Impact des biotechnologies dans les agro-écosystèmes Programme interdisciplinaire Appel d'offres 2004 Résumé Le programme interdisciplinaire de recherche du CNRS, en place depuis 2001, "Impact des biotechnologies dans les agro-écosystèmes" est ouvert sur la communauté scientifique la plus large, y compris hors CNRS. Il se propose : 1) d’évaluer les impacts de ces biotechnologies sur les espaces non cultivés et les sociétés humaines, donc au-delà du cadre strictement agronomique, 2) de contribuer à l’essor d'une écologie prédictive, proposant des scénarios du devenir des communautés et écosystèmes suite à des modifications de l’environnement, et permettant la mise en place de suivis efficaces du devenir des OGM dans l’environnement. Dans ce cadre, les thèmes proposés sont la prédiction du devenir des OGM dans l’environnement, en faisant intervenir phénomènes de transport et biologie des populations, la comparaison des impacts des biotechnologies par rapport à des pratiques agronomiques plus classiques, enfin une analyse économique, juridique et sociologique de ces impacts. Les échappées de transgènes par le pollen Objectifs et attendus La société manifeste une demande constante de connaissances et d'expertise sur les conséquences attendues des biotechnologies pour l'environnement. A cet égard, il importe que les moyens importants déployés pour développer ces biotechnologies soient accompagnés d'une action à la mesure de l'enjeu pour en évaluer les effets sur l'environnement. Cet appel d'offres a pour but de mobiliser les forces scientifiques sur le thème de l'impact des bio-technologies et plus particulièrement des OGM, sur les agroécosystèmes, c'est-à-dire des écosystèmes où les espaces cultivés et "naturels" sont en interaction : en mettant à profit des compétences complémentaires dans différentes disciplines, et singulièrement en écologie, en les organisant, afin que prochainement, les recherches aient acquis assez d'ampleur pour apporter des connaissances et un corps d'experts avertis dans le domaine des impacts environnementaux de la dissémination d'OGM. Les études devront dépasser une perspective seulement agronomique et prendre en compte les impacts sur la biodiversité et les espaces non cultivés, ainsi que les effets induits ou indirects. Elles pourront concerner différents aspects, allant de la gestion des paysages, notamment en relation avec l'organisation spatiale des cultures transgéniques, à la biovigilance et à la prédiction des phénomènes invasifs et de leurs impacts. D'une manière générale, il s'agit de stimuler le développement d'une écologie prédictive, à même de savoir proposer des scénarios concernant le devenir des écosystèmes et des communautés biologiques, suite à des modifications de l'environnement, en y intégrant le rôle des sociétés humaines, démarche analogue à celle entreprise afin d'établir des prévisions des changements climatiques en réponse à l'effet de serre. Les laboratoires concernés se situent dans les domaines : des phénomènes de transports (dans l'atmosphère, les milieux aquatiques et les sols), de l'écologie (biologie et génétique des populations, dynamique des communautés et des écosystèmes), de la biométrie (modélisation spatio-temporelle) de l'écotoxicologie (pesticides " classiques " ou produits par génie génétique, phénomènes de résistance), de l'économie et des sciences humaines (p.e. géographie en ce qui concerne l'écologie spatiale) travaillant sur les questions de risques, d'impacts et d'acceptabilité. Cette liste n'est pas limitative. Enfin, des collaborations internationales sur des sujets ambitieux sont encouragées. Descriptif du programme Les projets peuvent être orientés autour de quatre grands thèmes : 1. Biologie des populations et des communautés La biologie des populations en interaction avec les espèces cultivées est souvent mal connue (ainsi l'origine des plantes de colza en bord de routes n'a été précisée que très récemment). Ce thème concerne donc notamment l'étude de la dynamique des plantes cultivées hors champ -ou dans des champs où elles n'ont pas été plantées-, et des espèces en interaction. Les possibilités d'invasion des OGM présentant ou non un avantage sélectif in natura, leur impact potentiel sur des populations en déclin ou des populations essentielles pour le fonctionnement des écosystèmes, selon leur place dans les communautés, et la manière dont elles modifient le fonctionnement de ces dernières, font aussi partie de ce thème. Nous citerons deux exemples -non limitatifs- d'études appartenant à ce thème : 1) l'impact des plantes produisant une substance insecticide sur les populations de lépidoptères (dont certaines sont menacées), et sur l'ensemble des pollinisateurs, 2) les effets des OGM résistants aux herbicides sur les populations d'oiseaux (très variables selon les projections, et dont l'évaluation demande à être approfondie). Un des objectifs est d'élargir les prédictions, dans l'espace et dans le temps, du devenir des OGM, et de leur impact dans les écosystèmes. Cela doit permettre notamment de mieux savoir gérer dans l'espace les OGM, selon les contraintes imposées... ou à imposer. 2. Suivis, indicateurs et biovigilance Si chacun s'accorde sur la nécessité de suivre les impacts environnementaux liés aux biotechnologies, il reste à préciser les modalités de sa mise en place. Son efficacité suppose d'avoir précisé méthodes d'observations et d'analyse sur de larges échelles spatiales. L'objectif général est de contribuer à l'essor de dispositifs de biovigilance qui soient précis tout en demandant un investissement réaliste. Dans le cadre de cet appel d'offres, il s'agit d'aborder les problèmes d'échantillonnage et de choix d'indicateurs, permettant d'identifier les situations à risque, afin de savoir orienter les suivis et préciser leurs protocoles. 3. Bilan environnemental des agro-écosystèmes Les pratiques agricoles affectent de nombreux processus écologiques et peuvent aussi induire des effets indirects liés à leurs interactions avec ces processus. Ainsi, les modifications des pratiques agricoles ont eu des impacts en termes de pollution à différents niveaux : nappes phréatiques, rivières, sols, atmosphère. Si les biotechnologies constituent une piste pour réduire certains de ces impacts négatifs, il importe d'en évaluer l'ensemble des effets, car elles ne sont pas sans poser ellesmêmes des questions. Ainsi, les distributions spatiale et temporelle des herbicides et des insecticides sont modifiées en présence des OGM correspondants. On peut alors, par exemple, s'interroger sur la possibilité d'apparition de résistances aux substances pesticides produites par les plantes OGM résistantes aux ravageurs et sur l'évolution de leur fréquence au cours du temps, ou sur les quantités et qualités des herbicides et pesticides utilisés dans les cultures de plantes OGM. Evaluer l'impact écologique comparé de différentes pratiques agronomiques serait d'une très grande importance, aussi bien pour préciser les conditions d'acceptabilité des biotechnologies, que pour mettre en place des critères d'évaluation de leur utilisation et de leurs impacts attendus, afin d'établir des régulations éclairées. Pour mener cette comparaison, il s'agit de prendre en compte l'ensemble des effets induits d'une innovation sur l'écosystème et de façon plus large sur l'environnement économique et social. Par exemple, la tolérance à un herbicide permet le travail simplifié du sol, qui modifie lui-même les équilibres floristiques et microbiologiques...Outre des démarches d'écobilan appliquées à de telles situations, des approches intégratives restent à développer. 4. Contexte économique, juridique et sociologique des impacts Le fonctionnement économique du tissu agro-industriel pourrait conditionner les possibilités d'avenir des biotechnologies, tant du point de vue des progrès que de celui des erreurs à éviter, face à des risques environnementaux multiples, parfois difficiles à évaluer. Il s'agirait d'examiner les critères économiques permettant de comparer et de prendre en compte des éco-bilans, et les possibilités d'internaliser ces externalités (p.e. à l'aide du principe pollueur- payeur), notamment afin d'assurer la durabilité des biens environnementaux en relation avec celle des innovations. Il serait essentiel que les possibilités de réglementation des états face à la règle de libre circulation des marchandises soient explorées et, plus généralement, les modalités de régulations économiques ou juridiques afin d'intégrer cette nouvelle dimension de l'agro-écologie dans notre société. Par ailleurs, ces biotechnologies auront des impacts économique, juridique et sociologique. L'évaluation des conséquences que peuvent avoir les biotechnologies pour les différents acteurs, les stratégies adoptées par chacun, est donc un autre champ d'investigation. Dans ce cadre une analyse "prospectrive" : comment concevoir juridiquement, par exemple, une évaluation socio-économique des OGM, quels problèmes cela pose, comment l'organiser, etc. ? serait intéressante. De même, une analyse rétrospective de l'introduction des innovations, de leur succès ou de leur échec, selon des critères économiques, sociaux ou environnementaux, serait pertinente.