Pour télécharger la version texte de cette présentation, cliquez ici.

Henri de LUBAC, Sur les chemins de Dieu, Aubier, Paris, 1956, 353 p.
«Le chrétien sait qu’il n’est, pour une rencontre réelle avec Dieu, qu’un seul Chemin : le Chemin Vivant qui a nom
Jésus-Christ. C’est en y songeant déjà que nous avons donné pour titre à cet ouvrage : Sur les chemins de Dieu, sans vouloir
préciser d’emblée, même pour les premières démarches de la connaissance naturelle, s’ils sont davantage les chemins par
lesquels nous allons à Dieu ou ceux par lesquels Dieu nous attire à Lui.» (Postface)
Où rencontrer Dieu ?
« En tout, dans tous les ordres, Dieu est premier.Toujours c’est Lui qui nous devance. Toujours, sur tous les plans, c’est
Lui qui se fait connaître. Toujours c’est lui qui se révèle. L’effort de la raison qui nous porte jusqu’à Lui non pas jusqu’à
lui : jusqu’au seuil de son Mystère n’est jamais que le second temps d’un rythme qu’Il a lui-même amorcé. Quelle que soit
l’explication que l’on donne de la connaissance et l’on sait, par exemple, que l’explication d’un saint Thomas d’Aquin
n’est pas exactement celle d’un saint Augustin ou d’un saint Bonaventure la philosophie traditionnelle est unanime en
cela. Dieu est toujours, au plus intime de l’esprit, la « Lumière illuminante » de notre « lumière illuminée »… » (p.
14)
Dieu, une affirmation première
« En réalité, l’affirmation authentique de Dieu – qui est beaucoup plus qu’une affirmation – relève en premier lieu de
la plus profonde opération de la pensée, qui n’est elle-même ni « mythique » ni purement « logique », bien qu’elle doive
normalement emprunter les voies de la logique pour se formuler et qu’elle utilise aussi pour se donner un corps les forces
imaginatives, en sorte que ses constructions spontanées montrent une structure analogue à celle des mythes. Peut-être, pour
tenir compte de tous ces éléments, l’appellerait-on mieux, d’un mot dont les abus modernes ne devraient pas réussir à nous
priver, une affirmation « symbolique », ou encore, d’un autre vieux mot aimé des Pères, « anagogique». » (p. 24)
[interprétation d’un texte fondé sur un « type » ; exemple : Abraham « type de la foi »]
Un appel, une rencontre
« A l’origine, il y donc un contact, une rencontre :il y a une aperception, quel que soit le nom que, selon les cas, on lui
donnera : éclair de l’intelligence, vue, audition ou foi. L’antithèse n’est que seconde et la synthèse, dans la mesure l’on
en peut parler, vient en dernier lieu.
Seul compte, au vrai, le premier temps. C’est Abraham, entendant l’appel qui l’arrache au pays et au culte ancestral ;
c’est Moïse, recevant la loi du Sinaï ; c’est Isaïe, contemplant la majesté de Yahweh dans le Temple… C’est Jésus,
tressaillant dans l’Esprit et conversant avec son Père. En cela, nul renversement du pour au contre, nulle relativité. Nulle
« dialectique ». Toute dialectique, historique ou non, et quel qu’en soit le mode, suppose altérité et négation. Dans toute
dialectique, quel qu’en soit le ressort, un terme est suscité par l’autre. Le renversement du pour au contre ne suppose pas
l’insertion d’un principe nouveau. La dialectique est une arme puissante, parce qu’elle correspond à l’un des processus
essentiels de l’esprit. Mais si elle veut non pas organiser mais proprement engendrer la pensée, son âme est une nécessité
aveugle. Elle n’éclaire point le dedans des êtres qu’elle pose tour à tour, à chacun de ses pas ; ou plutôt ces êtres n’ont alors
aucun dedans, n’étant que des termes tout entiers relatifs à ceux avec lesquels ils entrent en série. Certes, une fois tombée
dans la conscience comme un germe, - et que ce soit par l’effet de la lumière de la raison ou par celui d’une révélation
surnaturelle, - l’idée du Dieu vivant y sera, comme toute autre, soumise à la dialectique. Plus que tout autre, en un sens,
car elle y devient le principe d’une « inquiétude » permanente qui la travaillera elle-même sans fin. Mais elle n’en demeure
pas moins toute substantielle et positive, et c’est ce qui lui assure le triomphe. Loin qu’elle corresponde à une phase de
la dialectique humaine, c’est au contraire celle-ci qui joue le rôle d’intermédiaire, se déroulant comme l’entre-deux d’une
réalité perçue à un mystère pressenti et ne cessant d’être soutenue en son mouvement par une présence. » (p.41)
Dieu dans l’histoire
« Combien la chose est plus frappante encore dans la dialectique concrète de l’histoire ! Le monothéisme religieux, celui-
même que nous devons à Israël et au Christ ou, dans une faible mesure, les analogues que l’on observe ailleurs
s’allume au Foyer divin. Avant d’être une croyance, à plus forte raison avant de devenir une tradition ou une idée, il fut
une vocation, et il le demeure toujours, il conserve sa vigueur authentique. Dans sa formation, nulle trace de ce
mouvement dialectique qu’est le « ressentiment » au sens nietzschéen. Abraham n’accéda point au vrai Dieu par le dégoût
des dieux de ses pères, mais il dut lutter en lui-même pour les abandonner et sa foi dut être une victoire. Jésus ne prêche
point comme le Bouddha, la vanité de ce monde et des dieux qui le canonisent parce qu’ils sont faits mythiquement de sa
substance : Il annonce le Royaume des cieux où respire déjà son âme et Il montre l’amour du Père céleste à travers sa
propre personne. En ce sens également se vérifie la profonde parole de l’Apôtre : Il n’y a que Oui en Lui (2 Cor., I, 19). »
(p. 42)
Dieu dans nos raisonnements
« C’est seulement une fois posée une première affirmation de Dieu, - affirmation encore tout implicite, affirmation
impliquée en chacun de nos jugements d’existence ou de valeur, et par conséquent coextensive à toute notre activité
spirituelle, affirmation congénitale à l’esprit, - que nous pouvons nous essayer à la rejoindre, dans notre vie
consciente, en faisant œuvre de logique, par la voie d’un raisonnement : tout comme c’est seulement une fois en
possession de l’idée de Dieu contenue dans cette affirmation implicite que nous pouvons chercher à nous en représenter
quelque chose par la seule voie qui s’offre à nous : la voie des concepts. Phase première et souterraine, inaperçue mais
déterminante, de la vie de l’esprit. Avant tout raisonnement explicite comme avant tout concept objectif, et pour permettre à
son sujet leur indispensable usage, Dieu doit être déjà présent à l’esprit ; il doit y être secrètement affirmé et pensé. Avant
d’y être « identifiée » par aucun acte conscient, il doit exister dans l’esprit une certaine « habitude de Dieu ».
Si donc il est une vérité « vers laquelle tout en nous conspire, une vérité que nous vivons avant de la connaître, et que tant
elle nous est connaturelle, - nous pouvons percevoir avec certitude avant même de la soumettre au contrôle de la preuve par
concepts, c’est, à coup sûr, la connaissance de Dieu ». (p. 69)
Affirmer Dieu
« En fait de preuve de Dieu, l’exposé le plus classique et le plus simple est aussi toujours, en soi, le meilleur. Il constitue
pour ainsi dire le schème permanent qui subsiste à travers toutes les précisions techniques de surface qu’y introduit chaque
école, chaque âge, chaque penseur. Il nourrit encore l’élan de ceux qui s’imaginent s’en passer, - car « la preuve nécessaire à
tout homme pour acquérir une pleine certitude est si facile et si claire, qu’on s’aperçoit à peine du procédé logique qu’elle
implique ». C’est là, comme dit Fénelon, « une philosophie sensible et populaire, dont tout homme sans passion et sans
préjugés est capable ». En droit, et tout aussi bien, pour l’esprit simple et droit, en fait, « le moindre coup d’œil suffit pour
apercevoir la main qui fait tout ». Mouvement, contingence, exemplarité, causalité, finalité, devoir-être : catégories
éternelles, points de départ toujours offerts, aussi présents toujours, aussi résistants à la critique, aussi actuels que
l’homme lui-même et que sa pensée. Voyez le ciel et la terre : ils proclament qu’ils sont faits. Plus simplement encore :
Quelque chose est, donc Dieu est. « Toute l’Ecole est d’accord qu’il n’en faut pas davantage ». » (p. 75)
Reconnaître Dieu
« Partout, à travers le monde, c’est Dieu qui vient à nous, c’est son être qui nous sollicite.Partout nous devrions pouvoir
Le rencontrer, partout nous devrions Le reconnaître. Que nous considérions le « grand monde » ou le « petit monde », le
cosmos qui nous environne ou notre propre esprit, tout le réel qui s’offre à nous est, par tout lui-même, et d’abord par sa
seule existence, le symbole ou le signe de Dieu. Non pas quelque signe artificiel, qui serait choisi après coup, et qui vaudrait
par convention : mais un symbole naturel et pour nous nécessaire. Signe ontologique, dont on ne peut ni se passer, ni jamais
s’affranchir. Jamais Dieu n’est vu directement, sans signe ; mais à travers le monde, quoique obscurément, Dieu
transparaît partout. Toute créature est, par elle-même, une théophanie. Tout est plein de traces, d’empreintes, de vestiges,
d’énigmes. De partout s’échappent les rayons de la Divinité. Tout est ruisselant de l’unique Présence. « Un œil pur et un
regard fixe voient toutes choses devant eux devenir transparentes. » Si la science, en nous, autant que l’ignorance, fait tort à
la contemplation, si le regard de notre esprit s’arrête à l’écorce du monde, s’il n’y perçoit rien de sacré, - ou s’il voit au
contraire le monde « plein de dieux », - la faute en est à quelque maladie de ce regard. En fait, ce n’est que trop vrai, bien
plus qu’il ne nous le montre, le monde nous cache Dieu. Toutes choses nous sont devenues opaques. Il n’en demeure pas
moins vrai que le Créateur « a dispersé sur les créatures les reflets de ses perfections divines, et que, grâce à ces
lumières visibles, nous pouvons connaître, par voie d’analogie, les splendeurs inaccessibles du Créateur ». (p. 108) Se
rappeler saint Paul aux romains, 1, 20 : « Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à
travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu’ils sont inexcusables »
Les limites de la connaissance
« Que le philosophe se méfie de toute philosophie titanesque. Qu’il ne s’imagine pas pouvoir s’élever de lui-même jusqu’à
une véritable « science de Dieu ». Qu’il use de ses facultés critiques pour modérer l’orgueil de sa curiosité. Si, retrouvant
au terme de ses efforts quelque chose de ce à quoi l’inclinait le premier mouvement de son être, il affirme l’existence
de Dieu, il ne fait par que donner un principe d’unité à tous les êtres, une assise à sa pensée, une raison d’être à sa
propre existence et un sens général à l’univers. Il se borne de la sorte à « décrire la seule réponse requise par le monde en
question : Dieu lui-même ne s’est pas encore dévoilé ». Qu’au-delà de la preuve il poursuive sa réflexion : jamais celle-ci ne
le fera pénétrer à l’intérieur de la nature divine. Ce qu’il en pressent peut-être est cela même qui l’en expulse. Toute la
sagesse dont il sera capable ne lui permettra pas de commencer à contempler Dieu lui-même, « mais seulement
l’économie de sa Sagesse ». (p. 138)
Dieu est ineffable
« Lorsque nous disons que Dieu est ineffable, cela ne signifie pas qu’on n’en puisse rien dire de vrai ! Cela ne signifie
pas qu’il n’y ait rien à dire à son sujet, que nous n’ayons d’emblée qu’à nous en taire, ou que les noms que les hommes lui
attribuent soient tous synonymes, ou que l’on puisse à volonté, sans discrimination, tout affirmer ou tout nier de Lui. Ou
encore, que tout ce qu’on en dit n’ait jamais de valeur que pragmatique ou provisoire. L’ineffabilité divine est reconnue au
terme d’une dialectique, d’où elle tire une signification précise, éminemment positive. Celui qui la professe ne sombre
pas dans le vide et l’indistinction : il achève au contraire et couronne un effort de rigueur dans la pensée. Il n’annule pas les
résultats de cet effort : dans sa négation il en recueille le fruit ». (p. 143)
1 / 9 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !