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Ma grille d'analyse est la même que celle de Jean-Marie Harribey.
Notre outillage conceptuel commun pour analyser sérieusement et même scientifiquement l’histoire des
sociétés contemporaines à long terme est une problématique marxienne.
Marxienne et non marxiste. Pour aller vite, pour moi, comme pour Jean-Marie Harribey certainement, le
marxisme, la langue de bois qui est devenu le fétichisme du socialisme réel, est une caricature de la
pensée marxienne comme outil irremplaçable d'analyse historique de nos sociétés contemporaines. Cette
caricature de la pensée marxienne, le marxisme dogmatique est en d'autres termes le « stalinisme » qui a
régné entre 1923 et 1989.
Le règne du marxisme entend que caricature criminelle de la pensée marxienne, en particulier chez les
partis révolutionnaires, coïncide historiquement avec le petit 20e siècle. Je fais allusion ici à l'historien
britannique « marxien » Éric Hobsbawm lorsqu'il pose que le « petit 20e siècle » a commencé en 1914 et
s'est terminé en 1989 avec la chute du mur de Berlin.
Ceci permet d'éclairer la conjoncture actuelle. Elle est la rencontre de deux fins de cycle. Selon un cycle
historique long, qui correspond à deux cycles de Kondratieff si on veut, nous vivons l'agonie du petit 20e
siècle. Ce XXe siècle a été la succession de deux guerres, la "nouvelle guerre de 30 ans" entre 1914 et
1945, ou encore la "guerre civile européenne" (de 30 ans) du XXe siècle, et la "guerre froide" de
pratiquement un demi-siècle entre 1945 et 1992. Cette deuxième fin de cycle est celle de levée définitive
de l'hypothèque que faisait peser le "socialisme réel" sur le mouvement d'émancipation de l'humanité.
La deuxième fin de cycle est interne à la sphère politique des démocraties occidentales, de la France
notamment. Elle correspond à la fin de la "démocratie de parti" (la démocratie représentative à travers le
Parlement et un mode d'élection à peu près proportionnel de représentants sélectionnés par des partis
politiques) et au basculement dans la "démocratie d'opinion". Celle-ci n'est pas plus démocratique que la
démocratie parlementaire où le pouvoir de la bourgeoisie est relayé par une coalition de partis au service
de sa politique de classe. Elle n'est autre que la dictature médiatico-sondagière qu'il ne faut pas
confondre avec la "démocratie participative et délibérative" à laquelle tend spontanément tout mouvement
d'auto émancipation populaire. On observe ce basculement dans toutes les sociétés capitalistes
développées. Elle coïncide avec le triomphe de la contre-révolution néolibérale symbolisée par les noms
de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher en Angleterre, puis de Berlusconi en Italie, à