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Introduction générale
Le corps humain est constitué de tissus et d’organes (poumon, ur, rein, squelette
osseux, muscles, œil, etc.) représentant autant d’entités anatomiques et physiologiques aux
fonctions spécifiques très variées bien qu’issues d’une seule et même cellule initiale. Cette
spécialisation est l’aboutissement d’un processus de développement long et complexe dont on
sait maintenant qu’il met en jeu le microenvironnement cellulaire (Matrice Extracellulaire ou
MEC et cellules voisines) et les interactions biochimiques, physico-chimiques et mécaniques avec
celui-ci. L’exemple du développement pulmonaire permet d’illustrer ce processus : il est
notoirement connu que l’absence de mouvements respiratoires intra-utérins et de distensions
mécaniques (induites par les fluides remplissant le poumon fœtal) entraîne une immaturité
(hypoplasie) pulmonaire et qu’à l’inverse, des distensions mécaniques induites sur le poumon
fœtal entraîne une surmaturation cellulaire (vieillissement accéléré des cellules épithéliales
alvéolaires caractérisé par la transformation des pneumocytes de type II en type I) [Wirtz et coll.
2000 ; Benachi et coll. 1998].
Si la cellule constitue, selon l’approche biologique classique, l’unité structurale et
fonctionnelle commune à l’organisation de tout être vivant il s’agit de la plus petite entité de
matière vivante qui puisse vivre isolée et se reproduire il n’en demeure pas moins que ses
fonctions biologiques (différenciation, apoptose ou mort cellulaire programmée, prolifération,
signalisation, mouvement des chromosomes, migration, contractilité, remodelage de la MEC, etc.)
sont sous le contrôle étroit du microenvironnement cellulaire. Ce type de considération
fondamentale a amené D. Ingber de Harvard School of Public Health (Boston) [Ingber et coll.
1985 ; Ingber 1993], relayé par les bio-ingénieurs N. Wang [Wang et coll. 1993] et D. Stamenovic
[Stamenovic et coll. 1996] à substituer un modèle architectural de type « structure de tenségrité »
au modèle cellulaire classique en biologie cellulaire (à savoir un milieu continu diphasique
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constitué d’une membrane élastique, éventuellement sous tension, entourant un fluide visqueux
ou viscoélastique : le cytosol). En France et plus largement en Europe, une telle approche
structurale pour la cellule a démarré avec les travaux de thèse de S. Wendling [Wendling et coll.
1999]. Les résultats obtenus ces dernières années n’ont fait que confirmer le lien physique étroit
(moléculaire) entre le microenvironnement et la cellule. Ainsi, par exemple, un ensemble de
travaux récents a démontré, pour les cellules nucléées (ou eucaryotes), la liaison mécanique
existant entre les récepteurs transmembranaires liés à la MEC et le noyau où se retrouvent
notamment les chromosomes porteurs du message génétique. Ce lien physique entre le milieu
extracellulaire et le noyau est réalisé par le cytosquelette, structure de polymères finement
interconnectés, qui par ailleurs donne la forme cellulaire et assure la stabilité d’une cellule sur son
substrat [Maniotis et coll. 1997 ; Ingber et coll. 1985 ; Janmey 1998]. Cette vision globale d’un
cytosquelette interne en auto-équilibre avec le substrat et les cellules voisines n’est toutefois pas
suffisante. Les modèles cellulaires les plus récents considèrent que ce cytosquelette interne est
également en équilibre avec la composante sous-membranaire du cytosquelette qui assure la
tension interne de la membrane cellulaire ou membrane (cyto)plasmique constituée d’une double
couche lipidique. Il apparaît des sous structures cytosquelettiques qui ont leurs propres tension
interne et propriétés mécaniques. Il revient à V. Laurent d’avoir proposé dans son travail de thèse
une analyse quantifiée et structurale des propriétés mécaniques de ces deux composantes
fondamentales du cytosquelette [Laurent et coll. 2002a, 2002b]. Si la contribution du noyau aux
propriétés mécaniques d’une cellule adhérente (type endothéliale) a été récemment étudiée [Caille
et coll. 2001], de nombreux points restent encore à élucider concernant la contribution des
éléments composant le cytoplasme (organites comme le réticulum endoplasmique, les
mitochondries, etc.) ainsi que ceux conférant à la membrane cellulaire sa tension interne et sa
résistance à la déformation sous l’action des forces osmotiques ou mécaniques.
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L’intérêt du concept de tenségrité est, d’après ses propres inventeurs et en premier lieu B.
Fuller [Fuller 1975], de permettre une analyse basée sur l’équilibre interne entre un réseau continu
d’éléments en tension et un réseau discontinu d’éléments en compression, quelles que soient la
nature et l’échelle des éléments constitutifs. Ainsi, depuis l’échelle du corps humain avec sa
structure discrète d’os travaillant en compression sous l’effet du réseau continu des nombreux
éléments en tension (muscles, tendons et ligaments) jusqu’à la cellule dans son environnement
mécanique, les systèmes vivants peuvent être analysés à partir de structures de tenségrité
imbriquées et hiérarchisées. L’autostabilité de la structure peut être vérifiée à l’échelle du corps
entier en constatant qu’une rupture d’un tendon entraîne une perte du contrôle local mais ne
compromet pas la stabilité de l’ensemble du corps [Ingber et coll. 2000]. La hiérarchisation des
structures vivantes peut être illustrée par le cas de la respiration qui est induite par la contraction
des muscles du cou et des intercostaux, le déplacement des côtes vers l’extérieur du thorax,
l’augmentation du volume pulmonaire, l’ouverture des alvéoles, le relâchement des bandes
d’élastine, le raidissement des fibres de collagène qui étaient en flambement et, enfin, le
raidissement de la membrane pulmonaire basale transmis aux cellules adhérentes et à leur
cytosquelette. En situation normale, ces déplacements cycliques complexes et interdépendants
n’entraînent aucune rupture des tissus et la déformation est presque totalement réversible. Ce
processus de déformation est dynamique et constant dans le temps (pas de rupture à la fatigue).
Le concept de tenségrité permet d’expliquer ces grandes déformations multi-échelles sans
rupture. Il est clair, toutefois, que les phénomènes de déformation au niveau micrométrique y
compris dans leur composante irréversible (viscoélastique) sont les moins bien connus et méritent
une attention particulière qui a orienté ce travail de thèse.
Le cytosquelette (ou squelette cellulaire) est une structure tridimensionnelle complexe
issue de l’assemblage, à différents niveaux, de biopolymères filamenteux interconnectés. Il en
existe trois classes : les filaments d’actine ou microfilaments (encore appelés actine-F), les
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microtubules et les filaments intermédiaires. Ce réseau de biopolymères présente les
caractéristiques d’une charpente tridimensionnelle permettant à la cellule de se déformer,
d’adapter sa forme en fonction des forces mécaniques venues de l’environnement
tridimensionnel qui caractérisent les conditions in vivo. En effet, les cellules endothéliales tapissant
les vaisseaux sanguins subissent des efforts d’étirement, de compression et de cisaillement au
passage du flux sanguin. De même, les cellules pulmonaires sont soumises à des déformations
complexes parfois importantes au cours de la respiration, du fait des amples mouvements des
tissus ; ces tensions mécaniques pouvant entraîner des ruptures tissulaires et devenir de véritables
« agressions » mécaniques dans les cas pathologiques et/ou induits par une ventilation mécanique
baro-traumatisante [Dos Santos et coll. 2000].
L’objet de la présente étude est d’analyser et de caractériser le rôle de la redistribution
spatiale des éléments du cytosquelette sur la réponse dynamique de la cellule adhérente
(notamment en terme d’énergie dissipée) lorsqu’elle est soumise à différents types de contraintes
mécaniques extérieures. Comparé aux précédentes études conduites dans des conditions quasi-
statiques, il s’agit ici d’éclairer le concept de viscosité structurale et de comparer avec les diverses
mesures expérimentales effectuées sur cellules adhérentes dans des conditions variées de
micromanipulation cellulaire. Ce concept de viscosité structurale du CSQ a été abordé ici par la
seule prise en compte des propriétés visqueuses des filaments cytosquelettiques, sans considérer
d’éventuels phénomènes de dissipation énergétique pouvant avoir lieu dans leur interconnexion ;
l’analyse du rôle des liaisons entre filaments du CSQ dans ce concept de viscosité structurale,
restant en effet à documenter davantage, est proposée pour des études ultérieures. Deux
approches parallèles et complémentaires ont ainsi été suivies : une approche modélisation
utilisant un modèle structural de cytosquelette basé sur un modèle de tenségrité viscoélastique,
semblable aux modèles de tenségrité purement élastiques qui jusqu’alors n’avaient été étudiés
qu’en conditions quasi-statiques, et une partie expérimentale sur des cultures de cellules
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épithéliales adhérentes évaluées par la technique de magnétocytométrie oscillante développée au
laboratoire. Cette première partie de l’étude a d’abord nécessité une résolution numérique puis
des simulations numériques validées par quelques expériences sur banc avec un modèle physique
de structure de tenségrité équivalent à celui étudié numériquement. Les résultats sont obtenus
dans des conditions les éléments sont passifs et non actifs comme dans la réalité biologique.
Ils sont comparés à ceux obtenus par d’autres modèles de structure comme le modèles de solide
alvéolaire viscoélastiqu dérivant de la théorie des mousses. En effet, de nombreuses expériences
effectuées en statique sur des cultures de cellules (épreuves de fluage ou de relaxation) ont
montré le caractère temporel de la réponse mécanique cellulaire qui se trouve caractérisée par une
composante dissipatrice associée à des effets de viscosité prenant naissance dans chaque élément
mais modulés par la redistribution spatiale associée à la déformation structurale. Parallèlement, les
études récentes effectuées sur des cellules en conditions dynamiques (oscillations imposées) ont
montré que les propriétés viscoélastiques des cellules testées expérimentalement sont
dépendantes de la fréquence imposée par le chargement, ces résultats suggérant l’existence de
phénomènes de couplage (via la structure) entre les propriétés élastiques et les propriétés
visqueuses qui n’ont encore jamais été démontrés pour les modèles de tenségrité.
Après avoir décrit biologiquement et mécaniquement la cellule adhérente interagissant
avec son micro son environnement et son cytosquelette, ainsi que les différents modèles
développés lors des études en biomécanique cellulaire (Partie A), l’étude du comportement
mécanique de modèles de tenségrité viscoélastiques du cytosquelette testés par simulations
numériques est présentée suivant deux démarches : par un calcul analytique matriciel suivant une
méthode incrémentale linéarisée en utilisant un logiciel commercial (Matlab©) et par la méthode
dynamique du contact non régulier (ou méthode NSCD) qui est appliquée de façon quelque peu
originale à l’étude de structures de tenségrité en utilisant un code de calcul (LMGC) destiné au
préalable à l’étude en dynamique du contact frottant (Partie B [Jean 1999]). La Partie C décrit la
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