Epistemo 1ere partie

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EPISTEMOLOGIE (André ROBERT). Notes d’étudiant non corrigées par le professeur.
Préambule
Le cours est consacré à l'épistémologie. Les premières séances sont plus orientées vers l’épistémologie
générale, point de vue plus surplombant, tentative de mise en perspective des questions, des problèmes
que l'on rencontre dans l'activité de recherche. Il est nécessaire à un moment donné de son parcours
intellectuel d’effectuer ce passage par une réflexion épistémologique d’une plus grande généralité pour
mettre l’ensemble de son travail de recherche en perspective ; au titre de la vigilance épistémologique.
Plan général :
1. Les positions de l’épistémologie « classique »
1.1. Origines du terme épistémologie
1.2. Epistémologie régionale et générale
1.3. Trois idées principales pour l'épistémologie
1.3.1. Le vrai sur fond d’erreur
1.3.2. Construction du modèle d’analyse
1.3.3. Vérification expérimentale
2. La déconstruction de l'épistémologie classique par des épistémologies nouvelles
3. Point de vue dialectique qui tente de mettre en tension la référence aux deux premières
épistémologies
…
1. Les positions de l’épistémologie « classique »
1.1. Origines du terme épistémologie
Epistémologie classique : elle correspond à ce qui a été appelé la Philosophie Française des Sciences
avec pour figure centrale : Gaston Bachelard (1884-1962).
Epistemology : origine britannique, néologisme utilisé pour la 1° fois par Frederic Ferrier, écossais
(1808-1864), auteur de Institute of métaphysic. Il met en parallèle : « epistemology » comme théorie
de la vérité et « agnoiology » comme théorie de l’erreur ou de l’ignorance ; epistemology a une
postérite et agnoiology aucune.
Le sens anglais d’épistémologie est actuellement : théorie de la connaissance (ce qui correspond à
« gnoséologie » en français). C’est l’étude des sources de la connaissance dans l’unité de l’esprit, quel
est le moteur de la connaissance : la raison, l’expérience ? Raison > rationalisme ; Expérience>
empirisme.
Apparition du terme en français dans une traduction d’un ouvrage de Bertrand Russell : Essai sur le
fondement de la géométrie – 1901. A ce moment-là, le terme commence à s’accommoder à la langue
française.
Le terme en français recouvre une certaine polysémie :
- théorie de la connaissance,
- histoire des sciences,
- analyse critique des démarches et des méthodes propres à la connaissance scientifique
(correspond au sens de référence actuellement admis)
Epistémologie : étude critique des principes, des hypothèses, des démarches, des résultats des diverses
sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée objective.
1.2. Epistémologie régionale et générale
Se pose alors la question du rapport entre ce que Bachelard appelle les épistémologies régionales et la
possibilité d’une épistémologie générale :
-
-
Les épistémologies régionales correspondent à une vision rigoureusement bachelardienne (telle
science, telle méthode spécifique). Les plus radicaux des régionalistes réfutent toute possibilité
d’énoncer des vérités générales sur la science. Il n’y aurait d’épistémologie authentique que
régionale. Toute recherche secrétant ses propres outils, devant adapter ses outils à sa recherche,
il n’y aurait épistémologie que adaptée à la recherche en train de se faire (Idée de découpage
disciplinaire)
.
L’épistémologie générale correspond à une interrogation plus large du concept de science, de
recherche scientifique en se demandant quelles sont les méthodes proprement scientifiques
(discours plus général en matière d’épistémologie). Cette interrogation existe sous forme de
question à l’intérieur de l’épistémologie de Bachelard.
Il existe une tension réelle, une opposition entre les deux points de vue.
Essai, ici, de produire un discours d’épistémologie plutôt à orientation générale.
Il se fonde en comparant, en mettant en parallèle les méthodes utilisées dans une discipline de
référence des sciences humaines : la sociologie et les méthodes suivies en science physique ou en
science exacte conformément au projet ancien de l’épistémologie classique, projet développé par
Bourdieu, Chamborédon et Passeron (BCP), dans Le métier de sociologue, Ed Mouton 1968 (ouvrage
d’épistémologie et de méthodologie de la sociologie). BCP posent comme base de leur démarche, la
nécessité pour l’épistémologie d’une discipline appartenant aux sciences humaines (la sociologie), de
refaire en partie le parcours de l’épistémologie des sciences dures ou sciences physiques.
Ils tombent dans cette tension entre une épistémologie régionale (celle de la sociologie) et
l’épistémologie générale puisqu’ils posent la nécessité pour une science humaine de s’inspirer d’une
science de le nature : la physique. Ils posent que pour les sciences humaines, la référence ultime, ce
sont les sciences de la nature.
Les références ultimes des sciences humaines pendant longtemps (jusqu’aux années 1980) sont celles
des sciences exactes.
Il n’est pas possible aujourd’hui d’ignorer les nouvelles positions épistémologiques (par exemple,
sociologie des sciences, Callon & Latour), s’appuyant sur une critique de la position classique (voir
plus loin).
Epistémologie générale : trois idées centrales constituent cette épistémologie, telle que formalisée
principalement par Gaston Bachelard (1884-1962) :
Les propos tenus ici sont sous le couvert du point de départ de BCP, comme on l’a vu : « la réflexion
sur la méthode doit assumer le risque de retrouver les analyses les plus classiques des sciences de la
nature »
1.3. Trois idées principales pour l'épistémologie
1.3.1. Premier temps : Le vrai sur fond d’erreur
La science ne naît jamais sans passer par des obstacles épistémologiques dont il convient de se
débarrasser.
Le premier processus mis en œuvre par le chercheur, la rupture épistémologique :
-
repérer les obstacles
se dégager des obstacles
installer le discours de la science dans un autre champ, dans un autre domaine que celui de
l’opinion (cf. Doc 1) qui pense mal et a, en droit, toujours tort.
« La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à
l’opinion. » (Bachelard, 2004, p. 16). Le fait scientifique est conquis contre l’illusion du savoir
immédiat. Il s’agit de substituer aux notions du sens commun de premières notions rationnelles,
scientifiques.
La manière de se déprendre des obstacles : faire le passage par la littérature scientifique déjà existante
dans le domaine et se construire des concepts et des cadres théoriques, permettant de mettre à distance
l’opinion, le sens commun, les obstacles épistémologiques. Dans Bachelard, la science dans son besoin
d’achèvement comme dans son principe s’oppose absolument à ; s’il lui arrive sur un point particulier
de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion. Le tracé des
frontières est extrêmement rigoureux.
Selon Bachelard, il y a la science et la non science. La science s’oppose absolument à l’opinion.
L’opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissance. Dans les sciences
humaines, la rupture est sans doute plus difficile à opérer pour une question de langage parce qu’on
recourt au langage commun. La rupture épistémologique a été plus visible en physique. Ex : Quand
Galilée a dit que la nature était écrite en langue mathématique.
« Toute culture scientifique doit commencer par une catharsis 1 intellectuelle et affective » par une
libération des intuitions premières, des préjugés empiriques, des erreurs (ibid. p. 21). Au niveau des
sciences humaines, la prégnance du langage (qui est le même que celui de l’opinion), et même un
langage élaboré, rend plus difficile cette rupture. C’est peut-être la malédiction des sciences de
l’homme d’avoir affaire à un objet qui parle et comment organiser la rupture en ayant comme arme le
langage que parle l’opinion (BCP).
1.3.2. Deuxième temps : Construction du modèle d’analyse
Cf. Quivy R. Van Campenhoudt L. Manuel en sciences sociales. Paris. Dunod. 1995. P. 107
Comment s’opère ce basculement de la rupture à la construction ? La construction du modèle
d’analyse est un processus avec des boucles de rétroaction qui va de la rupture par rapport aux
obstacles épistémologiques à la construction de la connaissance.
La construction est quelque chose qui avance et qui doit se finaliser et se formaliser dans la
problématique qui a transformé la question initiale de la recherche en la lestant de théorie. La
problématique, c’est le point où, étant lesté de théorie, on interroge un objet avec un point de vue
organisé à partir d’une ou plusieurs perspectives théoriques ; c’est plus un cheminement qu’un
ensemble de questions. L’ensemble de questions, c’est l’aboutissement de la démarche problématique ;
laquelle démarche problématique est en relation avec la rupture d’une part et la construction d’autre
part.
L’auteur de la recherche en sachant formuler sa problématique connaît l’objet et la portée de sa
recherche.
La problématique commande le protocole, la procédure d’expérimentation puisque dans cette
épistémologie classique il est montré que c’est le sujet rationnel qui force l’objet (en science physique,
la nature) à répondre à ses questions. Et s’il en est ainsi, c’est la problématique qui commande les
hypothèses, puis les outils méthodologiques qui vont être mis en œuvre. L’initiative revient au
chercheur, en tant que sujet rationnel.
La problématique va permettre un processus de construction des faits scientifiques : « Rien ne va de
soit, rien n’est donné tout est construit » (Bachelard, 2004, nouvelle édition).
Tout est construit à la condition que la problématique soit pertinente et ait avoir une valeur heuristique.
La problématique va commander le type d’enquête que l’on va mener, le type d’outil méthodologique
auquel on va recourir. « Les faits sont faits » (ibid. 2004). Ils sont, ainsi, construits par le chercheur.
Fin doc 1 : « S’il n’y a pas eu de question … »
NB : Les historiens, fin 19ème et début 20ème, ont pensé que les faits parlaient d’eux-mêmes puis les
historiens des Annales ont montré que l’histoire scientifique, telle qu’ils l’entendaient et telle qu’elle
procédait à une rupture par rapport à une ancienne conception de l’histoire, était une histoire
problématique, problématisée qui interroge la réalité historique, la réalité fournie par les sources, d’un
certain point de vue, et qui fait parler les faits en fonction de cette problématique.
1
Purification, purgation (Rey, 1998). En psychanalyse, méthode cathartique qui cherche une décharge adéquate des affects
pathogènes (période 1880-1895 où la thérapeutique psychanalytique qui se dégage progressivement à partir de traitements
opérés sous hypnose (Laplanche et Pontalis, 2004)
Du point de vue d’une théorie de la connaissance scientifique, ce vecteur de la connaissance
scientifique qui va de la raison vers le réel, et non pas à l’inverse, nous inscrit dans une référence
rationaliste : c’est la raison du chercheur qui prend les devant. Le texte de référence serait celui de
Kant (1787) : Seconde préface à la critique de la raison pure.
1.3.3. Troisième temps : Vérification expérimentale
Après la rupture et la construction arrive la vérification.
C’est le temps du recueil des données construites - Analyse - Interprétation - Appréciation de la
coïncidence ou non avec les hypothèses.
« Le vecteur épistémologique va du rationnel au réel. » (Bachelard cité par BCP)
« Des révolutions scientifiques se sont faites quand on s’est aperçu que la raison ne pouvait se laisser mener en laisse par la
nature et quand on a compris que c’était la raison qui devait forcer la nature à répondre à ses questions. » (Kant)
BCP : « Toutes les opérations de la pratique sociologique à partir de l’élaboration des questionnaires et du codage jusqu’à
l’analyse statistique sont autant de théories en acte (les outils sous la dépendance de la problématique qui est elle-même
lestée de théorie), au titre de procédures de construction, conscientes ou inconscientes, des faits et des relations entre les
faits ; la théorie engagée dans une pratique, théorie de la connaissance de l’objet et théorie de l’objet a d’autant plus de
chance d’être mal contrôlée, mal ajustée qu’elle est moins consciente »
Nécessité si on se réfère à ce schéma classique de la démarche scientifique de passer par ces étapes,
d’élaborer la problématique, de construire sous la dépendance de la problématique les outils
méthodologiques et d’être constamment conscient de ce que l’on fait par cette procédure ; d’où
l’intérêt de l’épistémologie.
Le chercheur qui recourt au questionnaire et qui ne se pose pas la question de la signification
spécifique de ses questions risque de trouver trop aisément une garantie du réalisme de ses questions
dans la réalité des réponses qu’elles reçoivent.
Une insuffisance de conscience nous met trop sous la dépendance d’un réalisme d’une opinion ce qui
nous indique que la rupture n’est pas effectuée. Chaque fois que le sociologue est inconscient de la
problématique qu’il engage, il s’interdit de comprendre celle que les sujets engagent dans leurs
réponses. Pour savoir établir un questionnaire et pour savoir que faire des faits qu’il produit (les faits
sont faits), il faut savoir ce que fait le questionnaire et, entre autre chose, ce qu’il ne peut pas faire.
Il est vrai que Bourdieu dans « La misère du monde » n’est plus sur les mêmes positions concernant le
tracé des frontières des disciplines. Cela dit sur le fond épistémologique savoir ce qu’on fait quand on
recourt au questionnaire ou à l’entretien comme dans « La misère du monde », c’est un principe qu’il
maintiendrait.
BCP : « Il arrive parfois qu’une lecture armée sous la dépendance d’une problématique et sous l’effet d’outils
méthodologiques qui ont été, eux-mêmes, élaborés par le chercheur, fasse apparaître des faits qui étaient restés
imperceptibles à ceux mêmes qui les rapportaient. »
On n’est pas toutefois dans l’idéalisme qui dirait que les faits sont totalement construits ou inventés
par le chercheur ou produits par sa seule raison ;
BCP : « Une lecture armée peut faire apparaître des faits restés imperceptible, et c’est ainsi que Panovsky, esthéticien
spécialiste de l’art gothique, n’a pu relever sur les plans d’une chevet de cathédrale, l’expression latine « inter se
disputando » mille fois lue avant lui et typique de la dialectique scolastique que parce qu’il en faisait un fait en
l’interrogeant à partir de l’hypothèse théorique selon laquelle le même habitus de dialecticien pouvait s’exprimer dans
l’architecture gothique et dans la codification scolastique des disputationaires. »
On a bien affaire à une dialectique mettent aux prises la raison formalisée dans la problématique avec
la résistance et la réponse du réel. On ne fait pas dire au réel n’importe quoi mais il y a quelque chose
comme un dialogue.
Bachelard : capacité de la pensée humaine de faire apparaître des phénomènes qui appartiennent au
réel grâce à une instrumentation, grâce à une technique ou grâce à l’utilisation d’outils
(phénoménotechnique (Bachelard, 2004. p.75 et 2003. p. 17) : « Les outils, c’est de la théorie
matérialisée. »
Pour lui, la machine à coudre n’a pu être inventée que lorsqu’on a pu arriver à s’arrêter de singer les
mouvements de la couseuse. BCP et l’organisation de la rupture : « La sociologie y trouverait sans
doute la meilleure leçon d’une juste représentation des sciences de la nature si elle s’attachait à vérifier
à chaque moment qu’elle construit vraiment des machines à coudre au lieu de transposer tant bien que
mal les gestes de la pratique naïve. »
NB : (débats)
Une des positions de l’épistémologie critique, s’employant à déconstruire l’épistémologie
classique (rapidement présentée ci-dessus, est de dire que la science est un champ social
comme un autre, qui fonctionne sur du mythe, de la reconnaissance, de la crédibilité.
Les chercheurs cherchent de la reconnaissance de leurs pairs, des champs extérieurs à ceux de
la science, créent des alliances avec l’Etat, des entreprises, les médias pour augmenter leur
capital de crédibilité (qui est tributaire d’un pouvoir rhétorique, d’un pouvoir d’argumenter, de
convaincre de la pertinence des découvertes).
Cf. Callon – Latour : des théories scientifiques ont triomphé ou échoué non pour des raisons
liées à une vérité intrinsèque mais pour des raisons de plus grande force de persuasion d’une
plus grande compétence à mobiliser des acteurs sociaux, à intéresser, à créer des sphères
d’intéressement (cf. Pasteur)
Le chercheur va s’appuyer sur son potentiel de crédibilité et de lisibilité que lui a apporté sa
position scientifique pour occuper tel ou tel espace. De fait, la science fonctionne alors comme
un label de qualité comme un mythe, comme un modèle de reconnaissance. Le fait qu’un
scientifique puisse éclairer les politiques dans un domaine aussi complexe que les sciences
éducatives peut relever d’un fantasme qui laisse penser qu’il y ait une parole de la science qui
pourrait tout éclairer.
Or, la société « post-moderne » actuelle place la rationalité et la rigueur scientifique dans une
position nouvelle. Le principe de symétrie est véhiculé par la société où s’installe de plus en
plus le relativisme (« Shakespeare vaut une paire de bottes »), tout est à égalité, au même
niveau ; la parole d’un scientifique sera en symétrie avec tel ou tel people dans une émission de
télé.
L’épistémologie « différenciationniste » ou « différentialiste » : une épistémologie qui croit à un tracé
bien délimité des frontières, notamment entre ce qui est le champ de la science et ce qui n’est pas le
champ de la science (notamment les autres champs sociaux, les autres champs épistémiques)
Bachelard oppose de manière virulente la science à l’opinion. Il prend cette position sur le modèle des
sciences physiques mais BCP reprennent à leur compte cette position pour ce qui concerne les sciences
humaines et sociales avec une volonté de bien délimiter ce qui est scientifique et ce qui ne l’est pas.
On peut montrer en histoire des sciences comment le discours scientifique s’est progressivement
dissocié, différencié des discours philosophiques, religieux, mythologiques, poétiques alors que,
ordinairement, si l’on prend pour point d’origine la Grèce, les discours des Pythagoriciens, notamment,
étaient des discours mixtes, entremêlés, hybrides.
Donc, avènement d’une conception de la science comme nettement différenciée des autres champs
sociaux et épistémiques, et des autres discours.
Dans la foulée du bachelardisme, on a pu évoquer la constitution du continent physique au XVIIème s.
de la constitution du continent chimie au XVIIIème s. et de la constitution scientifique d’autres
continents au XIXème et au XXème s. par rupture (Althusser). On a donc affaire à des conceptions
différenciationnistes ; elles évolueront avec les nouvelles épistémologies et s’érodent actuellement.
Bachelard et différentiationnisme (ou différentialisme) : il établit une distinction entre théories
scientifiques sanctionnées et théories scientifiques périmées :
-
Les théories sanctionnées sont acquises, consacrées. Des théories possèdent une validité
permanente, une validité acquise, même si une découverte nouvelle ou une nouvelle théorie
survient qui les relativise ou qui en relativise la portée mais qui n’en invalide pas les
fondements. « La mécanique einsteinienne ajoute à la compréhension des concepts
newtoniens » (Bachelard, 2003, p. 183)
Lorsque est mis au point la théorie physique des quanta, qui vient donner une perspective plus
ample à la physique classique héritée de Newton, pour autant, cette physique classique n’est
pas invalidée ; elle reste valable au niveau de la macrophysique et appartient donc à ce que
Bachelard appelle les théories sanctionnées. Il existe selon Bachelard une frontière distincte,
radicale entre théorie sanctionnée et théorie périmée qui doivent être différenciées.
-
Les théories périmées, exemple : la physique aristotélicienne, en vigueur pendant des siècles
(400 ans avant JC jusqu’à la fin du Moyen-Age) est considérée par Bachelard comme périmée,
rejetée hors du champ de la science « la question aristotélicienne depuis longtemps s’est tue »
(Bachelard. 2004. p.69).
Si on se rapporte au texte de Kant, Seconde préface à la critique de la raison pure (1787), Galilée2,
Torricelli3, en langage bachelardien, appartiendraient aux théories sanctionnées et Stahl 4 (théorie du
phlogistique) appartiendrait aux théories périmées.
Les épistémologies nouvelles, fondées sur un principe de symétrie, mettent sur le même plan théories
sanctionnées et théories périmées. Bachelard développe une conception asociologique de la science, il
prend la science et l’univers scientifique de manière purement interne sans penser les liens de la
science avec la société (ce n’est pas son objet, il est philosophe). Il développe une épistémologie
internaliste, il prend la science à son niveau épistémique intellectuel sans considérer le savant, le
chercheur dans la cité réelle.
Galilée (1564-1642) physicien, astronome, conception d’une lunette d’observation, soutien conception copernicienne de
l’univers
3
Torricelli (1608-1647) physicien, mathématicien, inventeur baromètre à mercure
4
Stahl (1660-1734) physicien, théorie phlogistique (principe de production artificielle du feu quand on chauffe des métaux)
2
Il parle de la « cité scientifique », de la communauté des savants sur un mode idéalisé, il promeut le
dialogue entre les savants, leur dévouement à la science et à la vérité « fille du dialogue » ; il met plus
en avant les convergences que les conflits. Il a une certaine représentation de la science pure (il n’était
pas un homme conflictuel).
Bourdieu, Passeron et Chamboredon se démarquent de cette vision ; comme sociologues ils ne peuvent
pas se reconnaître dans cette vision asociologique de la science ; dès la fin de leur ouvrage, ils invitent
les sociologues à pratiquer une sociologie des pratiques sociologiques, des pratiques des chercheurs en
sociologie. En s’appuyant sur BCP, on pourrait dire que la vigilance épistémologique de Bachelard est
prise en défaut (sociologique)dans la mesure où il ne considère pas l’univers de la science (sa cité
scientifique idéalisée, de l’échange intellectuel, du don gratuit) comme un univers social.
BCP se démarquent à ce niveau épistémologiquement et méthodologiquement de B. ils appellent à une
vigilance épistémologique à orientation sociologique.
BCP en surplomb de B. et en critique de B. précisent :
« Si pour se réfléchir réfléchissant, chaque sociologue doit recourir à la sociologie de la connaissance sociologique, il ne
peut espérer échapper à la relativisation par un effort pour s’arracher complètement à toutes les déterminations qui
définissent sa situation sociale et pour accéder au siège social de la connaissance vraie, Manheim situait ces intellectuels
sans attaches ni racines, les acquis de la réflexion épistémologique ne saurait s’incarner réellement dans la pratique qu’une
fois établies les conditions sociales d’un contrôle épistémologique, c’est à dire d’une échange généralisé de critiques
armées, entre autre choses, de la sociologie des pratiques sociologiques. »
Ils incitent les sociologues à appliquer une vigilance épistémologique sur leurs pratiques intellectuelles
mais aussi sur leurs pratiques sociales à l’intérieur et à l’extérieur de la cité scientifique mais il reste
que le cadre générale est un cadre différenciationniste :
-
Tracer des frontières
Rupture
Domaine d’objet
Délimitation
…
Illustrations de la rupture, de la problématique et de la construction de données :
Exemple 1 : « Ecole et savoirs dans les banlieues et ailleurs » Charlot, Bautier, Rochex
Cf. Chap 1 : Echec scolaire : histoire individuelle et appartenance sociale
C’est une illustration du processus de recherche et de l’épistémologie classique avec des outils qui ne
sont pour autant classiques.
Premier temps : Une lecture critique de la littérature existante
« Dans les années soixante en France, mais aussi dans d’autres pays, l’enseignement secondaire s’ouvre à des jeunes qui
n’y accédaient pas auparavant. Deux concepts visant à rendre compte du lien entre inégalités sociales et inégalités scolaires
sont élaborés et se répandent bien au-delà du cercle des spécialistes » ce sont les théories de la reproduction et du handicap
socioculturel (BCP et Baudelot Establet). « Quelque soit leurs différences, réelles et importantes, ces théories ont en
commun de présenter l’école comme un simple opérateur transformant les différences sociales initiales en différences
sociales ultérieures. »
Les auteurs s’appuient sur la littérature existante, sur les théories existantes dont ils font leur acquis
mais leur acquis critique mais, déjà en les exposant, ils prennent un point de vue, c’est-à-dire qu’ils
sont déjà dans le processus de problématisation en exposant cette question selon leur point de vue (dès
les premières lignes de l’exposé on est dans une posture problématique, on organise la présentation de
la littérature de cadrage (ce qui a été écrit avant nous) d’un certain point de vue (c’est la vue d’un
point). On est un chercheur qui se soumet aux règles et canons de la recherche mais à partir d’une
certaine position ; il faut bien évidemment rendre cette position acceptable à son lecteur mais la
platitude et l’empilement des références n’emporte pas la conviction.
« Ces problématiques de la reproduction et du handicap résolvent mal trois questions pour nous importantes :
- celle de la singularité
- celle du sens
- celle du savoir »
On ne sait pas encore quelle va être leur problématique mais ils annoncent la couleur, ils font état
d’emblée que trois questions se posent. Ils organisent une rupture épistémologique non pas avec
l’opinion mais avec des théories sanctionnées . Ces théories ont été dominantes, elles sont passées pour
partie dans l’opinion et ils organisent une rupture avec ces théories.
Ensuite ils déclinent les trois questions :
la singularité : « ces théories ne permettent pas d’expliquer les cas atypiques, contre toute
probabilité statistique, certains enfants des familles populaires réussissent à l’école et certains jeunes
nés dans des familles favorisées y échouent »
le sens : « Quel sens l’enfant attribue-t-il au fait d’aller à l’école et y apprendre des choses ? Quel sens donne-t-il
à ce que l’on y apprend et aux façons d’apprendre ? Il ne nous semble pas possible de déduire la réponse à cette question de
la seule place que l’enfant par l’intermédiaire de ces parents occupe dans la société. Ce rapport est singulier et donc
irréductible à la structure des rapports de classe même s’il porte la marque des rapports sociaux »
-
Des théories holistes (comme celle de la reproduction ou du handicap socioculturel) sont inadéquates à
leur yeux à saisir le rapport au sens de l’école, l’absence sens proféré à l’école par chaque enfant ; ce
qui va appelé un démarche plutôt de type clinique.
« Nous partirons, donc, des histoires scolaires singulières, de la parole individuelle des élèves, de ce qui les mobilisent à
l’école et sur l’école.»
Déjà, ils tirent une conséquence méthodologique de leur critique et de leur organisation d’un processus
de rupture avec les théories sanctionnées.
Deuxième temps : Construction du point de vue (problématique) et méthode
« Notre objectif sera d’identifier les processus qui structurent les histoires singulières, qui donnent sens aux évènements,
qui contribuent à définir les situations. Nous posons comme principe problématique et méthodique que ces processus
présentent une certaine généralité et permettent de penser les histoire scolaires et singulières tout comme les concepts de la
physique ou de la chimie permettent de penser les phénomènes singuliers.»
Le savoir : « La question du sens oblige à poser celle du savoir. Le fait de pouvoir donner sens à ce qui
s’apprend à l’école est mobilisateur. Si un enfant peu mobilisé sur l’école y découvre, malgré tout, des choses qui
l’intéressent, y acquiert des compétences, y réussi, il peut avoir envie de continuer à apprendre, construire de nouveau
projet de vie, restructurer et son identité et son rapport à l’école. Comprendre l’échec individuel d’individus appartenant
massivement aux mêmes catégories sociales, comprendre quel sens cela représente pour un enfant d’aller à l’école et d’y
apprendre des choses, considérer l’école comme un lieu de formation, d’acquisition de savoirs et de compétences, y
compris lorsqu’on l’analyse comme un lieu de différenciation sociale ; d’autres ont posé la question de la singularité, celles
du sens et du savoir, notre originalité, peut-être, notre ambition en tous cas, et de les poser toutes trois en même temps »
Pas d’illusion que tout commence avec les chercheurs il y a eu des études scientifiques globalistes,
holistes avant eux qui ont fait progressé la connaissance sur l’échec scolaire et sur la corrélation entre
échec scolaire et position sociale de classeur ; cela appartient aux théories sanctionnées. Et même dans
les trois domaines qu’ils veulent investir, la singularité, le sens, le savoir, il y a eu des études
dissociées, mais ils posent leur originalité, leur ambition de poser les trois ensemble « c’est ce champ
problématique dense et complexe que désigne la notion de rapport au savoir » Ils ouvrent un champ
problématique même si leur problématique n’est pas encore posée.
Un processus s’engage dans lequel ils organisent à la fois la rupture et la construction de leur point de
vue, va s’en suivre tout un développement emprunté à J. Beillerot, comme théoricien de la notion de
rapport au savoir. Ils vont réinvestir cette notion, l’exposer et cela fera partie de leur problématique. Il
n’y a besoin obligatoirement de poser des questions, d’utiliser la forme interrogative explicite pour être
dans un processus problématique. Ils ouvrent des questions, ils ouvrent un champ de question non
résolues sans pour autant recourir à la forme interrogative. C’est la posture qui est interrogative de
bout en bout
Troisième temps : Enquête préliminaire et construction d’outils adpatés
Sous la commande de la problématique, ils vont recourir à des dispositifs d’enquête et littéralement
inventer des outils méthodologiques qui leurs sont propres et parmi ces outils, il y a celui qu’ils ont
appelé le « bilan de savoirs ». Ils décident d’enquêter en zone d’éducation prioritaire en banlieue
parisienne et aussi dans des zones qui ne sont pas prioritaires pour faire des comparaisons ; ils
proposent à des élèves de 3ème de faire leur « bilan de savoir ». En juin 1988, à titre exploratoire, des
élèves de 3ème ont rédigé des textes en réponse à la consigne suivante : « Comme on fait un bilan de
santé, faîtes votre bilan de savoir, savoir-faire, savoir-être » ? Cette consigne était donnée par un
professeur de la classe participant aux travaux de l’équipe de recherche, elle était accompagnée
d’explications orales qui ont pu varier quelque peu selon les enseignants. Ce bilan, il est bon de le
souligner d’emblée n’avait pas pour objectif de faire l’inventaire de tout ce que les élèves savent mais
de repérer ce qu’ils jugent important d’évoquer quand on leur demande de faire un bilan de savoirs.
Les données recueillies étaient intéressantes mais hétérogènes aussi avons-nous décidé d’expliciter et
de normaliser davantage la consigne pour réduire la part des explications orales données par le
professeur. En janvier et février 1989, nous avons demandé de rédiger un bilan de savoir à trois classes
de 3ème, la consigne plus structurée que la précédente était la suivante élaborée : j’ai tel âge, j’ai
appris des choses chez moi, dans la cité, à l’école, ailleurs, quel est le plus important pour moi dans
tout ça et maintenant qu’est-ce que j’apprends ? Les bilans ainsi recueillis sont moins hétérogènes que
les précédents… Les bilans de savoir ont été complétés par des entretiens réalisés en 89 / 90 auprès
d’élèves de 3ème dont les textes avaient attiré particulièrement notre attention. »
Les chercheurs ont inventé sous la dépendance de leur finalité et de leur problématique un outil
pertinent adapté à leur objet.
Pour des raisons pédagogiques et parce que les schémas méthodologiques (type Quivy et Van
Campenhoudt) ne sont pas immobiles, les phases de rupture et de construction sont concomitantes ; il
y a des boucles de rétro action entre l’une et l’autre.
Quatrième temps : Recueil et analyse des données
Pour une première partie de leur travail, ils vont repérer les processus variés de mobilisation sur l’école
de ces élèves selon que certains travaillent pour passer, que d’autres travaillent pour passer dans la
classe suivante mais aussi pour savoir et que d’autres son absolument non mobilisés et, du coup, ils
établissent une typologie : l’intellectuel perçu comme un bouffon, le sérieux qui sait travailler mais
vivre aussi et celui qui traîne et n’est pas mobilisé sur l’école.
…
Exemple 2 : La définition provisoire comme instrument de rupture
Marcel Mauss : « La notion de prière » La définition provisoire comme instrument de rupture (doc 5
extrait de BCP)
L’accent est mis ici sur la question du langage.
Ce texte constitue une autre manière d’illustrer le processus de rupture / construction passant par les
questions de langage. Il est très représentatif, illustratif de l’épistémologie bachelardienne même si là
on se situe dans le domaine des sciences sociales.
Quand on parle de religion, de la prière, il a nécessité de savoir de quoi on parle, de se donner un objet
c’est-à-dire ce qui est devant nous comme un problème . C’est le même mot :
-
objet : étymologie latine (objectus)
problème : étymologie grecque (problema)
L’« objectus », le « problema » c’est ce qui est jeté devant nous et qu’il va nous falloir surmonter ;
d’où l’importance de se donner un objet.
A partir du moment où l’on a délimité le mot « prière », on a un objet :
« Du moment que la prière, partie intégrante du rituel, est une institution sociale, l’étude a une matière, un objet, une chose
à quoi elle peut, elle doit se rattacher ».
Par rapport à une intention d’ensemble, ici l’étude du fait religieux, du rituel religieux, quand on a
choisi, désigné le mot, on a avancé, petitement certes, mais on a avancé.
MM : « Donc, quand on étudie la prière de ce biais, elle cesse d’être quelque chose d’inexprimable, d’inaccessible. Elle
devient une réalité définie, une donnée concrète, quelque chose de précis, de résistant et d’arrêté qui s’impose à
l’observateur ».
Mais le mot de la langue courante n’est qu’un « flatus vocis », une vibration de la voix ; ce n’est pas
suffisant pour établir une rupture : dans le langage courant, on parle de prière
Il a donc nécessité de passer à une étape définitionnelle. Qu’est-ce qu’on entend par prière ? Quels
sont les phénomènes qu’on va regroupe sous, non seulement le mot, prière, mais, aussi, sur ce qu’on
va appeler le concept de prière.
MM : « Si nous savons maintenant qu’il existe quelque part un système de faits appelés prières, nous n’en avons encore
qu’une appréhension confuse : nous n’en connaissons pas l’étendue, ni les limites exactes. Il nous faudra, donc, avant tout,
transformer cette impression indécise et flottante en une notion distincte. C’est là l’objet de la définition. Il n’est pas
question, bien entendu, de définir d’emblée la substance même des faits. Une telle définition ne peut venir qu’au terme de
la science, celle que nous avons à faire au début ne peut être que provisoire ».
On cherche à passer des prénotions subjectives, du flou, de l’opinion, de l’impression, de l’intuition et
du confus du sens commun de la langue courante au plus précis de l’orientation scientifique : c’est le
début de la rupture et c’est là l’objet de la définition.
On organise donc un rupture par rapport à la langue courante qui ne prend pas soin d’expliciter ce
qu’elle véhicule mais la vrai définition, la définition complète du phénomène on ne la donnera qu’au
terme de la recherche qui est un processus accumulatif qui ne nous permettra de saisir la « substance »
des faits, des choses qu’à la fin.
On pourrait citer Marx quand il dit que « le concret n’est pas au commencement de la science mais à la
fin », en entendant par le concret, pas le concret visible mais la substance même des faits atteinte et
construite au terme de l’activité scientifique de recherche, au produit de la recherche.
D’où la position de M. Mauss d’établir une définition précise, stable mais provisoire, donc qu’une
définition qui ouvre sur des questions, qui ouvre le champ problématique en sachant qu’elle est au
début de l’activité de recherche et donc provisoire et imparfaite.
MM :« Il s’agit de savoir quels sont les faits qui méritent d’être appelés prières. Mais cette définition pour être provisoire
ne saurait être établie avec trop de soin, car elle dominera toute la suite du travail. Elle facilite en effet la recherche parce
qu’elle limite le champ d’observation. En même temps elle rend méthodique la vérification des hypothèses. Grâce à elle, on
échappe à l’arbitraire, on est obligé de considérer tous les faits de prières et de ne considérer qu’eux. La critique peut alors
se faire d’après des règles précises. »
« Au contraire quand la nomenclature n’est pas arrêtée, l’auteur passe insensiblement d’un ordre de faits à l’autre, ou aux
mêmes ordres de faits porte différents noms chez différents auteurs. »
« Une définition préalable nous épargnera ces déplorable flottements et ces interminables débats entre des auteurs qui, sur
le même sujet, ne parlent pas des mêmes choses. »
« Il s’agit exclusivement de délimiter l’objet de l’étude et par conséquent d’en marquer les contours ».
« Le seul moyen d’échapper à des distinctions aussi arbitraires que certaines confusions, c’est d’écarter , une bonne fois,
toutes ces pré-notions subjectives pour atteindre l’institution elle-même. A cette condition, cette définition initiale sera déjà
une premier gain pour la recherche ».
On est bien dans une épistémologie différenciationniste : savoir où l’on est, savoir de quoi l’on parle,
tracer des frontières. Le chercheur a le droit de poser lui-même ses frontières et ses barrières à partir du
moment où il les explicite.
La définition permettant d’engager la recherche n’est que provisoire mais il ne s’agit pas non plus
d’une définition simplificatrice, unilatérale.
MM : « Une institution n’est pas une unité indivisible, distincte des faits qui la manifeste, elle n’est que leur système. Non
seulement la « religion » n’existe pas et il n’y a que des religions particulières, mais encore chacune de celles-ci n’est rien
d’autre qu’un ensemble plus ou moins organisé de croyances et de pratiques religieuses. De même, le mot prière n’est
qu’un substantif par lequel nous dénotons un ensemble de phénomènes dont chacun est individuellement une prière.
Seulement tous ont en commun certains caractères propres qu’une abstraction peut dégager. Nous pouvons donc les
rassembler sous un même nom qui les désigne tous et ne désigne qu’eux ».
Dernier point épistémologique et méthodologique, pour autant la volonté de rupture qui doit être un
souci permanent ne doit pas nous conduire à l’artificialisme et vouloir prendre à tout prix à rebours de
leur sens les mots de la langue courante.
MM : « Si pour constituer cette notion nous ne sommes aucunement liés par les idées courantes, nous ne devons pas leur
faire inutilement violences. Il ne s’agit pas du tout d’employer dans un sens entièrement nouveau un mot dont tout le
monde se sert mais de mettre en place de la conception usuelle qui est confuse, une conception plus claire et plus distincte.
Le physicien n’a pas défiguré le mot chaleur quand il l’a définie par la dilatation. De même le sociologue ne défigurera pas
le sens du mot prière quand il en délimitera l’extension et la compréhension. Son seul but est de substituer à des
impressions personnelles un signe objectif qui dissipe les amphibologies 5 et les confusions et, tout en évitant les
néologismes, prévienne les jeux de mots».
Méfiance par rapport à certains usages des jeux de mots, assez en vogue dans la philosophie et volonté
de tracer des frontières en délimitant un objet et un domaine particulier.
5
Naît d’une ambiguïté syntaxique ou sémantique qui relève d’une maladresse et qui a pour résultat de rendre le sens d’un énoncé douteux : il suffit d’une
homonymie, d’une inversion syntaxique, d’un signe de ponctuation mal à propos. Il est amphibologique de dire à quelqu’un qu’on va lui régler son
compte si on veut dire régler sa note […] Mounin G Dictionnaire de la linguistique. Puf. Quadrige. 2004.
NB : Cette partie sera à replacer en fin de cours après la 2ème grande partie : La déconstruction…. (non
retranscrite actuellement)
Mise en perspective de l'épistémologie des sciences de l'éducation :
Pourquoi, dans ce Master 2 Recherche, les enseignements sont-ils consacrés majoritairement à
l’épistémologie des principales disciplines qui sont mobilisées en sciences de l’éducation ?
La volonté de donner une place importante à l'épistémologie en tant réflexion sur la logique de la
science dans la formation 3° cycle peut correspondre à la volonté d’affirmer, de souligner de manière
scientifique le corpus disciplinaire des sciences de l'éducation : ceci correspond à un débat existant
depuis le début des sciences de l’éducation et encore présent.
Meirieu : "Sciences de l'éducation : un art des vérités moyennes", médiation entre un pôle scientifique
et un pôle idéologique. Toutefois, il faut continuer à différencier posture scientifique et posture
prophétique.
Ce qui est important : c'est de prendre au sérieux le pluriel des sciences de l'éducation comme
constituées de plusieurs disciplines scientifiques contributives visant à éclairer l’objet éducation.
Chacune de ces disciplines possède sa propre épistémologie et il est pertinent de les explorer et de
consacrer une réflexion épistémologique sur ces disciplines (notion d’épistémologie régionale de
Bachelard).
La posture épistémologique est le signe de l’esprit de recherche : savoir ce qu’on fait, pourquoi,
comment ; avoir constamment en conscience de manière tout à fait explicite, la portée de ce que l'on
fait, les outils qu'on met en œuvre avec ce qu'induit le fait de recourir à un questionnaire, à un
entretien, à un entretien compréhensif, etc.
BDC6 : "on doit savoir ce que l'on fait avec les outils". Ils le disent au sujet de la sociologie mais c'est
extensible à d'autres secteurs des sciences humaines. "Les données mêmes les plus objectives sont
obtenues par l'application de grilles, des outils qui engagent des présupposés théoriques et laissent par
là échapper une information qu’aurait pu appréhender une autre construction des faits ».
La posture épistémologique : une ascèse, une hygiène indispensable à l’acte de recherche.
-
savoir ce que l'on induit avec tel cadre théorique et pas avec tel autre
savoir ce que l'on fait avec les outils qu'on met en œuvre
En troisième cycle : exigence absolue de réflexion sur la posture épistémologique dès lors que l'on
prend au sérieux la lecture des sciences de l'éducation
6
Bourdieu, Passeron, Chamboredon
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