L’Association des professeurs de philosophie de l’Académie de Poitiers (APPAP), L’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (APPEP), L’Association pour la philosophie (APP) et le Collectif Déplorent les conditions dans lesquelles a été rendu public un “ Avis provisoire ” du CNP sur le Projet de programme du Groupe d’experts en philosophie. Que certains groupes – bien loin d’être représentatifs de l’ensemble des professeurs – aient obtenu ce texte avant même le GEPS et ses destinataires institutionnels témoigne de pratiques qui s’apparentent plus à des manœuvres politiques qu’à l’exigence de publicité démocratique et de neutralité de l'Etat. On ne s’y prendrait pas autrement si on voulait tenter d’influencer la consultation des professeurs de philosophie, voire les dissuader d’y participer en suggérant que “ les jeux sont faits ”. L’ “ Avis provisoire ” du CNP comporte des allégations qui nous paraissent inacceptables. Affirmer que le GEPS n’a pas “ un réel souci de l’intérêt de l’élève ” relève du procès d’intention. Soupçonner que les professeurs de philosophie seraient “ conduits à privilégier leurs exigences personnelles ” et interpréter le refus d’imposer une orientation doctrinale comme simple respect des “ convictions intimes de chacun ” témoignent d’une incompréhension de la nature de la pensée philosophique pour laquelle l’exigence de la raison consiste justement à surmonter les convictions intimes. Souhaiter une présentation temporelle des notions est réduire l'exercice de la philosophie à celui d'une "histoire des idées", que le CNP appelle de ses voeux. Enfin, réitérer le soupçon d’ “ arbitraire de l’épreuve ” du baccalauréat perpétue l’ignorance, sinon le mépris, du travail effectué par les professeurs dans le choix et la correction des sujets d’examen. Représentatives d’une très grande majorité des professeurs de philosophie, les associations susnommées se sont déclarées en faveur de ce nouveau programme qui réussit réellement à concilier la nécessaire liberté philosophique du professeur dans la manière d’élaborer un cours et la demande de détermination des savoirs à faire acquérir aux élèves. Le texte de présentation annonce clairement la finalité critique de l’enseignement de la philosophie sans que cette dernière se voit immédiatement relativisée ou contredite, comme c’est le cas dans le programme actuel, par un dogme civiliste, par une détermination extérieure du contenu du savoir (questions d’approfondissement et couplages déterminants) et par une confusion entre le rôle de l’argumentation et celui de la problématisation. L’introduction, nouvelle dans le programme, de distinctions opératoires, transversales par rapport aux notions, permet de déterminer non une manière de faire cours, mais les processus de pensées qui sont exigibles de l’élève dans les exercices (dissertation et explications de textes) proposés à l’examen. Si ce projet nous paraît satisfaisant, il peut être amendable sur certains points. Il revient aux enseignants eux-mêmes d’exprimer leur avis lors de la consultation qui est train de se dérouler, sans se laisser intimider par quelques pressions que ce soit. L’adoption d’un tel projet nous paraît à même de mettre fin à une situation profondément nuisible à la sérénité de l’enseignement philosophique. Les professeurs ne comprendraient pas que leur avis enraciné dans leur pratique et leur dévouement à cet enseignement soit bafoué. Enfin, la nécessité d’une formation continue des professeurs est une nécessité reconnue et réclamée par tous. Mais elle ne saurait se dérouler dans le cadre d’institutions qui privilégieraient des orientations doctrinales ou pédagogiques au détriment de la libre recherche en matière philosophique et pédagogique.