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CHAPITRE VI
Hérédité cytoplasmique.
Lorsqu'un spermatozoïde porteur d'un gène dominant connu pour son action sur le développement d'un
caractère embryonnaire, féconde un œuf, l'embryon qui se développe peut ne présenter que le caractère
récessif propre à la race de sa mère : comme exemple, citons la vitesse de division d'un œuf. On peut
expliquer ces résultats en disant que le cytoplasme ovulaire s'est formé sous l'influence des chromosomes
maternels en nombre double. D'un autre côté, il peut exister dans le cytoplasme de l'œuf certains
corpuscules qui se perpétuent et auxquels on peut rapporter le développement de certains caractères, tels
que les plastides chlorophylliennes. Nous rangerons ces deux phénomènes parmi les cas d'hérédité
cytoplasmique.
L'interprétation de l'hérédité mendélienne d'après une base chromosomiale n'exclut nullement la
possibilité de l'existence d'autres formes d'hérédité dépendant des autres constituants de la cellule. Bien
que le cytoplasme soit essentiel pour le développement de l'organisme et qu'il soit transmis par l' œuf à
chaque nouvelle génération, ses constituants ne se perpétuent pas eux- [eux-mêmes]
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mêmes sans changements, comme le font les chromosomes, et ne sont, par conséquent, pas héréditaires. Il
y a cependant dans le cytoplasme certains éléments, comme les plastides (peut-être aussi les
chondriosomes), qui, de même que la chromatine, croissent et se divisent et ont donc le pouvoir de se
perpétuer indéfiniment eux-mêmes sans changements ; ces éléments peuvent non seulement élaborer des
produits inertes, tels que la graisse ou du pigment, mais aussi des enzymes actives qui, réagissant avec
d'autres produits du développement, peuvent déterminer les caractéristiques de la race. Des structures
comme la coquille et le jaune des œufs sont d'origine purement maternelle, mais comme elles n'ont pas le
pouvoir de s'accroître ni de se diviser, elles ne peuvent se perpétuer elles-mêmes indéfiniment, mais elles
peuvent néanmoins déterminer certaines caractéristiques de l’embryon ; ainsi, elles peuvent paraître
exercer une influence sur les caractères héréditaires de la génération à laquelle appartient l'embryon ; par
exemple, les femelles de certaines races de vers à soie ont des œufs blancs parce que la coquille est
blanche. Si ces œufs sont fécondes par les spermatozoïdes d'une autre race qui possède des œufs à
coloration verte dominante, les coquilles sont néanmoins blanches. Inversement, lorsque les œufs verts
d'une femelle de la race à œufs verts sont fécondes par des spermatozoïdes d'un male de la race à œufs
blancs, la couleur reste verte. Lorsque les papillons se développent aux dépens de l'une et l'autre de ces
deux sortes d'œufs hybrides, ils pondent seule- [seulement]
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ment des œufs verts parce que le facteur pour le vert domine chez l'hybride et détermine la couleur de la
coquille des nouveaux œufs. Les œufs verts donnent naissance à des papillons dont les trois quarts
pondent des œufs verts et un quart des œufs blancs, montrant q'il s'agit ici d'un cas ordinaire d'hérédité
mendélienne, qui est pourtant dissimulé lorsqu'on considère les caractères du jeune embryon : en effet,
comme on l'a vu, ces caractères sont dus à des particularités existant dans les œufs avant la ponte. D'un
autre côté, la séreuse est une membrane cellulaire qui se développe autour de l'embryon et produit du
pigment. Vu à travers la coquille, le pigment donne à l'embryon une couleur définie qui, chez l'embryon
hybride, est caractéristique de la race maternelle. Comme le pigment de la séreuse n'existe pas dans l'œuf
mais se développe après la fécondation, l'hérédité paraît être ici déterminée par le caractère de l'œuf et non
par le spermatozoïde. Mais l'histoire génétique de ce caractère de l'embryon est apparemment la même