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on construit des « maisons à étages » et pour engager des architectes capables de
réaliser ce projet. Dans la capitale française, M. Damouré découvre un mode de vie qui
lui est étranger : les fleuves et les arbres sont « emprisonnés » derrière des murs ou des
clôtures, les filles, vêtues de mini-jupes, montrent leur jambes, les poulets sont vendus
puis mangés sans avoir été égorgés. Les cartes postales qu’il envoie en Afrique épatent
ses collègues nigériens qui, finissant par le croire fou, décident d’envoyer Lam, un des
employés de la boîte, pour le ramener de Paris. Or, dès son arrivée en Europe, Lam
s’aperçoit que les descriptions de son patron sur la capitale française n’étaient pas
fausses, et que le mode de vie des Parisiens est opposé à celui qu’il connaît. Damouré et
Lam retournent ensuite au Niger, le plan de l’immeuble en main, accompagnés de trois
personnages : une jeune Parisienne, une femme d’origine africaine résidant depuis
longtemps en France et un Québécois rencontré par Lam sur les quais de la Seine. C’est
de retour en Afrique que les choses vont se compliquer : les trois occidentaux ne
s’adaptent pas à la vie nigérienne et décident de quitter l’Afrique. Lam et Damouré,
quant à eux, décident de laisser tomber la construction du bâtiment pour retourner vivre
près du fleuve dans une simple case.
A travers l’histoire des rencontres et des séparations entre ces cinq personnages,
Rouch évoque la question de la confrontation à l’altérité et des possibles passages entre
des contextes culturellement différents. Au début du film, les membres de la société
« Petit à petit » laissent transparaître, par leur projet du « bâtiment à étages », leur
souhait de devenir comme « les autres », c’est-à-dire comme les habitants de la ville ou,
plus généralement, comme ceux du monde occidental. Dans cette volonté de
dépassement des limites et dans cet esprit de concurrence, c’est une philosophie de
progrès comprise comme développement technique qui aurait été incorporée par les
Africains. Une fois à Paris, confrontés à un mode de vie qui n’est pas le leur et dont ils
voient maintenant les vertus et les défauts, Damouré et, surtout, Lam, font l’expérience
de l’altérité, une situation qui se répète, mais à l’inverse, lorsque les trois francophones
vont au Niger. Le cas de la femme originaire d’Afrique habitant à Paris constitue un cas
particulier dans ce mouvement d’échanges et de contacts avec l’étranger. Elle
représente le summum du passage d’une culture vers l’autre. Un passage montré ici
comme douloureux puisqu’elle restera une Africaine en France (où elle doit se
prostituer pour vivre) et une Française en Afrique (un continent dont elle ne comprend
plus les traditions ni la façon de vivre). Grâce à ce personnage, Rouch montre combien
l’identité personnelle est variable voire multiple et, sans oublier la composante politique