“ Il en résulte que la doxa et le sens commun, tout en étant à interroger sur leur naïveté, se
trouvent finalement revalidés dans leur sens d’être fondamental puisque c’est finalement la
croyance qui assure la permanence du monde. ” (p. 42)
La notion d’intérêt est chez Husserl importante. Il ne s’agit pas de l’intérêt entendu au
sens courant, c’est-à-dire ce qui nous fait prisonnier des choses matérielles, mais l’intérêt
compris comme ce en quoi nous sommes orientés-vers. Ce concept d’intérêt assure le passage
d’une pure théorie de la connaissance à une théorie du “ faire ” à l’intérieur du monde :
“ l’intérêt n’assure pas seulement le monde comme ce sur quoi nous avons des visées, mais
aussi le caractère potentiellement agentif de toutes les visées que nous avons sur le monde. ”
(p.43)
Husserl parle d’“habitus ” en avançant que l’origine de l’habitus est l’explication : c’est de
l’explication oubliée, entrée en sommeil. L’habitus n’est pas la simple impression du monde sur
l’“ ego ” ; ce n’est pas un processus mécanique mais ce qui est disponible des connaissances et
explications acquises plus tôt.
Dans toute perception, il y a un “ horizon ” visé : on retient ce qui n’est déjà plus et on
anticipe ce qui va venir ; c’est ainsi que tout est pris dans la validité, dans l’un ; c’est ainsi que la
chose est constituée. C’est l’“ a-priori universel de corrélation ” entre la conscience des choses
et les choses. Le concept d’intersubjectivité vient alors en complément : les expériences des
autres s’ajoutent aux miennes comme la série de mes expériences passées :
“ il se produit une cohérence intersubjective de la validation. ” (Husserl)
L’intersubjectivité n’est donc pas, ici, l’objet d’une science de la culture mais l’autre face de la
corrélation de la conscience des choses et des choses, qui permet de poser un “ ego absolu ”
unique et universel.
L’analyse husserlienne de la corrélation implique qu’il est impossible de séparer
l’esprit humain et le monde physique ou social – et c’est sur cette impossibilité,
précisément, qu’est construite la sociologie compréhensive : on ne peut étudier un objet
sociologique (une institution par exemple) en réduisant son apparaissant à l’apparaître de
l’objectivation du sociologue si c’est son apparaître dans l’action de l’agent qui en spécifie les
propriétés reconnaissables :
“ Le détour par la conscience qu’ont les agents des choses que l’on examine est, dans cette
optique, une exigence incontournable de la méthode sociologique. ” (p.49)
Par contre, l’analyse husserlienne n’aide pas à penser l’intersubjectivité. On l’accuse
facilement d’hypertrophier l’ego, même si Husserl souligne que l’ego absolu n’est pas un ego
privé ; il peut être l’ego d’une communauté. Le but serait alors, pour P.Pharo, dans la lignée
d’Husserl, de se demander :
“ quelles sont les propriétés stables et invariantes de la corrélation intersubjective qui, du fait
qu’elles sont identiques à celles de la corrélation égologiques, peuvent rendre compte de la
permanence, de l’objectivité, de l’indépendance d’un monde physique et social pour toute
intentionnalité humaine, et permettre en particulier de juger de la vérité ou de la fausseté de nos
phrases d’action intentionnelle. Rattachée aux structures sémantiques invariantes de
l’intersubjectivité, la réalité de l’expérience subjective ou égologique a toutes chances
d’apparaître alors comme beaucoup moins douteuse. ” (p.51)
Ceci devrait également permettre de réintroduire un principe de réalité : un monde tel qu’il est
et non tel que je crois qu’il est.
Le principal bénéfice d’une transposition des principes phénoménologiques à la
sociologie est d’écarter le relativisme culturel et d’y réintroduire une perspective universaliste.
C’est une réflexion sur les structures formelles qui permettent aux êtres humains d’avoir sur le
monde des visées intentionnelles suffisamment identiques pour être communicables. P. Pharo
conclut :