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cause/effet. De même cause/fin n'a philosophiquement aucun sens car la distinction se fait entre fin et moyen. Tout
comme fait/norme ne veut rien dire alors que en droit/en fait est curieusement absent.
La liste des auteurs appelle comme remarque qu'elle ne tient pas compte de l'élémentarité d'un programme de terminales.
Les auteurs tels Sextus Empiricus, Plotin, Averroes, Anselme, Ockham, Bacon, Vico, Malebranche, Berkeley, Condillac,
Durkheim, Russell, Wittgenstein, Lévinas, Foucault n'ont pas leur place à ce titre. Pourquoi dès lors une liste si elle doit
être aussi pléthorique, et quelle injustice pour le philosophe qui n'y figure pas. La présence des auteurs comme Alain,
Bachelard, Sartre et Freud aujourd'hui ne s'explique plus. De même que la réintroduction de l'astérisque n'a pas de sens.
Que signifie donc ce retour à une hiérarchie de philosophes majeurs et mineurs ? L'astérisque pour Wittgernstein
implique qu'un élève de TS ou de TES pourrait n'avoir étudié que cet auteur. Personne ne semble s'interroger sur
l'introduction de la "philosophie analytique" dans un programme de philosophie alors qu'elle se veut négation de la
philosophie elle-même. Sur ce point aussi, ce projet ne va pas.
2. Ce projet est idéologiquement orienté.
Ce programme est une philosophie officielle tout comme le programme Renaut l’est. Ce programme est néo-kantien. S’il
est sans doute difficile pour un groupe d'experts de ne pas tomber dans le travers d’imposer sa philosophie en concevant
un programme, cela n’est nullement inévitable. Mais pour cela il faut d’autres qualités philosophiques.
Cinq champs pourquoi cinq ? Pourquoi ces cinq là ? Il est écrit et avec justesse qu’il y a une cohérence et une organicité :
précisément, une cohérence moderne et subjectiviste. Ranger la liberté sous la morale et non avec l’Etat témoigne d’un
parti pris. De même, choisir comme champ le sujet c’est se placer dans la modernité – ce qu’illustrent les notions de
conscience, de perception, d’inconscient etc… Pourquoi cette insistance sur la modernité ? Les Anciens ne devraient-ils
plus être enseignés ? La phénoménologie du Dasein serait-elle impossible ?
Cet effet est accentué par la subsomption des notions sous les champs. Il ne suffit pas de d'écrire : " Les notions figurant
dans l’une et l’autre colonnes ne constituent pas nécessairement, dans l'économie du cours élaboré par le professeur, des
têtes de chapitre. L'ordre dans lequel les notions sont abordées, leur articulation entre elles et avec l'étude des œuvres,
relèvent de la liberté philosophique et de la responsabilité du professeur, pourvu que toutes soient examinées." pour que
ce projet ne soit pas un carcan. Si cette architecture en champs, notions et repères n'était pas le moyen de déterminer le
programme alors pourquoi l'avoir choisie ? Pourquoi ce projet n'a-t-il plus la structure d'une liste de notions et d'une liste
d'auteurs ? Si le nouveau projet était la répétition du projet du printemps dernier, il ne serait pas conforme à la commande
du ministre. Il n'y aurait pas de solution apportée au problème de la détermination. Si dans ce projet, il y a bien une chose
qui ne fasse pas problème, c'est la conviction d'une nécessaire détermination du programme de philosophie. C'est bien
pour cette simple raison que ce projet n'est pas un compromis, mais la preuve de la capitulation du GEPS de juin dernier
devant les thèses ACIREPH. Pour ce qui est de l'élaboration d'un programme de philosophie, la notion de compromis n'a
pas de sens. Quand l'équivalent du ministère public fit à Hegel la remontrance qu'il fallait être plus nuancé dans ses cours
sur la religion et sur le catholicisme en particulier parce que des étudiants catholiques s'étaient plaints, il redoubla sa
critique. Nous en concluons que n'est pas philosophe et homme libre qui veut.
Les acteurs de la refonte du programme de philosophie se donnent encore une fois pour charge de limiter le nombre de
combinaisons possibles dans l’examen d’une liste de notions, utilisant pour cela différents stratagèmes dans la
présentation de cette "liste de notions". Le postulat initial reste acquis : le programme de philosophie en terminale aurait
souffert du caractère aléatoire de son contenu. La maladie étant ainsi diagnostiquée, le remède devient la réduction forcée
des chemins de pensée envisageables pour construire ce parcours notionnel.
3. Ce projet est dangereux pour l’avenir.
La liberté philosophique du professeur et de l'élève ne sont plus le principe de l'enseignement.
Ce texte s’appuie pour la première fois sur la pratique de l’argumentation en français.
Mais le plus grave tient à la présence de ces repères qui font partie du programme. Or tout ce qui est dans le programme
est réglementaire. Ces repères comme tels seront aussi à enseigner si le projet est adopté. De là au fil des années, avec l’air
du temps : les éditeurs scolaires avides en opuscules, les parents qui réclament du prêt-à-penser et le recrutement
insatisfaisant des professeurs, il y a risque de ce qu’ils deviennent la vulgate philosophique. Faut-il rappeler que le GEPS
n’est pas compétent en matière d’épreuves mais que cela relève du ministère et qu’il n'est par conséquent guère difficile
d’introduire un nouveau sujet au baccalauréat, cheval de Troie, pour ruiner dissertation et explication de texte. Le français
en a fait l'expérience. Ce n’est peut-être pas l’intention du GEPS, cependant une association d'enseignement de la
philosophie a la responsabilité de l'avenir de cet enseignement. Aussi devons-nous nous situer par rapport à ce qu’un
programme rend possible. Nul aujourd’hui ne peut affirmer que, dans quelques années sous la pression des parents
d’élèves, les repères ne deviendront pas matière à sujets de bac parce qu’ils figureront déjà dans le programme. Nul ne
peut garantir la pérennité de la phrase qui aujourd'hui l'empêche. Ce projet est un maillon qui s’inscrit dans un processus.
D’ailleurs, c’est ce qu’énonçait le Directeur de l'enseignement scolaire à propos des programmes. A partir de là, les
programmes ne sont pas voués à la fixité mais au mouvement perpétuel. Car c'est bien une honte qu’un programme –
celui de 1973 - ait duré aussi longtemps croient les réformateurs.
Pour ces trois raisons essentielles, la R.E.P. juge pour le moins inopportune l'adoption de ce projet qui sous le couvert de compromis
prépare une mise au pas de l'enseignement de la philosophie. Sans doute, si le GEPS était compétent en matière d'enseignement de la
philosophie dans le secondaire, aurait-il pu élaborer un vrai programme de philosophie élémentaire. La R.E.P. ne saurait accepter un
projet de programme médiocre pour remplacer un autre mauvais programme en vigueur. Elle invite les collègues à réfléchir aux
conséquences d'un tel projet.