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ANNAL946.DOC
Le rôle des télécommunications
dans le développement économique
Paru dans les : Annales des Télécommunications, tome 50, N°2, p.315-324
Michel Gensollen
Antoine Laubie
France Télécom
Le rôle des télécommunications
dans le développement économique
croissance
Résumé
Les télécommunications ont connu un développement soutenu depuis plus de 20 ans. La diffusion des
services a toujours été sensible à la conjoncture, même si, en France, le rattrapage de l'équipement
téléphonique des années 1975-1985 et la réduction récente des tarifs, a toujours maintenu une
croissance positive du volume de l'activité. Il est donc naturel que la crise de 1993 se soit fait
nettement sentir. Inversement, les dépenses de télécommunications ont une action sensible sur le
développement économique sans être inflationnistes ni peser sur la balance commerciale. Toutefois,
le contenu en emplois de ces dépenses d'investissement s'est fortement réduit depuis 10 ans. Dans
une optique de croissance endogène, les télécommunications constituent un équipement collectif
susceptible d'expliquer le développement économique au même titre que les dépenses d'éducation. A
long terme, les lécommunications jouent un rôle central pour influer sur les tendances lourdes telles
la réduction du contenu en emplois de la croissance, la mobilité du capital, la remise en cause de la
répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail et la dématérialisation de l'économie. La régle-
mentation des réseaux doit permettre aux Etats de relever les défis sociaux posés par le développe-
ment actuel.
Abstract
Telecommunications have developed steadily for more than twenty years. The diffusion of services
has always been sensitive to economic circumstances, even though, in France, the overdue
reconstruction of the telephone environment between 1975 and 1985 and the recent reduction in
tariffs have always kept business volumes growing healthily. It is therefore no surprise that the 1993
recession has cut deep. Conversely, expenditure on telecommunications has a significant effect on
economic growth without being inflationary or affecting the balance of trade. However, these
investment expenditures have created significantly fewer jobs for the past ten years. From the point of
view of endogenous growth, telecommunications taken as a whole can explain economic growth just
as expenditure on education can. In the long term, telecommunications play an essential role in
influencing major trends such as the growing unemployment, the mobility of capital, the
re-apportionment of added value between capital and labour and the dematerialization of the
economy. Regulation of networks may enable Governments to face the social challenges posed by
current developments.
Le rôle des télécommunications
dans le développement économique
Les télécommunications représentent aujourd'hui un des secteurs les plus dynamiques d'une écono-
mie par ailleurs en crise. Le présent article vise, tout d'abord, à présenter la croissance de ce secteur,
croissance soutenue depuis plus de 20 ans selon une tendance autonome d'environ 5 % par an (une
fois pris en compte les effets de l'activité économique et des tarifs) ; cette croissance est sensible à la
conjoncture et la crise de 1993 a pesé sur l'activité de France Télécom.
Dans un second temps, l'importance du secteur des télécommunications sera commentée à partir
d'évaluations de l'impact de ses dépenses sur la croissance économique ; cette approche, statique et
de court terme, devrait se compléter par une modélisation de type “croissance endogène”, les réseaux
de télécommunications représentant un capital qui améliore l'efficacité globale du système productif ;
une telle approche ne sera, ici, que rapidement évoquée.
Enfin, dans une troisième partie, on tentera de préciser le rôle que jouent les réseaux de lécommu-
nications pour renforcer ou freiner les tendances économiques de long terme : mondialisation et
dématérialisation de l'économie, mobilité du capital, duction du contenu en emplois de la croissance
et modification de la répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail. Il semble bien que, en
raison du progrès technique rapide dans le domaine du traitement et du transport de l'information, les
télécommunications soient au coeur des mutations économiques en cours. Ainsi la déréglementation
des télécommunications porte-t-elle conséquences, non seulement sur l'organisation industrielle de ce
secteur, mais aussi sur le chemin de développement à long terme suivi par les économies
développées.
I. Les télécommunications depuis 1971 : dynamisme et sensibilité à la conjoncture
Le dynamisme de la croissance du secteur des télécommunications ainsi que la rapidité du progrès
technique ont parfois donné l'illusion que les services de télécommunications échappaient aux
fluctuations de la conjoncture. La croissance de ce secteur obéirait alors essentiellement à des
phénomènes d'offre : désaturation de l'offre de raccordements téléphoniques en France dans les
années 75-80 ; émergence de nouveaux produits tels que le vidéotex, plus récemment le fax et le
RNIS ; demain, veloppement des services associés à la diffusion de la fibre optique et au multi-
média.
Or le chiffre d'affaires de France Télécom est de plus en plus sensible aux fluctuations de la con-
joncture. Ceci s'explique aisément si l'on remarque que le service téléphonique classique, à vocation
essentiellement vocale, a achevé actuellement sa phase de diffusion au sein de la population ; il
représente toujours plus de 70% du chiffre d'affaires global de France Télécom (France Télécom
constitue encore la quasi-totalité de l'activité dans le secteur des services de télécommunication).
2
I.A. L'évolution du chiffre d'affaires de France Télécom
Sur les vingt dernières années, le chiffre d'affaires de FT, en francs courants, a toujours été croissant
(sauf en 1988 à cause de la mise en place de la TVA). Dans le passé, cette croissance du chiffre
d'affaires en valeur a été très vive, proche de 25% par an dans les années 1973 à 1980. Elle s'affaiblit
par la suite dès le début des années 80 à des taux proches de 10% pour rebondir en 1984. A partir de
1986, le taux de croissance qui dorénavant reste en deçà des 10%, ne cesse de s'infléchir avec, en
1993, une évolution limitée à 3,6%. Globalement, ces taux de croissance sont restés nettement
supérieurs à ceux de la production effective (en valeur) de l'ensemble de l'économie. Ces chiffres
traduisent aussi bien la croissance du volume des services de télécommunications que des
modifications tarifaires de grande ampleur. L'utilisation d'un indice des prix pour l'ensemble des
services offerts par France Telecom permet de définir un chiffre d'affaires en volume représentant
l'activité réelle du secteur des télécommunications.
FIGURE 1
Taux de croissance du chiffre d'affaires en valeur
en %
0
5
10
15
20
25
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
valeur historique
valeur estimée
(la série de chiffre d'affaires utilisée s'éloigne des évaluations publiées dans les rapports d'activité : en
effet, ces chiffres ont été recalculés pour obtenir une série homogène, à assiette constante, d'une
année sur l'autre ; notamment, c'est un chiffre d'affaires hors taxe à partir de novembre 1987 et hors
TVA fictive auparavant).
A tarif constant, de 1971 à 1993, le volume de production de France Télécom s'est accru en moyenne
de 10% par an, soit nettement plus que le PIB marchand, mais sur cette période d'importantes
fluctuations apparaissent.
Au début des années 1970, la croissance de l'activité était de l'ordre de 10% par an ; dès 1975, elle
s'est accélérée pour atteindre environ 15% jusqu'en 1978 et elle s'infléchit progressivement par la
suite. A partir de 1982, le volume d'activité se ralentit fortement (+5% en 1984 et 1985) puis se
redresse de 1987 et 1990 : la croissance de l'activité du secteur a de nouveau largement dépassé
les 10% . Enfin depuis 1991 le secteur entre dans une nouvelle phase de décélération.
3
FIGURE 2
Taux de croissance du chiffre d'affaires en volume
en %
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
volume historique
volume estimé
I.B. La modélisation utilisée
Une étude économétrique simple permet de mettre en évidence les impacts de certains facteurs
explicatifs de l'activité du secteur des services de télécommunications et d'estimer les élasticités
associées. Les facteurs retenus sont relatifs à la conjoncture nérale, aux tarifs et à la désaturation
de l'offre de raccordement téléphonique (en particulier dans les années 1975 à 1980).
Une variable d'offre, le taux d'équipement des ménages en raccordement téléphonique, permet de
mesurer l'impact de la politique de rattrapage en matière d'équipement au milieu des années 1970. Le
faible taux de pénétration du téléphone en France ne s'expliquait pas par des raisons d'ordre
macro-économique mais par une insuffisance de l'offre (voir l'analyse de la demande téléphonique à
cette époque dans [9]). La désaturation de l'offre de raccordements téléphoniques a permis aux
ménages, principalement, d'avoir accès aux services de télécommunication.
Dans le modèle présenté ici, le PIB marchand en volume synthétise la situation économique.
Une variable d'ordre tarifaire, le prix relatif des services de lécommunications, a été introduite. Il
s'agit du rapport de l'indice global des prix des services de télécommunications au prix implicite du PIB
marchand disponible dans les comptes nationaux. On a supposé que la TVA, introduite en novembre
1987, était récupérée sur la moitié de la demande de services de télécommunication.
Enfin, un trend de croissance autonome est censé représenter la diffusion des télécommunications au
sein de l'économie indépendamment des effets tarifaires et des fluctuations de la conjoncture.
On notera :
CA = chiffre d'affaire hors taxe en volume (déflaté par un indice global des prix de FT, base 100 en
1980)
PIB = produit intérieur brut marchand en volume
PR = prix relatif des services de télécommunications (rapport de l'indice global des prix de FT avec le
prix du PIB)
TM = taux d'équipement téléphonique des ménages
IND75 = variable indicatrice valant 1 en 1975 et 0 ailleurs
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