolutionnaire vers le socialisme avec un nouveau plan quinquennal (1961-1965). L'une des
plus importantes décisions tend à "achever la réforme socialiste en
transformant l'économie du nord en économie socialiste".
Conformément à cette orientation, le nord accélère l'effort de réforme
de l'économie privée en élargissant la place des coopératives et de
l'économie d'État. Jusqu'en 1965, le nord s'est surtout appliqué, dans
ce domaine, à effacer l'économie privée en tant que secteur économique. Pendant les dix ans de la guerre (1965-1975), l'économie socialiste, sous ses deux formes, secteur étatique et secteur coopératif, occupe une place prédominante dans l'économie.
D - Période 1976-1985
Le 30 avril 1975, la guerre prend fin et en 1976, le Viet Nam unifie
l'organisation de l'État et celle du Parti. Le quatrième congrès du Parti
communiste vietnamien détermine une orientation socialiste pour le
pays entier et arrête un plan quinquennal de l'économie (1976-1980).
Cette politique et ce plan économique tendent à élargir le modèle
socialiste du nord à tout le pays.
Les efforts en vue d'élargir l'économie socialiste et d'effacer
l'économie privée n'ont guère obtenu de succès. Le plan quinquennal
n'a pas atteint les objectifs ambitieux qu'il se fixait. L'économie s'est
affaiblie. La production et la vie du peuple se trouvent dans des situations difficiles. En septembre 1997, le sixième plénum du comité
122
VU DUC THANH
central du Parti communiste vietnamien a dû en tirer la leçon et insister sur les tâches urgentes à remplir dans la mesure où l'intérêt des
travailleurs était en jeu. Pour la première fois est posé le problème
d'une utilisation juste des secteurs économiques privés et des capitalistes nationaux. Pourtant l'économie privée et celle du marché demeurent considérées comme des forces non-socialistes.
En mars 1982, le cinquième congrès du Parti communiste vietnamien adopte le nouveau plan quinquennal (1981-1985), fondé sur la
transformation des mentalités et sur de nouvelles orientation en matière de politique économique. Avec la reconnaissance d'une structure
de l'économie composée de plusieurs secteurs (trois secteurs au nord,
cinq au sud), le Parti communiste vietnamien décide "d'associer la
réforme à l'utilisation des divers secteurs de l'économie et de réformer
les secteurs économiques non-socialistes". Cette politique exclut
l'éventualité d'une pure et simple disparition de l'économie privée,
cette dernière n'étant pas pour autant encouragée à se développer.
En fait, à l'époque, la politique officielle s'intéresse moins à stimuler le développement de l'économie privée qu'à rénover le secteur
économique socialiste pour le sauver. Deux décisions importantes méritent d'être signalées : la décision n° 25 /CP du gouvernement du 21
janvier 1981 sur la planification des entreprises étatiques et l'arrêté 100 du comité central du Parti communiste vietnamien de janvier
1981 sur l'application du régime du forfait aux coopératives agricoles.
Ces décisions et la réforme monétaire d'octobre 1985 contribuent pour
une part déterminante à la désagrégation des structures internes du
secteur économique socialiste, ainsi qu'au développement de relations
économiques fondées sur le marché, enfin au développement
spontané de l'économie privée. Malgré les mesures rigoureuses prises
par le gouvernement -vérifications administratives et contrôle du
marché jusqu'au milieu des années 1980- l'économie privée se développe et a tendance à favoriser des équilibres fondés sur une comparaison réaliste de l'offre et de la demande.
123
123
ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM
- II La politique de l'État à l'égard du secteur privé
avant le renouveau économique (jusqu'en 1986)
A - Le contexte macro-économique : les orientations de la réforme
économique et ses effets sur le secteur privé
Jusqu'en 1985, l'économie socialiste tant d'État que collective préserve en principe la place absolue qui lui était reconnue jusqu'alors
dans l'économie. Les efforts d'ajustement mis en œuvre par les pouvoirs publics, placent le Viet Nam au seuil de l'économie du marché.
En même temps, l'économie s'enfonce dans la crise et s'affaiblit.
L'inflation augmente. La production stagne. La vie quotidienne de la
population devient plus difficile.
En décembre 1986, le sixième congrès du PCV fixe le programme
stratégique et les orientations du renouveau de l'économie de marché.
L'une des décisions importantes de ce congrès consiste à présenter la
reconstruction d'une économie composée de plusieurs secteurs
comme une stratégie à long terme, destinée à démocratiser l'économie
et à libérer les ressources nécessaires au développement. Ces
décisions organisent en même temps les conditions favorables à
l'économie privée qui va donc pouvoir se développer en tant que
composante importante de l'économie nationale.
B - Les nouvelles politiques économiques et leur influence sur le
secteur privé
Les septième et huitième congrès du Parti complètent les politiques arrêtées lors du sixième congrès. L'objectif consiste à construire
une économie de marché composée de plusieurs secteurs avec régulation par l'État et orientation socialiste. À partir de 1986, le Viet Nam
met en application simultanément plusieurs politiques importantes en
vue de supprimer le protectionnisme et d'accélérer le passage à
l'économie de marché. Ces politiques agissent de façon très active sur
l'évolution du secteur privé. Sept aspects méritent d'être développés.
124
VU DUC THANH
- Le cadre juridique général : le Viet Nam s'efforce d'établir le cadre
juridique général apte à encourager le secteur privé. Parmi les textes
juridiques les plus importants, l'on peut citer la loi sur des
compagnies (21 décembre 1990), la constitution rectifiée (d'avril 1993
dans laquelle, la propriété privée est reconnue et protégée, tous les
citoyens ayant la faculté d'effectuer librement des affaires commerciales conformes à la loi), la loi agraire (de 1993) et les deux lois encourageant les investissements dans le pays (de juin 1994 et mai 1998,
cette dernière étant encore actuellement en vigueur). Le secteur privé
dispose ainsi d'un environnement favorable à sa croissance. De fait, il
se développe rapidement en contribuant pour une part importante à
la croissance générale de l'économie nationale.
- La politique structurelle : en ce qui concerne la propriété, l'économie du Viet Nam comprend plusieurs secteurs parmi lesquels le
secteur privé connaît un développement comparable aux autres. Il
n'est pas limité aux domaines commerciaux. Il est moins présent dans
le domaine industriel. Il ne participe pas encore au système bancaire
et ni aux processus de transfert technologique.
- La politique fiscale : à partir de 1990, les réformes fiscales sont
appliquées au secteur privé dans les mêmes conditions qu'au secteur
public. En fait, ce sont les entreprises bénéficiant les investissements
étrangers et les petites entreprises qui sont, en ce domaine, les mieux
traitées. L'application de la politique fiscale se heurte à l'existence
d'une réglementation archaïque en ce qui concerne la comptabilité et
l'expertise dans le secteur privé. Ceci contribue a expliquer la faiblesse
des rentrées fiscales en provenance de ce secteur, surtout du fait des
conditions d'application de la loi sur la TVA du 1er janvier 1999.
- La politique de crédit : dans le cadre de la politique actuelle, le
secteur privé fait jeu égal avec les autres secteurs dans l'accès au crédit. Pourtant presque toutes les entreprises privées ont des difficultés
à emprunter des fonds à leur banque du fait de la prise obligatoire
d'hypothèque sur les biens. Les entreprises privées n'ont pas la capa-
125
125
ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM
cité d'utiliser à ce titre les fonds des joint-ventures. Par ailleurs une
partie de la population -surtout celles habitant à la campagne- bénéficie de privilèges dans l'obtention de crédit grâce aux programmes
contre la misère et aux prêts pour le développement économique.
Après la promulgation de la loi encourageant des investissement
dans le pays (1994), le gouvernement a créé la Caisse d'aide aux investissements nationaux tant au plan central que local, avec comme
objectif de privilégier les projets d'investissements intérieurs. En fait
81 % des crédits de cette caisse sont réservés aux entreprises étatiques, du moins jusqu'en juin 1998. En outre, dans onze provinces du
pays, les investisseurs privés ne peuvent pas avoir accès à ces ressources. La politique de crédit crée donc des problèmes financiers au
secteur privé.
- La politique sur des terres : au Viet Nam, les terres appartiennent à
l'État. La politique sur les terres joue un rôle particulièrement
important pour le développement du secteur privé. La loi sur les
terres de 1993 fournit une base juridique aux secteurs économiques
qui souhaitent utiliser légalement les terres dans un but commercial.
En application de cette loi, le gouvernement promulgue un règlement
sur les droits et les obligations des sociétés auxquelles l'État confie des
terres sous forme de location. Les investisseurs privés n'ont pas le
droit d'aliéner ces terres, de les hypothéquer ou de les relouer (comme
dans l'agriculture). De plus les dispositions sur l'allocation de terres
aux particuliers sont compliquées et supposent l'accomplissement de
beaucoup de formalités et de démarches.
La politique d'allocation des terres aux investisseurs vietnamiens
qui vivent à l'étranger et aux investisseurs étrangers qui résident depuis longtemps au Viet Nam n'est pas encore très claire. Ainsi le
transfert des terres et leur allocation au secteur privé sont encore très
difficiles. Après la loi encourageant les investissements intérieurs,
jusqu'au mois de juin 1998, 149 projets d'investissement ont permis la
location de 100,42 millions de m2. Sur ce total 110 projets (73,8 %)
portant sur 108,6 millions de m2 (97,47 % de surface) émanent du secteur public. La politique sur les terres constitue donc un obstacle qui
doit être levé pour encourager le secteur privé.
126
VU DUC THANH
- La politique commerciale : depuis 1989, le Viet Nam applique une
politique de libération du commerce, ce qui permet aux entreprises
privées de participer aux activités d'exportation et d'importation.
Cependant, les entreprises privées ont plus de difficultés pour obtenir
des quotas à ce titre que les entreprises étatiques, ce qui limite leur
capacité de concurrence.
- La politique sur le travail : la loi sur le travail au Viet Nam
promulguée le 23 juin 1994 permet au secteur privé d'embaucher des
travailleurs et de signer des contrats de travail. Pourtant le secteur
privé éveille la méfiance des particuliers pour ce qui est des relations
de travail. L'évolution des mentalités demande du temps.
En général, la rénovation politique et économique encourage le
développement du secteur privé. En réalité, la contribution de ce dernier au budget de l'État demeure inférieure à celle du secteur public.
La croissance du secteur privé est également inférieure à celle du secteur public et à celle de l'économie en général. Cela prouve qu'il existe
encore des obstacles politiques, qui limitent la capacité de progrès de
ce secteur privé.
- III Le rôle du secteur privé dans les politiques
économiques de l'État
Au terme de cette étude sur l'évolution du secteur privé au Viet
Nam, on peut présenter les remarques suivantes.
- Depuis la fin des années 1970, l'apparition puis l'explosion
spontanée de relations économiques fondées sur la logique du
marché, se traduisent par des demandes d'assouplissement de la
réglementation et de reconnaissance de la nécessité des activités
économiques privées. La fin des années 1970 et le début des années
127
127
ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM
1980 constituent la période où l'économie privée de marché se
développe d'une façon illégale mais selon une tendance de plus en
plus marquée. Malgré les contrôles, la croissance de l'économie privée
conduit alors les responsables politiques à réexaminer le système
économique socialiste fondé sur le régime de propriété publique. La
multiplication des conflits entre une tendance irrésistible au progrès
de l'économie privée et le constat d'un affaiblissement de l'économie
publique, planifiée et centralisée, bénéficiant d'une protection mais
peu efficace aboutit à des décisions de rénovation de tout le système
économique.
- Aujourd'hui, le développement du secteur privé dépend de l'évolution interne du secteur public et aussi du perfectionnement des politiques économiques. Pourtant sous la pression de l'internationalisation
de la vie économique et de la demande d'une élévation de capacité de
concurrence de l'économie, l'aboutissement à l'encouragement du
secteur privé est inévitable, surtout pour les particuliers dans le pays.
- Enfin, pour conclure, il faut souligner que pour développer l'économie de marché suivant les orientations socialistes, la croissance du
secteur privé, articulé avec le respect du rôle directif de l'économie
publique, est indispensable à la réalisation des objectifs définis par le
Parti et le gouvernement du Viet Nam.
Chapitre 3
LA RÉNOVATION DES INSTITUTIONS
ÉCONOMIQUES EN TUNISIE
Mohamed Ridha Ben Hammed, professeur
La Tunisie a entrepris depuis 1986 un vaste programme de rénovation de ses institutions économiques. Cette rénovation a constitué la
réponse des pouvoirs publics à la demande formulée par le corps
politique pour la résolution de problèmes graves et urgents. En effet,
la Tunisie, après des décennies de croissance impressionnante était
menacée de banqueroute et d'immobilisme 1.
Cette position diminuée de la Tunisie au sein du système économique mondial, a dicté la nécessité d'entreprendre un ajustement
structurel. Depuis, la Tunisie a évolué dans le sens d'une profonde rénovation de ses institutions économiques. Les grands axes de cette rénovation qui s'inscrivent dans un vaste mouvement de libéralisation
progressive et profonde de l'économie tunisienne, sont notamment :
l'ouverture à l'économie mondiale par la suppression progressive des
protections douanières et l'appel aux investisseurs étrangers, la promotion de la logique du marché et l'encouragement du secteur privé,
enfin la restructuration du secteur public notamment par la privatisation des entreprises du secteur concurrentiel et la dynamisation du
marché financier.
En effet, le taux d'endettement extérieur était à l'époque de l'ordre de 60 %
du produit national brut avec un service de la dette qui représentait 28 % des
recettes courantes et cela parallèlement à la régression des réserves en
devises, tombées au plus bas niveau enregistré par l'économie nationale en
trente années d'indépendance, tandis que le taux d'inflation dépassait 8 %
(Banque centrale de Tunisie, Statistiques financières, mars 1988).
1
130
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
Les finalités de ces réformes sont la dynamisation de l'économie et
la stimulation privée en vue d'une plus grande performance économique et financière. C'est dans le prolongement de ce programme de
rénovation que la Tunisie a adhéré au GATT en 1990 devenu aujourd'hui l'OMC (l'Organisation mondiale du commerce) et a signé en
1995 un accord d'association avec l'Union européenne dans le but de
créer une zone de libre échange sur une période de douze ans. Pour
répondre à cette politique d'ouverture économique et d'insertion de la
Tunisie dans l'économie mondiale, la rénovation des institutions économiques s'est effectuée au courant de la dernière décennie d'une part
par l'adaptation des instruments en vigueur pour permettre la mise en
oeuvre d'une politique d'ouverture économique (I) et d'autre part par
la création de nouveaux instruments pour mettre en oeuvre cette
politique d'ouverture économique (II).
-IL'adaptation des instruments en vigueur
pour la mise en oeuvre d'une politique d'ouverture économique
Cette adaptation traduit l'adhésion de la Tunisie aux options du
libéralisme économique. Elle indique également la volonté des pouvoirs publics de traduire les principes de ce libéralisme en normes juridiques. L'action entreprise dans le cadre de cette stratégie vise à
apporter les correctifs nécessaires au droit en vigueur et les restructurations indispensables des institutions existantes. Ces corrections
apportées au dispositif jusque là en vigueur et qui se caractérisait par
un certain nombre de dysfonctions devaient favoriser l'accélération
du rythme de croissance économique et social. De ce souci est né le
nouveau cadre juridique de la restructuration du secteur public
économique (A) et la rénovation du droit de l'investissement (B).
A - La restructuration du secteur public
La volonté de rénovation des institutions du secteur public en général et économique en particulier s'est manifestée avec l'adoption du
VIIème plan de développement à partir de 1987 qui a opté pour une
politique de "restructuration des entreprises publiques par un
131
131
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
désengagement définitif mais progressif de l'État des secteurs concurrentiels et non stratégiques..." Ce choix repose sur la conviction que
"Le maintien de ces entreprises sous la tutelle de l'État ne peut qu'entraîner l'affaiblissement progressif de l'économie. Par conséquent, la
seule issue valable de cette impasse, demeure la privatisation, car
celle-ci exposerait les entreprises à la discipline du marché et améliorerait leur efficience".
Logiquement, la volonté affichée d'approfondir l'orientation de
désengagement, appelait la refonte de plusieurs textes régissant divers aspects de la vie économique et sociale. Il s'agit notamment de
réduire les déficits publics et de limiter le recours au budget de l'État
en améliorant l'efficacité de la gestion et la rentabilité des entreprises.
Un cadre juridique a été mis en place par la loi du 1er février 1989
pour permettre la mise en oeuvre du processus de restructuration et
de privatisation des entreprises publiques.
Cette loi a introduit deux grands mécanismes. D'abord, elle institue le privilège de l'action spécifique inaliénable ou l'action en or
(golden share) au profit de l'État. Ensuite, elle instaure la pratique de
constitution de noyaux durs à travers l'instauration d'une nouvelle
modalité de cession par voie boursière. Cette modalité est la vente de
blocs d'actions, par appel d'offres sur cahiers des charges, à une
personne physique ou morale ou à un groupe de personnes physiques
ou morales. Le gouvernement dans le cadre de cette restructuration
est autorisé conformément à cette loi à "céder tout ou partie des
participations de l'État dans ces entreprises".
Ces opérations de restructuration comprennent d'une part la cession ou l'échange d'actions ou des titres détenus par l'État ou les collectivités publiques locales, les établissements publics et les entreprises à participation publique, d'autre part la cession de tout élément
d'actif susceptible de constituer une unité d'exploitation autonome
dans une entreprise dans laquelle l'État détient une participation
directe au capital mais aussi, les opérations de fusion, d'absorption,
de scission d'entreprises dans lesquelles l'État ou les collectivités
publiques, les établissements publics et les entreprises à participations
publiques, détiennent une participation directe au capital.
132
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
C'est sur la base de ce dispositif que plusieurs dizaines d'opérations de privatisation ont été mises en oeuvre depuis 1987. Pour le
quinquennat à venir, le texte du IXème plan (1997-2001) prévoit la
privatisation de soixante-trois entreprises. Les modalités concrètes de
mise en oeuvre de ces privatisations sont très variées 2. La cession au
secteur privé peut être effectuée sur le marché financier ou hors du
marché financier ou même combiner les deux circuits. Cette mise en
oeuvre peut prendre aussi la forme de vente partielle ou totale
d'éléments d'actif soit directe de gré à gré, soit par appel d'offre, soit
aux enchères publiques volontaires.
La cession d'éléments d'actif est la technique consistant pour une
entreprise publique à transférer à une personne privée physique ou
morale, la propriété des biens, meubles ou immeubles ou des droits
qu'elle possède et que constitue son action. Elle peut également
consister en une opération relativement complexe de fusion, d'absorption simple ou par la constitution d'une société nouvelle. Dans le souci
de faciliter le bon déroulement de ces opérations, la loi du ler février
1989 a prévu, au profit des acquéreurs potentiels, un certain nombre
d'avantages fiscaux en amont de l'opération de privatisation et au
cours de la cession proprement dite. Il est à remarquer que, pour
renforcer l'efficacité de la gestion des entreprises publiques et des
services publics non-privatisables, les pouvoirs publics tendent à
aligner leur gestion sur le mode de gestion des entreprises privées.
B - La rénovation du droit de l'investissement
Le droit de l'investissement a connu une grande rénovation par la
promulgation d'un code unique, le 27 décembre 1993. Avant la promulgation de ce texte, la Tunisie a connu depuis 1969, une inflation de
textes relatifs aux investissements. Chaque secteur de l'activité économique était régi par un code spécifique : code des investissements
industriels, code des investissements agricoles et de pêche, code des
investissements dans les activités de services, enfin code des investissements touristiques.
2
VIIème plan de développement économique et social (1987-1991), p. 179.
133
133
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
La multiplicité de ces codes, indique le VIIIème plan de développement, a "engendré de multiples contradictions" et "insuffisances" en
raison de "l'absence d'un lien de convergence entre les incitations et
les encouragements prévus d'où leur incohérence d'une part et la
complexité de leur mise en oeuvre d'autre part" 3. Par ailleurs, il est
reproché à la multiplicité des textes et aux difficultés d'interprétation
et de mise en oeuvre d'avoir engendré une certaine insécurité juridique 4.
Avec ce nouvel instrument qu'est le code unique, le cadre
juridique des investissements a connu une mutation importante. Tout
en simplifiant le dispositif institué par les différents codes sectoriels
abrogés, le nouveau code de 1993 l'adapte mieux aux impératifs de la
libéralisation de l'économie et de son ouverture au marché extérieur
par l'étendue de son champ d'application, par la simplification de la
procédure d'admission de l'investissement et par son caractère fortement incitatif.
1 - L'étendue de son champ d'application
L'extension s'explique par trois données. D'abord, le champ d'application ratione personae du code de 1993 est très large 5. Il s'étend à
tout projet d'investissement réalisé en Tunisie par des promoteurs
tunisiens ou étrangers, résidents ou non-résidents, ou en partenariat
(art. 1). C'est donc la liberté d'investir et les principes de
non-discrimination qui sont retenus (art. 2). Cette liberté connaît toutefois deux limites. Première limite : lorsque la participation des
étrangers dans certains secteurs dépasse 50 % du capital de l'entreprise, l'investissement concerné est soumis à l'approbation préalable
de la Commission supérieure d'investissement (art. 2 et 3). Deuxième
limite : dans le secteur agricole, les investissements ne peuvent en
aucun cas entraîner l'appropriation des terres agricoles par les
VIIIe Plan de développement 1992-1996, vol. I (A).
EL ABED (A.), L'encadrement juridique des investissements à travers le
"Code d'indications aux investissements", thèse droit Tunis, 1997.
5 Cf. à propos du code d'incitations aux investissements, HORCHANI (F.),
"Le code tunisien d'incitation aux investissements", Journal du droit
international, 125e année (1998) n° l janvier-février-mars, p. 67 et s.
3
4
134
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
étrangers (art. 3, a1. 3). Le code unique ne fait que reprendre la terminologie des anciens codes abrogés ainsi que celle récente de la loi
du 3 août 1992 relative aux zones franches économiques. C'est le critère de non résidence qui est pris en compte et non celui de la nationalité pour l'octroi de certaines exonérations, en particulier celles relatives au régime du commerce extérieur et de change.
Ensuite, "le code se caractérise par sa globalité : i1 régit tous les
secteurs d'investissement et toutes les activités économiques à l'exception toutefois du secteur minier, financier et de l'énergie. Quatorze
secteurs sont expressément régis par l'article 1 du code. Dans tous ces
cas, l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics est "l'accélération du
rythme de la croissance et des créations d'emploi" (art. 1).
Contrairement à l'ancienne législation, le code opte pour une
acception très large de l'investissement encouragé. Ce ne sont pas seulement les activités productives ou de main-d'oeuvre qui méritent
protection et encouragement. Ce sont aussi des investissements dans
les grands services publics traditionnels tels que le transport, la santé,
l'enseignement, la protection de l'environnement, l'infrastructure. Ces
secteurs "intégreront l'activité économique concurrentielle et seront
soumis à la loi du marché, à l'efficacité gestionnaire aux dépens du
dogme du service public ou du contrôle par l'État des secteurs
stratégiques" 6.
En troisième lieu, le code considère comme investissement non seulement la création de nouvelles activités mais aussi le renouvellement,
l'extension, le réaménagement ou la transformation d'investissements
existants (art. 5). C'est le réinvestissement des bénéfices qui est
directement encouragé dans la mesure où il est considéré comme
nouvel investissement et bénéficie des incitations prévues au même
titre que l'investissement initial.
2 - La simplification de la procédure d'admission de l'investissement
L'une des principales innovations du code de 1993 est d'avoir unifié et simplifié la procédure relative à l'admission de l'investissement.
Désormais, l'article 2 de ce code dispose que les investissements "sont
6
HORCHANI (F.), ouvr. cité p. 73.
135
135
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
réalisés librement sous réserve de satisfaire aux conditions d'exercice
de ces activités conformément à la réglementation en vigueur. / Les
investissements projetés doivent toutefois faire l'objet d'une
déclaration déposée auprès des services administratifs concernés par
l'activité, lesquels services sont tenus de délivrer une attestation de
dépôt de la déclaration" (article 2).
En réalité, le régime de la déclaration existait dans les législation
antérieures mais au profit de certains secteurs seulement. Le code de
1993 l'a donc étendu à tous les secteurs à l'exception de certains
secteurs fixés limitativement par le code qui nécessitent un agrément
préalable. Par rapport à ce dernier, le régime de la déclaration est plus
favorable à l'investisseur. En effet, la déclaration ne peut être refusée
que si le dossier présenté par l'investisseur est incomplet ou si une
autre condition légale prévue par le code n'est pas remplie.
L'administration n'est pas juge de l'opportunité de la décision dont la
légalité est contrôlée par le juge de l'excès de pouvoir.
3 - Le caractère incitatif du code de l'investissement
Le nouveau code se caractérise par son caractère fortement incitatif. Sa dénomination même en porte l'empreinte. Sur les soixante-sept
articles constituant ce code, soixante sont réservés aux incitations, à
leur étendue, aux conditions de leur octroi et du retrait éventuel. La
Tunisie est considérée à cet égard comme l'un des pays les plus
généreux en matière d'exonérations fiscales et douanières,
d'avantages financiers et d'assistance aux investissements étrangers 7.
Dans la mesure où il régit tous les secteurs concurrentiels en tenant
compte en même temps de l'importance de certains d'entre eux pour
l'économie du pays, le nouveau code opère une distinction entre les
incitations communes à tous ces investissements et les incitations
spécifiques à chaque catégorie d'investissement.
a - les incitations communes
7
HORCHANI (F.), ouvr. cité, p. 76.
136
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
Tous les investissements régis par le code bénéficient de trois types
d'incitations. Les premières sont d'ordre fiscal. Une déduction de
l'assiette imposable est accordée dans la limite de 35 %. Les secondes
incitations sont de nature douanière. Les biens d'équipement importés
n'ayant pas de similaires fabriqués localement bénéficient de la
réduction des droits de douane aux taux de 10 % et de la suspension
de la TVA. Les troisièmes incitations sont relatives au régime de
l'amortissement. Le code autorise le calcul des amortissements selon
le mode dégressif.
b - Les incitations spécifiques sont le dégrèvement fiscal, les incitations douanières, les primes d'investissement et la participation de
l'État aux dépenses d'infrastructures. À tout cela s'ajoutent les incitations accordées aux investissements dans les zones franches.
-II La création de nouveaux instruments
de mise en oeuvre d'une politique d'ouverture économique
La mise en place de ces nouveaux instruments est destinée à
conforter le dispositif déjà existant. Ce dispositif est appelé à évoluer
et à s'adapter avec la nouvelle situation économique du pays. La
Tunisie doit dans ce cadre se doter d'un certain nombre de nouveaux
instruments et adopter une nouvelle approche. Ces instruments
peuvent être classés en trois types : les instruments de dynamisation
du système économique (A), les instruments de régulation du système
économique (B) et les instruments de prévention des difficultés économiques de l'entreprise (C).
A - Les instruments de dynamisation
Une des premières initiatives du gouvernement dans ce cadre était
"la dynamisation de l'économie". Cette dynamisation a porté sur les
marchés et le commerce extérieur.
137
137
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
1 - La dynamisation des marchés
Cette dynamisation a concerné le marché des biens et services, le
marché des capitaux et le marché du travail.
a - Pour ce qui est du marché des biens et services, la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix a fait une référence expresse à la liberté des prix. L'article 2 de cette loi confirme que "les
prix des biens produits et services sont librement déterminés par le
jeu de la concurrence".
Cette consécration expresse de la liberté des prix en Tunisie
tranche nettement avec la situation antérieure et notamment avec la
loi du 19 mai 1970 portant réglementation des prix. En effet, sous
l'empire de l'ancienne loi, les prix des produits et services étaient
fortement encadrés et soumis à des régimes plus ou moins contraignants. Désormais, la loi du 29 juillet 1991 a opéré un renversement
de situation révélateur de la nouvelle option libérale. Jusqu'à la
promulgation de ce texte, il n'existait en Tunisie ni un droit de la
concurrence, ni une juridiction spécialisée en la matière. En plus, cette
nouvelle législation constitue un véritable bouleversement de la logique qui prédominait jusque là en matière de prix. La législation
précédente était conçue dans une logique d'encadrement et de
contrôle des prix.
À l'inverse, la nouvelle législation met en place un principe nouveau. Celui de la liberté avec deux champs d'application complémentaires et interdépendants : celui de la libre concurrence et celui de
la liberté des prix. En outre, la libre concurrence retenue dans ce texte
de 1991 comme principe, voit son champ particulièrement étendu
puisqu'elle s'applique à tous les opérateurs qu'ils soient personnes
morales de droit privé ou personnes publiques qui exerceraient des
activités de production, de commercialisation ou de prestation de
services. La proclamation du principe de la liberté de la concurrence
et des prix est assortie d'un dispositif étoffé de règles permettant
138
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
l'exercice de cette liberté sans discrimination dans la transparence et
la loyauté 8.
b - Le marché des capitaux a également été concerné par cette dynamisation. En effet, le ler mars 1994 a été la date officielle du démarrage du marché libre des changes en Tunisie. Auparavant, la
Banque centrale de Tunisie régentait le marché des changes. Elle avait
le monopole de la cotation des devises en dinars tunisien. Aujourd'hui
avec la fin du monopole de la Banque centrale, les institutions
bancaires sont libres de vendre et d'acheter les devise au cours du
marché.
Cette création du marché des changes a constitué un maillon de
plus reliant les nombreuses initiatives de réglementation et d'ouverture sur l'extérieur. Parmi ces initiatives, nous signalons l'institution
du marché monétaire en devise en 1989 et la convertibilité courante
du dinar instituée par la loi du 3 mai 1993 portant amendement du
code des changes et du commerce extérieur. L'institution de ce
marché de change qui a été rendue possible par la politique de taux
de change flexible menée depuis 1987, a permis un assouplissement
important du système de paiement des opérations de change et de la
détermination du taux de change en dinars.
Parallèlement à la création de ce marché, un marché boursier a vu
le jour par la loi du 14 novembre 1994 où l'offre et la demande s'exercent librement sous le contrôle du comité du marché financier. Le rôle
de cette bourse des valeurs devrait se développer pour devenir un
cadre privilégié de mobilisation de l'épargne et de financement de
l'investissement.
c - La dynamisation a été également introduite au niveau du marché du travail par l'introduction de la flexibilité de l'emploi et la
possibilité pour les entreprises de procéder à des recrutements sur la
Sur la liberté des prix en Tunisie, cf. CHIKHAOUI (L.), "La liberté du
commerce et de l'industrie à travers la nouvelle réglementation de la
concurrence et des prix en Tunisie", Actualités juridiques tunisiennes 1993
n° 7, p. 135.
8
139
139
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
base d'un contrat à durée déterminée. En effet, l'article 23 de la loi du
3 août 1992 relative aux zones franches économiques dispose que "Les
contrats de travail entre les salariés et les entreprises implantées dans
une ZFE sont considérés comme des contrats de travail conclus pour
une durée déterminée, quelle que soit leur forme, durée ou modalité
de leur exécution".
Il faut signaler à ce sujet, que le code du travail sera applicable
dans les zones franches économiques, à cette nuance près, que quel
que soit le contrat passé entre l'employé et l'employeur, ce contrat est
à durée déterminée. D'ailleurs le code du travail rend possible notamment avec la promulgation de la loi du 15 juillet 1996, une grande
flexibilité de l'emploi 9. À cette dynamisation des marchés, répond
une dynamisation du commerce extérieur.
2 - La dynamisation du commerce extérieur
Plusieurs mesures ont été adoptées pour dynamiser le commerce
extérieur.
a - Une libéralisation des importations à hauteur de 90 %.
b - Un encouragement des exportations par le recours à trois mécanismes.
Premier mécanisme : les produits de l'exportation sont escomptés
avec un taux d'intérêt préférentiel. Deuxième mécanisme : la possiEn effet, selon l'article 6 nouveau de ce code, "Le contrat à durée
déterminée doit correspondre à une tâche précise ne rentrant pas dans le cadre
des emplois permanents liés à l'activité normale de l'entreprise. C'est ainsi que
ce type de contrat peut être conclu dans les domaines
suivants : - Accomplissement de travaux nécessités par un surcroît
extraordinaire de travail, - Remplacement provisoire d'un travailleur
permanent
absent
et
dont
le
contrat
de
travail
est
suspendu, - Accomplissement de travaux urgents pour prévenir les accidents
imminents, - Effectuer les opérations de sauvetage ou réparer la défectuosité
dans ce matériel".
9
140
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
bilité pour l'entreprise de garder pour elle une partie en devise des
produits de son exportation qui peut atteindre 40 %. Elle peut utiliser
les devises pour l'implantation commerciale à l'extérieur liée à son
activité exportatrice. Troisième mécanisme : la possibilité pour
l'entreprise de s'assurer contre les risques avec une compagnie d'assurance de son choix.
c - L'une des principales mesure de dynamisation du commerce international est la promulgation de la loi du 7 mars 1994 fixant le régime applicable à l'extérieur, des activités de sociétés de commerce
international 10.
d - Le démantèlement progressif des droits de douane pour la période 1996-2007. Ce démantèlement tarifaire constitue l'une des dispositions fiscales prévues dans l'accord d'association de la Tunisie
avec l'Union européenne. Désormais avec la dynamisation de l'économie, l'État et les acteurs économiques doivent se conformer à la disLes sociétés de commerce international sont en vertu de cette loi celles qui
réalisent au moins cinquante pour cent de leurs ventes annuelles à partir des
exportations de marchandises et de produits d'origine tunisienne. Cependant,
le dit pourcentage peut être ramené à 30 % dans le cas où la société réalise un
montant minimum de ses ventes annuelles à l'exportation à partir de
marchandises et de produits d'origine tunisienne. Sont également sociétés de
commerce international celles qui effectuent exclusivement des opérations
d'importation et d'exportation de marchandises et de produits avec des
entreprises totalement exportatrices, telles que définies dans le code
d'incitation aux investissements de 1993. Ces sociétés peuvent exercer leurs
activités en qualité de résidentes ou de non résidentes. Les sociétés résidentes
sont au sens de la présente loi non résidentes lorsque leur capital social est
détenu par des non résidents tunisiens ou étrangers au moyen d'une
importation de devises égale à 66 % du capital. Les avantages prévus par le
code d'incitation aux investissements pour les sociétés totalement
exportatrices et les sociétés partiellement exportatrices sont applicables aux
sociétés de commerce international lorsqu'elles s'engagent à réaliser au moins
80 % de leurs ventes à partir d'opérations d'exportation et lorsqu'elles se
comportent en qualité de sociétés partiellement exportatrices lorsqu'elles se
proposent de réaliser des opérations d'importation et d'exportation.
10
141
141
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
cipline du marché qui réglemente aujourd'hui l'économie tunisienne.
La législation tunisienne tend à rendre cette discipline du marché plus
rigoureuse, plus transparente et plus en conformité avec les
conditions du marché international.
B - Les instruments de régulation
L'État s'est toujours reconnu la mission de garantir l'ordre économique, composante parmi d'autres de l'ordre public placé sous sa
sauvegarde. Pendant longtemps, la corruption de cet ordre demeura
fondé sur le respect d'équilibres et de principes considérés comme
immuables et sacro-saints. Mais, depuis quelques années, les États
sont à la recherche d'un nouvel ordre économique moins formel et
plus flexible.
Les instruments de régulation qui ont vu le jour au cours des dix
dernières années en Tunisie illustrent cette évolution. En effet, depuis
l'adoption par les pouvoirs publics d'une politique d'ouverture économique, plusieurs instruments et mécanismes de régulation, fiables,
crédibles et efficaces ont été mis à la disposition des agents économiques. Ainsi, avec le renforcement de l'option libérale, et pour assurer le fonctionnement correct et régulier du système économique,
nous avions assisté à un réaménagement de la juridiction
commerciale, au recours de plus en plus fréquent à l'arbitrage et à
l'apparition économique d'une magistrature économique.
1 - Un réaménagement de la juridiction commerciale
La loi du 2 mars 1995 modifiant et complétant l'article 40 du code
de procédure civile et commerciale a prévu la possibilité de créer au
sein du Tribunal de première instance des chambres commerciales
avec une nouvelle composition et une nouvelle compétence.
Deux commerçants choisis parmi la liste des commerçants proposés par l'organisme professionnel le plus représentatif, y sont nommés
pour une période de trois ans par un arrêté du ministre de la Justice.
Ces deux commerçants vont s'ajouter au président et aux deux assesseurs. Ils ont un avis consultatif.
142
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
Les chambres commerciales ont pour particularité d'avoir vocation
à concilier les parties et à rendre des jugements en équité. Les juges de
la chambre commerciale jouissent des mêmes pouvoirs que leurs pairs
mais en outre ils peuvent être érigés soit en conciliateurs soit en
arbitres.
2 - Le recours à l'arbitrage
Parmi les réformes novatrices en matière de régulation de l'activité
économique, il y a eu promulgation par la loi du 26 avril 1993 d'un
code de l'arbitrage. Aux termes de l'article 1 de ce code, "l'arbitrage
est un procédé privé de règlement de certaines catégories de
contestation par un tribunal arbitral auquel les parties confient la
mission de les juger en vertu d'une convention d'arbitrage".
Les parties conservent en vertu de ce code leur liberté, tant dans la
composition du tribunal, que dans la procédure d'arbitrage, aussi bien
au niveau du choix du droit applicable, que du lieu d'arbitrage, ainsi
qu'au niveau de la fixation des pouvoirs de l'arbitre. Ce n'est que dans
le silence des parties que l'arbitre est invité à appliquer le droit qu'il
estime approprié. Cependant, cette liberté des parties doit se
conjuguer avec la possibilité d'interférence du juge afin de débloquer
la procédure arbitrale ou de sauvegarder les sentences arbitrales.
Ainsi le juge peut intervenir pour assister les parties ou le tribunal
arbitral, comme il peut intervenir pour décider des mesures conservatoires ou pour exercer un contrôle sur la sentence, au niveau de son
exécution. Cette intervention du juge ne constitue pas une
intervention dans les relations conventionnelles, touchant à la fois la
composition du tribunal arbitral, la procédure suivie par lui et
l'exécution de la sentence, mais plutôt une garantie de protection et
d'aboutissement de l'ensemble du processus arbitral.
Dans une optique libérale, le nouveau code tunisien de l'arbitrage
a clairement consacré la capacité de compromettre de l'État, des établissements publics administratifs et des collectivités locales dans les
litiges de nature internationale qui naissent dans le cadre des relations
économiques commerciales et financières de la Tunisie avec
l'étranger.
143
143
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
L'adoption par la Tunisie d'une législation avant gardiste pour les
investissements étrangers, aussi bien par la législation sur les zones
franches économiques de 1992, que par le code d'incitation aux
investissements de 1993 a permis d'accorder un intérêt constant aux
mécanismes de règlement des conflits. En effet, le recours à l'arbitrage
comme mode privilégié de résolution des différends est considéré
comme étant un des éléments de l'environnement libéral nouveau
dans lequel est appelé à opérer l'investissement.
Deux possibilités sont alors offertes en matière de litiges relatifs
aux investissements et au commerce international : d'une part l'arbitrage prévu par les traités et les conventions internationaux auxquels
la Tunisie est partie, d'autre part l'arbitrage ad hoc ou institutionnel.
Pour la première hypothèse, la Tunisie a conclu plus de vingt-cinq
traités bilatéraux (BIT) avec la plupart des pays occidentaux
traditionnellement exportateurs de capitaux vers la Tunisie. Ces
conventions constituent une garantie supplémentaire pour l'investisseur. Dans le libellé même des dispositions relatives à l'arbitrage, il est
assez souvent prévu que, "Si le différend n'a pu être réglé à l'amiable
dans un certain délai (généralement six mois), il est soumis à la
demande de l'investisseur, soit aux juridictions nationales de l'État
partie au différend, soit à l'arbitrage international".
Ces différentes conventions offrent même à l'investisseur de choisir, en cas de recours à l'arbitrage entre le CIRDI (le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements)
institué par la convention de Washington du 18 mars 1965 et ratifiée
par la Tunisie le 3 mars 1966, et un arbitrage ad hoc. Les conditions de
mise en oeuvre de cet arbitrage ad hoc sont précisées par la clause
compromissoire ou par le compromis d'arbitrage ou à défaut par le
code tunisien de l'arbitrage.
L'une des questions fondamentales que doit trancher l'arbitre ad
hoc est celle du droit applicable au litige. La solution est donnée par
l'article 73 du code de l'arbitrage qui a établi un système dans lequel
la liberté des parties est quasi totale, en matière de choix du droit
applicable, avec la possibilité pour les parties de demander au tribunal arbitral de statuer en équité. Dans le silence des parties, le tribunal arbitral peut appliquer les usages de commerce qui s'imposent
144
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
à lui dans tous les cas et, d'une façon plus générale, la loi qu'il estime
appropriée, c'est-à-dire la loi ayant le lien le plus étroit avec le litige
ou dont les dispositions conviennent le mieux aux caractéristiques du
contrat.
Ainsi on peut affirmer que le code tunisien de l'arbitrage consacre
les dispositions de la loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial telle qu'adoptée par la commission des Nations unies pour le
droit commercial international le 21 juin 1985. "Dans cette vision, le
code constitue un atout supplémentaire qui vient renforcer la volonté
d'offrir à l'investisseur le maximum de garantie et de liberté" 11 .
D'ailleurs, le climat favorable à l'investissement extérieur, et la
consécration des dispositions de la loi type (CNUDSI 1985) par le
code de l'arbitrage de 1993 militent en faveur de l'émergence en
Tunisie d'une place d'arbitrage international.
3 - L'apparition de la magistrature économique
Un autre aspect de ces réformes réside dans la création d'autorités
administratives autonomes qui vont exercer une véritable "magistrature économique". Il s'agit de nouvelles institutions destinées à exercer une fonction de régulation en encadrant le développement d'un
secteur de la vie sociale et en s'efforçant d'assurer le respect de certains équilibres. Elles disposent à cet effet d'un certain nombre de
prérogatives leur permettant d'exercer leurs fonctions de régulation
d'une façon mieux adaptée à la réalité mouvante du secteur économique, que les contrôles administratifs et juridictionnels.
Trois principales structures fonctionnent actuellement avec succès
en Tunisie et bénéficient d'un accueil favorable : le "Conseil de la
concurrence" qui succède depuis le 24 avril 1995 à la "Commission de
Sur l'arbitrage cf. HACHEM (M.L.), Les principe directeurs de
l'arbitrage, colloque arbitrage international judiciaire 1993, Centre d'études
judiciaires 1993. Cf. également de HACHEM (M.L.), "L'arbitrage
international dans le nouveau code de l'arbitrage", RTD 1993 p. 33. Cf. aussi
MEZIOU (K.) et MEZGHANI (A.), "Le code tunisien de l'arbitrage", Rev.
arb. 1993 n° 4 p. 521. Cf. enfin HORCHANI (F.), "La place de l'arbitrage
dans le règlement des litiges économiques internationaux en Tunisie",
Actualités juridiques tunisiennes 1995 n° 9 p. l43.
11
145
145
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
la concurrence" créée par la loi du 24 avril l991, la commission des
banques créée par la loi du 7 février 1994, enfin le "Conseil du marché
financier" créée par la loi du 14 novembre 1994 portant réorganisation
du marché financier.
Ces autorités disposent pour remplir la fonction qui leur est assignée, d'un certain nombre de prérogatives dont notamment un
pouvoir de décision juridictionnelle soumis à un contrôle de la haute
juridiction administrative. La composition plurielle (magistrats mais
aussi représentants de la profession) de ces autorités garantit leur
indépendance et leur objectivité.
La procédure suivie devant ces institutions est contradictoire, garantissant les droits de la défense. Leur saisine est ouverte à toutes les
parties de la vie économique concernées : entreprises, organisations
professionnelles et syndicats, Chambre de commerce, d'agriculture et
d'industrie... Au total, ces autorités veillent à imposer certaines règles
et à aplanir les conflits nés de la pratique. Ces autorités qui ont réussi
à s'insérer dans l'ensemble administratif tunisien, apparaissent
comme des arbitres chargés de concilier et d'harmoniser les divers
intérêts en présence 12.
C - Les instruments de prévention
Plusieurs instruments ont été mis en place au cours de la dernière
décennie en matière de droit commercial. Ce droit a, en effet, connu
en peu de temps, plusieurs modifications. Ainsi, le législateur s'est
intéressé au droit des sociétés en élaborant un cadre juridique pour les
sociétés de commerce international. Il s'est également préoccupé du
redressement des entreprises en difficultés économiques par la promulgation de la loi du 17 avril 1995.
Cette nouvelle législation a opéré une rupture complète avec la
faillite. Elle a introduit diverses techniques inspirées du droit français,
allemand et américain destinées à confier à la justice une mission de
Sur la magistrature économique cf. MORAND-DEVILLER (J.), "Le
conseil de la concurrence en France", Actualités juridiques tunisiennes 1993
n° 7 p. 51 ; Guiga (Jouida), "Commission de la concurrence", Actualités
juridiques tunisiennes n° 7 p. 29.
12
146
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
"traitement" (préventif ou curatif) de la situation des entreprises en
difficultés. Ce régime comprend la notification des signes précurseurs
des difficultés (art. 4 à 8 de la loi), le règlement amiable (art. 9 à 17) et
le règlement judiciaire (art. 18). Ainsi, le législateur a mis en place une
nouvelle vision consistant à prévenir les difficultés pour pouvoir les
traiter au bon moment et dans les meilleures conditions.
Désormais les mesures préventives ont pour objectif de combattre
les défaillances de l'entreprise. Dans cette optique, la notification des
signes précurseurs des difficultés économiques permet à l'entreprise
de procéder à une analyse des actes qui peuvent menacer la poursuite
de son activité afin de leur apporter les remèdes à temps. En effet,
l'intervention de la commission du suivi des entreprises économiques,
de certains organismes publics et du président du Tribunal de
première instance, peut sauver à temps l'entreprise.
Jusqu'à une époque récente (1995), les tribunaux étaient essentiellement chargés d'assurer d'abord la liquidation des entreprises défaillantes et le paiement possible de leurs créanciers ou dans quelques
cas peu nombreux d'avaliser un accord conclu entre l'entreprise et ses
créanciers en vue d'une ultime tentative de sauvegarde. Mais ce
système conduit le plus souvent, les entreprises en difficultés à la
disparition. Ainsi, l'analyse de la situation des entreprises en
difficultés économiques conduit à prendre en considération les intérêts des salariés, moins pour les payer que pour éviter leur mise en
chômage, enfin les intérêts de l'entreprise, qui doit, en dépit de ses
difficultés, demeurer une organisation conservant un potentiel de
productivité.
Il est de l'intérêt de tous de sauvegarder cette entreprise qui
constitue désormais "un pôle de production, de création de travail,
une source d'impôt et par conséquent, une cellule du tissu
économique dont la survie est d'intérêt général et relève de l'ordre
économique" 13. Liée à la prise de conscience du rôle fondamental de
l'entreprise dans les économies modernes, cette analyse des différents
intérêts à prendre en compte dans l'organisation des procédures de
traitement de la situation de l'entreprise en difficulté s'est
PERCEROU (R.), "Le dépôt de bilan outil de gestion", Actualités
juridiques tunisiennes n° 10 1996 p. 73 et s.
13
147
147
RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE
accompagnée d'une réflexion sur les problèmes de hiérarchisation de
ces intérêts face au fléau économique de plus en plus préoccupant que
constituent les défaillances d'entreprises. Cette réflexion a conduit le
législateur tunisien à dégager trois types d'objectifs fondamentaux
que les dispositifs doivent permettre d'atteindre simultanément, en
satisfaisant chacun d'entre eux, le mieux ou le moins mal possible, par
la recherche d'une solution globalement optimisée 14. Il s'agit, comme
l'énonce la loi du 17 avril l995 de sauvegarder l'outil entreprise et
l'emploi, de maintenir le tissu économique dont l'entreprise est une
composante et de protéger les intérêts des créanciers.
*
**
Aux termes de cet exposé, il s'avère que les étapes franchies sur la
voie de la rénovation des institutions économiques sont importantes.
Cette rénovation a conduit l'économie tunisienne "à une situation
nouvelle avec une plus grande diversification et une capacité de réaction plus vive aux variations internationales" 15. Les phénomènes
les plus caractéristiques de cette rénovation sont la convertibilité
courante du dinar et la présence de la Tunisie sur les marchés financiers mondiaux et la diversification des sources de financement de
l'économie tunisienne. Simultanément à cette politique de la recherche
de l'efficacité et du développement économique, d'importantes
mesures sociales ont été adoptées en vue de répartir les fruits de la
croissance entre les différentes régions du pays et les différentes
catégories sociales. L'ambition recherchée est de réussir un ajustement
qui tient compte d'une certaine équité sociale. Le défi à relever à
l'aube du XIXème siècle est l'amélioration continue du cadre juridique
et le renforcement de la capacité d'adaptation de l'économie
Idem. Sur les redressements des entreprises en difficultés, cf. également,
ARRAID (H.), "La loi du 17 avril 1975 : est-elle la loi des incohérences ?",
Actualités juridiques tunisiennes, 1996 p. 95.
15 En effet, de 1987 à 1997, le taux de croissance du PIB a atteint une
moyenne de 4,5 % par an" (Statistiques financières de la Banque centrale).
14
148
MOHAMED RIDHA BEN HAMMED
tunisienne en vue d'une meilleure insertion dans l'économie
mondiale.
Chapitre 4
LA CONCEPTION FRANÇAISE
DU SERVICE PUBLIC
Jean-Pierre Théron, professeur
La notion de service public se situe au cœur des débats suscités par
la politique de l'État à l'égard des secteurs publics et privés notamment en France.
C'est en effet par le biais de la notion même de service public que
le rôle des personnes publiques s'est longtemps défini. C'est aussi par
le biais de la notion de service public que les règles du jeu des relations entre secteur public et secteur privé ont été longtemps fixées.
Les services publics industriels et commerciaux ont constitué un
instrument essentiel de la politique économique de l'État.
De manière paradoxale, le service public est, aux termes d'une
construction jurisprudentielle et doctrinale, longtemps apparu comme
une notion essentiellement juridique dont les évolutions parfois heurtées ne soulevaient d'intérêt que chez les juristes. Le service public
apparaissait alors comme une notion quasiment "naturelle" fondant
l'action de l'État et la délimitant, même si ses frontières évoluaient
au gré des nécessités économiques.
L'expression parfois utilisée de "service public à la française", relativement récente, est révélatrice d'une double réalité.
Le service public, loin d'être essentiellement une notion juridique,
voire contentieuse, est l'expression de choix fondamentalement politiques. Le service public "à la française" n'est rien d'autre que la traduction d'une certaine idée du rôle de l'État libéral-interventionniste
150
JEAN-PIERRE THERON
en ce qu'il permet à la puissance publique de jouer un rôle déterminant non seulement pour prendre en charge des activités administratives mais aussi dans le domaine économique.
C'est ce rôle même qui paraît être remis en cause du fait de l'intégration européenne, et par voie de conséquence le service public
semble devoir être redéfini. Le modèle français de service public n'est
qu'une option possible, parmi d'autres, dans le cadre d'une économie
de marché.
La difficulté apparaît alors de déterminer ce qui, dans le service
public, constitue le "noyau dur", l'essence même de la notion qui ne
saurait être remise en cause au risque d'une totale dénaturation, de ce
qui ne constitue qu'une forme passagère et fluctuante, susceptible
d'infléchissements en fonction des évolutions économiques et politiques nationales et internationales.
En d'autres termes, le service public a permis à l'État de jouer un
rôle conciliant libéralisme et interventionnisme. La question est de
savoir si la globalisation de l'économie, la substitution du référentiel
du marché à celui de l'État induit une remise en cause radicale ou une
évolution respectueuse des données fondamentales du service public.
Nous ne saurions avoir la prétention d'apporter ici des réponses
tranchées 16. Tout au plus pourra-t-on essayer de situer les évolutions
possibles du rôle de l'État et, par voie de conséquence, d'examiner la
validité actuelle du modèle français du service public.
Encore convient-il de rappeler les bases mêmes de la notion classique qui a fondé l'idéologie du service public (I) avant d'en étudier
les évolutions (II) permettant de comprendre la situation actuelle.
-ILa notion classique de service public
Elle fut élaborée dans une double perspective. Il s'agissait en effet
tout à la fois de légitimer les prérogatives de l'administration et de
La question est trop vaste pour qu'il puisse être envisagé de donner ici une
bibliographie. On se bornera donc à renvoyer aux ouvrages français usuels
consacrés au droit administratif et au droit économique.
16
151
151
CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC
tracer une frontière nette entre les missions de l'administration et les
activités privées et plus précisément de déterminer un critère de
compétence du juge administratif. C'est dire que le service public était
censé répondre tout à la fois à des interrogations fondamentalement
politiques et contentieuses tant au niveau de la construction de la
notion que de ses éléments constitutifs.
A - La construction de la notion
La notion de service public résulte d'une double conjonction. Celle
de théoriciens soucieux de trouver un fondement aux prérogatives de
l'État, celle des juristes cherchant à déterminer des critères clairs de
compétence de la juridiction administrative.
1 - Même si elle n'en est qu'un aspect relativement mineur, l'apparition de la notion de service public peut être situé dans le débat,
fondamental de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, relatif aux
fondements des prérogatives de l'État et à leurs limites. Les auteurs
ont cherché à situer précisément le rôle des personnes publiques à
travers diverses théories dont celle de Duguit, sans doute la plus révélatrice de la dimension politique du service public.
Les théories de l'État légal et de l'État de droit se sont développées
dans un contexte politique bien précis. Le système républicain
s'implante en France durablement. Une certaine interprétation de la
déclaration des droits de l'homme de 1789 fait de la loi l'instrument de
garantie des droits de l'homme et libertés publiques. Or les
Parlements, tout puissants, présentent un danger pour les droits des
citoyens. Il convenait donc de trouver un système théorique permettant tout à la fois de limiter l'action de l'État, pour assurer la protection des droits individuels, et de fonder de manière positive son action.
C'est la théorie de Duguit qui fonde véritablement l'idée de service
public qui devait par la suite faire l'objet de nombreuses interprétations. L'auteur se réclame du positivisme sociologique. Il estime
que la règle de droit a sa source dans la réalité sociale. Elle émane de
la société et permet d'assurer la solidarité sociale. Celle-ci est un be-
152
JEAN-PIERRE THERON
soin qui se constate objectivement dans la société. C'est la constatation
qu'une règle est nécessaire et que sa violation doit être sanctionnée
qui fait la règle de droit. C'est dans cette logique que se développe
l'idée de service public. Les gouvernants sont contraints par la
solidarité sociale et cela doublement. Ils doivent la respecter mais ils
doivent aussi l'assurer par des prestations positives. C'est la naissance
de l'école du service public qui jouera un rôle essentiel dans la
doctrine française. Les services publics sont l'instrument de la solidarité. Le service public est, à l'époque apparu comme une notion
très novatrice. Il était l'instrument par lequel l'État peut agir sur la
société civile. Loin d'être l'expression d'un ordre naturel des choses, il
est le moyen par lequel la sphère publique rencontre la sphère privée.
La solidarité sociale, réalité positivement constatée dans toute société
ne peut se déployer que par le biais du service public.
Cette doctrine devait marquer tout le droit public français. Même
s'il s'agit d'un phénomène fréquemment oublié, l'idée à la base de la
notion est celle d'un État qui fournit des prestations. Toute la difficulté sera de concilier cette idée avec les principes libéraux.
2 - La question se posait en effet de la répartition des compétences
entre juridiction administrative et juridiction judiciaire. Là non plus,
le problème n'était pas uniquement juridique. L'intervention d'une juridiction particulière, la juridiction administrative, pour juger des
affaires de l'administration, a pu être considérée comme un privilège
de l'administration. La logique libérale voulait en effet que lorsque
l'administration agit dans les mêmes conditions que les particuliers,
ne faisant usage d'aucune prérogative spécifique, ou ne poursuivant
pas un intérêt propre, elle soit soumise aux juridictions de droit commun. Le service public est alors apparu comme un critère idéal.
C'est à partir de 1873 que la jurisprudence, ou plutôt l'interprétation qu'en a donnée la doctrine, a mis en avant le service public, qui
non seulement a été utilisé comme moyen de légitimation de l'action
publique, mais comme critère de la compétence contentieuse.
La dimension contentieuse du service public prend alors une importance considérable. Le service public, pierre angulaire du droit
153
153
CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC
public, non seulement fournit une explication satisfaisante du rôle de
l'État mais permet de résoudre les difficultés soulevées par le dualisme des règles juridiques. Dès lors qu'une activité est identifiée
comme service public, s'applique le droit public. Au-delà de cet automatisme apparent, la notion de service public permet de justifier le
particularisme des règles applicables. C'est-à-dire que le service
public implique non seulement un juge particulier, mais que selon la
formule d'un arrêt célèbre, l'administration obéit à des règles propres,
variables, comme l'est l'intérêt général. Dans cette conception, il y a
une coïncidence idéale, trop idéale sans doute, entre la justification
politique que fournit le service public aux prérogatives de
l'administration et le critère contentieux qui paraît déclencher de
manière automatique un régime juridique particulier.
B - Éléments constitutifs
La doctrine juridique définit alors très précisément le contenu de la
notion de service public qui fait nettement apparaître une coïncidence
"idéale" entre la fonction politique et la fonction juridique. Plus
précisément, le service public, dans la conception classique obéit à
trois critères cumulatifs.
1 - Le critère fonctionnel fonde le service public. C'est-à-dire qu'il
poursuit une mission d'intérêt général distincte des intérêts privés.
C'est là le reflet de la conception libérale aux termes de laquelle il
convient de dissocier d'une part les missions de l'État, dûment répertoriées, d'autre part, et de manière bien distincte, les activités privées
qui doivent être respectées et protégées. Il existe ainsi, dans cette
conception, des activités par nature publique. Ce sont les missions de
souveraineté, c'est-à-dire des missions qui ne peuvent être
poursuivies que par l'État, garant de l'intérêt général. Parallèlement, il
existe des activités par nature privée réservées aux particuliers. C'est
le cas notamment des activités économiques. La conception libérale
prône une liberté du commerce et de l'industrie qui exclut la gestion
des affaires économiques par les personnes publiques. Le service
public traduit donc la nature publique d'une activité. On observera
154
JEAN-PIERRE THERON
que même dans la conception d'origine, la notion très libérale du
service public paraît exclure la gestion d'activités industrielles et
commerciales par les personnes publiques mais n'écarte pas a priori
des mesures prises pour réglementer l'économie dans un intérêt
général.
2 - Le critère organique prolonge le précédent. Dans la même logique libérale, seules les personnes publiques peuvent poursuivre une
mission d'intérêt général. Le service public est donc une mission d'intérêt général poursuivi par une personne publique. Ce critère organique est d'autant plus important qu'il paraît facile à mettre en œuvre.
À l'époque en effet, il est aisé de distinguer les personnes publiques
des personnes privées. La logique veut donc que toute mission de
service public soit poursuivie par une personne publique, et qu'à
l'inverse toute personne publique ne puisse poursuivre qu'une
mission de service public. La présence de l'une suppose celle de
l'autre.
3 - Le troisième critère est celui du caractère exorbitant du droit
commun des règles applicables. Parce qu'elle poursuit une mission
d'intérêt général, la puissance publique dispose de moyens différents
de ceux des particuliers, un droit spécifique, le droit administratif.
Aussi bien, le service public, tel qu'il a été élaboré au début du
siècle par la doctrine française, remplit-il cette double fonction :
- Une fonction explicative du pouvoir d'État. Celui-ci poursuit la
défense du bien commun qui s'exprime par le développement des services publics. Pour être, on l'a rappelé, fondamentalement libérale,
cette idée n'en révèle pas moins une certaine conception du rôle de
l'État. Potentiellement, la doctrine du service public conduit à la
conception d'un État interventionniste qui ne doit pas seulement faire
respecter la règle du jeu telle que fixée par la loi et s'abstenir d'intervenir dans le domaine réservé aux particuliers. Il doit aussi mettre
155
155
CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC
en place des structures de prestations au service des particuliers,
même si, à l'origine ces prestations sont perçues comme devant être
administratives et non économiques.
- Une fonction de délimitation de la répartition des compétences
entre juridictions administratives et judiciaires, c'est-à-dire une
fonction contentieuse.
L'une des difficultés engendrées par la notion de service public
tient d'ailleurs sans doute à cette coïncidence voulue par la doctrine
entre fonction juridique et fonction politique qui devaient se dissocier.
On notera enfin que cette conception "classique" du service public
ne représente qu'une part de la conception française qui devait considérablement s'enrichir.
- II L'évolution de la notion
Classiquement définie, la notion de service public était d'une cohérence parfaite. Or, en raison des évolutions économiques et sociales,
les éléments constitutifs de la notion se sont progressivement
dissociés, suscitant une "crise" de la notion. Celle-ci toutefois conserve
une certaine homogénéité. Il s'agit en effet d'une notion suffisamment
souple pour s'adapter aux évolutions des États contemporains.
Surtout, et de manière apparemment paradoxale, l'évolution a permis
à l'État d'utiliser le service public pour jouer un rôle déterminant dans
le domaine économique. Il reste que se trouve maintenant posée la
question de l'avenir de la conception française du service public
compte tenu de l'intégration européenne.
A - La remise en cause de la définition classique
La doctrine, en France, a souvent souligné le phénomène de "crise"
de la notion de service public. La remise en cause de certains éléments
constitutifs de la notion a fait perdre en effet à la notion une part de sa
cohérence formelle. Cette constatation ne doit cependant pas faire
156
JEAN-PIERRE THERON
perdre de vue l'homogénéité d'une notion permettant la conciliation
entre libéralisme et interventionnisme. Il convient surtout de souligner que de très nombreux services publics répondent toujours à la
définition classique. Même si elle n'est pas limitée à un champ d'activités précis, l'évolution que l'on va décrire affecte de manière privilégiée les activités industrielles et commerciales
1 - L'éclatement apparent de la notion
La remise en cause de la définition classique du service public
coïncide précisément avec l'évolution des modalités de l'interventionnisme et de l'interventionnisme économique en particulier.
Cette évolution a été marquée par quelques décisions jurisprudentielles essentielles.
Pour suivre un ordre chronologique, la première étape a été révélée par l'arrêt du Tribunal des conflits de 1921, Sté commerciale de
l'Ouest africain. La question était posée du droit applicable à une
activité gérée par une personne publique, la colonie de la Côte
d'Ivoire. La présence de cette personne publique laissait supposer une
application du droit public, mais l'activité gérée, celle de transport,
était commerciale et semblait donc impliquer la mise en œuvre de
règles de droit privé. Cet arrêt reconnaît une nouvelle catégorie de
services publics, les services publics industriels et commerciaux. Le
commissaire du gouvernement dans cet arrêt justifie cette évolution :
"Certains services sont de la nature, de l'essence même de l'État ou de
l'administration publique. D'autres services au contraire sont de nature privée et, s'ils sont entrepris par l'État, ce n'est qu'occasionnellement, accidentellement, parce que nul particulier ne s'en est chargé
et qu'il importe de les assurer dans un intérêt général". Ce sont les
services industriels et commerciaux qui, pour être publics et gérés par
des personnes publiques, n'en sont pas moins soumis largement au
droit privé.
Cette décision a une très grande portée, au-delà de problèmes spécifiquement juridiques. L'État libéral, lorsqu'il sort de "son" domaine,
lorsqu'il exerce une activité normalement réservée aux particuliers, se
voit soumis au droit commun. Il perd en quelque sorte le privilège du
157
157
CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC
droit public. On observera que cette décision, parfaitement conforme
à l'idéologie libérale, cache aussi une autre réalité. En permettant aux
personnes publiques d'exercer des activités dans le cadre du droit
privé,
le
Conseil
d'État
a
favorisé
considérablement
l'interventionnisme public. Ce cadre juridique en effet offre beaucoup
plus de souplesse et de facilités que le droit public pour affronter les
lois du marché. Le recours au droit privé a ainsi permis à nombre
d'entreprises publiques gérant un service public industriel et commercial de jouer un rôle économique déterminant.
Une deuxième étape a été franchie en 1935-1938, marquée notamment par l'arrêt du 13 mai 1938, Caisse primaire aide et protection.
Cette décision traduit une nouvelle remise en cause de la notion de
service public : il est en effet admis qu'une personne privée puisse gérer un service public non pas dans le cadre déjà ancien du contrat de
concession, mais en vertu de dispositions législatives et réglementaires. Cette étape fut aussi essentielle pour le développement de
l'interventionnisme économique. Fréquemment en effet dans les régimes à économie de marché, les activités rentables ou susceptibles de
l'être et considérées comme d'intérêt général, sont prises en charge
par des personnes privées.
Toujours est-il que cette double évolution a jeté le trouble dans la
doctrine. Le service public en effet perd deux de ses caractéristiques
fondamentales : il n'est plus forcément géré par une personne publique, il n'est pas forcément soumis à un régime de droit public. Ne
subsiste alors qu'une caractéristique permanente : la mission d'intérêt
général qui est la notion juridiquement la plus floue car fondamentalement politique. D'où l'expression de "crise" de la notion de service
public.
2 - La permanence de caractères fondamentaux
En réalité, ces évolutions n'ont pas réellement remises en cause
l'idée de service public "à la française".
Elles traduisent d'abord la réalité de l'interventionnisme libéral,
elles sont une manifestation de la politique économique de l'État, et
ont permis la conciliation de principes en apparence contradictoires.
158
JEAN-PIERRE THERON
C'est bien en effet parce que les services publics ont évolué vers une
certaine privatisation des organes gestionnaires et du droit applicable
qu'ils ont pu jouer un rôle essentiel dans le domaine économique. Il
est évident que le système libéral ne pouvait que rejeter l'idée d'une
exclusion des personnes privées dans certains secteurs de l'économie.
Le service public industriel et commercial justifie l'intervention
publique dans des domaines où l'initiative privée est défaillante. Il est
évident aussi que dans les économies libérales modernes, les
personnes privées doivent être associées aux interventions publiques,
ce que permet la gestion d'un service public industriel et commercial
par une personne privée.
En outre, la notion conserve toujours sur le plan juridique, une certaine cohérence.
En effet, on trouve toujours, même si c'est à des degrés variables,
les caractéristiques fondamentales de la notion classique. Tout service
public, fût-il industriel et commercial, reste soumis à un minimum de
règles de droit public. Ainsi en est-il par exemple des règles générales
concernant le fonctionnement du service qui ont le caractère d'actes
réglementaires.
De même, la présence d'une personne publique caractérise
toujours les services publics, même si elle se réalise de manière
indirecte. Quel que soit en effet le mode de gestion, l'activité de
service public se réalise sous le contrôle de la personne publique
responsable.
Ainsi le service public dans la conception française présente-t-il
des caractéristiques variables mais cohérentes. Il est une activité
d'intérêt général gérée par une personne publique ou sous son
contrôle et utilisant à des degrés divers des procédés exorbitants du
droit commun.
B - Service public "à la française" et intégration européenne
Parce qu'il traduit une certaine conception du rôle de l'État, le
service public est au cœur des débats suscités par l'intégration européenne. Par rapport aux question qui nous réunissent aujourd'hui, la
question peut même être posée de manière plus claire. Le rôle de
159
159
CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC
l'État que traduit le service public à la française est-il remis en cause ?
Cette idée fondatrice qu'en régime d'économie de marché le service
public a un rôle essentiel à jouer, a-t-elle un avenir ? Le Conseil d'État
français dans un important rapport de 1994 procède à l'affirmation
suivante : "L'avenir de la notion de service public est, si l'on n'y prend
garde, compté, à moins que ne soit portée au niveau européen [...] la
revendication que soit pris en compte un concept propre à fonder,
au-delà de la singularité française, une singularité européenne".
1 - Des remises en cause potentielles
S'il ne fait guère de doutes que le service public est remis en cause
par la politique communautaire, encore convient-il d'en préciser la
portée exacte.
Sous l'influence communautaire, la logique du profit, liée à l'intérêt
économique pénètre la finalité d'intérêt général, fondement même du
service public à la française. En d'autres termes, la référence aux lois
du marché s'impose. Si la politique européenne remet en cause, au
moins partiellement la notion de service public c'est parce qu'elle
remet en cause le rôle de l'État. Se répand alors largement l'idée selon
laquelle l'augmentation de la productivité est seule source de création
d'emplois. Plus généralement la productivité devient un impératif
pour les services publics. Les fins du service public doivent s'adapter
aux moyens et non l'inverse. Aussi bien la notion de service public, si
profondément ancrée en France, à la différence des pays de la
Communauté, se trouve remise en cause dans ce qu'elle a de plus
mythique, ce qui met en évidence son rôle politique. En d'autres
termes, cette idée, si importante, selon laquelle les excès du libéralisme "pur et dur", les abus de la logique du marché pouvaient être
tempérés par la mise en place de services publics accompagnant les
évolutions économiques paraît faire l'objet d'une remise en cause.
Celle-ci concerne logiquement les services publics se situant dans le
secteur concurrentiel, essentiellement ceux constitués sous forme de
monopoles d'État (transport, télécommunication, énergie) et non ceux
concernant les fonctions "régaliennes" ou administratives comme la
justice, l'éducation.
160
JEAN-PIERRE THERON
2 - Un service public à l'européenne ?
Est-ce à dire pour autant que le service public, au sens où il est entendu en France d'instrument de la politique économique et sociale est
condamné à disparaître ?
On observera d'abord que les évolutions de la notion suivent étroitement les choix politiques eux-mêmes conditionnés par les nécessités
économiques. Il n'y a donc aucune évolution obligée du service
public.
Surtout, la France a joué un rôle déterminant pour influencer l'évolution du droit européen en matière de service public, illustré par une
proposition de charte européenne des services publics en 1993. On ne
peut s'empêcher de penser que la jurisprudence de la Cour de justice
des Communautés européennes est influencée par la conception française. Ainsi, certains arrêts (Corbeau 1993 et Cnne d'Almelo 1994)
admettent des exceptions à la règle de la concurrence pour les entreprises chargées d'une mission d'intérêt général. Au-delà de ces
exemples ponctuels, se dégagera peut-être une pratique du service
public plus généreuse que celle consacré par le service universel, notion actuellement utilisée comme compromis des conceptions françaises et des autres pays européens. En tout cas, la conception française du service public, si elle renvoie à une conception précise du
rôle de l'État, est suffisamment souple dans ses manifestations pour
s'adapter à des données politiques nouvelles.
QUATRIEME PARTIE
RESTRUCTURATION DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE
ET MODELE DE L'ENTREPRISE PRIVEE
Chapitre 1
ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES
ÉTATIQUES AU VIET NAM
docteur Le Danh Ton
-IOptions et politiques du Parti et du gouvernement
sur l’actionnarisation des entreprises étatiques
Le renouveau des entreprises étatiques est considéré comme un
des sujets centraux du renouveau économique au Viet Nam. Ce
renouveau est subordonné à la réalisation de cinq objectifs :
classification
des
entreprises
étatiques,
renforcement
et
perfectionnement de l’organisation des grandes entreprises d’État,
assainissement de leurs finances, actionnarisation des entreprises
étatiques et diversification dans la répartition de la propriété, enfin
rénovation des technologies et perfectionnement des modes de
gestion pour élever leur capacité concurrentielle dans le cadre de
l’intégration internationale.
L’option en faveur de l’actionnarisation d’une partie des entreprises étatiques est abordée pour la première fois dans la résolution
du IIe plénum du comité central du Parti communiste vietnamien
(VIIe session, novembre 1991) : l'objectif est de "reconvertir certaines
entreprises disposant de conditions favorables, en sociétés par actions
et créer de nouvelles entreprises étatiques par actions, politique à
conduire à titre expérimental en gardant un contrôle étroit de l’opération et en tirant les leçons de ces expériences avant d’élargir leur
mise en œuvre".
164
LE DANH TON
La résolution du congrès des délégués au cours de la VIIe session
(janvier 1994) souhaite "attirer davantage d’investissements, créer un
dynamisme, limiter les aspects négatifs, encourager les entreprises
étatiques à fonctionner avec efficacité, réaliser des modes
d’actionnarisation adaptés aux caractéristiques et aux divers domaines de la production et du commerce, parmi lesquels l’État réalise
une forte proportion des actions dominantes". La résolution du
bureau politique sur la continuation du renouveau par
l’encouragement du rôle directeur des entreprises étatiques (n° 10 –
NQTW, le 17 mars 1995) a préconisé de "mettre en œuvre la vente
d’une certaine proportion des actions aux sociétés et aux particuliers
qui ne font pas partie de ces entreprises". La résolution du Congrès
national des délégués (juillet 1996) a confirmé la mise en oeuvre du
processus d’actionnarisation des entreprises étatiques.
Pour appliquer ces résolutions émanant du Parti, le gouvernement
a promulgué plusieurs textes destinés à développer l’actionnarisation
des entreprises étatiques. Un arrêt n° 202/CT du 8 juin 1992 du
président de Conseil des ministres (actuellement, le Premier ministre)
prévoit la transformation à titre expérimental de certaines entreprises
étatiques en sociétés par actions. La décision n° 84/TTg du 4 mars
1993 du Premier ministre organise la mise en place de l’actionnarisation des entreprises étatiques à titre expérimental et les
modalités de diversification des formes de propriété en ce qui
concerne ces entreprises étatiques. Un arrêté n° 28/CP du 7 mai 1996
du gouvernement sur la reconversion de certaines entreprises étatiques en sociétés par actions prévoit de lancer un programme d’actionnarisation élargi. Enfin, un arrêté n° 25/CP du 26 mars 1997 du
gouvernement modifie quelques articles de l’arrêté n° 28/CP tandis
qu’un arrêté n° 44-1998/NDCP du 29 juin 1998 du gouvernement précise les conditions de reconversion des entreprises étatiques en sociétés par actions.
- II Essence, but, modalités et objets de l’actionnarisation
La dissolution, le regroupement ou la création de grands groupes
nécessaires à la restructuration du secteur économique de l’État pas-
165
165
ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM
sent par la réduction du nombre des entreprises étatiques, mais un
problème de grande importance –la propriété– n’est pas encore réglé.
L’actionnarisation tend à résoudre ce problème.
Dans le cadre du processus de passage d’une planification centralisée à une économie fondée sur les lois du marché, la diversification
des formes de propriété paraît inévitable et doit être généralisée. Les
réalisations du "doi moi"
(renouveau) permettent de prendre
conscience qu’à côté de la propriété étatique, d’autres formes de propriété, favorisées par une bonne situation financière, peuvent jouer un
rôle actif dans la vie politique et économique. En même temps, la diversification des formes de propriété facilite la réalisation des nouveaux objectifs économiques, améliore l’autonomie financière des entreprises et leur marge de maneuvre dans le domaine des affaires, enfin renforce l’esprit de responsabilité et d’initiative tant chez les dirigeants que pour l’ensemble des salariés de l’entreprise. Dans les sociétés par actions, outre les actions de l’État, les biens des entreprises
étatiques sont revendus à des acquéreurs divers, tels des sociétés socio-économiques et des particuliers faisant ou non partie des entreprises étatiques. Ainsi, la propriété des entreprises étatiques passe
d'une propriété d’État à une forme de propriété mixte. Il en résulte
des changements importants dans les modes de gestion et aussi dans
l'orientation des activités des entreprises après leur actionnarisation.
La reconversion des entreprises étatiques en sociétés par actions
(actionnarisées) poursuit trois objectifs. Le premier tend à mobiliser
les particuliers, les structures économiques et les organisations sociales du pays et de l’étranger en vue de les inciter à s’investir dans la
rénovation des technologies, dans la création d’emplois, dans le
développement des entreprises, dans l’élévation de la capacité de
concurrence et dans le changement des structures des entreprises étatiques. Le deuxième objectif vise à créer les conditions favorables
permettant aux travailleurs qui possèdent des actions et qui contribuent par leurs cotisations, d’exercer une influence réelle sur la décision, de modifier les modes de gestion, d’inciter l’entreprise à fonctionner avec efficacité, d’augmenter les biens de l’État, d’élever les
revenus des salariés et de contribuer à la croissance économique du
pays. Le troisième objectif consiste à réduire les difficultés budgétaires de l’État.
166
LE DANH TON
L’actionnarisation ne constitue pas une mesure de circonstance. Il
s’agit d’un programme stratégique visant à rendre plus efficaces la
répartition et l’utilisation des ressources du pays, à encourager le
développement d’autres secteurs économiques et à faire avancer la
transition vers une économie de marché ainsi que le processus d’intégration du Viet Nam dans l’économie de la région et du monde.
Les modes d’émission des actions tendent à attirer le plus de capitaux possible pour le développement de l’entreprise, tout en tenant
compte de la valeur réelle de cette dernière. Dans cette perspective,
on peut vendre une partie des fonds de l’État placés dans l’entreprise.
On peut aussi reconvertir une des chaînes de production de l’entreprise lorsqu’elle remplit les conditions pour l’actionnarisation. On
peut enfin vendre toutes les actions appartenant au fonds étatique de
l’entreprise pour la convertir en société par actions.
Les entreprises actionnarisées sont des petites ou moyennes entreprises pour lesquelles il n'est pas nécessaire que l’État continue de
contrôler 100 % du capital. Pour que l'opération d'actionarisation soit
un succès, il faut qu'il s'agisse d'entreprises qui fonctionnent déjà bien
et qui présentent de bonnes perspectives d’avenir. Les actions de ces
entreprises sont vendues aux bénéficiaires suivants : les salariés de
l’entreprise (18 à 50 %), l’État (18 à 50 %), enfin les particuliers et les
sociétés du pays ou étrangère (le reste). Actuellement, la vente à titre
expérimental des actions a commencé à s’effectuer auprès des
étrangers.
- III Premiers résultats
Le programme d’actionnarisation a d'abord été réalisé "à titre
expérimental" au cours de la période allant de 1992 à 1995, en application de l’arrêt n° 202/CT du 28 juin 1992. Durant ces années, un certain nombre d'entreprises étatiques ont été converties en sociétés par
actions. C'est ensuite un programme "élargi" d’actionnarisation qui a
été engagé à partir de 1996, à la suite de la parution de l’arrêt n°
28/CP. On en est actuellement à un programme "renforcé", en appli-
167
167
ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM
cation d'un arrêté
gouvernement.
n° 44-1998/NDCP
du
29
juin
1998
du
Ce sont au total, dans tout le pays, cent seize entreprises étatiques
qui ont été reconverties en sociétés par actions, dont dix-neuf entreprises gérées par les ministères, quatre-vingt-dix par les autorités
locales et sept par des compagnies générales. Quatre-vingt-dix-sept
de ces entreprises disposaient de moins de dix milliards de dongs de
capitaux contre dix-neuf au-dessus de dix milliards de dongs. Neuf
entreprises
appartenaient
aux
branches
agri-sylvicoles,
cinquante-et-une aux industries de contruction et cinquante-six aux
services touristiques.
En un trimestre seulement à partir de la mise en vigueur de l’arrêté n° 44-1998/NDCP, quatre-vingt-huit entreprises étatiques ont été
converties en sociétés par actions. La répartition des entreprises
étatiques reconverties en sociétés par actions est la suivante :
trente-et-une à Hanoi, dix à Hô Cho Minh-Ville, six à Tuyen Quang,
cinq à Lam Dong, quatre à Nam Dinh, trois à An Giang, trois à Hai
Phong, neuf au ministère de la Construction, trois au ministère de
l’Agriculture et du Développement rural, quatre au ministère des
Transports et des Communications, trois à la Compagnie générale de
la marine, deux à la Compagnie générale des télécommunications.
À côté des ministères, des compagnies générales et des régions qui
ont mis activement en œuvre l’actionnarisation, il reste d’autres institutions qui ne l’ont pas encore réalisée ou l’ont réalisée très lentement (le ministère du Commerce : une entreprise ; la Compagnie générale du café et la Compagnie générale des vivres du Nord et du Sud
n’en ont reconverti aucune en sociétés par actions).
Après avoir été converties en sociétés par actions, les entreprises
étatiques fonctionnent en général avec efficacité. D’après le journal
Chronologie économique n° 36 du 6 mai 1998, l’étude de dix-huit entreprises par actions révèle les résultats suivants par rapport à la
période antérieure à l’actionnarisation : leurs chiffres d’affaires
augmentent de 163,6 %, les bénéfices de 160,6 %, les capitaux accumulés de 115 %, la proportion des bénéfices par rapport aux capitaux
de 128 %, les revenus de 109 %. Le fonds d’actionnarisation passe de
vingt-huit milliards de dongs avant l’actionnarisation à quarante-sept
168
LE DANH TON
milliards de dongs après l’actionnarisation. L’État bénéficie des
intérêts produits par les actions : sept milliards de dongs. Il reçoit
aussi sa part des bénéfices : 522 millions de dongs. Le fond d’action
des travailleurs augmente de 1,5 à 2 fois. La valeur du capital de
l’entreprise augmente 4,5 fois.
C’est la société par actions de la fédération des transports dont le
capital a connu l’augmentation la plus rapide. Avant l’actionnarisation intervenue le 1er juillet 1993, le capital officiel est de 6,2 milliards
de dongs. À la fin de 1998, il passe à 84 milliards de dongs en
intégrant les ressources restant après règlement des impôts. Son
chiffre d’affaires qui, avant l’actionnarisation, est de 146 millions de
dongs, atteint 180 millions de dongs à la fin de 1998. La compagnie
par actions d’électromécanique d’Hô Chi Minh-Ville dispose aussi
d’un capital en augmentation considérable passant de 16 millions de
dongs à 150 millions de dongs, avec un bénéfice de 85 millions de
dongs, et 5 millions de dollars d’investissement attirés.
Cinq raisons principales expliquent le bon fonctionnement des sociétés par actions. La première tient à la mobilisation du capital des
sociétés par actions en faveur de l'investissement et de la rénovation
des technologies. Les performances commerciales, le rendement des
modes de production et la qualité des produits sont plus élevés, ce qui
induit une augmentation des bénéfices. Une deuxième raison résulte
de ce que l’intérêt des travailleurs, qui sont aussi des actionnaires, se
confond désormais avec celui de la société. D’une part les salariés effectuent leur tâche dans un esprit de responsabilité, d’autre part ils
incitent le conseil d'administration et le directeur à gérer la société
avec efficacité pour obtenir le plus de bénéfice possible.
En troisième lieu, les sociétés par actions mettent en œuvre des
méthodes de gestion avancée, ce qui permet la réduction des phénomènes négatifs et l’adaptation aux mécanismes du marché. En quatrième lieu, les recettes et dépenses de la compagnie sont bien gérées.
Enfin l’actionnarisation qui permet le passage de la propriété étatique
à celle de plusieurs actionnaires –donc qui ne se confond pas avec la
privatisation– permet aux salariés d’être maîtres de l’entreprise,
d’exploiter et de mobiliser toutes les ressources en capital de la société
169
169
ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM
en faveur des activités commerciales destinées à l’enrichissement des
travailleurs et à l’augmentation des biens de la société.
- IV Limites au processus d’actionnarisation
des entreprises étatiques
Malgré les bons résultats, l’actionnarisation se développe à un
rythme relativement lent. Pendant la période d’expérimentation, plus
de trente entreprises se sont inscrites dans le programme, mais quatre
ans après, il n’y en a que cinq qui se soient transformées en sociétés
par actions. Au 31 décembre 1998, comme on l'a vu plus haut, cent
seize entreprises étatiques sont actionnarisées, alors que le nombre
prévu était de cent cinquante.
Plusieurs obstacles ralentissent le processus d’actionnarisation.
Transformer une entreprise étatique en société par actions constitue
une opération compliquée d’autant que la propagande, l’éducation et
l’information nécessaires pour décider et mettre en œuvre une telle
mutation ne sont pas organisées de façon systématique. La crainte que
l’actionnarisation des entreprises étatiques fasse disparaître le pouvoir de l’État, et n’affaiblisse l’économie publique explique certaines
hésitations et certains retards. Dans nombre d’entreprises étatiques,
les dirigeants ont peur de perdre les avantages et la position dont ils
bénéficiaient jusqu'alors tandis que les travailleurs appréhendent une
réduction de leurs revenus et, d'une façon générale, de l’emploi, après
que l’entreprise soit devenue société par actions.
Beaucoup d’entreprises concernées avaient fonctionné à perte ou
avec peu de bénéfices, généralement avec des bénéfices se situant
au-dessous des taux d’intérêt de l’épargne ce qui rend méfiants les
particuliers. Ils ont peine à imaginer que l’entreprise puisse leur
rapporter des revenus convenables s'ils se portaient acquéreurs des
actions. La population en général et les salariés de l’entreprise en
particulier n’ont pas la capacité financière pour acheter des actions.
De toutes façons, il s’agit de quelque chose de nouveau pour les
Vietnamiens. Ils n’ont pas l’habitude de prendre des risques en
investissant dans ce genre d’achat. Il n’existe pas encore de marché
170
LE DANH TON
financier à proprement parler, avec une Bourse qui en serait le centre
et qui traduirait la situation des activités des sociétés par actions dans
une économie de marché. Elle serait le miroir reflétant la naissance et
les activités des sociétés. Cette absence de Bourse provoque des
difficultés du point de vue de la détermination de la valeur des
entreprises, de l’émission et de la circulation des actions, de leur achat
et de leur transfert.
L’État manque des moyens financiers nécessaires pour résoudre
les problèmes liés au programme d’actionnarisation, ainsi de
l’indemnisation des travailleurs frappés par le chômage, ainsi des
dépenses réservées au conseil, à la publicité, à l’accueil des
investissements… Ces dépenses indispensables sont souvent très
importantes. L’expertise ne constitue pas une activité répandue ni
unifiée, ce qui compromet la détermination de la valeur des
entreprises, et de leurs perspectives de développement. Il est difficile
de garantir la fourniture d’informations honnêtes, rassurant ceux qui
souhaitent acheter les actions de ces entreprises.
Certains aspects du statut des entreprises par actions ne sont pas
suffisamment adaptés pour que l’actionnarisation soit attractive. Les
entreprises étatiques sont mieux traitées par l’État que les sociétés par
actions pour ce qui est de l’utilisation des terres, des exportations et
des importations, des emprunts auprès des banques… De plus,
l'appareil législatif pour la mise en œuvre de l’actionnarisation n'est
pas encore complet. Certains des textes organisant l’actionnarisation
ne sont pas très clairs. Il en va ainsi des conditions de vente des
actions à ceux qui, dans l’entreprise, disposent de quelques moyens
financiers et bénéficient d’un prix privilégié avec, en outre, des délais
de règlement. Il en va de même des modalités de vente d’actions aux
sociétés et aux particuliers étrangers. D’une façon générale, le
processus d’actionnarisation est compliqué par des formalités
gênantes.
La mise en œuvre de la politique d’actionnarisation doit surmonter
des défis considérables. Elle se heurte d’abord à l'ampleur de la tâche
à accomplir : le nombre des entreprises étatiques qui doivent être
reconverties en sociétés par actions est considérable. La capacité de
réglementation est limitée : le Viet Nam vient de passer à l’économie
171
171
ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM
du marché, les éléments juridiques n’ont pas encore été soumis à
l’épreuve de l’expérimentation et ne sont pas assez perfectionnés.
L’absence de Bourse et d’expériences réelles pose problème.
-VConditions à réunir pour une accélération
du programme d’actionnarisation
des entreprises étatiques
Il faut adopter rapidement une loi sur l’actionnarisation et sur la
bourse, avec un programme d’actionnarisation fiable. Le système
d’expertise doit être perfectionné. Il convient de distribuer les tâches
et de hiérarchiser des compétences entre les ministères, les branches,
les départements, les villes et les compagnies générales traitant des
problèmes nés au cours du processus d’actionnarisation. Il faut répondre rapidement aux demandes en n'imposant plus d’attentes trop
longues. L’égalité doit exister entre les entreprises étatiques et les
sociétés par actions, ainsi que les autres catégories d'entreprises. Tout
ceci s’accompagnera d’une adaptation des régimes destinés à encourager les salariés de l’entreprise à participer à l’opération d’actionnarisation. Il est aussi souhaitable d’attirer l’attention des sociétés
sur l'intérêt de ce processus d’actionnarisation. L’information en ce
domaine doit viser non seulement la population, en général, mais
aussi et surtout les entreprises étatiques. Enfin, il faut renforcer la
formation des personnels responsables de la réalisation du programme d’actionnarisation.
Chapitre 2
RÉFORME DES RAPPORTS DE PROPRIÉTÉ
AU SEIN DES ENTREPRISES PUBLIQUES
docteur Tran Anh Tai
-IAppréciations sur la plus ou moins bonne santé
des entreprises publiques au Viet Nam
Les entreprises publiques au Viet Nam se sont généralisées après
1954 dans le nord et après 1975 dans le sud. Trois modalités ont présidé à ce processus qui s'est réalisé soit par nationalisation des entreprises héritées de l'ancien régime colonial, soit par transformation
des entreprises non socialistes, soit enfin par création de nouvelles
entreprises avec des fonds provenant de dotations budgétaires,
d'emprunts ou d'aides publiques.
À l'époque de la planification centralisée, les entreprises publiques
se sont développées de façon anarchique dans tous les secteurs et
toutes les branches de l'économie. Le secteur public en général et les
entreprises publiques en particulier sont devenus dominants et se
sont trouvés placés en situation de monopole. Ils produisaient et distribuaient la quasi-totalité des marchandises et des services et fournissaient la majorité des recettes budgétaires de l'État.
Les autres acteurs économiques, notamment le secteur privé,
n'avaient plus qu'une place négligeable dans l'économie. L'État ne
souhaitait pas le développement du secteur privé et le considérait
plutôt comme un terrain de réformes, plus ou moins voué à disparaître. Il en résulte que, pendant cette période, le développement de ce
secteur n'a pas été favorisé.
174
TRAN ANH TAI
Dans le contexte actuel de passage vers une économie marchande,
le secteur public fait l'objet d'un renouveau progressif, dans le cadre
d'une politique générale consistant à développer une économie à plusieurs composantes. L'État a publié une série de décisions et de lois
destinées à rénover les entreprises publiques, notammment en les restructurant et en réformant les relations de propriété.
Plus de dix ans de réformes ont permis des changements
fondamentaux dans les entreprises publiques au Viet Nam.
Cependant il reste encore des problèmes considérables. Ainsi les
entreprises publiques continuent de devoir faire face à un manque
persistant de capitaux puisque 60 % d'entre elles n'atteignent pas le
niveau de capital social déterminé par le décret n° 50/CP du 28 août
1996. Au surplus, les fonds réellement investis dans les activités de
l'entreprise ne représentent que 80 % de cet total. Concernant le
capital mobile, seuls 50 % sont injectés dans les activités. La part
restante est stérilisée sous forme de biens non vendus, de matières
premières perdues ou de mauvaise qualité et de créances douteuses.
Les équipements utilisés sont souvent obsolètes. Actuellement, la
production de 54,3 % des entreprises de niveau national et de 74 % de
niveau local s'effectue encore selon des formes artisanales. Moins de
5 % est automatisée, les entreprises restantes étant mécanisées. Par
rapport à d'autres pays, les techniques et technologies utilisées dans
les entreprises publiques du Viet Nam sont victimes d'un retard que
l'on peut évaluer à quinze ou vingt ans.
L'efficacité des entreprises publiques est peu élevée. Les pertes et
les fuites de capitaux sont préoccupantes. Selon les estimations du
département général de gestion des biens des entreprises, le rapport
bénéfices/capitaux tend à se stabiliser, voire à diminuer progressivement d'année en année dans la plupart des entreprises publiques :
14,2 % en 1995, 14,3 % en 1996, 13 % en 1997. À Hô Chi Minh-Ville,
cet indice était de 19 % en 1995 contre 18 % en 1996 et 15 % en 1997. À
Haiphong, le rapport bénéfices/capitaux est de 11 % en 1995, 16 % en
1996, 15 % en 1997. À Da Nang, il est de 14 % en 1995, 13 % en 1996,
12 % en 1997 et à Vung Tau : 18 % en 1995, 16 % en 1996 et 12 % en
1997.
175
175
PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM
Également selon le département général de gestion des fonds et
des biens des entreprises : en 1997, parmi 5 429 entreprises publiques
étudiées (soit 80 % des entreprises publiques), il en est 40 % dont
l'activité a été jugée efficace, 44 % peu efficace en raison de difficultés
conjoncturelles et 16 % inefficace. Le nombre de celles dont l'activité
est jugée inefficace était de 15 % en 1996 et de 16,5 % en 1995.
La contribution des entreprises publiques au budget de l'État est
faible par rapport à l'effort consenti par la nation en leur faveur. Ces
dernières emploient la plus grande partie de la main-d'oeuvre ayant
bénéficié d'une formation. Elles utilisent une grande partie des ressources nationales. Les crédits et les capitaux étrangers sont majoritairement injectés dans ce secteur. En contrepartie, la contribution des
entreprises publiques au budget est loin d'être proportionnelle. En effet, si les entreprises publiques doivent théoriquement verser 80 à
85 % de leurs recettes au budget de l'État, en fait après déduction des
amortissements de base et des impôts indirects, ce chiffre a chuté à un
peu plus de 30 %. Si l'on tient compte des coûts de production et des
biens immobilisés au prix du marché, ces entreprises ne réalisent plus
aucune accumulation de capitaux.
- II Rapports de propriété au sein des entreprises publiques
Plusieurs éléments contribuent au manque d'efficacité de ces entreprises publiques. Parmi ceux-ci, beaucoup citent les rapports de
propriété. Au sein des entreprises en général et des entreprises publiques en particulier, existent plusieurs sortes de relations qui peuvent être réparties entre deux catégories principales : relation organisationnelle/technique et relation économique/sociale. La relation
organisationnelle/technique dépend de la nature du travail tandis
que la relation économique/sociale dépend des rapports de propriété.
Correspondant à ces deux catégories de relations, l'activité managériale revêt une double fonction au titre de la propriété et au titre de la
gestion. Cette double fonction peut être assumée soit par un seul sujet
de droit soit par deux sujets distincts, le propriétaire et le gérant.
176
TRAN ANH TAI
Dans l'entreprise privée, lorsque le propriétaire est en même temps
gérant, le problème des relations entre ces deux fonctions ne se pose
évidemment pas. En revanche dans une société à responsabilité
limitée et surtout dans une société par actions, le gérant (ou le directeur) est distinct du propriétaire, des actionnaires, et tenu pour responsable devant eux, devant le conseil d'administration, de la
conduite des activités quotidiennes de la société.
Dans l'entreprise publique, le capital et les avoirs relèvent de la
propriété de l'État et sont mis à la disposition de l'entreprise. Le directeur de l'entreprise est nommé par l'État et tenu pour responsable
devant l'État de la gestion des activités de production et d'exploitation
de l'entreprise en fonction de la réalisation des objectifs économico-sociaux fixés par l'État lui-même. Dans l'entreprise publique,
l'État joue le rôle du propriétaire, et le directeur (ou directeur général)
celui du gérant. Leurs relations sont rendues compliquées par le fait
que l'État-propriétaire n'a pas les caractéristiques d'une personne
physique. Tandis qu'autrefois l'État-propriétaire se montrait trop
directif a l'égard du gérant, actuellement le gérant "empiète sur le
terrain" du propriétaire. Le directeur agit comme s'il était propriétaire
et le propriétaire ne parvient plus à contrôler les actions du gérant. Il
s'agit là d'une des raisons principales qui expliquent le manque
d'efficacité, les pertes financières et la corruption qui s'installent dans
le réseau des entreprises publiques.
- III Réforme des rapports de propriété
au sein des entreprises publiques
Une triple tendance se fait jour dans cette politique de réforme.
A - Tendance à la disparition des autorités de tutelle sur les entreprises publiques
Auparavant, la totalité et maintenant, la quasi-totalité des entreprises publiques relèvent de l'autorité directe d'un organisme de
tutelle tels un ministère, un comité populaire, un département…
C'est en fonction de cette tutelle que ces entreprises sont classées
177
177
PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM
comme entreprises de niveau national et entreprises de niveau local.
Ce mode de gestion a fait la preuve, pendant un certain temps, de son
efficacité mais en période d'économie de marché, ce mécanisme
trouve ses limites. Le temps est venu de le remplacer.
L'État est donc propriétaire des capitaux et des biens des entreprises publiques et l'organisme qui est mandaté par lui pour le représenter au sein de l'entreprise publique fait fonction d'autorité de tutelle. Auparavant les entreprises publiques étaient placées sous l'autorité directe d'environ cinq cents organismes de tutelle (trente-cinq
ministères, des organismes de rang ministériel, des organismes relevant des pouvoirs centraux, des comités populaires…) Avec ce système d'une pluralité d'organismes de tutelle, les capitaux et les
équipements des entreprises publiques étaient fragmentés, dispersés
et gérés d'une façon hétérogène.
Les organismes de tutelle consentaient à des allégements des
règles de gestion posées par l'État, intervenaient trop en amont dans
les activités opérationnelles des entreprises et poursuivaient des intérêts unilatéraux. Le droit de contrôle de l'État sur ses biens détenus
par les entreprises publiques n'était pas pleinement ni systématiquement exercé. L'utilisation des capitaux n'était pas contrôlée, pas
plus que n'étaient imposées les mesures pertinentes et ponctuelles nécessaires en la matière.
La question de l'élimination des organismes de tutelle se pose donc
avant même 1989. Elle commence à se réaliser à l'issue de la
promulgation par le gouvernement du décret n° 196 HDBT du 11
décembre 1989 et n° 15 CP du 2 mars 1993, ainsi que de la loi sur les
entreprises publiques de 1995 qui ont bien défini les fonctions du
gouvernement, des ministres, des comités populaires de provinces et
de villes. Ces diverses structures relèvent du pouvoir central en tant
que représentant du propriétaire et qu'autorité compétente pour le
contrôle des entreprises publiques.
La disparition du régime de tutelle paraît nécessaire. Elle n'implique pas pour autant l'effacement de toute intervention étatique sur
la gestion des entreprises publiques. Il s'agit seulement de mettre fin à
la fonction de représentant du propriétaire reconnue aux organismes
de tutelle. Reste à déterminer quel organisme représentera
178
TRAN ANH TAI
l'État-propriétaire vis-à-vis des capitaux et des biens des entreprises
publiques. Jusqu'à présent deux solutions sont prévues. La première
s'appuie sur le département général de gestion des capitaux et des
biens de l'État dans les entreprises publiques, créé en vertu du décret
n° 34 CP du 27 mai 1995 du gouvernement. Ce département général
est une institution financière spécialisée relevant du ministère des
Finances, chargée d'aider ce dernier à homogénéiser les modes de
gestion des capitaux et des biens de l'État dans les entreprises publiques. Il représente l'État-propriétaire dans les entreprises publiques
sur la base de la délégation que lui consent le gouvernement. Par
ailleurs, s'agissant des "compagnies générales" dotées d'un conseil
d'administration, c'est ce dernier qui est chargé de gérer leurs
activités. Il assure leur développement conformément aux objectifs
fixés par l'État.
B - Actionnarisation des entreprises publiques
L'"actionnarisation" fait partie des solutions retenues pour la réforme des entreprises publiques au Viet Nam. Du point de vue de la
propriété, la nature du processus d'actionnarisation consiste en une
diversification du droit de propriété et en une "matérialisation" du
propriétaire. La conversion des entreprises publiques en sociétés par
actions signifie la transformation de la propriété étatique en diverses
formes de propriété : étatique, collective, parfois aussi individuelle.
Ce processus permet de transformer une propriété étatique imprécise
en propriété remise à des actionnaires-personnes physiques, ce qui
doit permettre de remédier à la situation de "bien sans-maître" et au
manque de propriétaire réel qui caractérisaient parfois les entreprises
publiques.
Après la métamorphose de l'entreprise publique en société par actions, l'État participe à la gestion de la société en tant qu'actionnaire.
Le rôle de l'État-actionnaire est fonction du nombre d'actions qu'il
détient. S'il est désireux de continuer de diriger les activités de la
société, il doit détenir plus de 50 % des actions. S'il se contente d'un
droit de contrôle, ce pourcentage peut se limiter à 20 % des actions.
En vue d'homogénéiser la gestion des capitaux de l'État dans les
sociétés par actions, il est souhaitable que le ministre des Finances
179
179
PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM
représente l'État à titre d'actionnaire dans les sociétés par actions
auxquelles l'État participe.
L'actionnarisation doit en outre permettre aux salariés d'être les
vrais maîtres de l'entreprise en vue d'investir dans le renouvellement
des technologies, de créer de nouveaux emplois, d'améliorer la
compétitivité de l'entreprise et de restructurer cette dernière.
L'actionnarisation rend également possible la récupération par l'État
des capitaux investis autrefois en vue de leur réaffection plus
adéquate et plus efficace.
L'actionnarisation des entreprises publiques a été mise en place en
1991 mais jusqu'à présent, son rythme demeure encore lent, particulièrement pendant les premières années d'expérimentation. À la fin de
1998, cent seize entreprises publiques avaient été transformées en
sociétés par actions alors qu'elles n'étaient que dix-huit en 1997 et cinq
en 1996. Parmi les cent seize, il y a dix-neuf entreprises de niveau
national, quatre-vingt-dix de niveau local et sept relevant de
compagnies générales. Au cours des premiers mois de 1999, s'y sont
ajoutées quarante-deux entreprises dont vingt-trois dans le secteur de
la construction, dix dans les services et le commerce, trois dans le
transport et les communications et cinq dans l'agriculture, la sylviculture et la pêche.
En définitive, il apparaît que la plupart des entreprises actionnarisées sont de taille petite et moyenne. Seules trois d'entre elles
disposent d'un capital social de plus de dix millions de dongs. Ainsi,
jusqu'à présent dans tout le pays, ont été actionnarisées au total cent
cinquante-huit entreprises publiques dont cent seize relèvent des autorités locales, vingt-sept des ministères et quinze des compagnies
générales.
L'étude des résultats d'activité des seize entreprises actionnarisées
depuis plus d'un an montre que, par rapport à la situation antérieure,
les indicateurs économiques de base sont en hausse : le capital a
augmenté de 183 %, le chiffre d'affaires de 133,5 %, les bénéfices nets
de 131 %, les impôts payés de 153,5 %, l'effectif de 9 %, le revenu
moyen des salariés de 29 % et la valeur des actions de 2,6 % par mois,
soit trois fois plus que le taux d'intérêt des dépôts en banque, jusqu'à
atteindre 5 % par mois pour certaines sociétés. La Société de la
180
TRAN ANH TAI
fédération des transports par exemple a multiplié son capital par
onze, son chiffre d'affaires par dix, le nombre d'emplois par quatre et
le revenu moyen des employés également par quatre.
On peut en conclure que l'actionnarisation se montre par
elle-même efficace face aux mouvements du marché. Même dans un
environnement inchangé, une entreprise du type "société par actions"
peut fonctionner mieux, ou en tous cas pas moins bien, qu'une
entreprise publique. En outre cette politique a pour effet d'augmenter
les ressources de l'État tout en préservant son rôle dirigeant. Pour
autant l'actionnarisation pose encore des problèmes ainsi lorsque le
nombre d'actions de l'entreprise actionnarisée détenues par l'État
demeure majoritaire. Cette situation risque d'entraver le processus
d'ouverture au marché et d'amélioration de l'organisation de
l'entreprise. Par ailleurs, les intérêts des travailleurs et de l'équipe
dirigeante ne sont pas encore pris en compte de façon adéquate au
sein de l'entreprise publique actionnarisée. La politique
d'actionnarisation ne favorise pas suffisamment l'achat d'un grand
nombre d'actions de l'entreprise par ses cadres et par ses salariés.
C - Régime forfaitaire, location et vente de l'entreprise publique
En vue de poursuivre la réforme de l'entreprise publique, la résolution n° 4 du comité central de la huitième législature du Parti
communiste a défini la politique de réforme des entreprises de petite
taille, celle dont le capital social est inférieur à un milliard de dongs,
qui font des pertes et qui ne sont pas dans un secteur où le maintien
de la propriété étatique est nécessaire. À ces entreprises publiques
peuvent être appliquées des mesures suivantes : fusion, location,
attribution forfaitaire d'actions ou vente de l'entreprise publique. Ces
mesures ont pour but de promouvoir la restructuration des
entreprises publiques et la réforme des rapports de propriété en leur
sein, en vue d'une meilleure efficacité de leurs activités et de l'utilisation de leurs capitaux.
L'étude menée dans plusieurs localités ayant recours à ces mesures
a obtenu des résultats figurant à la page suivante :
181
181
PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM
`
- Attribution forfaitaire
Actuellement, bon nombre d'entreprises publiques bénéficient de
différentes formes d'attribution forfaitaire telles que l'attribution
forfaitaire d'une superficie cultivée, d'un rayon, d'équipements ou
enfin la construction forfaitaire d'un bâtiment. Ces formes d'attribution forfaitaire ont pour objectif d'améliorer l'efficacité de l'entreprise.
La forme d'attribution forfaitaire abordée ici est l'attribution
forfaitaire d'entreprise. Cette procédure a pour caractéristique de ne
pas modifier la propriété étatique. On peut recourir à plusieurs indices pour connaître la santé et l'efficacité de l'entreprise, des indices
comme le chiffre d'affaires, le coût de production, les bénéfices, les
impôts payés, la conservation et l'accroissement du capital, la
solvabilité… Certains d'entre eux peuvent être sélectionnés en tant
que critères d'attribution, tels le ratio bénéfices/capitaux étatiques ou
le critère de conservation et d'acroissement des capitaux.
182
TRAN ANH TAI
Les droits et obligations de l'attributaire doivent être précisés dans
le contrat d'attribution forfaitaire. L'attributaire a le droit de décider
des orientations, des plans d'activité, de l'utilisation des biens et des
capitaux de l'entreprise, des salaires… En contrepartie, l'attributaire a
pour obligation d'honorer tous les engagements pris dans le contrat
d'attribution forfaitaire, particulièrement ceux concernant la
comptabilité et le paiement des impôts… L'attributaire bénéficie de
l'excédent (plafonné forfaitairement) des recettes après impôt. Au cas
où il n'atteint pas ce niveau, son salaire doit compenser ce déficit.
Une considération complique la signature du contrat d'attribution
forfaitaire : elle tient à ce que les modalités de désignation des cadres
des branches et des comités populaires de provinces et de villes,
présents en tant que représentants de l'État-propriétaire, ne sont pas
encore bien définies. Il en résulte que l'on ne sait pas encore quelle
autorité va signer le contrat. Il est souhaitable qu'en ce qui concerne
les compagnies générales relevant de l'État, le conseil d'administration
ait le droit de signer. Quant aux entreprises relevant des ministères,
des branches, des comités populaires de provinces et de villes, le
représentant de ces organismes, en accord avec l'organisme chargé de
la gestion des fonds et capitaux de l'État dans les entreprises
publiques, doit être habilité à signer.
- Location de l'entreprise publique
Il s'agit d'un problème nouveau et difficile. La location peut revêtir
deux formes différentes. Selon une première forme, le locataire hérite
de tous les droits et toutes les obligations des entreprises. Ceci est très
compliqué et exige de régler une série de questions concernant
l'enseigne, la marque, les biens et capitaux, les créances, les dettes, les
salariés... Selon une deuxième modalité, la location de l'entreprise se
limite à la location des biens immobilisés de l'entreprise y compris les
terrains et les locaux.
Les droits et les obligations du loueur et du locataire sont définis
par le code civil. Le locataire a le droit d'utiliser pleinement les biens
loués en fonction des besoins de ses activités. Au cours de la location,
si besoin est, le locataire peut aliéner ces biens à une tierce personne.
183
183
PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM
Cette modalité est favorable au locataire car il n'est pas limité par le
domaine d'activité, la marque, les dettes, la responsabilité des déficits
de l'entreprise avant la location. Actuellement, cette technique semble
la plus appropriée.
- Vente de l'entreprise publique
Différente de l'attribution forfaitaire ou de la location, la vente
consiste en un transfert de propriété de l'entreprise publique. À l'issue
de la vente, l'entreprise publique n'existe plus en tant que telle. Ses
éléments patrimoniaux appartiennent à l'acheteur, qu'il soit personne
morale ou personne physique.
Ces derniers temps, certaines localités ont procédé à la vente de
quelques entreprise de petite taille. À Haiphong, la société de service
et de commerce Hong Bang a été vendue à ses quatorze employés
pour se transformer en S.a.r.l. La province de Ninh Binh a cédé quatre
entreprises-pilotes de matériaux de construction à leurs employés et à
des particuliers. À Hai Duong, une société de service spécialisée dans
le transport et la communication a été achetée par certains de ses
anciens employés.
En général, après avoir été vendue, l'entreprise est restructurée, ce
qui doit permettre de pérenniser les emplois existants, voire de créer
de nouveaux emplois et de développer son activité. À Haiphong, la
société de service et de commerce Hong Bang est classée parmi les
plus efficaces du secteur. À Ninh Binh, après plus de deux mois de
production, l'entreprise de briquerie et de tuilerie Hoang Long a atteint une production de plus de 200 000 briques et un salaire moyen
de 500 000 VND par mois. L'importance de la production est
préservée et a tendance à augmenter. Ses produits sont bien
commercialisés.
La règle en matière de vente d'une entreprise publique est de liquider en bloc tous les biens de l'entreprise et non un par un.
L'acheteur doit concevoir un plan global de reprise et s'engager à
poursuivre les activités et à utiliser une partie ou la totalité de l'effectif
existant de salariés. En cas de vente de l'entreprise, il faut résoudre les
problèmes suivants : la qualité de l'acheteur potentiel qu'il soit
184
TRAN ANH TAI
personne morale ou physique, la question des biens viciés et des
dettes dont il ne faut pas laisser toute la charge à l'acheteur, enfin la
détermination du prix de vente convenu entre les deux parties.
À cet égard, pourrait être utilisée la technique de la vente aux enchères par le canal des organismes d'État compétents en la matière ou
par le biais d'un comité chargé de l'adjudication et composé des
représentants des autorités de l'État, de l'organisme fondateur de
l'entreprise, de l'autorité financière et de fixation des prix, enfin de
l'entreprise elle-même.
Pour le moment, le nombre des entreprises publiques de petite
taille dont le capital social est inférieur à un milliard de dongs, dont
les activités sont déficitaires et dont il n'est pas nécessaire de maintenir la survie, est assez élevé. C'est pourquoi, à côté des mesures
telles que la dissolution ou la faillite, l'État devrait adopter des politiques et des mécanismes concrets en vue d'accélérer l'application de
solutions comme l'attribution forfaitaire, la location ou la vente,
procédés considérés comme une méthode de réforme des relations de
propriété dans les entreprises publiques.
CINQUIEME PARTIE
L'INGENIERIE DE LA FORMATION
DANS L'ACCOMPAGNEMENT DU PROCESSUS
D'EVOLUTION DU SECTEUR PRIVE
Chapitre 1
ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE SUR L'USAGE
DES RESSOURCES HUMAINES
professeur docteur Nguyen Minh Thuyet,
docteur Tran Kim Dinh
et docteur Vu Hao Quang
Cette étude porte sur un contingent d'étudiants formés par l'Université de Hanoi depuis 1956 jusqu'à ce jour, en vue d'évaluer leur capacité d'intégration sur le marché de l'emploi.
1. Structure de l'échantillon sur lequel porte notre enquête
Ce groupe est composé de 1 500 personnes relevant de 219 organismes ou entreprises basés à Hanoi. Ces personnes dont 1 062 sont
des hommes (70,8 %) et 438 des femmes (29,2 %) sont sorties
diplômées de l'Université de Hanoi.
Niveau des diplômés
- Licence :
48,7 %
- Diplôme d'ingénieur :
5,5 %
- Maîtrise :
8,2 %
- Doctorat nouveau :
30,8 %
- Doctorat d'État :
6,7 %
Postes occupés
- Niveau "département et division" :
5,7 %
188
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
- Niveau "faculté et bureau" :
11,1 %
- Niveau "université, institut et département dans les ministères" :
11,8 %
- Niveau "département général" :
4,4 %
Total :
33 %
- Niveau ministériel : quelques personnes (le nombre exact reste
à recenser)
2. Absorption par le marché de l'emploi
2.1. Caractéristiques des diplômés
2.1.1. Age de la personne au moment où elle a été diplômée de
l'Université
Graphique 1
189
189
USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM
De notre étude sur l'échantillon, il ressort donc que l'âge des personnes diplômées se répartit de la façon suivante :
- De 20 à 25 ans :
74,9 %
- De 26 à 30 ans :
18,7 %
- De 31 à 35 ans :
5,3 %
- De 35 ans et plus :
0,5 %
- Pas de réponse :
0,7 %
À partir de ces statistiques, nous constatons que la plupart des diplômés de l'Université de Hanoi étaient âgés de 20 à 25 ans (voir
graphique 1). Ceux de 26 à 30 ans représentent un pourcentage modeste (18,7 %). La plupart sont donc jeunes et relèvent de la première
période de la deuxième phase du processus de socialisation selon
l'analyse d'Andveeva.
2.1.2. Espace de temps entre la sortie de l'Université et le moment de
recrutement
Graphique 2
190
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
Le graphique 2 (la ligne continue représente les hommes la ligne
discontinue les femmes) indique que la grande majorité des licenciés
de l'Université de Hanoi (de 1 400 à 1 500 licenciés) ont consacré de
six à dix-huit mois après leur sortie de l'Université à la recherche d'un
emploi. Le reste a obtenu un emploi après trois à quatre ans, ce qui
constitue un pourcentage limité. Ces chiffres démontrent que le
marché accueille nos diplômés. Le graphique 2 met également en
évidence que 91,13 % des jeunes filles ont trouvé du travail de six à
dix-huit mois après leur sortie de l'Université, taux comparable à celui
des garçons. Il n'y a donc presque aucune différence entre diplômés
masculins et diplômés féminins lorsqu'il s'agit de trouver un emploi
sur le marché.
2.2. Type de recherche d'emploi
Graphique 3
Les diplômés se répartissent entre les situations suivantes : 1.
non-réponse ; 2. recherche par soi-même ; 3. recherche à l'aide des
191
191
USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM
mass médias ; 4. aide d'une personne de connaissance ; 5. placement
par le bureau du personnel .
2.2.1. Inscription au bureau du personnel de l'Université
Les premiers diplômés ont quitté l'Université en 1959. De 1960 à
1980, le placement des diplômés dans les divers établissements employeurs a été assuré par le bureau du personnel. Les étudiants diplômés n'avaient presque pas à chercher eux-mêmes du travail. C'est
le bureau qui prenait entièrement en cherche ce travail. À partir de
1986, le rôle de ce bureau dans la recherche d'un emploi et le placement des diplômés a été considérablement réduit et, de nos jour, il ne
joue plus aucun rôle en ce domaine.
2.2.2. Aide d'une personne de connaissance
Rechercher un emploi avec l'aide d'une personne de connaissance
qui introduit le candidat auprès d'un employeur, n'est pas chose nouvelle. Cette technique existe déjà depuis longtemps. Dans le contexte
d'une économie de marché qui domine au Viet Nam aujourd'hui, le
rôle que joue ce type de recherche d'un emploi augmente, mais reste
encore relativement limité.
2.2.3. Recherche par soi-même ou à l'aide des médias
Au cours de la période où fonctionnait le système du subventionnement des entreprises par l'État, la plupart des diplômés ont reçu un
emploi grâce au bureau du personnel. À partir de 1990, la recherche
par soi-même ou à l'aide d'une personne de connaissance a joué le
rôle majeur. Il est surprenant que le rôle joué par les médias dans la
recherche de l'emploi des diplômés de l'Université de Hanoi soit peu
significatif. Ceci contribue à confirmer le caractère traditionnel et
conservateur du système de recherche de l'emploi propre à l'Université de Hanoi.
2.3 Secteurs de travail des diplômés employés
192
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
97,7 % des étudiants formés par notre Université travaillent dans
le secteur public (voir graphique 4). Les diplômés employés dans le
secteur non-public représentent seulement 2,3 % qui, pour la plupart,
sont de jeunes diplômés.
Graphique 4
3. Relations entre les employés et le marché de l'emploi
Analyser les relations entre les diplômés et leur emploi à travers
l'évaluation par les employés eux-mêmes de leur établissement employeur, de leur salaire, de leurs perspectives de carrière et de leur
éventuel changement d'emploi, permet d'apprécier la bonne ou la
mauvaise image de l'emploi auprès des salariés eux-mêmes.
Dans le cadre de ce rapport sur la première phase de notre étude,
nous ne pouvons présenter que des données préliminaires en vue
d'évaluer les caractéristiques principales des relations existant entre
les diplômés de notre Université en tant que fournisseur de
193
193
USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM
main-d'oeuvre formée, et les établissements employeurs en tant
qu'élément du marché de l'emploi.
3.1 Évaluation par les employés des rapports entre leur capacité
professionnelle et leur utilisation par leurs employeurs
Tableau 1 : Rapports entre le degré de diplôme des employés
et l'utilisation par les employeurs
(évaluation par les employés eux-mêmes)
Niveau de diplôme
obtenu par les
employés
Licence
Ingénieur
Maîtrise
Ph.D
Doctorat
d'État
Total
Utilisation
appropriée
77,3 %
Utilisation
non
appropriée
22,7 %
75 %
78,8 %
25 %
21,2 %
77,6 %
22,4 %
69,6 %
76,9 %
30,4 %
23,1 %
Tableau 2 : Rapports entre postes occupés / titres
pédagogiques et utilisation par les employeurs
(évaluation par les employés eux-mêmes)
Postes occupés
Utilisation
titres
appropriée
pédagogiques
Enseignant
chercheur
Expert
Professeuradjoint
Professeur
Utilisation
non
appropriée
74,1 %
75,2 %
86,2 %
25,9 %
24,5 %
13,8 %
68,6 %
31,4 %
194
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
Total
76,6 %
23,4 %
À travers ces données, on constate que ceux qui ont obtenu les diplômes les plus élevés n'ont pas été vraiment satisfaits de leurs emplois du point de vue de l'utilisation de leur capacité. Les employés
ayant des titres pédagogiques élevés représentent 18,23 % dont 5,7 %
sont professeurs et 12,53 % sont professeurs adjoints. Au niveau le
plus élevé, ces diplômés sont peu nombreux : les docteurs d'État représentent 2 % et les Ph.D. 6,9 % du contingent d'employés.
3.2. Aspiration au travail
En réponse à la question "Est-ce que vous souhaitez faire de votre
mieux pour l'emploi que vous occupez actuellement ?", 85 % ont répondu oui ; 4,1 % non et 10,3 % ont été indécis. La différence entre les
femmes et les hommes sur cette question reste peu significative
(respectivement 84,2 % et 86 %). 42,7 % ont répondu qu'ils se consacrent au travail en raison de leur attachement à l'emploi occupé et non
en raison de l'argent qu'ils reçoivent à ce titre. Cependant la proportion des employés qui ne sont pas disposés à se consacrer entièrement à leur travail en raison de la modicité de leur salaire représente
16,7 %, soit un taux quand même assez élevé. Les autres raisons
invoquées sont peu significatives.
Le choix des études influence directement la recherche d'un emploi par les étudiants après l'Université. Certaines études donnent aux
étudiants de grandes chances d'être acceptés sur le marché de
l'emploi. En revanche d'autres formations ne favorisent pas la recherche ultérieure d'un emploi par les diplômés. Le choix des études
dépend essentiellement de l'orientation des étudiants par l'Université
et des décisions des étudiants eux-mêmes. Les conseils de la famille
ne jouent qu'un rôle marginal. La durée de la recherche de l'emploi
après l'Université est liée de la façon claire au type d'études suivies.
Nous répartissons ci-dessous les employés enquêtés en 9 catégories
suivant la durée et les champs d'études :
- Catégorie 1 :
- Catégorie 2 :
0-6 mois
7-12 mois
195
195
USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM
- Catégorie 3 :
13-18 mois
- Catégorie 4 :
19-24 mois
- Catégorie 5 :
24-30 mois - Presse et droit
- Catégorie 6 :
31-36 mois - Sciences sociales
- Catégorie 7 :
37-42 mois - Mathématiques
- Catégorie 8 :
43-48 mois - Histoire, chimie, géographie,
biologie
- Catégorie 9 :
49 mois et plus - philosophie, langues étrangères, lettres, économie, physique.
Le classement ci-dessus présenté doit être interprété avec prudence car, pour certaines facultés récemment créées, le nombre de diplômés qui en sont sortis reste encore modeste. Par conséquent, les diplômés chômeurs relevant de ces facultés sont aussi peu nombreux
par rapport aux autres facultés longtemps établies.
5. La demande de formation continue
Il est nécessaire d'abord d'étudier si les salariés considèrent que
leur utilisation par leur employeur correspond ou non à leur capacité
personnelle. Ceci permet de mieux comprendre si la demande de formation continue des employés résulte d'un souci d'adaptation à l'emploi ou d'autres raisons. Le graphique 5 montre que 93,1 % des réponses considèrent que l'utilisation des salariés est conforme à leur
compétence personnelle. On peut en déduire que la demande de formation post-universitaire des diplômés est essentiellement due à la
recherche d'une adaptation à l'emploi.
Graphique 5
196
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
197
197
USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM
27,7 % des salariés veulent poursuivre une formation post-universitaire dans leur pays, alors que 14,9 % veulent bénéficier d'une formation dans les anciens pays socialistes et 5,7 % dans les pays occidentaux. Parmi ceux qui désirent continuer leur formation dans le
pays, 44,8 % veulent s'inscrire en maîtrise, 50,8 % dans le nouveau
doctorat et 4,4 % en doctorat d'État. Le nombre d'employés non-désireux de suivre une formation post-universitaire représente 28,6 %
contre 71,4 % qui souhaitent cette formation.
6. Évolution du taux des employés poursuivant une formation
post-universitaire (sur le total des échantillons)
Graphique 6
- De 1952 à 1962 :
16%
- De 1963 à 1973 :
33,9%
- De 1974 à 1984 :
21,9%
- De 1985 à 1994 :
27,7%
Chaque période a été divisée en dix ans à compter de la dernière
entrée des étudiants figurant dans l'échantillon retenu.
198
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
Il faut remarquer que c'est la période allant de 1963 à 1973 qui
présente le taux le plus élevé de participation à une formation
post-universitaire dans notre Université. Ceci pourrait être dû à la
politique du Parti et du gouvernement visant à encourager la
formation des cadres pour les différents domaines des sciences.
D'autre part, à l'époque, l'Université de Hanoi bénéficiait d'une
grande réputation sur le plan professionnel tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du pays. La période 1985-1994 est également caractérisée
par un taux de participation assez élevé.
7. Ascension dans la fonction gestionnaire
Graphique 7
199
199
USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM
Le graphique 7 reflète le niveau des postes de gestion et les évolutions de carrière pour les diplômés de l'Université de Hanoi.
Le tracé 1 du graphique montre la répartition des diplômés entre
les différents postes de gestion. Le tracé 2 présente la situation actuelle tandis que le tracé 3 anticipe leur situation future à partir des
souhaits et de l'évaluation par les salariés interrogés eux-mêmes de
leur compétence et de leur capacité à occuper d'autres postes de gestion dans l'avenir.
5,7 % des diplômés sont actuellement à des postes de gestion de
niveau "groupe professionnel/division", 11,1 % à des postes de niveau "faculté/bureau et direction", 11,8 % à des postes de niveau
"université/département et institut dans les ministères", 4,4 % à des
postes "département général" et quelques uns de niveau ministériel.
Le nombre des diplômés dans les différents postes de gestion recensés
dans 1 500 établissements représente 33 % du total des diplômés employés.
En considérant les trois tracés du graphique, on constate aussi que
les postes de gestion actuellement occupés par nos diplômés (2) sont
plus importants que ceux qu'ils ont occupés dans le passé (1). Les
postes prévus pour l'avenir (3) sont plus importants encore. Il est
aussi à noter que le désir d'occuper un poste de gestion tourne essentiellement autour du niveau "université", "département" et "département général". Pour les niveaux plus élevés dans la fonction publique (ministère, gouvernement), moins de désirs ont été exprimés
bien que 4 % des enquêtés aient affirmé qu'ils pourraient assumer un
poste au plus haut niveau de l'État. Ce taux de 4 % qui représente 60
personnes affichant leur désir d'accéder à un poste gouvernemental
n'est pas minime car il est comparable à 33 % des sièges de l'Assemblée nationale actuelle et aussi à un tiers des membres du comité central du Parti communiste vietnamien. L'ascension dans les fonctions
de gestion fait figure de mouvement social vertical. Il y a une autre
dimension concernant ce mouvement social qu'il faut retenir dans
l'analyse des structures sociales. Il s'agit des changements d'emploi et
d'établissements employeurs.
200
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
Graphique 8
Parmi les 1 500 personnes enquêtées, seulement 201 (13,4 %) ont
changé d'emploi deux fois et plus. Le reste (86,6 %) travaillent toujours dans le même établissement depuis qu'elles y ont été recrutées.
Parmi les 201 personnes qui ont changé d'emploi, 69 personnes
(34,32 %) ont travaillé dans le même établissement de 1 à 2 ans ; 45
personnes (22,38 %) de 2 à 5 ans ; 24 personnes (11,94 %) de 5 à 10
ans ; 27 personnes (13,43 %) de 10 à 15 ans ; 4,4 % pendant plus de 15
ans. Le nombre de personnes qui ont changé d'emploi pour la
deuxième fois est concentré sur une durée de 1 à 2 ans de travail
consacrés au même établissement. Il se réduit à mesure que la durée
du temps de travail consacré augmente. Les personnes qui ont changé
d'emploi pour la troisième fois et plus ne représentent que 2,2 %. Ce
taux reste inchangé selon les années de travail consacrées.
201
201
USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM
Le motif expliquant le peu de changement ci-dessus constaté réside dans le fait que 97,7 % des salariés en question relèvent du secteur public contre 2,3 % du secteur non public. Or le secteur public est
stable et la structure des emplois y est restée inchangée au cours des
différentes périodes de l'histoire du pays malgré la guerre et l'économie de marché. Une telle stabilité du secteur public justifie aussi la
préférence des diplômés pour ce secteur. Elle révèle aussi la persistance d'un état d'esprit caractéristique de la société. Il s'agit d'une
pensée conservatrice défavorable au Doimoi. Une telle conviction
conduit a refuser de s'aventurer dans une économie de marché et à se
mettre sous la protection de l'État. En témoignent les résultats de
l'enquête concernant les aspirations des diplômés de notre Université
quant à leurs lieux de travail : 45,1 % désirent travailler à Hanoi ;
7,9 % veulent avoir un emploi dans une des grandes villes ; 10,1 % des
personnes souhaitent un emploi correspondant à leur compétence ;
26,6 % des personnes sont disposées à travailler n'importe où ; seulement 4,2 % de personnes veulent choisir l'établissement de travail
pour des raisons purement financières telles qu'un salaire élevé. Il est
intéressant de constater que, dans le contexte actuel où l'économie de
marché prévaut au Viet Nam, les intellectuels de l'Université de
Hanoi paraissent indifférents au facteur financier. Ainsi, est-il important pour les diplômés de l'Université de rester à Hanoi et d'y
avoir un emploi.
À toutes les périodes de son histoire, l'Université de Hanoi a
toujours été et est encore aujourd'hui un noyau universitaire chargé
de former les scientifiques et les cadres pour le pays. Comme il a déjà
été dit, la période 1963-1973 est marquée par un taux de fréquentation
plus élevé des étudiants post-universitaires (33,9 %). Pendant la
période 1985-1994, où le pays entreprend le Doimoi, le taux de fréquentation des étudiants post-universitaires est de 27,7%. La période
1974-1984 connaît une baisse du nombre d'étudiants gradués. Il s'agit
d'une période où notre pays faisait face à d'énormes difficultés économiques et aussi à la guerre.
De même, le taux d'étudiants diplômés de l'Université dans la
période de 1970-1979 est le plus élevé (31,9 %) ; ce taux est réduit à
16,9 % pour la période 1980-1989 et s'est relevé à 27,7 % pour la période 1990-1998. Alors que le taux est de 5,2 % au cours de la période
202
NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG
1956-1960 et 23,5% dans la période 1960-1969. Il est clair que l'évolution économique, politique et sociale du pays a un impact direct sur le
processus de formation, la qualité de la formation et l'acceptation par
la société des étudiants que nous avons produits.
*
**
Cette étude a été réalisée sur la base d'une stratégie de recherche
inspirée d'un point de vue inter-sectorielle et en utilisant la méthode
de l'interview avec un questionnaire, des interviews approfondies,
l'analyse des dossiers et l'observation… Ces méthodes ont été strictement appliquées en combinant les approches historique, comparative et systématique. Ceci a permis d'examiner l'objet de la recherche
selon plusieurs dimensions sociales différentes telles que la structure,
les activités, le genre, l'instruction, la situation économique, la position
sociale, l'environnement social …
Notre recherche a confirmé la qualité de la formation, le prestige et
la position de l'Université, le nombre d'étudiants formés, l'acceptation
par la société des études offertes par l'Université et l'opportunité pour
les diplômés de gravir les différents échelons politiques, sociaux et
académiques. Il est possible d'établir une politique de formation
appropriée tant sur le plan de la quantité, de la qualité que sur le plan
de la méthode de formation pour offrir de bonnes formations
répondant à la demande et aux exigence du marché de l'emploi et
contribuer à l'industrialisation et à la modernisation du pays.
Chapitre 2
ADAPTATION DU SYSTÈME DE FORMATION
À L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ :
L'EXPÉRIENCE TUNISIENNE
Hafedh Ben Salah, professeur
La mise à niveau de l'économie nationale appelle la promotion des
ressources humaines et le renforcement de leurs aptitudes.
Parallèlement aux objectifs quantitatifs liés aux besoins pressants des
divers secteurs (agriculture, industrie, tourisme et artisanat...) les
pouvoirs publics se sont fixés des objectifs qualitatifs de nature à
garantir le niveau de qualification et le rendement des ressources
humaines. Car la compétition à l'échelle planétaire impose aux agents
économiques une amélioration continue de leurs performances.
La charge de la formation professionnelle supportée principalement par l'État était trop lourde et le système était coupé du marché
de l'emploi. La formation professionnelle était tournée vers le secteur
public et elle conduisait à des déséquilibres regrettables : l'offre était
abondante mais elle ne satisfaisait guère la demande plus précise et
plus exigeante. Certaines spécialités n'existaient pas, alors que
d'autres inondaient le marché de l'emploi. Il y avait aussi un problème
de crédibilité qui expliquait la désaffection des jeunes déçus par les
possibilités réduites et les perspectives limitées du système de
formation ainsi que le désenchantement des entreprises insatisfaites
de la qualité des diplômés.
C'est dans ce contexte difficile que la loi d'orientation de la formation professionnelle a été adoptée le 17 février 1993. Le législateur
a visé deux objectifs : d'une part réhabiliter la formation
204
HAFEDH BEN SALAH
professionnelle en la considérant comme étant "l'une des composantes
du dispositif national d'éducation, de qualification et d'emploi"
(article premier), d'autre part assurer l'adaptation des connaissances
théoriques et des capacités de savoir faire aux innovations
technologiques et à l'évolution des caractéristiques de l'emploi (article
deuxième).
Pour ce faire, la loi du 17 février 1993 a opté pour la concertation et
la coordination entre le secteur public et le secteur privé. Un conseil
national de la formation professionnelle et de l'emploi a été institué
dans ce cadre. Il regroupe les organismes publics concernés ainsi que
des représentants du secteur privé. Ce conseil donne un avis sur les
orientations générales de la politique nationale en matière de
formation professionnelle et d'emploi compte tenu des besoins de
l'économie et des perspectives de l'emploi ainsi que sur les critères de
reconnaissance et d'homologation des titres et diplômes de formation
professionnelle. Outre ces attributions consultatives, il peut prendre
l'initiative de proposer toute mesure tendant à promouvoir l'emploi.
La concertation est aussi organisée à l'échelle régionale et au niveau
des différents secteurs de la vie économique dans le cadre de conseils
décentralisés.
L'édifice construit par la loi du 17 février 1993 tend à garantir la
complémentarité entre l'appareil de formation professionnelle et le
système d'éducation d'une part et à assurer la liaison entre les appareils de formation professionnelle et de production d'autre part. Pour
atteindre le premier objectif, des passerelles ont été instituées permettant le passage des établissements d'enseignement général aux
centres de formation professionnelle et l'accès à certaines filières de
l'enseignement supérieur des diplômés de ces centres. Afin de concrétiser la liaison entre les systèmes de formation et de production, des
programmes d'action ont été élaborés en vue de développer la capacité des entreprises à identifier de manière rationnelle leurs besoins en
ressources humaines. La qualité totale dans ce domaine occupe une
place centrale parmi les prévisions du IXème plan de développement
économique et social en cours. Elle passe par une diversification des
établissements de formation (I) et par une meilleure adaptation des
modalités de formation (II).
205
205
SYSTEME DE FORMATION ET ECONOMIE DE MARCHE EN TUNISIE
-ILa diversification des établissements de formation
La formation professionnelle était assurée par l'État et considérée
comme un palliatif à l'échec scolaire. Les rares établissements créés à
cet effet dispensaient une formation incomplète et sommaire. Ils
étaient démunis et coupés du marché de l'emploi. Ni les formateurs
disponibles, ni les équipements utilisés ne leur permettaient de
conquérir les faveurs des entreprises qui préféraient assurer
elles-mêmes la formation de leurs agents. Dans ce même contexte, la
formation professionnelle apparaissait plutôt comme une action
sociale initiée par les pouvoirs publics pour aider les jeunes
défavorisés exclus des établissements d'éducation .
La réhabilitation de la formation professionnelle a conduit à la
diversification des établissements de formation chargés d'assurer une
meilleure maîtrise de la technologie et de contribuer à l'amélioration
des qualifications professionnelles de la main-d'oeuvre et de sa
productivité. La dimension économique s'affirme, dès lors, au détriment de l'aspect social.
L'État n'est plus seul à prendre à sa charge la promotion de la
formation professionnelle. Les organisations professionnelles et les
entreprises sont désormais invitées par le législateur à collaborer avec
l'État dans ce domaine. Il y a une nouvelle répartition de l'effort entre
le secteur public (A) et le secteur privé (B) sans réduire la part de
l'État et en renforçant le rôle des entreprises privées.
A - Le secteur public
La formation professionnelle est prise en charge par des structures
rénovées (1) et animée par un personnel qualifié (2).
1 - Les structures
Les établissements publics de formation professionnelle sont créés
par un département ministériel. Ils ont une vocation sectorielle ou
206
HAFEDH BEN SALAH
polyvalente. Les plus performants opèrent dans le secteur agricole et
dans le secteur du tourisme et de l'artisanat. À côté de ces établissements, les pouvoirs publics ont créé trois organismes publics nationaux à la suite de la dissolution de l'office de la formation professionnelle et de l'emploi. Ce sont des établissements publics à caractère
industriel et commercial disposant de moyens humains et financiers
substantiels.
L'Agence tunisienne de la formation professionnelle est chargée
d'assurer la formation initiale des jeunes et des adultes directement ou
par le biais des établissements auxiliaires qui en relèvent. La capacité
d'accueil de cette institution est en constante augmentation puisqu'elle
est passée de 7 700 places en 1991 à 12 646 en 1996. Elle devra
atteindre le chiffre de 37 200 places en 2001.
Le Centre national de formation continue et de promotion professionnelle est chargé d'organiser des actions de formation de nature à
favoriser la promotion des travailleurs en activité et des formations de
reconversion à l'intention des travailleurs qui ont perdu leur emploi
ou sont menacés de le perdre. Ce Centre dispense ces formations au
sein d'établissements auxiliaires dénommés "Instituts de promotion
supérieure du travail".
Le Centre national de formation des formateurs et d'ingénierie de
formation assure la formation et le perfectionnement technique et
pédagogique des personnels de formation professionnelle. Il participe
à l'élaboration des moyens pédagogiques et des programmes de
formation.
Ces deux centres sont chargés de développer les relations de coopération et d'échanges avec les organismes similaires en Tunisie et à
l'étranger. Ils peuvent assurer par voie de convention des prestations
de service à titre onéreux. Ils peuvent aussi sous-traiter des actions de
formation.
2 - Le personnel
Le corps des personnels de la formation professionnelle comprend,
notamment, les formateurs, les conseillers d'apprentissage, les
conseillers pédagogiques et les inspecteurs de la formation profes-
207
207
SYSTEME DE FORMATION ET ECONOMIE DE MARCHE EN TUNISIE
sionnelle. Sa création présente plus d'un avantage dans la mesure où
l'un des obstacles majeurs à la promotion de la formation professionnelle était, depuis l'indépendance, l'instabilité des formateurs et
l'hétérogénéité de leurs formations. En effet, l'une des critiques
adressées à la formation professionnelle portait sur le faible niveau
des formateurs qui n'étaient ni permanents ni compétents. La loi du
17 février 1993 met fin à une longue période d'improvisation dans ce
domaine. La mise en place d'un corps unique comprenant plusieurs
grades correspondant à des niveaux de qualification précis et complémentaires a pour effet de stabiliser les formateurs et de leur offrir
des perspectives de carrière qui les motivent.
Ce jeune corps frêle a, cependant, besoin de temps pour s'affirmer.
Nul doute que le Centre national de formation des formateurs et d'ingénierie de formation aidera le corps des formateurs à gagner le pari
de la qualité.
B - Le secteur privé
La contribution des entreprises et des organisations professionnelles n'est plus un appoint à l'effort déployé par les pouvoirs publics
dans ce domaine. Elle prend de l'importance dans le IXème plan de
développement économique et social puisqu'elle doit atteindre, en
2001, 50 MD contre 308 MD pour le secteur public. La loi du 17 février
1993 prévoit la création des établissements de formation professionnelle par une organisation d'employeurs ou de travailleurs, une entreprise ou un groupe d'entreprises, une association ou un promoteur
privé.
La réglementation de l'activité privée en matière de formation
professionnelle demeure toutefois assez rigide. Il faut, d'abord, obtenir l'agrément préalable du ministre chargé de la formation professionnelle qui statue sur la demande après avis d'une commission
consultative devant s'assurer du respect des prescriptions du cahier
des charges fixant les conditions de formation, d'hygiène et de sécurité. La technique de l'agrément préalable ne semble pas adaptée à
l'esprit libéral de la loi du 17 février 1993. Le régime de la déclaration
qui présente l'avantage d'être plus souple et conforme au libéralisme
208
HAFEDH BEN SALAH
qui caractérise les réformes économiques récentes aurait eu un
meilleur effet sur l'investissement dans ce domaine.
Cette observation est d'autant plus justifiée que la loi du 17 février
1993 prévoit au profit du ministère de tutelle un pouvoir général de
contrôle qui s'exerce dans tous les domaines d'activité des établissements privés de formation. Ce contrôle est facilité par le dépôt
préalable auprès des services du ministère chargé de la formation
professionnelle des programmes, des tarifs et des conditions de déroulement des formations dispensées. Ce contrôle tend à garantir les
droits et intérêts des stagiaires qui doivent être informés avant le
début de la formation par un document précisant les conditions de
déroulement du stage, sa durée, les conditions de délivrance du
certificat de fin de formation, la fourniture des moyens didactiques, le
coût de la formation et son mode de règlement.
- II L'adaptation des modalités de formation
La formation professionnelle comprend : la formation initiale (A)
et la formation continue (B).
A - La formation initiale
Elle a pour but de préparer à l'entrée dans la vie professionnelle.
Les candidats peuvent recourir aux structures de l'orientation professionnelle, notamment les services centraux et régionaux d'orientation
relevant du ministère chargé de l'emploi. Ils bénéficient, à ce niveau,
d'une aide de nature à leur faciliter le choix, en connaissance des
possibilités d'emploi et d'insertion dans la vie active, d'une profession
conforme à leurs motivations, à leurs aptitudes, et à leurs intérêts. Il
faut souligner que cette orientation n'est pas obligatoire c'est-à-dire
qu'elle n'est pas le préalable de l'accès à une filière de formation. De
ce point de vue, elle se distingue de l'orientation en matière
d'enseignement supérieur. La motivation personnelle prend le pas sur
les besoins du marché de l'emploi, puisque certaines filières
importantes peuvent, théoriquement au moins, ne pas attirer un
nombre suffisant de candidats. Le législateur a fait plutôt confiance
209
209
SYSTEME DE FORMATION ET ECONOMIE DE MARCHE EN TUNISIE
aux lois du marché de l'emploi, les préférant à l'orientation
bureaucratique.
La formation initiale peut être précédée, aussi, d'une préformation
ou d'enseignements préparatoires destinés à la mise à niveau de
certains candidats en raison des lacunes constatées dans leur formation générale. La formation initiale est assurée à plein temps ou bien
en alternance entre l'établissement de formation et l'entreprise. Elle
peut être dispensée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage conclu
entre l'employeur en qualité de maître d'apprentissage et l'apprenti
ou son représentant légal. Ce contrat doit être visé par les services du
ministère chargé de la formation professionnelle. Son exécution est
suivie par les conseillers d'apprentissage qui veillent sur la qualité de
la formation.
B - La formation continue et l'adaptation professionnelle
Pour améliorer les performances des travailleurs et faciliter l'insertion des demandeurs d'emploi, la loi du 17 février 1993 a prévu des
cycles de formation assurés par le Centre national de formation
continue et de promotion professionnelle et ses établissements auxiliaires. L'accès à ces cycles est ouvert aux candidats ayant participé
avec succès à un examen professionnel.
À la différence de la formation initiale largement ouverte aux
candidats, la formation continue semble reposer sur une sélection rigoureuse. Ce qui s'explique par l'impératif de qualité à titre principal
et par des contraintes tenant à la capacité d'accueil limitée des
établissements spécialisés et au coût élevé de ce type de formation.
Le souci majeur des pouvoirs publics, dans ce domaine, est de faciliter l'adaptation et la reconversion des travailleurs en activité en vue
de préserver leurs liens avec leurs entreprises qui sont souvent tenues
d'innover pour demeurer compétitives. Dans cette perspective, la
promotion professionnelle est passée à un second plan, au moins si
l'on se fie aux programmes d'action en cours.
Chapitre 3
SYSTEME de FORMATION TECHNIQUE, ENTREPRISES
ET DÉVELOPPEMENT LOCAL
Jean-Claude Lugan, professeur
I - Le capital humain-formation comme facteur endogène du
développement
La croissance économique est, à l'échelle historique, une notion et
un phénomène récent. Longtemps les sociétés ont été confrontées à
des changements lents. Depuis deux siècles dans les sociétés
occidentales, le rythme annuel moyen d'augmentation des quantités
produites est d'environ 1,5 %. Cela équivaut à multiplier ces quantités
par cinq en un siècle. Néanmoins les guerres mondiales (1914-1918,
1939-1945), certaines crises (1873-1930) ont rendu la croissance
économique assez chaotique.
Les classiques pensaient que le mouvement n'était pas durable et
qu'il déboucherait sur un état stationnaire. Marx cherchait à démontrer que le capitalisme ne pourrait pas survivre à ses contradictions.
Keynes et Schumpeter craignaient que les tendances dépressives du
capitalisme finissent par prendre le dessus, faute de coordination pour
le premier, par déclin de l'esprit d'entreprise pour le second.
Dans la seconde moitié du XXème siècle, malgré des crises plus secondaires (crise pétrolière de 1974), la croissance a été plus régulière
et les économistes ont recherché plus volontiers les causes de cette
croissance dans des processus endogènes.
212
JEAN-CLAUDE LUGAN
Les théories dites de la croissance endogène 17 ont puisé leur
inspiration à la fois dans les courants keynésiens et néoclassiques : des
néo-classiques, elles reprennent l'idée qu'il n'existe pas de problème
de demande, que davantage d'épargne permet plus d'investissement,
donc davantage de croissance ; des keynésiens, elles reprennent l'idée
que, sans intervention publique dans le domaine de la santé, des infrastructures et de la formation, l'économie fonctionne en deçà de son
régime potentiel et que les mécanismes du marché ont besoin d'être
complétés. Il s'agit de formes d'investissements collectifs utiles à la
croissance. En somme pour traiter des sociétés complexes, la théorie
économique aurait besoin de dépasser les oppositions traditionnelles
trop tranchées pour ne pas dire trop mécaniques entre théories néoclassiques et théories d'inspiration keynésiennes.
Dans ces théories endogènes de la croissance, essayons de voir de
manière synthétique quels rôles jouent plus particulièrement la formation sous ses formes diverses ?
Par exemple pour Robert Solow 18, c'est le progrès économique qui
engendre la croissance. Pour accroître le ryhme de croissance, on peut
investir, mais au fur et à mesure que l'investissement augmente, le
surplus de production qu'il permet d'obtenir (la productivité marginale) devient de moins en moins important. La vitesse ne peut plus
être accélérée, sauf à améliorer les performances du moteur. C'est le
rôle du progrès technique qui, sur le long terme, est le seul élément capable d'engendrer une augmentation du rythme de croissance. Le
rythme de croissance à long terme (pente du sentier de croissance) résulte de l'augmentation de la population active et du rythme de progrès technique. Paul M. Romer 19 avance l'idée que c'est la croissance
qui engendre le progrès technique et non l'inverse. Autrement dit
l'origine de la croissance est endogène ; elle dépend de la vitesse déjà
AUTUME (Antoine), "Les nouvelles théories économiques", Les cahiers
français, n° 272, juillet-septembre 1995 ; GUELLEC (Dominique) et
BALLE (Pierre), Les nouvelles théories de la croissance, collection repères,
éd. La découverte ; GAFFARD (Jean-Luc), Croissance et fluctuations
économiques,
Éd
Montchrestien ;
ABRAHAM-FROIS
(Gilbert),
Problématiques de la croissance, éditions Economica, 1974.
18 SOLOW (Robert) : prix Nobel d'économie en 1987.
19 ROMER (Paul M.) : professeur d'économie à l'Université de Standford.
17
213
213
FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL
acquise. La croissance désormais dépend du jeu combiné de l'investissement et des connaissances liées à l'expérience et à la formation.
Ce processus d'accumulation des connaissances par l'expérience et
la formation produit des effets sur l'ensembe de la société et pas obligatoirement dans les entreprises où il prend naissance. Ainsi le savoir-faire appris dans une entreprise donnée permet à certains ingénieurs, cadres, techniciens de se lancer pour leur propre compte
(essaimage), ce qui n'est pas forcément bénéfique pour l'entreprise
d'origine, mais l'est pour la collectivité. Il s'agit d'"effets externes".
Seule l'intervention de l'État ou d'autres collectivités politiques
(collectivités territoriales par exemple), selon le degré de décentralisation du pays, peut permettre une conciliation, en incitant ou
contraignant les entreprises à adopter un comportement favorable à
l'intérêt collectif. Le support d'apport productif à la société dans son
ensemble dépasse le surplus de rémunération que la personne qui
s'est formée peut espérer. Il y a donc bien un effet externe qui légitime
que l'État et d'autres collectivités incitent, par des bourses, par une
prise en charge d'une partie au moins du coût de formation, les
individus à mieux se former, car celui qui se forme devient capable
d'utiliser de nouveaux outils, voire de concourir à leur amélioration.
Robert E. Lucas 20 explora cette piste dans la lignée des analyses dites
du "capital humain"
Un principe essentiel cependant : il ne sert à rien de trop investir et
l'investissement, donc l'épargne et la rémunération de l'épargne
doivent progresser au rythme du sentier de croissance. Dans cette
perspective, les pays en retard disposent d'une sorte de joker, puisqu'ils peuvent espérer voir leur croissance économique s'accélérer au
fur et à mesure qu'ils maîtriseront le progrès technique utilisé par les
pays technologiquement en avance (phase de rattrapage) et cela en
investissant, mais ensuire, une fois le rattrapage effectué, il ne sert
plus à rien de pousser les feux de l'investissement ; c'est le rythme du
progrès technique nouveau qui déterminera à long terme la pente du
sentier de croissance. Par exemple en 1950, les pays européens ont pu
stimuler leur croissance en profitant de l'expérience acquise par les
États-Unis.
20
LUCAS (Robert E.) : prix Nobel d'économie en 1995.
214
JEAN-CLAUDE LUGAN
D'où vient ce progrès technique ?
Paul M. Romer a proposé une explication : "learning by doing". Il
reprend une analyse de K. Arrow 21 qui s'appuyait notamment sur le
fait que la plupart des changements techniques dans les façons de
produire sont nés de l'observation concrète de l'expérience productive, du savoir-faire des acteurs de terrain. En d'autres termes, le
progrès technique a d'autant plus de chances d'être important que
l'économie est plus développée, puisque les occasions de perfectionnement et de changement se multiplient. Néanmoins dans les nouvelles techniques de production, l'expérience de terrain n'est qu'un
adjuvant utile certes, mais insuffisant. Ceux qui se forment deviennent
capables d'utiliser de nouveaux outils, voire de concourir à leur
amélioration. En outre les firmes effectuent des investissements en recherche-développement avec des cadres et des techniciens de haut
niveau de formation et en s'appuyant de plus en plus sur des centres
de recherche universitaires ou assimilés. Toutefois elles ne le font que
si elles espèrent en tirer bénéfice. Or si les bénéfices ne sont que
collectifs, les firmes seront moins incitées à accentuer leurs efforts en
recherche développement. Les pouvoirs publics en permettant aux
firmes novatrices de demeurer propriétaires de leurs innovations par
les brevets rééquilibrent les choses. D'ailleurs une innovation chasse
l'autre et par conséquent le monopole instauré par les brevets n'est
que provisoire.
II - La formation comme condition d'un développement local
La notion de développement local n'est pas facile à cerner. Si l'on y
ajoute le qualificatif de durable, la clarification conceptuelle est encore
plus hardie. Ainsi pour la thèse libérale : un marché bien organisé
produit du développement durable ; alors que pour la thèse sociale-démocrate, seule une organisation collective peut produire du
développement, sinon les dommages de l'économie libérale risquent
d'être irréparables.
Néanmoins quelques questions ou idées centrales permettent de
préfigurer une problématique d'un développement local qui s'évertu21
ARROW (Kenneth) : prix Nobel d'économie en 1973.
215
215
FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL
rait à s'inscrire dans la durée, c'est-à-dire à prendre en compte les
impératifs de ses environnements dans une large acception, ceci dans
la mesure où le développement durable est sous tendu par un certain
type d'orientation aux valeurs qu'il faut expliciter.
Ces idées ou principes fondamentaux pourraient être formulés
ainsi :
- une utilisation parcimonieuse des ressources, tout le problème tenant dans la définition des ressources, notamment des ressources
naturelles. En d'autres termes, il s'agirait de maintenir le capital naturel, tout en l'utilisant. Exemples : comment utiliser sans le détruire le
capital naturel unique que représente le Grand Canyon, la baie du
Mont Saint-Michel ou la baie d'Along ?
- la nécessité de lier les logiques d'acteurs locaux, afin d'éviter les
poches de contradictions et de conflits,
-la mise en exergue du principe de précaution, afin de ne pas créer
des phénomènes négatifs irréversibles,
- la nécessité fondamentale de gérer des temps différentiels : le
temps de l'entreprise, le temps politique, le temps de la formation, le
temps des cycles dits naturels etc.,
-enfin intégrer l'idée que la durabilité locale renvoie toujours au
développement durable macro.
Dans cette perspective de recherche d'un développement local durable, on peut émettre l'hypothèse que les entreprises dans un milieu
donné souhaitent trouver aujourd'hui :
1) des communications de qualité
2) des équipements techniques collectifs
3) des services publics
4) des services de maintenance
5) des aides conseil
6) une animation culturelle, sportive, commerciale
216
JEAN-CLAUDE LUGAN
217
217
FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL
7) enfin, et c'est notre propos ici, des systèmes locaux de formation
capables, selon les expressions d'E. Morin, de ré-organisation qui exprime la transformation dans le temps, d'auto-organisation qui exprime un certain niveau d'autonomie, d'éco-organisation qui exprime
un fonctionnement ouvert dans des environnements plus ou moins
changeants ou actifs.
Ceci suppose en conséquence de la part de ces systèmes de formation, des capacités : de régulation, d'information sur les effets de leurs
actions sur les environnements, de décision, de mémorisation, de
coordination des décisions dans le temps, de conception de nouvelles
solutions en rapports aux nouveaux problèmes.
Nous avons vu que la formation et le progrès technique qui lui est
directement lié, était considérée par certains économistes contemporains, comme l'une des conditions essentielles du progrès technique,
donc du développement.
Comment ces processus de formation se déclinent-ils en matière de
dévoppement local durable ?
Comment peuvent-ils aboutir au fond à un système d'acteurs partenaires capables malgré leurs différences de cadres de références, de
stratégies, d'enjeux, d'attentes, d'oeuvrer à ce développement local sur
la durée et en intelligence avec les environnements à travers la
formation ?
La démarche la plus simple, du moins dans un premier temps,
nous semble l'explicitation des attentes des principaux types d'acteurs
concernés par la mise en place de nouveaux établissements et donc de
nouvelles formations supérieures. Afin d'éviter la dispersion des
analyses, nous nous sommes situés dans le cadre de formations supérieures techniques courtes : I.U.T., B.T.S., ou longues : École d'ingénieur, implantées dans des collectivités de taille moyenne, c'est-à-dire
là où elles sont, nous le verrons, le plus directement en prise avec des
problématiques de développement local.
A - Les collectivités locales de taille moyenne (villes moyennes de
20 000 à 200 000 habitants) ) attendent plusieurs effets des implantations universitaires de type I.U.T., École d'ingénieurs.
218
JEAN-CLAUDE LUGAN
Premier effet : l'implantation d'un établissement ou d'établissements génére des emplois directs et indirects, d'abord liés à la
construction et au fonctionnement des établissements, puis à la présence d'étudiants, d'enseignants et de personnels qui représentent autant de consommateurs (un étudiant dépenserait en moyenne
30 000 Francs/an). Ils accroissent les consommations locales dans tous
les secteurs de la vie économique, donc renforcent ipso facto les équipements existants et leur rentabilité.
D'après l'Institut de recherche sur l'économie de l'éducation, 1 000
étudiants seraient à l'origine de la création directe ou indirecte de 130
emplois nouveaux. En ce qui concerne les grandes Écoles, les Instituts
universitaires
de
technologie,
les
Instituts
universitaires
professionnels, ce chiffre serait sensiblement supérieur, étant donné
les taux d'encadrement (entre 150 et 300 emplois )
Deuxième effet : l'effet "image" de la localité pour attirer les entreprises. Le potentiel de formation et de recherche participe à la
construction d'une image dynamique et moderne de la collectivité et
d'un milieu propice au renforcement des entreprises. Ce renforcement
de l'image dynamique et positive de la collectivité vis-à-vis de l'extérieur, peut constituer un élément d'attractivité supplémentaire pour
les entreprises des secteurs secondaires ou tertiaires innovantes et
favoriser les processus de développement des entreprises existantes.
Troisième effet : une population étudiante et universitaire participe au renouvellement de la culture locale dans toute l'acception du
terme et notamment de la culture scientifique et technique ; cet élément est un facteur non négligeable de développement plus réfléchi et
donc plus durable. En effet une formation de bon niveau permet aux
formés de mieux s'insérer dans de nouveaux modèles de développement locaux, plus innovants, tenant mieux compte des contraintes environnementales. Ils peuvent même dans certains cas les promouvoir.
Bien sûr les collectivités locales concernées seront amenées à
consentir des investissements supplémentaires qui accompagnent inévitablement une implantation universitaire : logements, équipements
sportifs, voierie, mise en oeuvre de transports collectifs etc. En France
dans le cadre du plan Université 2000, les collectivités ont même
219
219
FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL
participé directement aux investissements universitaires proprement
dits (bâtiments, centres de recherches, matériels pédagogiques ...).
B - Du côté des entreprises, les effets attendus sont plus précis.
Néanmoins en matière de formation proprement dite, deux hypothèses sont à considérer :
Première hypothèse : les entreprises locales manquent de
main-d'oeuvre du niveau brevet de technicien supérieur ou diplôme
universitaire de technologie, voire du niveau ingénieur ; elles peuvent
bien sûr, en situation de sous-emploi en particulier, rechercher des
formés à l'extérieur en fonction de leurs besoins. C'est une formule
souple puisque les entreprises ne subissent pas les pressions directes
d'établissements locaux de formation. Néanmoins en contre-partie il
existe un désavantage : les entreprises n'ont pas la possibilté d'être
associées à l'élaboration des programmes de formation, c'est-à-dire
aux profils de formés qui correspondraient davantage à leurs besoins.
Deuxième hypothèse : un établissement supérieur est implanté
dans le milieu local et assure des formations qui sont plus ou moins en
congruence avec les entreprises de la zone ; celles-ci pourront ainsi :
1) participer par l'intermédiaire de leurs cadres à la formation des
étudiants ; ce qui peut être une manière tout à fait intéressante et
concrète de lier les préoccupations, les difficultés des uns et des autres
et aboutir ainsi à des enrichissements mutuels au plan des connaissances techniques, mais aussi servir à développer en termes réciproques les connaissances des contraintes et des ressources de chacun
en milieu profesionnel.
2) organiser des stages de formation en alternance pour les étudiants, permettant à l'entreprise d'opérer ainsi éventuellement une
présélection d'embauche.
3) bénéficier de structures de formation continue pour certaines catégories de personnel
220
JEAN-CLAUDE LUGAN
En matière de recherche :
Les entreprises attendent en effet des enseignants-chercheurs organisés plus ou moins en laboratoires, des soutiens en matière d'adaptation de leurs produits. En d'autres termes, elles souhaitent préorienter et bénéficier de recherches appliquées effectuées par les enseignants-chercheurs et les laboratoires universitaires ou mieux, pour
les entreprises d'une certaine taille, définir des collaborations entre
laboratoires d'entreprises et laboratoires universitaires.
221
221
FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL
Le problème : est-ce que dans une unité délocalisée, il est possible
d'atteindre la taille critique et un développement suffisamment diversifié des laboratoires pour atteindre à la reconnaissance scientifique et répondre sérieusement à la demande ?
Les Centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie
(C.R.I.T.T.) représentent des solutions souples par un système d'antennes déconcentrées qui peuvent s'appuyer sur des laboratoires
situés dans les Universités mères. Il est fortement probable que les
nouvelles techniques d'information et de communication (N.T.I.C.)
pourront de plus en plus améliorer ces réseaux.
En Languedoc-Roussillon se sont mises en place des "cellules locales d'accompagnement technologiques", composées d'enseignants
du secondaire et d'universitaires chargés de recueillir les besoins et les
attentes des entreprises et éventuellement d'élaborer les réponses
adaptées.
C - Quant aux établissements de formation, ils peuvent bénéficier
d'un certain nombre d'avantages et assumer aussi des inconvénients :
Les avantages :
1) une meilleure évaluation des besoins des entreprises en
main-d'oeuvre, permettant ainsi de faire évoluer les programmes de
formation, éventuellement les besoins en recherches appliquées. Or
rien ne vaut le contact direct en la matière. Ce contact peut être établi
par des professionnels des entreprises, dispensant des enseignements
dans les établissements supérieurs ; mais aussi par les stages des
étudiants en entreprises ou des formations dites en alternance.
2) une utilisation des entreprises comme supports logistiques en
vue de recherches appliquées. Dans cette perspective les C.R.I.T.T
peuvent jouer des rôles d'interfaces tout à fait éminents. Ils relèvent de
structures universitaires, mais très proches des milieux professionnels,
ils assurent à titre d'exemples : des aides ponctuelles, des études de
faisabilité, des essais techniques, des formations ciblées, le
développement de logiciels, des études de process, des recherches
appliquées, du suivi technologique, des expertises et audits, de l'assistance technique, etc.
222
JEAN-CLAUDE LUGAN
3) des propositions d'emplois pour un certain nombre d'étudiants.
Les inconvénients : l'éloignement de grandes villes universitaires
où se concentrent les laboratoires de recherches et ainsi l'absence
d'une masse critique favorable aux échanges scientifiques et techniques. Aujourd'hui les nouvelles techniques d'information et de
communication peuvent compenser en partie ces inconvénients, mais
en partie seulement, car les relations face à face manifestent des
avantages spécifiques.
Un autre élément négatif tient aux difficultés des
enseignants-chercheurs des sites décentralisés à effectuer des
recherches avec un appui logistique suffisant, dans la mesure où ils
sont éloignés des centres de recherche et des échanges scientifiques
qui peuvent s'y développer. Or, dans les déroulements de carrière, la
recherche et les publications qui lui sont liées, constituent les critères
majeurs pour ne pas dire uniques.
De plus la recherche appliquée, les transferts de technologies, de
même que les actions de formation continue sont considérées, toujours
du point de vue de la carrière, comme annexes.
D'une manière plus générale, il faut noter que des contradictions
existent aussi entre les modalités du développement local et les modalités du développement des établissements universitaires. Ces deux
types de développement ne se fondent ni sur des territoires, ni sur des
temps, ni sur des logiques parfaitement similaires. Comme le note J. P.
de Gaudemar dans un rapport au ministre intitulé "Prospective de la
carte d'enseignement supérieur et de la recherche", si le
développement d'un pays est en liaison directe avec son niveau
d'éducation et de recherche-développement, cette thèse est moins
convaincante lorsque l'on descend à des niveaux régionaux ou
micro-régionaux.
Les temps et les ryhmes des deux systèmes sont différents. Le
temps des systèmes et des acteurs politiques est un temps d'urgence,
assujetti notamment aux échéances électorales ; le temps des systèmes
universitaires est forcément un temps de réflexion et d'expérimentation.
223
223
FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL
De même, comme le soulignent les auteurs de l'ouvrage
Développement universitaire et développement territorial, l'impact du plan
université 2000 (1990-1995) 22 , les territoires ne coincident pas. Les
universités et leurs établissements ne raisonnent pas volontiers espace
local, mais aujourd'hui plus qu'hier espace européen et international.
Cela peut constituer une source d'incompréhension majeure entre les
deux mondes. Cette tension met en évidence les contradictions
22
La documentation française, Paris, 1998.
224
JEAN-CLAUDE LUGAN
intrinsèques entre développement local et développement
universitaire : d'un côté l'ancrage territorial, le plus rapide possible, de
l'autre la dimension nationale, européenne, internationale, le temps
propre à la recherche .
C'est par le travail de réflexion en commun que ces contradictions
peuvent être utilement réduites dans une perspective de développement plus harmonieux et plus en profondeur du territoire. Il faut en
quelque sorte aboutir à des systèmes locaux de formation supérieur
associant divers types d'acteurs : chefs d'établissement et enseignants
des lycées, enseignants du supérieur, élus locaux, représentants des
administrations de l'État, afin que la formation soit, non une pièce
artificiellement rapportée, mais un des maillons incontournables de ce
développement local 23
La collectivité nationale peut trouver ses intérêts dans ces opérations formation-recherche-développement local. Certes ces opérations
réduisent les économies d'échelle réalisées par la concentration
d'établissements universitaires dans des grandes agglomérations ;
mais elles peuvent participer à une politique plus active d'aménagement du territoire, donc réduire les coûts de concentrations excessives, toujours difficiles à mesurer mais réels dans le domaine urbanistique, social, environnemental et au bout du compte mieux s'orienter vers un développement en profondeur que l'on peut se risquer à
qualifier de durable.
"L'établissement éducatif et son environnement. Pour une approche
méthodologique territorialisée de l'efficacité des systèmes de formations", en
collaboration avec J. L. Hermen, 30 p., Cahiers du CEJEE, paru dans la
revue Savoir, Éducation, formation, n° 3 1994, 20 p.
23
Chapitre 4
PRINCIPAUX MODELES DE TRANSITION FORMATIONEMPLOI. UN EXEMPLE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
EN FRANCE
Jean-Louis Hermen,
directeur de l'Observatoire de la vie étudiante
Le cadre général de coopération entre l'Université des sciences sociales et humaines d'Hanoi et celle de Toulouse I, concerne "l'évolution du statut du secteur privé dans l'économie du Viet Nam", avec
un volet "ingénierie de la formation et des systèmes d'emplois".
Nous nous situons en effet dans un processus de développement qui
s'est accéléré depuis les premières réformes économiques de 1986. Les
transformations des structures économiques et sociales qui en ont découlé, la dynamique démographique de la population vietnamienne,
la volonté de dynamiser les régions rurales et montagneuses,
rendent plus que jamais nécessaire un accompagnement par la
formation de ces changements, avec une approche en termes
d'ingénierie de la formation. L'ingénierie de la formation se définit
comme un "ensemble coordonné et ordonné de travaux de
conception, de réalisation, d'évaluation et de régulation des systèmes
de formation dans leurs environnement sociaux, culturels et
économiques".
La démarche d'ingénierie de la formation est appliquée depuis un
certain temps en France dans les domaines des politiques de formation (niveaux local, régional, national) et de la gestion des ressources
humaines (entreprises). Les Universités françaises pour la mise en
place de cette démarche au niveau local (aide à la construction et à
226
JEAN-LOUIS HERMEN
l'évaluation du projet d'établissement de formation) ont créé des
structures d'évaluation et de prospective : "les Observatoires de la vie
étudiante 24.
Dans le processus de développement de l'Université d'Hanoi, il a
paru important à l'ensemble des acteurs que pour mieux comprendre
et améliorer les processus d'accès à l'emploi des diplômés des filières
de formation actuelles et futures, il était nécessaire de se doter d'outils
d'analyse et de prospective. Ceci afin d'améliorer la qualité de la
formation en relation avec la demande du marché du travail
vietnamien, et plus généralement la transition entre l'Université et le
monde du travail. C'est dans ce contexte que se situe cette
communication.
-IProblématique. Méthodologie
Dans l'analyse des relations entre le monde de la production et celui de la formation, l'association des notions de marché à celles d'organisation ou d'institution est très importante ne serait-ce que par
les problèmes qu'elle pose. Par marché nous entendons marché de
l'emploi et marché de la formation ; quant aux organisations ou institutions, elles peuvent être soit de nature micro-économique
(entreprise - établissement de formation), soit de nature macro -ou
méso-économique : ministère ou ses représentants régionaux, branche
professionnelle organisée et sa déclinaison régionale par exemple.
Il s'agit donc de la mise en relation de systèmes sociaux complexes,
ayant chacun des logiques, des modes de fonctionnement différents.
On peut identifier aisément les trois groupes d'acteurs de la relation formation-emploi :
- Les formés, c'est-à-dire les jeunes issus du système de formation
initiale ou d'apprentissage et les adultes passés par le système de
formation continue.
"Les Observatoires de la Vie Etudiante : outils d'évaluation et de
prospective au service du projet d'établissement universitaire", Jean-Louis
HERMEN, mars 1998.
24
227
227
TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE
- Les institutions, qui recouvrent d'abord les établissements de
formation mais aussi celles qui sont chargées de l'orientation et de
l'intermédiation, ainsi que celles en charge des politiques de formation en termes notamment d'évaluation et de prospective.
- Les utilisateurs de formés, et plus particulièrement les entreprises ou les administrations.
Les relations entre ces groupes sont complexes et tendent à se compliquer encore dans la mesure où l'État donne de l'autonomie aux établissements de formation et transfère une partie de ses pouvoirs aux
collectivités territoriales. Complexité d'autant plus forte dans la
mesure où sont confrontées des logiques individuelles (processus
d'insertion des formés), à des logiques globales que sont les politiques
de gestion des ressources humaines et les politiques de formation.
A - L'approche par les entreprises
L'analyse de la relation d'emploi dans l'entreprise est un des domaines où les changements ont été les plus nombreux ces dernières
années. L'évaluation du processus d'accès à l'emploi des jeunes
sortant de l'appareil éducatif est marquée par la durée, la sélectivité,
les modes de recrutement, la mobilité. On peut aussi identifier les variables discriminantes de l'insertion : différences selon la taille et le
secteur d'activité des entreprises, influence déterminante des politiques de gestion des ressources humaines.
Dans ce contexte, l'analyse des pratiques des acteurs de l'insertion
est un enjeu important. Quels sont les rôles respectifs de chacun : employeurs et organisations patronales, syndicales, salariés, environnement local... ?
Les comportements des entreprises à l'égard de l'insertion procèdent-ils d'une véritable politique ou d'une stratégie ? Autant de
question qui interrogent sur le rôle nouveau de la formation dans les
pratiques des entreprises.
228
JEAN-LOUIS HERMEN
B- L'approche par les institutions
Le rôle des institutions dans les processus d'insertion est important
car on peut supposer que la façon dont les décisions sont prises, va
affecter les conditions de l'insertion.
La notion d'institution recouvre d'abord les établissements de
formation. Au regard de l'insertion il semble nécessaire de préciser
l'organisation des filières, les acquis de la formation (niveau,
contenu), mais aussi les modalités de fonctionnement de l'établissement en interaction avec ses environnements : projet d'établissement,
partenariat écoles-entreprises...
D'autres institutions se chargent de l'orientation des jeunes, et
peuvent avoir une influence dans le déroulement des cursus de
formation et les choix personnels, et par là-même, un impact sur
l'insertion.
Un troisième groupe d'institution, assure des fonctions d'intermédiation entre le système de formation et le marché de l'emploi : ce
sont les agences pour l'emploi (ANPE, APEC, APECITA), mais il
existe aussi d'autres institutions telles que les réseaux d'anciens diplômés. Ici aussi leur rôle peut avoir une influence déterminante sur
les processus d'insertion.
C - L'approche par les jeunes
Dans la plupart des pays membres de l'OCDE, les conditions d'insertion des jeunes sont bien connues. Les éléments les plus fréquemment utilisés pour les décrire sont les suivants : nature du premier
emploi (niveau de qualification, précarité, secteur et taille de l'entreprise), durée d'accès au premier emploi, modes de recherche
d'emploi, stabilisation dans l'emploi, etc. On peut distinguer trois
types de variables explicatives : individuelles (sexe, âge, origine
sociale...), scolaires (diplôme, spécialité, orientation, qualité du
cursus...) et spatiales (marché local du travail).
Concernant la période d'observation, chacun a souligné l'intérêt
d'enquêtes régulières d'insertion et de cheminement, avec une préférence pour les enquêtes longitudinales intégrant des calendriers tri-
229
229
TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE
mestriels d'activités (Cf. Exemple ci-après de l'analyse des processus
d'insertion des diplômés de troisième cycle de l'Université de
Toulouse).
Tous ces outils permettent de repérer les tendances dominantes de
la transition formation-emploi dans de nombreux pays en combinant
les approches entreprises, institutionnelles et jeunes diplômés. Nous
traiterons tout d'abord des quatre modèles dominants de transition
formation-emploi, et nous illustrerons dans une deuxième partie
l'analyse des processus d'insertion à partir de l'exemple des diplômés
de troisième cycle de l'Université des sciences sociales de Toulouse.
- II Les quatre modèles de transition formation-emploi
Le Bureau international du travail, à Genève, vient de publier un
rapport de son département de l'emploi et de la formation favorable à
un resserrement du lien entre formation initiale (et continue) et entreprise. Ces liens selon les pays peuvent prendre diverses formes ;
cela se traduit selon Jacques Gaudé par quatre grands modèles de
transition école-emploi.
A - Le modèle japonais à transition directe
Le Japon met l'accent sur la formation en entreprise. Le système
se caractérise par un faible taux de rotation de la main-d'œuvre. Les
employeurs sont assurés du retour sur investissement de la
formation. Ils sont en correspondance directe avec les écoles pour le
recrutement des jeunes qu'ils font ensuite passer par différents postes.
Ces personnes suivent une formation et des reconversions
successives, toutes appliquées aux besoins spécifiques de l'entreprise.
Quant aux petites et moyennes entreprises, qui n'ont pas les
moyens de former leur personnel, elles recrutent pour leur part dans
les écoles professionnelles ; ces dernières regroupent le quart des
élèves, au niveau de la fin du cycle secondaire.
230
JEAN-LOUIS HERMEN
B - Le modèle allemand à transition régulée
L'Allemagne, comme le Danemark, l'Autriche ou la Suisse, mise
sur la formation en alternance. Un contrat de travail d'environ trois
ans lie les apprentis aux entreprises. Ils perçoivent une indemnité
fixée par la convention collective de branche. Les programmes de
formation sont co-déterminés par les syndicats et les employeurs. Les
premiers sont favorables à une formation générale dispensée en
centre de formation pouvant faciliter par la suite une éventuelle mobilité du salarié, les seconds défendent une formation spécifique acquise sur le lieu de travail et répondant aux besoins de l'entreprise
d'accueil.
Un peu moins de 500 000 contrats sont signés chaque année. Bien
que leur nombre ait tendance à décroître depuis 1984, du fait notamment de la baisse de la natalité et de la concurrence de l'Université, ils
restent au niveau de 70 % d'une classe d'âge.
231
231
TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE
C - Le modèle américain à transition dérégulée
Les États-Unis, pour leur part, ont professionnalisé leur formation
initiale. Ils ont développé des parcours scolaires où la formation
professionnelle secondaire se voit attribuer deux missions : maintenir
les élèves les plus défavorisés socialement dans le système scolaire, et
mieux les préparer à l'emploi. La transition vers le marché du travail
est longue. L'emploi lui-même est de plus en plus précaire, et prend
la forme d'une succession de postes sur des périodes de courte durée,
entre lesquelles le salarié doit pouvoir s'adapter.
D - Le modèle français à transition décalée
La France, comme l'Italie, préfère la formation dispensée en milieu
scolaire. Ce sont les études générales vers le baccalauréat et ensuite
les études supérieures qui sont privilégiées. Ceci concerne ac-
232
JEAN-LOUIS HERMEN
tuellement près de 70 % d'une classe d'âge, c'est-à-dire la même
proportion que les jeunes Allemands en apprentissage. Les études
professionnelles sont souvent dévalorisées, et ont été longtemps perçues comme celles accueillant les laissés-pour-compte du système général. Plus qu'ailleurs la formation initiale marque les individus
pour une majeure partie de leur vie active. En effet le système est
construit sur le principe d'une correspondance entre niveau hiérarchiques de l'emploi et niveaux de formation censés répondre à ces besoins.
Mais ce modèle évolue sensiblement vers des formes d'alternance
soit sous statut scolaire (avec le développement des stages de longue
durée) soit sous statut salarié (apprentissage, contrat de qualification).
Ce sont les pays latins appliquant le modèle à "transition décalée"
qui sont les plus touchés par le chômage des jeunes. Cf. graphique
ci-après. Il est évident que d'autres variables telles que la
démographie, la croissance économique, le dynamisme du marché du
travail, mais aussi l'allongement de la durée des études qui réduit
d'autant le volume d'actifs jeunes, peuvent aussi expliquer ces écarts.
Plus qu'ailleurs toutefois, ce système à transition décalée où la for-
233
233
TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE
mation initiale marque fortement les individus, induit un processus
d'insertion dans la vie active relativement lent : le lien entre formation
initiale et l'entreprise ne relevant pas d'une automaticité certaine. Des
procédures d'intermédiation, de régulation, d'anticipation sont
d'autant plus nécessaires en période de crise pour resserrer ces liens
entre la formation et l'emploi afin d'améliorer l'efficacité du système
de formation professionnelle. De telle sorte que dans les pays à fort
taux de chômage des jeunes (France, Espagne ou Italie), on assiste à
l'émergence d'un nouveau secteur d'activité qui regroupe les métiers
de l'insertion et de la réinsertion professionnelle, qui génèrent de
nouvelles fonction à l'interface des systèmes de formation et d'emploi.
Ce secteur en émergence donne une nouvelle dimension à la
responsabilité publique et un rôle important à la démarche d'ingénierie de la formation.
234
JEAN-LOUIS HERMEN
- III Un exemple de processus d'entrée dans la vie active :
les diplômes de troisième cycle de l'Université
des sciences sociales de Toulouse
A - L'enquête sur le devenir des titulaires d'un DEA ou d'un
DESS 25 de Toulouse I obtenu en 1995 a été effectué par voie postale
au printemps 1998. Les finalités de ces deux diplômes de torisième
cycle sont différentes. Le DEA, correspondant à la première année
d'études doctorales et se veut avant tout une formation théorique,
méthodologique et pratique, d'initiation à la recherche. Le DESS,
formation de haute spécialisation, prépare directement à l'exercice
d'une profession. Ces filières ont en commun que leur accès est limité
(numerus clausus) et que le recrutement s'opère par sélection.
Le nombre des diplômés de DEA fait plus que tripler de 1988 à
1996 : il passe de 129 à 432. Ce phénomène est dû à l'augmentation de
l'offre de formation : huit DEA en 1985, dix-huit aujourd'hui. Parmi
ces 18 DEA, huit sont à dominante juridique, six à dominante économique, deux à dominante gestion et deux à dominante sciences politiques. L'origine des étudiants de DEA est très spécifique : les DEA
juridiques recrutent surtout des maîtres en droit, les DEA
économiques recrutent majoritairement des maîtres en sciences
économiques, alors que les DEA de gestion ont un recrutement plus
diversifié.
Le nombre des diplômés de DESS double de 1988 à 1996. Ce phénomène est lui aussi dû à l'augmentation de l'offre de formation :
douze DESS en 1985, vingt-cinq en 1995. Actuellement, parmi les
DESS que l'on peut préparer à l'Université des sciences sociales de
Toulouse, sept sont à dominante "droit - sciences politiques", trois à
dominante économique, dix à dominante "gestion - informatique comptabilité" et cinq pluridisciplinaires.
25
- DEA : Diplôme d'études approfondies
DESS : Diplôme d'études supérieures spécialisées
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235
TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE
B - Les objectifs d'une telle étude sont de répondre aux questions
que se posent les responsables des filières de trioisième cycle, le président de l'Université, les institutions administratives concernées, sans
oublier les étudiants et leurs futurs employeurs. Que deviennent les
étudiants de troisième cycle ? Poursuivent-ils des études ? Quels
emplois occupent- ils ? Au terme de quel processus y
parviennent-ils ? Existe-t-il des différences d'insertion entre DEA et
DESS ?
La problématique sous-jacente de ces enquêtes concerne la relation
directe entre les études de troisième cycle et l'insertion professionnelle. Elle s'accorde avec la théorie économique usuelle : les différents
cursus de troisième cycle apparaissent comme des processus
d'investissement humain qui répondent plus ou moins bien aux besoins du marché du travail : demande des entreprises et des administrations. Toutefois, il est nécessaire de distinguer entre DEA et DESS
quant à la finalité de ces études :
- Approfondissement d'une discipline ou au sein d'une discipline
dominante, approfondissement par spécialisation, tels sont les objectifs des étudiants de DEA.
- Spécialisation professionnelle : dans ce cas on raisonne en
termes d'emplois-cibles et non seulement de niveau de compétences
dans un domaine scientifique ; la frontière entre les deux situations
peut être indécise et concerne aussi bien les DEA ou les DESS.
- Formation professionnelle en vue de donner une double compétence ou de compléter une formation professionnelle de type différent. Ces objectifs concernent essentiellement les DESS.
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JEAN-LOUIS HERMEN
C - Principaux résultats
DESS
poursuite d'é tude s e t accè s à l'e m ploi
%
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études
emploi
DEA
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poursuites d'études et accès à l'emploi
%
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2°T96
3°T96
4°T96
études
1°T97
2°T97
3°T97
4°T97
1°T98
emploi
Le DESS se comporte bien comme un diplôme d'insertion
professionnelle : rapidement dès le début de l'année civile suivant
l'obtention du diplôme, il y a plus de titulaires de DESS en emploi
(33,3 %) qu'en poursuite d'études (24,8 %). Il en va différemment pour
les DEA, où 63 % des diplômés poursuivent des études à plein temps
(auxquels il faut ajouter 10 % qui en poursuivent tout en travaillant).
Cela confirme la vocation première du DEA qui est la première
étape dans la préparation d'une thèse.
Ces différences sont confortées par la suite, puisqu'au moment de
l'enquête, c'est-à-dire 3 ans après l'obtention du diplôme : 84 % des
titulaires de DESS sont en situation d'emploi, contre 64 % pour les
titulaires d'un DEA. En revanche le tiers des diplômés de DEA sont
inscrits en thèse.
238
JEAN-LOUIS HERMEN
Quant aux emplois occupés, plus de la moitié des diplômés de
DESS font partie d'une profession libérale ou sont cadres et 44 % des
professions intermédiaires. Globalement les diplômés de DESS ont
des emplois dans les services aux entreprises (39 %), les banques et
assurances (14 %) et l'administration (17 %). Les fonctions les plus
exercées sont la fonction administrative, puis les fonctions de gestion,
recherches-études et informatique.
On retrouve pour les titulaires d'un DEA les mêmes proportions
dans les emplois occupés entre cadre (52 %) et professions intermédiaires (41 %). Les secteurs d'activités d'accueil sont proches avec
toutefois un poids important du secteur enseignement-recherche
(16 %). C'est dans les fonctions exercées et les emplois occupés que
l'on trouve le plus de différences. Les fonctions les plus exercées sont
la fonction administrative, puis les fonctions recherche-études et enseignement - formation.
Cet exemple d'analyse du devenir professionnel de diplômés de
3ème cycle, met en lumière les points suivants :
® Une forte pression démographique de ces diplômés sur le marché du travail.
® Si on prend comme point de référence les objectifs attendus de
ces diplômés de troisième cycle, à savoir la thèse pour les DEA, la
professionnalisation immédiate pour les DESS les indicateurs trois
ans après le diplôme montrent une cohérence entre les objectifs et les
résultats :
- le tiers des DEA préparent une thèse,
- plus de 80 % des DESS occupent un emploi.
® La hausse du nombre de diplômés de troisième cycle, ajoutée
aux difficultés rencontrées sur le marché du travail a pour conséquence un ralentissement du processus d'insertion et une
confrontation pour certains diplômés titulaires d'un DEA à un
"chômage d'insertion de longue durée".
® Le phénomène de "déqualification nette" est peu important :
8 % d'employés quelque soit les diplômés. Par contre, on peut parler
de "déclassement d'insertion", lors des débuts professionnels de ces
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239
TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE
diplômés quand ils occupent des emplois de niveau profession intermédiaire.
® Ces résultats, somme toute satisfaisants, notamment pour les
DESS, sont liés à la mise en place d'une politique de découverte du
monde du travail où les stages en entreprises deviennent des
moments forts d'initiation à la vie professionnelle.
*
**
Cet exemple du devenir professionnel de diplômés de troisième
cycle, mis en relation avec les quatre modèles dominants de la transition formation-emploi, met en lumière le nécessaire rapprochement
école-entreprise. Les réformes entreprises au cours des années
écoulées et celles en cours à l'Université (création d'une licence professionelle par exemple) veulent renforcer la socialisation des jeunes
par une connexion accrue entre école et entreprise : développement
des stages en entreprise, tutorat, jumelage école-entreprise, etc. La
plupart des formations professionnelles initiales incluent désormais
une période de formation en entreprise : "concept d'entreprise apprenante". Les délarations publiques sur l'apprentissage ou plus généralement sur le système en alternance marquent la volonté de s'inspirer
du modèle "dual allemand". Aujourd'hui la formation professionnelle
des jeunes est majoritairement une formation alternée soit sous statut
scolaire, soit sous statut salarié. De fait la conception dominante de
l'alternance est liée à la problématique de la relation formation emploi :
∑ alternance comme mode de remédiation cognitive, contre l'échec
scolaire et l'exclusion sociale ;
∑ alternance comme support de mobilisation de la main-d'oeuvre
(mode de pré-recrutement par exemple) ;
∑ alternance comme vecteur d'intermédiation entre les systèmes
de formation et les systèmes d'emploi.
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JEAN-LOUIS HERMEN
Cette nouvelle approche nécessite la mise en place de systèmes
d'orientation professionnelle et de veille technologique, d'information
et de suivi des marchés du travail et de la formation bien plus
élaborés qu'ils n'existent actuellement. C'est en ce sens qu'on été mis
en place ces outils d'évaluation et de prospective au service du projet
d'établissement de formation que sont les observatoires de la vie
étudiante ou scolaire, accompagnés par la mise en oeuvre d'une démarche d'ingénierie de la formation.
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TABLE DES MATIÈRES
PREMIERE PARTIE : RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET
PRIVE : EVOLUTIONS IDEOLOGIQUES.......................................
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Chapitre 1 : LES RELATIONS ENTRE SECTEUR PUBLIC ET
SECTEUR PRIVE AU VIET NAM, Phi Manh Hong.....................
27
Chapitre 2 : LES RELATIONS ENTRE SECTEUR PUBLIC ET
SECTEUR PRIVE. ÉVOLUTIONS IDEOLOGIQUES EN FRANCE,
André Cabanis..........................................................
41
DEUXIEME PARTIE : RAPPORTS ENTRE ENTREPRISES D'ÉTAT ET
ENTREPRISES PRIVEES...........................................................
57
Chapitre 1 : L'ÉCONOMIE PRIVÉE AU VlETNAM DANS LE
CONTEXTE DE LA POLITIQUE DE RÉNOVATION, Hoang Kim
Giao.........................................................................................
59
Chapitre 2 : ÉCONOMIE PRIVÉE ET RÈGLEMENT DU
PROBLÈME DE L'EMPLOI AU VIET NAM, Vu Minh Vieng.......
79
Chapitre 3 : LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRIVATISATION DES
SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE, Jacques
Viguier.....................................................................................
91
TROISIEME PARTIE : POLITIQUE ECONOMIQUE DE L'ÉTAT A
L'EGARD DES SECTEURS PUBLICS ET PRIVES............................
99
Chapitre 1 : LE RAPPORT ENTRE L'ÉCONOMIE D'ÉTAT ET
L'ÉCONOMIE PRIVÉE DU VIETNAM : RÉALITÉ ET SOLUTION,
Trinh Thi Hoa Mai...............................................
101
Chapitre 2 : LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE DE L'ÉTAT ET LE
SECTEUR ÉCONOMIQUE PRIVÉ, Vu Duc Thanh......................
113
Chapitre 3 : LA RÉNOVATION DES INSTITUTIONS
ÉCONOMIQUES EN TUNISIE, Mohamed Ridha Ben Hammed.
123
Chapitre 4 : LA CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE
PUBLIC, Jean-Pierre Théron......................................................
143
QUATRIEME PARTIE : RESTRUCTURATION DE L'ENTREPRISE
PUBLIQUE ET MODELE DE L'ENTREPRISE PRIVEE.....................
155
Chapitre 1 : ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES
ÉTATIQUES AU VIETNAM, Le Danh Ton.................................
157
Chapitre 2 : RÉFORME DES RAPPORTS DE PROPRIÉTÉ AU
SEIN DES ENTREPRISES PUBLIQUES, Tran Anh Tai...............
167
CINQUIEME PARTIE : L'INGENIERIE DE LA FORMATION DANS
L'ACCOMPAGNEMENT DU PROCESSUS D'EVOLUTION DU
SECTEUR PRIVE.....................................................................
179
Chapitre 1 : ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE SUR L'USAGE DES
RESSOURCES HUMAINES, Nguyen Minh Thuyet, Tran Kim
Dinh et Nguyen Hao Quang.......................................................
181
Chapitre 2 : ADAPTATION DU SYSTÈME DE FORMATION À
L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ : L'EXPÉRIENCE TUNISIENNE,
Hafedh Ben Salah...................................................................
197
Chapitre 3 : SYSTEME DE FORMATION TECHNIQUE,
ENTREPRISES ET DÉVELOPPEMENT LOCAL, Jean-Claude
Lugan.......................................................................................
205
Chapitre 4 : PRINCIPAUX MODELES DE TRANSITION FORMATION-EMPLOI. UN EXEMPLE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE, Jean-Louis Hermen...............................
219
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