ENTRE VRAIE ET FAUSSE MISERICORDE
Abbé M.
11 juillet
Depuis maintenant des mois, l'ensemble du monde catholique vit au rythme de la
dynamique jubilaire censée favoriser une prise de conscience salutaire de la centralité de la
Miséricorde Divine.
Mais qu'entend-t-on précisément par cette expression ?
Les divers discours et publications ne l'abordent souvent que de manière trop superficielle,
comme pour en atténuer la portée où en réduire l'exigence. Aussi louable que soit la volonté
du Pape de renouveler l'Eglise en la plongeant au cœur même du mystère de la foi, cette
démarche n'est pas sans danger. En effet, si l'on n'a pas une compréhension globale et juste
du mystère de la Miséricorde Divine, si la clarté théologique en vient à manquer ou, pire
encore, si certains voudraient profiter de l'occasion pour lui donner de nouveaux contours,
alors cette année risquerait de conduire le peuple de Dieu à une méprise fatale et aux
confusions les plus funestes. Le très grave danger qui guette l'Eglise tient en la possibilité
d'une promotion caricaturale du plus grand des attributs de Dieu. Si la tentation d'une
Miséricorde au rabais et dénaturée devenait effective, nous serions alors confrontés à une
imposture substantiellement destructrice de l'ensemble de la vie chrétienne.
La Miséricorde Divine est un tryptique où chaque élément est vitalement lié aux deux
autres. Ce mystère débute avec la prise de conscience de sa propre misère, de son mal, de son
péché. Le premier pas correspond à la reconnaissance lucide du péché présent dans sa vie.
Ne pas être capable d'ouvrir les yeux sur son mal et ne pas vouloir poser un diagnostic
adéquat, assimile le chrétien au malade qui nie sa maladie. Evidemment, sans maladie le
médecin est aussi superflu que la Joconde exposée à la vue d'un aveugle. Le mystère de la
Miséricorde s'enracine donc dans l'humilité qui accueille et accepte, même
douloureusement, la vérité. Qui fait la vérité vient à la lumière affirme le Christ... Cette
première étape, absolument essentielle, fait malheureusement souvent défaut dans notre
monde sécularisé. Pie XII ne constatait-il pas déjà de son temps la prégnance de
l'orgueilleuse négation de la notion même de péché, de cet orgueil qui prétend ne plus avoir
besoin du Christ Sauveur ?
Le second temps consiste à aller auprès du Seigneur, chargé de son fardeau écrasant, pour
implorer humblement son pardon et sa guérison. Seule une disposition intérieure
d'ouverture à la Vérité permet à Dieu de déverser sa Miséricorde dans le cœur humain de
manière à en extirper la gangrène du péché. Il ne peut pleinement agir selon son plan de
salut qu'avec le concours de la liberté humaine. La toute-puissance de son Amour infini peut
être littéralement muselée par une liberté qui n'en veut pas. Sans le "oui" lucide et confiant de
l'homme, Dieu ne peut pratiquement rien pour lui.
Le dernier pas consiste en la décision ferme et persévérante de conformer concrètement sa
vie à la volonté de Dieu exprimée par ses Commandements. Autrement dit, la Miséricorde
Divine doit nous convertir au sens le plus fort et nous faire prendre le chemin de la sainteté.
Zachée a été transformé par cet amour Miséricordieux du Christ au point de réparer ses
torts au quadruple. A la pécheresse adultère, le Christ a enjoint de ne plus pécher...
Or, il appert qu'aujourd'hui l'accent est mis presque exclusivement sur un seul de ces trois
éléments - l'amour Miséricordieux de Dieu. Mais l'oubli de l'exigence de la Vérité et
l'occultation implicite de l'impératif de notre correspondance aux Commandements divins,
font courir à l'Eglise le risque de formuler une conception de la Miséricorde sans relation
aucune avec sa compréhension bimillénaire. L'enjeu de cette année est donc immense.
L'Eglise ne serait-elle pas dans l'obligation de devoir choisir entre la fidélité au véritable
mystère de la Miséricorde et sa caricature anti-christique ? Entre la fidélité intransigeante à
la volonté divine et la manu facturation d'une doctrine sur mesure, compatible avec
l'égoïsme étroit du vieil homme ? Une Miséricorde qui ne fait plus porter à l'homme des
fruits de sainteté ne serait rien de moins que la perversion la plus subtile et la plus
destructrice de la foi catholique. Si un peu de levain fait monter toute la pâte, une erreur
affectant la pièce maitresse ruine l'ensemble de l'édifice. Pour le bien du peuple de Dieu, il
est donc urgent de démasquer la logique mensongère de cette Miséricorde amputée où se
mêlent confusément vérité et erreur. Quelle est cette logique?
Elle part de l'affirmation de l'amour infini de Dieu pour nous. C'est vrai ! Elle continue en
disant que Dieu aime inconditionnellement l'homme, tel qu'il est et quoi qu'il fasse. C'est
encore vrai ! Elle renchérit en faisant remarquer que Dieu fait tout contribuer au plus grand
bien de l'homme. C'est toujours vrai ! De cela, on en vient à conclure que l'on peut continuer
à vivre sans avoir à se convertir, sans devoir changer de vie puisque de toute façon Dieu
continue d'aimer le pécheur d'un même amour. Cette miséricorde d'un nouveau type va
même jusqu'à admettre que ceux qui vivent en contradiction objective avec la volonté divine
peuvent confortablement continuer sur le même chemin. Cela signifie que tout en continuant
à vivre dans un état objectif de péché on pourrait bénéficier des grâces divines... Erreur fatale
! Cette conception complètement erronée de la Miséricorde est aux antipodes de l'Evangile
qui nous dit "convertissez-vous!". Elle contredit deux milles ans d'enseignement chrétien et
de pratique pastorale. Si cette vision de la Miséricorde s'imposait dans l'Eglise, elle signerait
sa reddition sans condition à l'esprit du monde.
Si la Miséricorde dans sa version 2016 devient le prétexte qui cautionne les choix les plus
peccamineux et prétend libérer la vie chrétienne des Commandements de Dieu, il faut avoir
le courage de dire haut et fort que cette doctrine reflète le visage de l'Anti-christ. Cela n'a
jamais été le message de l'Evangile et ne le sera jamais.
"C'est ici la persévérance des saints, de ceux qui gardent les Commandements de Dieu et la
foi en Jésus" (Ap 14, 12).
Source : http://benoit-et-moi.fr/2016/actualite/entre-vraie-et-fausse-misericorde.html
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