corruption fait de certains membres de l’appareil d’État et du Parti les ennemis internes mêmes
du socialisme, et que se développent les contestations de toutes sortes (extension de l’agitation
rurale au 4e trimestre de 1997 dans divers points du pays, revêtant un caractère particulièrement
dramatique dans la province de Thái-Bình ; protestations bouddhistes ; troubles chez des
minorités ethniques).
Tenant plutôt à restreindre le rythme et l’étendue du processus d’ouverture de l’économie
vietnamienne pour ne pas risquer d’ébranler les fondations de leur pouvoir, les dirigeants du
régime donnent l’impression de vouloir s’aligner désormais sur le modèle de la Chine. Le Viêt-
Nam déclare en effet partager avec la Chine un intérêt commun pour la réussite de l’économie
socialiste de marché, parce qu’il se compte avec elle comme les deux seules nations parmi les
Etats socialistes subsistants susceptibles de promouvoir le développement par une politique de
rénovation. Ce rapprochement avec la Chine a été concrétisé par la conclusion d’un traité sur les
frontières terrestres (en décembre 1999) et d’un traité de délimitation des eaux territoriales dans
le Golfe du Tonkin (à la fin de 2000). Il n’en reste pas moins que le tableau actuel du Viêt-Nam
est très mitigé, même si ses dirigeants pensent qu’en limitant son intégration à l’économie
mondiale, il a réussi à préserver sa stabilité sociopolitique et à maintenir des taux de croissance
convenables.
C’est cette évolution sur un quart de siècle que se propose d’analyser l’ouvrage présenté
ici. Construit suivant un plan tripartite (1.- “Illusions et déceptions dans l’optimisme triomphant,
1975-1980”, pp. 13-54 ; 2.- “Difficile recherche d’une voie socialiste du développement dans les
années 1980”, pp. 57-115 ; 3.- “Les années 1990 : Essor d’un nouveau dragon ?”, pp. 117-201),
et complété par des données statistiques relevées entre 1985 et 1998 (pp. 213-218), il se veut
être, comme le proclame la quatrième de couverture, « le premier essai d’histoire contemporaine
du Viêt Nam… Conditions et réformes économiques, problèmes politiques et culturels, relations
internationales y sont exposés à la lumière d’informations récentes ». Mais la première phrase de
la conclusion, assez maladroitement exprimée du reste : « nous avons cherché à voir si le régime
qui s’est défini en 1980 comme un Etat de dictature prolétarienne… se référant au marxisme-
léninisme a été capable de favoriser l’essor des dynamismes dans tous les domaines, aussi
importants que l’autorité coordinatrice pour rattraper les retards accumulés en un quart de siècle
de guerre d’indépendance dans la déchirure nationale et comme front chaud de la guerre froide »
(p. 199), éclaire la démarche en réalité souvent apologétique des auteurs
. C’est dire que, malgré
l’abondance des données apportées, l’analyse des faits n’est pas toujours poussée à fond, les
séquelles persistantes de l’ancienne division Nord-Sud et les acquis laissés par l’ancienne
République sud-vietnamienne sont passés sous silence, et la complexité de certaines situations
est tout simplement escamotée
. Pour cette raison, nous avons préféré, pour ce compte rendu de
lecture, commencer paradoxalement par énumérer les aspects que nous estimons fondamentaux
mais qui n’ont pas été forcément traités par l’ouvrage lui-même, plutôt que d’en faire un résumé.
En fait, ce qui a peut-être fait défaut aux auteurs est une documentation pertinente, quoi
qu’ils aient pu dire à la page 225 à propos de leur bibliographie. Certes, des omissions ont pu
être sciemment faites (comme pour Philippe Papin, Viêt-Nam. Parcours d'une nation, Paris, La
Documentation Française, 1999, 179 p., ou pour l’auteur de l’étude sur les mouvements
bouddhistes dans les années 1960 à laquelle certaines phrases ont été empruntées sans que la
source en ait été mentionnée). L’on doit cependant s’étonner de l’absence d’ouvrages dont la
Sans compter certaines phrases mal tournées, mais qui constituent des lapsus bien révélateurs, croyons-nous,
comme à la page 22, s’agissant de l’ancienne rivale du régime de Hanoi : « la république du Viêt Nam, capitale
provisoire de Saigon ». Ou des contradictions, lorsqu’on affirme à la page 14 que « le Parti n’était pas devenu
satellite obéissant de qui que ce fût », pour parler une quinzaine de pages plus loin de la dépendance envers la
Chine et l’URSS (pp. 28-29).
Comme par exemple pour le traité de commerce signé avec les Etats-Unis le 13 juillet 2000, qualifié
laconiquement d’ « avantageux » (p. 159), sans savoir que les négociations en ont été entamées un an auparavant,
mais que la conclusion de l’accord américano-vietnamien a été ajournée en partie pour ne pas gêner les pourparlers
faits au même moment par la Chine pour se joindre à l’Organisation Mondiale du Commerce. De même, rien n’est
dit sur les traités de frontières terrestres et maritimes avec la Chine mentionnés plus haut.