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L’intérêt du concept de tenségrité est, d’après ses propres inventeurs et en premier lieu B.
Fuller [Fuller 1975], de permettre une analyse basée sur l’équilibre interne entre un réseau continu
d’éléments en tension et un réseau discontinu d’éléments en compression, quelles que soient la
nature et l’échelle des éléments constitutifs. Ainsi, depuis l’échelle du corps humain avec sa
structure discrète d’os travaillant en compression sous l’effet du réseau continu des nombreux
éléments en tension (muscles, tendons et ligaments) jusqu’à la cellule dans son environnement
mécanique, les systèmes vivants peuvent être analysés à partir de structures de tenségrité
imbriquées et hiérarchisées. L’autostabilité de la structure peut être vérifiée à l’échelle du corps
entier en constatant qu’une rupture d’un tendon entraîne une perte du contrôle local mais ne
compromet pas la stabilité de l’ensemble du corps [Ingber et coll. 2000]. La hiérarchisation des
structures vivantes peut être illustrée par le cas de la respiration qui est induite par la contraction
des muscles du cou et des intercostaux, le déplacement des côtes vers l’extérieur du thorax,
l’augmentation du volume pulmonaire, l’ouverture des alvéoles, le relâchement des bandes
d’élastine, le raidissement des fibres de collagène qui étaient en flambement et, enfin, le
raidissement de la membrane pulmonaire basale transmis aux cellules adhérentes et à leur
cytosquelette. En situation normale, ces déplacements cycliques complexes et interdépendants
n’e
ntraînent aucune rupture des tissus et la déformation est presque totalement réversible. Ce
processus de déformation est dynamique et constant dans le temps (pas de rupture à la fatigue).
Le concept de tenségrité permet d’expliquer ces grandes déformations multi-échelles sans
rupture. Il est clair, toutefois, que les phénomènes de déformation au niveau micrométrique y
compris dans leur composante irréversible (viscoélastique) sont les moins bien connus et méritent
une attention particulière qui a orienté ce
travail de thèse.
Le cytosquelette (ou squelette cellulaire) est une structure tridimensionnelle complexe
issue de l’assemblage, à différents niveaux, de biopolymères filamenteux interconnectés. Il en
existe trois classes : les filaments d’actine ou microfilaments (encore appelés actine-F), les