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LIPODYSTROPHIE ET TRAITEMENTS ANTIRETROVIRAUX
INTRODUCTION
Les traitements antirétroviraux incluant un inhibiteur de protéase (trithérapie), utilisés
largement depuis 3 ans chez les patients infectés par le VIH, ont contribué à une amélioration
significative du pronostic de l’infection.
Cependant, des intolérances concernant ces traitements ont été décrites chez certains patients.
Parmi ces effets adverses, les troubles de la répartition des graisses constituent un problème sans
cesse croissant, chez des patients répondeurs (avec charge virale indétectable et une récupération
partielle de l’ immunité) ayant un impact psychologique et social majeur.
Les troubles peuvent ainsi influencer l’observance des traitements et à court/moyen terme, la
réponse virologique aux traitements.
Plus récemment les analogues nucléosidiques ( Rétrovir, Videx, Zérit, Epivir) ont été également
incriminés dans la genèse de ces troubles lipidiques.
Il semblerait que l’association des analogues nucléosidiques et des inhibiteurs de protéase
s’additionne pour favoriser l’apparition des lipodystrophies.
Les premiers cas décrits ont été signalés à la Conférence Internationale de Vancouver en 1996
incriminant la responsabilité du VIH dans la genèse de ces troubles.
Au cours l’année 97, des publications faisaient état de perturbation dans la répartition des graisses
chez des patients sous traitement antirétroviral avec une réplication VIH indétectable.
L’année 1998 montrait une recrudescence des cas publiés en relation avec une augmentation de la
prévalence de ces troubles chez les patients traités.
DESCRIPTION
Suivant les cohortes étudiées, la prévalence de l’anomalie varie considérablement d’une
étude à l’autre entre 2 et 84 %. (World AIDS - Conference Geneva 98). Le taux médian de
prévalence semble se situer autour de 30%.
Ceci rend compte de la difficulté de standardiser le diagnostic de ces anomalies, essentiellement
cliniques à l’heure actuelle.
Plusieurs anomalies ont été relevées, distinctes cliniquement ; elles peuvent néanmoins être
associées chez un même patient.
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1 – syndrome de lyposdystrophie / accumulation de graisse
Les patients présentent un dépôt de graisse en région dorso-cervicale (communément “ bosse de
bison ” ou “ buffalo neck ” des anglo-saxons), une accumulation de graisse en regard de la paroi
abdominale avec une localisation intra-abdominale (mésentère, ombilicale et rétropéritonéale);
des dépôts de graisse se localisent également dans les creux supraclaviculaires, “ en collier ”. Des
études ont exclu des anomalies de sécrétions de cortisol (syndrome de Cushing) et de
consommation d’alcool chez de tels patients.
Ces anomalies sont accompagnées par des signes fonctionnels de type ballonnements et digestion
difficile.
Chez les femmes on retrouve une hypertrophie mammaire avec fonte graisseuse des fesses, des
bras et des cuisses, ou augmentation de la graisse dorso-cervicale.
2 – Le syndrome de lipoatrophie
Définit par une fonte graisseuse des bras, jambes, région sous-zygomatique (boules de Bichat),
fesses, avec apparition du réseau veineux superficiel. Ce tableau clinique est plus sévère car il
donne un visage amaigri au patient qui dans certaines formes évoluées ont un retentissement
social important ; interrogation fréquent de l’entourage (milieu professionnel, familial non mis au
courant du diagnostic)
Ces anomalies physiques sont souvent associées à des perturbations biologiques (hyperlipidémie,
résistance à l’insuline).
3 – Le syndrome mixte :
Associe une lipoatrophie des membres avec une surcharge graisseuse abdominale.
MESURE D’EVALUATION
1 - CLINIQUE
L’examen physique permet immédiatement de définir les patients porteurs de tels
troubles.
Cependant, la standardisation semble difficile.
Les mesures anthropométriques (pli cutané, périmètre brachial, sus-fémoral...) permettent un
suivi des patients mais le manque de données antérieures rend difficile l’établissement d’un
diagnostic reproductible notamment sur la date de début des signes.
L’évaluation par le patient sur des changements morphologiques semble sensible dans la
détection précoce des troubles.
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2 - LA BIOLOGIE
Peu contributive, aucun marqueur fiable n’apparaît dans la littérature pour établir le
diagnostic et/ou pour quantifier la sévérité des troubles.
Une publication a montré que les triglycérides augmentés avec le peptide C pouvaient être des
marqueurs prédictifs de l’apparition des troubles.
3 - LA RADIOLOGIE
- L’impédancémétrie : ne paraît pas apporter beaucoup d’intérêts.
En effet, le calcul de la masse grasse dÕun sujet ne varie que peu dans la situation dÕune
lipodystrophie o• le trouble majeur est dans la redistribution des graisses plus que dans leur
disparition.
- L’absorptiométrie : utilise des rayons X qui irradie de façon segmentaire l’ensemble du
corps rapporté à des mesures standards permet le calcul précis de la masse grasse d’un membre.
C’est l’outil le plus souvent utilisé dans les études.
- Scanner :
 cervical : mesure objective de
l’Èpaisseur d’un tissu graisseux
 abdominal : (en regard de L4) permet de visualiser la masse grasse intraabdominale et sous-cutanÈ.
FACTEURS ASSOCIES
D’après l’ensemble des études portant sur les cohortes de patients HIV, les lipodystrophies
étaient associées de manière significative aux items suivant :
 la prise d’I.P.
 la durÈe sous traitement par I.P.
 l’augmentation des triglycÈrides
 la prise d’analogues nuclÈosidiques et la durÈe sous traitement
 insulino-resistance
D’autres, en revanche, ont été écartés :
 le nombre de lymphocytes CD4
 la charge virale
 les anomalies du mÈtabolisme du cortisol
 anciennetÈ de la maladie HIV
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TRAITEMENTS EN 2000
Ils demeurent décevants.
- Les hypolipidémiants (fibrate, statine)
Mme sÕil a ŽtŽ montrŽ une efficacitŽ modŽrŽe sur le chiffre des triglycŽrides, aucune Žtude
nÕa montrŽ lÕamŽlioration des sympt™mes liŽs aux lipodystrophies.
- L’hormone de croissance (Sérotim)
Une publication rapporte un bénéfice à l’utilisation de ce traitement particulièrement sur la
rémission du “ buffalo neck ” et de l’obésité tronculaire. (Sur 8 patients, 4 améliorations) sans
aucun effet sur les troubles périphériques de lipoatrophie.
L’absence d’étude plus importante, un bénéfice mitigé et le risque d’hyperglycémie lié à l’emploi
de cette médication chez des patients présentant déjà des troubles du métabolisme glucidique,
rendent son utilisation marginale car possiblement dangereuse (décompensation d’un diabète).
- Testostérone
Certaines équipes ont utilisé la testostérone devant le déficit en taux circulant détecté chez les
patients infectés par le VIH.
Elles rapportent dans une étude rétrospective de leur cohorte, l’absence d’effet significatif dans
la genèse et sur l’amélioration des troubles de répartition des graisses chez leurs patients traités
par la testostérone.
De plus, l’utilisation de cette hormone majore les taux de lipides, ce qui rend là aussi son
utilisation peu judicieuse.
- Liposuccion
Cette technique de chirurgie esthétique n’a évidemment pas sa place dans la prise en charge
globale des troubles. Elle peut tout au plus améliorer le confort esthétique des patients porteurs
d’un “ buffalo neck ”.
De plus, un cas a été rapporté d’une récidive du trouble 3 mois après l’opération.
- Hygiène alimentaire (diète) et exercice physique
Aucune étude n’a montré un quelconque bénéfice sur les redistributions des graisses.
Les mesures de prévention universelles du risque cardio-vasculaire chez les patients VIH
présentant des troubles lipidiques peuvent évidemment être utile. Plusieurs cas d’infarctus du
myocarde ont été
rapportés dans la littérature chez des patients jeunes (35 ans) VIH et traités par antirétroviraux ; la
cause souvent associée était la consommation de tabac ; ceci inviterait à la correction de facteurs
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de risques cardiaques chez de tels patients.
- Switch d’un I.P.(inhibiteur de protéase) par un N.N.R.T.I (analogues non nucléosidiques).
Plusieurs Žquipes ont ŽtudiŽ lÕamŽlioration des troubles apr•s changement de l'inhibiteur de
protŽase (Indinavir ou Ritonavir/Saquinavir) pour la NŽvirapine ou le Sustiva.
La première note chez 20 patients de son étude une amélioration significative des troubles
(augmentation de la graisse en périphérie et diminution de l’obésité tronculaire) à 3 mois, et se
poursuit à 6 mois.
La seconde rapporte aussi une amélioration chez ces patients à 3 mois.
Une différence significative est apparue sur les critères de qualité de vie et l’estimation du
patient et du médecin sur l’amélioration du trouble.
En revanche, sur aucune mesure objective (anthropométrique, absorptiométrique, biologique),
une différence statistique n’est apparue.
Une troisième étude rapporte un bénéfice aussi chez presque la totalité de ses patients (19/20)
dans la redistribution des graisses sans mesure objective et une amélioration de la biologie
(cholestérol, triglycérides, insulino-résistance) chez près de la moitié des patients, après 6 mois.
Enfin, une dernière étude a présenté les résultats préliminaires d’un essai de modification de l’I.P.
par de l’Efavirenz. Sur 12 patients inclus, 6 avaient atteint 3 mois de suivi.
Ils constatent une amélioration modeste sur la redistribution des graisses (circonférence
abdominale) et une augmentation significative des paramètres biologiques (cholestérol,
triglycérides). L’HGPO était en revanche améliorée.
Il apparaît, au décours de ces études, une méthodologie critiquable (absence de randomisation,
nombre restreint de patients, absence de mesure quantifiable) et ne permet donc pas de conclure
sur l’intérêt de ces changements thérapeutiques.
CONCLUSION
Plusieurs problèmes demeurent dans l’analyse de ces données concernant les troubles de la
répartition des graisses chez les patients HIV.
 Une dÈfinition prÈcise pour Ítre reproductible est nÈcessaire
 La physiopathologie reste inconnue
 La relation entre les troubles cliniques et biologiques reste obscure
 La prise en charge de ces anomalies n’est pas encore dÈfinie
De plus le rôle des analogues nucléosidiques récemment évoqué rend plus complexe l’analyse de
l’imputabilité des molécules dans la genèse de ces troubles. Ils seraient incriminés dans l’atrophie
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du tissu adipeux périphérique.
L’hypothèse actuellement discutée est l’action de ces molécules sur les mitochondries cellulaires;
toutefois on ne peut écarter une prédisposition génétique car à traitements équivalents en terme de
molécules et de durée d’exposition, le trouble de répartition des graisses apparaît chez certains
patients et pas chez d’autres.
Les inhibiteurs de protéase semblent eux responsables de troubles de la lipogenèse (accumulation
de graisse, hypertriglycéridémie, diabète).
Des études sont actuellement en cours afin de déterminer les causes physiopathologiques de ce
syndrome afin de pouvoir proposer aux patients une prise en charge thérapeutique spécifique.
Enfin il ne faut pas laisser de doute quant au bien fondé des traitements antirétroviraux qui ont
abolis la fatalité liée à l’infection par le VIH.
Dr Chapplain Jean-Marc – Service de Maladies Infectieuses - Rennes
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