LE DON DE L’ESPRIT : UNE MOSAÏQUE DE DONS
Vannes, Pentecôte 2011, 12/06/11
Ac 2, 1-11 ; Jn 20, 19-23 ; 1Co 12, 1-13.
L’esprit Saint, notre société moderne n’a pas de considération particulière à son égard. Ceux qui se
recommandent de l’Esprit Saint sont perçus comme plein de vin doux au mieux, comme de dangereux
illuminés au pire.
Par contre cette même société moderne met sa confiance sans retenue dans quantités d’instances
tout aussi impalpables, incontrôlables, incontournables, tout autant de forces puissantes qui régissent le
monde. Ces dieux de notre monde sont la puissance monétaire, les puissances pétrolières, le réalisme
économique, le totalitarisme des médias qui modèle une pensée unique à coup d’images choc et recours à
l’émotion comme critère de vérité. Ces puissances représentent autant de manifestations des idoles
modernes fabriquées à l’image de l’esprit du monde. L’esprit du monde juge les individus pour ce qu’on
en voit. Chacun est apprécié à ses capacités visibles, à ses exploits, pour son élection pour sa
condamnation. Et malheur à l’incognito, malheur à l’échec, malheur à qui n’a rien à faire valoir : il n’a rien,
il n’est rien !
C’est à un monde semblable que la communauté chrétienne de Corinthe veut ressembler au
premier siècle de notre ère. Les manifestations de l’Esprit Saint chez eux sont extraordinaires. Ils s’en
servent pour établir une hiérarchie dans l’Église. Une telle dérive dans leur pratique spirituelle rite
bien une de ces lettres polémiques dont Paul a le secret. De cette correspondance il nous reste un texte de
référence pour guider notre pratique communautaire aujourd’hui.
L’ES se donne à l’Église dans une autre logique que celle du monde. Par le SE, sont donnés à
chaque croyant des dons divers. La logique du don, c’est la logique de notre Seigneur qui se donne tel un
Dieu qui fait grâce.
Dieu donne, sa présence au sein de l’Église : l’ES promis par le Christ.
Et Dieu aime la diversité, la différence. À un mur magnifiquement peint, couvert d’une laque
parfaite, lisse, uniforme, il préfère la brillance et l’irrégularité d’une mosaïque où les couleurs les plus
chatoyantes sont mises en évidence par l’éclat terne des pièces qui accrochent moins le regard.
Le Seigneur Dieu a créer l’être humain, il l’a voulu divers : homme et femme. La différence entre les
êtres est inscrite dans l’ordre même de la création. Cette diversité n’a pas été posée au cœur de l’être
humain pour le diviser, mais bien pour l’unifier, pour lui permettre de rencontrer l’autre, pour lui
permettre de recevoir de l’autre le don de sa présence. Alors quand le Seigneur Dieu, donne son esprit, Il
le donne avec la grâce de la différence.
La diversité dont parle Paul pourrait se traduire aussi par division. Division dans le sens Dieu
NP, partage entre ses enfants le même héritage ; comme il a partagé son esprit à Pentecôte en plusieurs
langues de feu. Il s’agit d’un seul et unique esprit envoyé par un seul et même Esprit. Comme le Christ
s’est donné en partage aux disciples, mais c’était un seul et même pain, un seul et même Seigneur.
Tous ces dons sont confiés à chacun, ce qui veut aussi dire confiés à tous, et derrière cette
diversité, il y a un unique Esprit et un unique Seigneur.
Paul donne quelques exemples de cette "divine" diversité, afin qu'elle se mette au service de
l'Église et des frères. Il est vrai que Paul semble introduire une sorte de hiérarchie envers les divers
charismes. Paul n’établit pas une liste exhaustive et définitive, mais il veut faire comprendre quels sont, à
son avis, les charismes les plus utiles à la communauté. Prenons le temps des les découvrir :
Au v.8 : un message ou une parole de sagesse = dans le sens « une parole de bon sens » ;
Ce n'est pas pour rien que Paul donne comme premier charisme à cette Église souvent folle et
excessive, celui d'y dire des paroles de bon sens, des paroles équilibrées. L’Esprit vient au secours de
notre faiblesse humaine !
Puis le don d’un message, une parole de connaissance :
Cela semble plus curieux dans une Église beaucoup s'y présentaient justement comme des
"sachant", des "connaisseurs", des savants. Et Paul ajoute : « selon l'Esprit », l’Esprit Saint dont nous
parlons depuis un moment. C’est l'esprit que Jésus a promis et qui apprendra aux disciples à mieux
connaître Jésus-Christ. Un rappel que les connaissances philosophiques, théologiques, ne sont rien si celui
qui les possède ne connaît pas qui est vraiment pour lui Jésus-Christ !
Au v.9 : survient le don la "foi", et il serait tentant d'y voir "la foi qui déracine les montagnes". Mais
le ton de Paul est résolument contre toute valorisation des exploits, fussent-ils spirituels. Il s'agit plutôt
ici de la foi toute bête, toute simple, la foi du paroissien moyen, dont Paul tient à rappeler qu'elle est déjà
un "charisme"... si elle est foi au Christ.
Chers amis, soyez attentifs, il n’y a pas d’échelle de valeur devant le Seigneur. Ne vous lamentez
pas si vous trouvez votre foi trop peu trop peu trop peu quoi ? D’ailleurs !
Réjouissez-vous au contraire de tenir en vos mains un don de Dieu !
Personne ne peut dire « Jésus est Seigneur si ce n’est par la présence de l’esprit ». Paul ne veut rien
affirmer d’autre que dès lors que vous confessez Jésus-Christ comme votre Seigneur, c’est l’esprit saint
qui agit est en vous. Personne ne peut le contester : ce serait contester le Christ.
Voici le charisme de guérison (je préfèrerais traduire : "soins efficaces") : Ce charisme annonce les
hôpitaux que l'Église ouvrira plus tard. Il y a aussi les guérisons soudaines comme pratiquées par Jésus et
les apôtres. La présence de ce charisme signifie aussi que le Seigneur se sert de son Église pour nous
guérir : guérir les blessures de la vie, guérir les relations.
Paul parle ensuite du don de réaliser des miracles (des actes de puissance) : Il peut se trouver dans
l'Église des hommes qui réalisent des actes que seule la puissance divine peut expliquer. Mais attention
au contexte du moment : quand notre monde exalte l’exploit extraordinaire, où est le miracle ? Lorsqu'un
frère parvient à en réconcilier deux autres, n’a-t-il pas réalisé l'un des plus "gros" miracles qui soient ?
Enfin, la liste de Paul se termine par 3 dons particulièrement prisés à Corinthe : prophétie,
discernement, parler en langues
Le don de prophétie : Ce n'est certainement pas le don de voyance mais plus probablement la
prédication. Dans le sens prêcher la Parole de Dieu, c’est dire aujourd’hui son interpellation et sa
pertinence. Si nous trouvons curieux que Paul lui accorde une place subalterne, souvenons nous qu'à
Corinthe, il arrivait qu'on prêchât n'importe quoi.
Le don de discernement des esprits : Avec ce que nous venons de dire, on comprend qu’il est
important d’éprouver tous ces dons, et de reconnaître les vrais charismes des faux... mais... mais
attention, qui discerne que j’ai bien le don de discernement ? Encore un clin d’œil de l’Esprit Saint qui
attire notre attention sur la nécessité du discernement au cœur de l’Église. Dans l’ERF, c’est peut-être
cette culture du débat qui nous est cre ! Mais je pense aussi aux Conseils Presbytéraux, qui ont une
mission particulière de discernement des dons de chacun et de les interpeller au service de la
communauté. Le fait que ce don vienne en fin de liste nous rappelle qu’en user ne donne pas de
supériorité sur les autres membres de la communauté.
Enfin, le don de "parler en langues" : Cette manifestation de l’Esprit Saint est particulièrement
connu des groupes de prière issus du renouveau charismatique ou des Églises du veil. Ce sont des
manifestations de louange dans un langage joli à écouter, mais aussi incompréhensible pour celui qui ne
l’a pas. On a souvent éteint ce don dans l’ERF dans la ligne historique de Karl Barth et de Dietrich
Bonhoeffer qui y voyaient une manifestation émotionnelle. Il n’en reste pas moins que cette
manifestation existe. Elle doit selon Paul être accompagnée nécessairement de son interprétation, car il
faut dans l'Église que toute parole soit intelligible ou rendue intelligible.
Tous ces dons, sont des choses utiles à tous, à toute l'Église. L'Esprit guide l'Église, c'est à travers
ce qu'il vous donne, à chacun, qu'il conduit la communauté de ceux qui confessent Jésus-Christ.
Si vous avez la force de la conviction dans votre parole, alors parlez.
Si vous avez de la facilité à prier, alors priez.
Si vous comprenez plus facilement la Bible, alors expliquez.
Si vous recevez des conseils spirituels, alors faites-en profiter les autres.
Que chacun sache exploiter au mieux, c'est-à-dire pour tous, ce qu'il a reçu. Mais que personne
n'en soit fier : car c'est reçu, ça ne vient pas de vous. Et que personne n'en soit jaloux : car c'est aussi
recevoir de Dieu que de recevoir de son frère ou de sa sœur.
Chers amis, si l’esprit du monde, l’esprit de comparaison, de compétition, passe bien trop souvent
au milieu de nous, l’Esprit Saint, le don du père nous donne les moyens de le mettre en échec. Nous
n’avons pas fini de lire le chapitre 12 de cette épître.
Dans la suite de ce chapitre Paul voit l’unité de l’Église, comme un corps, où l’attention aux
membres les plus faibles, prend la place de la recherche de l’uniformité. Mais surtout, il conclu au
chapitre 13 par un hymne à l’amour qu’il nous faut rappeler ici : aurions nous les dons les plus
extraordinaire, serions nous l’Église la plus parfaite, ça ne sert à rien !
Et il vaudrait mieux fermer la boutique si nous négligeons le don de l’amour !
Amen.
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