styles universelle

publicité
Jan Hartman
Le neutrum
[Le fragment de mon livre Heurystyka filozoficzna (L’heuristique philosophique)]
Pendant les quelques années que j’ai consacrées à la tentative d’une esquisse du projet que j'ai présenté
sous le nom d’heuristique, j’avais considéré que le clou de cette entreprise, son instrument
«opérationnel» (heuristique) devait être une conception entièrement structuraliste d’âme qui consistait à
apporter à la langue philosophique une quasi-notion non dépendante d’une caractéristique uniforme qui
serait «quelque chose», un «objet théorique», une certaine «forme», un «opérateur»... Par principe, cette
«notion» devait éviter tout discours uniforme éclairant «son sens», «son emploi», «sa nécessité» et «sa
signification formelle» — sa cohérence volatile étant garantie seulement par la vision de certaines traces
d’un sens matériel, et cela uniquement à partir de certains points de vue. Ce qu’était une telle trace : que
cette notion puisse poser un sujet de propositions grammaticales, que l’on puisse dire que son «identité»
s’exprime dans certaines analogies structurales, des analogies et des similitudes aux différents rôles
spécifiques, identiques à ceux que jouent certaines notions dans différentes théories. Ayant remarqué,
dans le cadre de la pensée sur cette quasi-notion, le motif récurrent de son irréductibilité à toute
détermination, le motif de sa nature opérationnelle supposée ainsi que sa complète neutralité dans sa
relation à toute théorie possible dont le point de vue adopté devait justement posséder pour assise le sens
«primordial» ou «propre», je l’ai nommé «l’élément neutre» ou bien encore «neutrum» - quelque chose
de genre neutre. L’idée de la «neutralité» toutefois, en rapport avec l’idée de «quelconque» qu’elle
contient, n’est que l’une des nombreuses idées que je voulais associer à d’autres dans cette «notion» du
neutrum. Les structuralismes de Lacan, Foucault et Derrida appartiennent, dans une certaine mesure
seulement, aux lieux peu nombreux de la tradition philosophique o_ les pensées de ce genre
apparaissent ; auparavant, (chez Kant, Hegel, Nietzsche, Frege) il n’existait que des traces seulement
d’une pensée qui prenne cette direction. Je considère l’entreprise et le développement de ce sujet comme
l’une des voies les plus créatrices et les plus importantes de l’heuristique ; dans ce travail, cette «notion»
ne pourra seulement qu’être posée.
Les intuitions structuralistes que j’ai en ce moment à l’esprit sont avant tout des idées telles que la
notion de singularité de la structure, de l’élément neutre (emprunté aux mathématiques), celle de la case
vide qui parcourt la structure, celle de l’objet = x et celle enfin de la différance. A l’origine de cette
problématique qui prend corps grâce à ces notions, il y a la chose en soi et l’idée régulatrice kantiennes,
le concept de médiation chez Hegel ainsi que toutes ces conceptions qui soulèvent le problème du sens
de l’étreinte par un mot particulier de ce qui perd son sens dans le bavardage1.
Ce dernier motif s’exprime le mieux dans ces mots de Heidegger : «Pour nommer ce qui
se déploie dans l’étant, la langue devrait trouver un seul mot seulement, un mot unique.»
1
«La singularité de la structure» est une notion point de repère, de lieu, elle est ce relativement à quoi les
autres éléments se déterminent d’une manière si distincte et si régulière (par exemple selon une
fonction) qu’elle produit d’une certaine manière un contenu positif, ce qui signifie qu’il n’est point
nécessaire de la désigner purement de manière relative : par exemple, l’origine d’un repère, des
individus humains dans la structure des «phénomènes sociaux», les notions élémentaires mathématiques
comme le centre de la figure, le centre de symétrie, le point d’inflexion d’une courbe, le sommet d’une
figure, les extrema d’une fonction et de bien meilleurs exemples encore que pourraient donner des
théories mathématiques plus avancées. Les singularités s’assemblent dans des séries et plutôt même
génèrent des séries de notions théoriques aux qualités heuristiques éminentes, des notions autour
desquelles se développent des théories. Le sens général de la singularité est peut-être rendu par
l’intuition du «noyau de la cristallisation» : les singularités sont comme des formations de sens
relativement stables et en même temps les sources de leurs transformations, ce qui les apparente au
neutrum.
Soit un ensemble de notions, l’élément neutre, la case vide, l’objet = x, qui connote un moment
particulièrement important de cette narration au sujet du neutrum.2 L’objet = x est un élément mobile de
la structure, un surplus spécifique et formel de la signification qui prend ainsi différentes formes «en se
remplissant» de la même manière que la case vide provoquant un mouvement dans la structure. Il n’est
La formulation “ narration au sujet du neutrum ” doit bien s_r remplacer ici les termes
“ description ”, “ caractéristique ” ; même si nous savons déjà “ de quoi il est question ”, cela
nous permettra de revenir à un moyen plus ordinaire d’expression, de la même manière que le
discours transcendantal qui promet un retour au langage objectiviste ou la déconstruction qui se
déplace dans l’espace des notions métaphysiques en ne les considérant pas toutefois de manière
purement affirmative (“ navďve ” comme cela se formule d’habitude) mais selon sa manière
“ déconstructive ” critique. Le premier pas vers cette naturalisation de notre manière de parler
du neutrum consistera à le considérer comme une “ notion ”, même si bien s_r il faut émettre au
sujet du neutrum cette réserve “ qu’il n’est ni une notion ni même un mot ”, remarque qui
concerne aussi la notion de différance.
La notion “ x ” et plutôt même “ x vide ” apparaît à plusieurs reprises dans Idées... I de
Husserl pour signifier la forme vide noématique, la forme de l’objectivité remplie par les sens
noématiques dans la série des actes de la conscience. Lacan et Foucault, cependant, utilisent des
notions de type objet = x. Deleuze les décrit dans son article “ A quoi reconnaît-on le
structuralisme ? ” en relation avec les notions de case vide et d’élément neutre (in François
Châtelet, Histoire de la philosophie, le XXe siècle, Paris 1973., pp 321-330). Il s’agit peut-être
de la seule description de ce type dans la littérature actuelle. Nous nous souvenons ici du
contenu de quelques éléments de ces théories. Certains aspects particuliers de l’emploi de “ x ”,
s’il est possible de formuler ainsi le contexte de la problématique de l’objet = x, sont examinés
par exemple par Jacques Lacan dans son article “ Of structure as an Inmixing of an Otherness.
Prerequisite to Any Subject Wathever ” in R. Macksey, E. Donato (éd.), The Structuralist
Controversy, Baltimore & London 1972, de même que dans l’article d’Andrzej Warminski sur
Nietzsche “ De la vérité et du mensonge dans un sens extramoral ” et dans la question de la
chose en soi en union avec la question de la métaphore : Towards a fabulous Reading :
Nietzsche’s ’On Truth and Lie in the Extramoral Sense’, “ Graduate Faculty Philosophy
Journal ”, vol. 15 n0 2.
2
jamais «à sa place», il est toujours déplacé par rapport à lui-même, il ne se laisse pas «saisir». La
«valeur» dans la structure des échanges économiques peut en constituer un exemple : elle n’est pas l’un
des objets d’échange, elle ne pose même aucun quantum d’or mais s’exprime à l’intérieur d’un échange
permanent, elle est comme la proportionnalité de la proportion elle-même. Pour généraliser encore cette
abstraction, il est possible de dire que l’objet = x est le différenciant de la différence elle-même. Sa
dérobade, ce déplacement par rapport à lui-même, le donne comme «notion» corrélativement à la
différance chez Derrida ; il est comme une différance en tant que répétition de lui-même (car il inclut
l’intuition de l’objet et donc pour le moins celle de lieu vide). Un déplacement relativement à toute
signification de l’objet = x : sa différence est justement bien ce que Derrida appelle différance. L’objet =
x se «retrouve» cependant toujours, cela signifie qu’il prend une forme différente en circulant dans la
structure, que l’on peut comparer aux autres formes différentes de cette même équation (contenant une
inconnue). La valeur «se retrouve» dans différentes séries comme l’or, les devises, le dollar, le pain... La
capacité de mouvement de l’objet = x ainsi que sa nature formelle suggèrent la métaphore de la tache
aveugle (Sollers), du truc, du machin, et comme telle le lie à la notion de l’élément neutre (comme le
phonème zéro de Jakobson ou «la position zéro» de Frege) et à la notion de variable (d’o_ ce «x»). La
difficulté particulière pour comprendre cet étrange statut de l’objet = x doit être rapportée à l’inclination
à le confondre avec une fonction ou bien encore avec un analogue. Cependant, l’objet = x possède sa
propre individualité symbolique, qui n’est ni analogique ni abstraite ; de plus, tout ordre structural
possède son objet = x, toujours autre. Les différents ordres s’unifient, se lient d’une manière prescrite
par le caractère de l’objet = x. Si j’achète à des indigènes leurs ornements pour de la verroterie, ces
«bijoux» deviennent alors un objet = x qui circule entre les séries d’échange à la fois pour les indigènes
et pour nous : pour nous en tant que «quelque chose sans valeur et possédant de la valeur là-bas», pour
les indigènes en tant que «quelque chose possédant de la valeur et provenant de là-bas». Entre deux
ordres structuraux, la relation de subordination et de prééminence économique s’établit sur la base de la
circulation de la verroterie physique et de la verroterie-symbole.
Les relations entre les objets = x particuliers et la notion générale de l’objet = x ne sont pas claires. Cette
dernière est l’objet = x d’un ordre très particulier qui est une théorie structuraliste. Accomplir cette
généralisation de la notion d’objet = x possède un sens heuristique comme «manière de rappeler la
consistance objective que prend la catégorie du problématique au sein des structures».3
Généralement, ce en quoi la pensée structuraliste se rapproche le plus de la notion de neutrum est le
travail heuristique de «la double science», autrement dit son exploitation et sa distanciation tout à la fois
vis-à-vis d’un ensemble de notions propre à des discours particuliers, plus précisément vis-à-vis de
l’ensemble des notions métaphysiques. L’aptitude à se mouvoir sur un espace compris entre le simple
moyen affirmatif d’utilisation des notions et le moyen purement critique, qui s’exprime dans les
représentations heuristiques du bricolage, du double geste, de la déconstruction, possède une
signification décisive pour «la pensée non identifiante» du neutrum et pour l’apprentissage de
3
G. Deleuze, “ A quoi reconnaît-on le structuralisme ? ”, p. 326.
l’utilisation de la notion de neutrum - à propos duquel il est dit qu’aucune expression n’est contentante
et qu’il ne faut en accepter une malgré tout que lorsqu’elle renvoie distinctement à d’autres expressions
possibles ainsi qu’à l’intuition. Si cette singularité de parole sur le neutrum ne doit pas exclusivement et
irrévocablement être associée à de tels motifs heuristiques comme la recherche du Mot le plus important
ou du mot-pierre-philosophale, à la dialectique de l’enquête sur les médiations qui culmine dans le
retour de la Notion à elle-même, cela est d_ seulement à ce que l’heurésis structuraliste montre la
possibilité d’une abstraction non métaphysique, des notions «hautement transformées» auxquelles
d’ailleurs il n’est attribué aucun discours introducteur au caractère purement réflexif et critique, par
exemple le discours de la connaissance de soi comme cela est le cas parfois en philosophie.
Cela ne signifie pas cependant que l’intention heuristique conduisant à la formation des très diverses
notions de quelque chose de privilégié et de premier n’ait pas porté ses fruits dans la philosophie passée
sous la forme de notions qui dépassaient, par leur élasticité heuristique, les notions clés métaphysiques
ordinaires de la théorie philosophique comme l’être ou l’Absolu. Avant tout, ce sont les notions
formelles, auxquelles on assigne dans la théorie un certain rôle heuristique, qui sont à cet égard
signifiantes ; du côté de l’intention objective, on pose en général le sens de l’agent qui produit un
mouvement (le mouvement de la pensée et de l’être). La plus classique de ces notions est celle de Dieu
définie comme but métaphysique produisant un mouvement de création vers soi-même, et dans le même
temps comme objet de déterminations exclusivement négatives (la théologie négative). Plus avancée au
contraire dans le domaine de la réflexion heuristique est la notion de chose en soi avec sa fonction
heuristique particulière de renforcement de «l’objectivité» du discours transcendantal ou bien de rupture
de son inclination à l’autoréférence. Le plus grand apport de Kant dans ce domaine est cependant la
notion d’idée régulatrice en tant qu’agent formel de l’ordre rationnel unifié qui sert en même temps
d’instrument de sanction des prétentions fondamentales de cet ordre à l’objectivité - ce qui est
développé dans la dialectique transcendantale ainsi que dans la critique de la raison pratique qui se
servent toutes deux de cette notion d’idée régulatrice. De même, le formalisme («la régulativité») de la
notion d’idée régulatrice, tout comme l’heurésis de l’utilisation harmonieuse et parallèle de la notion
d’idée régulatrice en tant qu’idée (mode objectif) et de la notion d’idée régulatrice en tant que notion
(notion de la critique de la raison - mode formel) est lié au neutrum. La collaboration d’un discours
thématisant d’autres discours avec lui-même constitue en effet l’un des buts heuristiques essentiels de
l’élaboration de la notion de neutrum. La portée d’un tel but se considère en ce que les habitudes
heuristiques veulent qu’on traite des relations heuristiques entre deux structures notionnelles selon
quelques modèles simples : ceux de la théorie de quelque chose, de la réflexion sur quelque chose, de la
métathéorie, de la critique - reconnaissant l’espace séparant les deux structures comme l’espace de la
distance critique. La critique kantienne fut la première tentative d’équilibration de cette relation
heuristique réflexive simplifiée en intégrant la critique de la raison à son travail d’examen à l’intérieur
de cette même critique. Bien s_r, ce fut Hegel qui, le premier, considéra complètement la diversité des
relations d’un discours philosophique avec ses objets plus ou moins théoriques - les théories
philosophiques elles-mêmes comprises. La notion de médiation possède une signification décisive pour
un tel apprentissage. La notion générale de «ce qui effectue la médiation» serait une intuition très
importante qui enrichirait la compréhension du neutrum. Le neutrum en effet indique précisément et
distinctement sa qualité heuristique lorsque nous la comprenons comme le centre, l’origine ou encore le
noyau d’une médiation continuelle entre des notions, le centre de la formation de toutes leurs relations
réciproques. D’autre part, il faut se souvenir de la limitation présente dans la notion de médiation qui
renvoie aux notions corrélatives de savoir immédiat et de retour chez soi de l’Esprit en tant que
culmination de la réflexion philosophique. C’est pourquoi, il faut aussi prêter attention simultanément,
en relation avec cette notion de médiation, à l’autre notion de centre que donne la pensée structuraliste celle d’un centre comme faisceaux ou encore comme condensations dans lequel différentes notions sont
données ensemble à l’activité du travail de la différence, dans lequel aussi naissent des notions
«décentrées», des notions «déplacées» par rapport aux différentes notions métaphysiques
présentationnelles.
Ce qui vient d’être dit dans les paragraphes précédents au sujet du neutrum doit certainement produire
l’effet d’une introduction peu claire et créer cette impression qui d’habitude est à l’origine de cette
question : «Mais de quoi au juste s’agit-il ?» Elle ne peut être autre cependant sachant que le neutrum
n’est pas un objet de définition, qu’il ne se donne pas simplement comme un certain objet théorique lié à
une méthode de recherche déterminée qui se proposerait, qu’il se ne se laisse pas non plus saisir à
l’intérieur d’un «plan général» comme une chose ayant un simple statut ontologique ou heuristique (un
statut d’idée, de programme, de méthode, de notion opérationnelle etc.). Chaque récit sur le neutrum
constitue une entrée à l’intérieur du cercle énormément étendu des notions philosophiques qui sont à cet
égard privilégiées - l’entrée en un lieu fortuit et en même temps la présentation du neutrum dans son
travail spécifique pour qui le travail de la différence, le travail de la médiation et le travail de la
construction théorique à l’usage d’une théorie concrète - chacun séparément - représente un exemple ou
une manifestation.
L’explication sur le neutrum est dans un certain sens une explication de l’heuristique et proprement son
allégorie. Parler du neutrum voudra toujours dire être limité grammaticalement, et en cela plus
généralement heuristiquement, dans l’activité d’une parole sur un objet dans la signification de son
existence à qui se pose en outre la question de sa manière d’être. «L’heuristique» cependant dénote un
objet qui est un domaine de recherche et donc, la question, au statut général, relative à son type
notionnel, est une question «sur son statut cognitif», «sur sa méthode», «sur son emploi». Parler de
l’heuristique constitue une chance pour tout développement sur le neutrum en nous permettant de nous
arracher à la contrainte grammaticale qui nous le fait voir comme un certain être ; bien plus même,
parler du neutrum est une chance pour tout développement sur l’heuristique en nous permettant de nous
arracher à la contrainte d’une parole sur elle qui la considérerait comme une quelconque science (dont
on attendrait «une méthode», «un objet».). Le type de discours est cependant dans ces deux cas le même.
- il s’agit d’un type de discours, au fond, très spécial et considérant sa matière (et donc considérant les
besoins eux-mêmes de l’heuristique) contingent car il se conforme à des circonstances purement
internes qui veulent que l’heuristique ou bien encore le neutrum soient expliqués à quelqu’un.
L’impression que donne cette constante dérobade vis-à-vis d’une réponse claire, cette impression que
donne un propos qui s’occupe de tout en même temps, constitue la conséquence de cette circonstance
obligée, et il résulte de cette crainte que le lecteur veuille s’arrêter à cette circonstance particulière qui
est trompeuse en raison de sa prétention à une intuition universelle et qu’il se dise : «Ah ! Il s’agit tout
simplement de cela !» Malheureusement, ici aucun tout simplement ne peut tenir. Bien plus, nous
opérons sur un fond o_ ces habitudes ne sont plus opérantes, o_, bien plutôt, doivent se soumettre à
l’epochè certaines habitudes et banalités heuristiques au contact desquelles nous nous sentons en
sécurité et «intelligents». Les avertissements qui apparaissent avant toute recherche d’une «pierre
philosophale» – de la grande Notion, du Mot lui-même, de la machination qui conduit toute pensée vers
la vérité, ou bien aussi l’antidote efficace contre toute faute possible – appartiennent à ces habitudes, de
même que leur appartiennent les simples vérités heuristiques qui exigent de ne pas s’efforcer d’occuper
une position issue de «nulle part», de ne chercher ni Panopticon ni théorie du tout. Essentiellement, ces
avertissements sont comme des observations légitimes faites à un marcheur qui se dirige vers le sommet,
qui, en tant que bon marcheur, connaît bien mieux leur sens que quiconque et qui, malgré tout, continue
de marcher sans en avoir recours. Pour savoir pourquoi toutes ces remarques (et bien d’autres) sont
proprement légitimes et jusqu’à quel point, il faut s’enfoncer plus loin que ne l’exige la simple certitude
de leur légitimité, sans qu’il soit même déjà question de la simple compréhension de leur sens. Ma plus
grande crainte en écrivant le travail sur l'heuristique avait pour objet l’influence freinante des habitudes
et des banalités heuristiques et pourtant justement, cette ouverture au large espace des instruments
heuristiques ainsi que l’aptitude à se mouvoir parmi eux, l’aptitude à un jugement critique du champ de
leur emploi, constituent l’une des voies les plus importantes de ce travail. Je crois que les esquisses
heuristiques présentées sont un élément de la richesse de l’heurésis philosophique et ont permis de
parler d’elle sans avoir recours à des formes heuristiques simples telles que la «description», «la création
d’une théorie», «l’opération d’une réflexion critique». Les formes que doit prendre en considération
l’heuristique sont aussi riches que celle de l’heurésis de la philosophie elle-même ; elles doivent en effet
être contemporaines d’une avancée de la réflexion heuristique que l’heuristique rencontre dans la
philosophie.
Se mouvoir dans la multiplicité des idées, multiplicité o_ nul ne possède la priorité, excepté ce qui se
donne soi-même par rapport à son contenu et à l’idée de totalité qui apparaît dans un cas donné : cette
aptitude clé, nécessaire à l’explication de l’idée heuristique, se laisse maîtriser, d’une manière
spécifiquement condensée, dans le discours qui détermine la notion du neutrum.
La découverte du neutrum, s’il est permis d’utiliser le terme «découverte», est le résultat d’une
expérience intellectuelle qui met en évidence l’inaptitude de toute notion à occuper une position centrale
dans la pensée en général, de telle manière qu’elle reste avec toutes les autres notions dans une certaine
relation heuristique de type principale - subordonnée. Tout prétendant à une position absolue - ce peut
être une notion strictement métaphysique (d’un ordre purement objectif) ou formelle ou encore
méthodologique (comme la notion de méthode universelle) - sera expulsé par une notion clé du discours
o_ sera à l’oeuvre une réflexion portant sur sa position privilégiée. On atteint peut-être une certaine
extrèmité lorsqu’une notion est construite de telle manière qu’on n’y inclut rien de plus que ce qui joue
ce rôle privilégié - celui justement que l’on attend d’elle. Il n’est pas possible de préciser ici ce que peut
être ce «rôle privilégié» car il s’agirait justement d’une particularisation que l’on veut éviter. Dans
l’utilisation de ce terme cependant, nous n’évitons pas ses limitations spécifiques : celui-ci est
dépendant de la notion de ce qui est privilégié et, outre cela, de la représentation heuristique qui voit que
la généralité et le caractère formel de la notion sont la source de sa puissance heuristique et de son
emploi le plus large (au prix de la perte d’une signification distincte). Le neutrum apparaît justement à
ce moment-là, à savoir en tant qu’hypostase formelle de toutes les attentes heuristiques qu’on est en
droit de nourrir au sujet de la notion clé d’une théorie, une hypostase mise en cause dans le même temps
par un discours critique qui révèle le caractère inaccomplissable de sa prétention et l’impossibilité pour
une telle notion de postuler une existence positive. Considérons le neutrum comme une notion fondée de
cette manière dialectique - il s’agit en vérité de l’une des nombreuses manières possibles, se
différenciant des autres toutefois attendu les exigences de toute explication. Considérons de plus le
neutrum en tant que notion de quelque chose d’impossible ou bien en tant que notion d’utopie, la
détermination d’un projet qui s’est reconnu lui-même comme inaccomplissable : tout cela est très
particulier et très éloigné de l’idée d’une notion générale dont l’objet est ce qui se trouve dans une
théorie ou dans un système philosophique en position privilégiée. Nous ne pouvons pas parler d’un
neutrum «en général» et donc, en tant qu’objet du discours présent (le neutrum «en général» ne peut
signifier rien d’autre qu’un «neutrum ajouté à un discours conduit par l’idée heuristique de réalisation
des généralités») celui-ci est «impossible», il est une notion «de projet inaccomplissable» - le neutrum
est tel seulement dans le cadre précis d’un certain projet inaccomplissable dont le centre établit un
certain mode du neutrum4. Cette remarque suggère une observation importante, à savoir que le discours
qui s’efforce de défendre le neutrum contre tous ces reproches, et donc de défendre le sens de son
intégralité (les liaisons des principes aux différentes choses grâce à sa notion ou pour le moins grâce à
son nom) doit le donner comme une certaine multiplicité de notions dont les éléments particuliers
assument pour ainsi dire en eux et prennent sous leur responsabilité tout défaut. Le neutrum, en accord
avec cette intuition, est «quelque chose au-dessus», il reste intact malgré les échecs, que soumettent ses
modes. Cette proposition répond à la vision métaphysique d’un être qui est lui-même général par
essence mais qui rentre dans des relations particulières avec d’autres êtres : il se manifeste en eux et crée
certains processus par lesquels nous nous efforçons de le connaître unilatéralement et en son
Le mot «mode» est ici évidemment le résultat d’un choix délibéré. La grammaire et la
syntaxe du neutrum constituent l’un des symptômes de la puissance créatrice de cette notion
pour la découverte des apparitions de l’heurésis philosophique. Le choix des catégories utilisées
par rapport au neutrum dépend bien s_r de la région du discours, de l’ensemble des notions dans
lequel nous nous retrouvons à chaque fois. Parfois donc, il sera possible de dire «le neutrum est
ceci ou cela», parfois il s’agira d’une manière parfaitement impropre d’énonciation ; parfois
encore, il sera possible de parler des qualités du neutrum, en un autre temps de ses modes ou par
exemple de ses phénomènes.
4
phénomène. Voilà comment se manifeste une proche parenté entre la notion purement formelle de ce
qui se trouve en position privilégiée dans le discours (notion dépendant de l’ordre de ce que l’on nomme
métathéorie) et une certaine représentation spéciale, objective (dépendant de l’ordre des constructions
métaphysiques). Voilà en quoi consiste justement l’activité heuristique du neutrum et plus précisément
son activité dans la sphère de l’heurésis structuraliste - parler du neutrum est un moyen de découverte de
relations structurales entre des motifs qui dépendent de différents ordres. Ici, nous découvrons justement
une relation entre la notion purement formelle, inaccessible autrement que par des particularisations
imparfaites (dont l’imperfection ne porte pas atteinte à son sens mais le masque seulement) et la
représentation métaphysique d’un être existant grâce à ses manifestations phénoménales mais qui aussi
les transcende.
Pour se rendre compte du mouvement particulier des notions qui provoque l’entrée du neutrum
dans leur milieu, il faut commencer par établir une liste d’exemples de notions «de différents ordres» objectif, «méthodologique», «logique» etc. - à qui sont liés, dans leurs discours mères, des attentes
heuristiques spéciales et à qui donc il est prescrit un rôle particulier à jouer. Il est probablement légitime
ici de donner la priorité aux notions les plus simples parce que mobilisées pour un simple usage
affirmatif et objectiviste. Suivent donc certaines notions strictement métaphysiques en qui l’on peut
soupçonner des ambitions heuristiques (en y trouvant une certaine chance de réalisation de la notion de
neutrum) : l’être parménidien, la qualité (poios) chez Anaxagore, l’atome, l’Idée platonicienne du Beau
et du Bien, l’entéléchie, le premier moteur, l’archè, l’Absolu, l’Un, la causa sui, la prima causa, le
principe, l’essence, le monde, la substance, la monade, la matière, l’esprit, le moi, le moi transcendantal,
la pensée, la volonté... Chacune de ces notions veut expliquer quelque chose, chacune fixe une instance
métaphysique, chacune trouve dans les autres un objet de conversion ou d’échange (un concurrent) qui
peut occuper sa place objectivement et dans le système. L’éclaircissement des rôles heuristiques joués
par ces notions crée une nouvelle série : quelque chose de premier, quelque chose de fondamental, l’être
premier, la notion clé, le fondement du système, le fondement du monde, une notion ayant à tout
expliquer, le début... La différenciation ordinaire entre suppositio formalis et suppositio realis, de même
que parler de notion d’une part et parler de réalité d’autre part, n’a plus ici presque de puissance
heuristique - au sujet des notions de la première série, on utilise les notions de la seconde série de
manière naturelle «en mélangeant les ordres» comme cela se dit parfois. Pourquoi en est-il ainsi ? Le
discours transcendantal l’explique et il n’y a pas lieu ici d’y revenir. Il est dit que «la causa sui est une
notion de l’être expliquant l’existence des autres êtres» ou bien il est dit que «la causa sui est un être
premier qui est en même temps la cause des autres êtres» : la formulation importe peu car ces deux
stylisations peuvent se retrouver dans un unique discours métaphysique cohérent. Les notions des deux
séries - répétons-le - se mélangent. De tels exemples de déplacements et de substitutions, même dans les
deux séries énumérées ici assez fortuitement et entre elles, de tels exemples de déplacements chaque
fois provoqués par une réflexion heuristique (et conduisant finalement à la possibilité d’une construction
dont le statut serait «ce qui lie tous les cas», celui d’un «analogue», d’un ensemble de «généralisations» conduisant donc au neutrum) il est possible d’en énumérer des dizaines. Le discours aux ambitions
heuristiques «essentialistes», contenant pour sa conception des «noyaux de problème», engage
cependant d’habitude des notions encore plus déplacées vers la réflexion, par exemple des notions de
l’ordre méthodologique ou métathéorique telles que : la notion, la vérité, la méthode, la logique (de
quelque chose), la philosophie, le système, la conception, la question, le problème, l’aspect, l’ordre
objectif et conceptuel, la connaissance, la réflexion, la critique, la naďveté, la preuve, le fondement,
l’objectivité, l’argument... Chacune de ces notions occupe parfois une place centrale dans le discours,
subordonne d’autres notions ou bien les supplante. Soit alors l’une des nombreuses séries possibles de
déplacements et de substitutions fondées et aux différentes formes heuristiques de réflexion :
i Commençons par la proposition métaphysique : «Si le monde est une totalité unique, il doit
avoir une cause unique.»
ii «La proposition i rejoint l’idée philosophique de totalité, d’unité et de genèse, et exprime une
tendance de la philosophie à expliquer, à l’aide d’un principe unique, tout à la fois dans son être, mais
cela signifie : dans son origine. L’essentiel de la proposition i, c’est le désir d’une explication suffisante
de tout à l’aide d’un seul principe.»
iii «La proposition ii suggère que de telles notions comme le monde, l’être, la totalité, se
présentent en tant que forme du tout qui, lui-même en tant que catégorie formelle critique, peut les
remplacer. Cette proposition voudrait subordonner à la notion réflexive ou encore métathéorique de
principe la notion de cause qui apparaît dans i, et certainement aussi toute notion qui aurait pu se
présenter à sa place (par exemple la volonté). Elle dit : il est question de la totalité, de principe et
d’explication. En jugeant cependant la proposition ii, si l’on voulait répondre à la question «qu’est-ce
qui importe au philosophe ?», il faudrait dire que c’est plutôt la réflexion critique qui lui importe, le
jugement, le discernement métaobjectif. Essentiellement, c’est justement ce qui intéresse toujours le
philosophe.»
iv «La proposition iii suggère que toujours le philosophe a en réalité autre chose à l’esprit que
ce qu’il dit ; seulement, il ne sait pas suffisamment s’en rendre compte. Pourquoi, cependant, ne pas
accepter qu’il dise ce qu’il dise ; cela veut dire : il pose une question qui lui paraît importante et cherche
sa réponse. Il faudrait plutôt revenir à la proposition i et au problème métaphysique qui lui est lié.»
v «Depuis la cause, en passant par le principe et la réflexion critique, nous sommes allés jusqu’à
l’idéal de «la question en son essence» et jusqu’à l’idéal de «la chose elle-même». Tout cela, cependant,
est toujours subordonné à la question «qu’est-ce qui est le plus important ?». Même la proposition iv
contient la suggestion que «la raison d’être» est en un sens plus claire que «la cause» - laissant
apparaître une disposition à expliquer cette supériorité par le don automatique d’un très haut rang au
critère théorique appliqué ici (en disant par exemple que la raison est une notion plus générale ou plus
critique car plus proche de la notion «de ce qui explique» en tant que généralité réflexive de cause). En
premier lieu donc, c’est la notion de ce qui est le plus général (le monde) qui est la plus importante ;
ensuite, vient ce qui crée (la cause) ; de même, ce qui explique (le principe) ; ce qui est situé à la base (le
problème lui-même, la chose elle-même) ; et enfin (dans cette phrase) - la notion de ce qui est le plus
important. La proposition iv ne veut croire en aucun «motif caché» dont la connaissance nous fournirait
quelque chose du genre d’un savoir secret, d’un savoir d’une espèce supérieure. Elle-même cependant
avance sa chose la plus importante : la chose elle-même. Mais peut-être pourrait-on quitter le territoire
de ce qui est le plus important (premier, décisif ou aussi pleinement critique, universel) et attaquer le
sujet de ce qui est peut-être plus particulier mais réellement intéressant pour nous en tant que «quelque
chose du monde», quelque chose de concrètement problématique.»
Par un commentaire heuristique assez sophistiqué, nous sommes revenus de nouveau aux
notions métaphysiques ordinaires : le monde, et par supposition : l’empirie, des questions concrètes que
nous pose la réalité ; en un mot - nous et le monde. Cela est étrange mais combien sont fréquents les
conflits entre une réflexion médiatisante compliquée et une forme heuristique naďve de l’usage objectif
et affirmatif des notions. Le neutrum parcourt toutes les propositions et y apparaît en tant que notions de
différents «ordres», ou plutôt constituant différents «ordres». Cela se passe toujours par suite d’une
réflexion heuristique. Nous adoptons ici cependant une règle de parole sur le neutrum qui veut qu’il ne
puisse être subordonné à rien. C’est pourquoi nous interprétons aussi les représentations heuristiques de
partage du champ discursif en «ordres» (objectif, méthodologique, notionnel, etc.) comme permettant
l’intuition du neutrum en tant que «souverain des ordres», l’origine de leur partage et de leur hiérarchie.
Bien s_r, il s’agit d’une détermination très abstraite. Il est toutefois possible de parler ainsi des séries de
modes du neutrum qui établissent différents critères de hiérarchie : la réflexivité, la généralité,
l’abstraction, la critique.
Il ne faut pas avoir l’illusion que la réflexion heuristique en tant que type d’opération de la
pensée médiatisant des transformations structurales dans la sphère des discours philosophiques soit liée
par essence à l’intuition du neutrum, qu’elle soit irrévocablement sa conséquence. En ce sens, le
neutrum n’est pas indispensable, il est possible pour le savoir philosophique de s’en passer sans
dommage. Il est possible de dire la même chose de l’heuristique en général. Cela veut cependant dire
que si l’on pense l’heuristique et le neutrum du point de vue de l’heurésis méthodologique, d’un point
de vue technique, cette dernière doit se légitimer en montrant la valeur de l’outil que l’on réussit en
vérité à négliger mais qui reste néanmoins adéquat et de valeur. Seule la pratique intellectuelle peut
décider ici ; la question de savoir pourtant si l’heuristique et la question du neutrum peuvent être
intéressantes en elles-mêmes, et pas seulement dans leur subordination à l’heurésis méthodologique, est
une affaire justement d’intérêts. L’introduction toutefois en chaque occasion dans la philosophie d’une
nouvelle notion fortement abstraite et de la question «pour quoi faire ?», tend à retirer l’intuition
dominante du neutrum de la sphère de la pensée méthodologique.
Du point de vue de l’heurésis structuraliste, nous avons au fond la notion généralisée de «l’objet
= x», conçue dans le cadre de l’établissement d’une «source» de la différenciation - le neutrum génère
(différencie) différentes séries et les parcourt en ne s’inquiétant d’aucune détermination dominante - non
pas en tant qu’être (dans la série métaphysique) à propos duquel on pourrait poser la question «comment
existe-t-il ?», pas non plus en tant qu’instrument théorique dont on pourrait poser la question «pour quoi
faire ?». Généralement, le neutrum appartient à l’intuition heuristique de la source et, dans le même
temps, à «ce qui se dérobe, ce qui reste insaisissable» («la différence de la différence elle-même», qui
est analogue à «la praxis de la praxis elle-même», au «trope de tous les tropes», au «style des styles», à
«la méthode des méthodes», à «la question des questions» - se crée ici complètement la série dense des
modes du neutrum). Dans la sphère de l’heurésis méthodologique, c’est pour ainsi dire le contraire : le
neutrum crée une série qui, du point de vue des représentations fondamentales pour cette forme de
pensée (la réalisation à l’aide d’une certaine méthode de certains buts cognitifs) différencie la notion de
but. Le neutrum se présente ici comme une série de notions se rapportant au résultat de la connaissance,
telles que la vérité, la connaissance, le savoir, la connaissance de soi. La substantialité grammaticale du
neutrum les apparente particulièrement, par suite, aux hypostases de but dans la figure de la
représentation d’un état de plénitude du savoir et de la connaissance de soi, d’une notion clé pour tout
problème et du traité philosophique idéal. Le neutrum apparaît donc ici comme une idée régulatrice pour
toute connaissance conçue en fonction de son utilité. Telle est, dans le même temps, l’idée d’instrument
heuristique universel (méthodologique) dont la domination est identique à la réalisation d’un but (de la
connaissance comme but). La parenté avec «un élément privilégié dans le discours» est ici évidente cette dernière intuition apparaît être la clé de vo_te heuristique qui tient ensemble la pensée
méthodologique et le structuralisme.
Comme la force et la prétention à l’universalité des nombreuses notions et des représentations
heuristiques sont contraignantes, il est très difficile de faire l’expérience de ce besoin théorique
d’introduction de la notion du neutrum. Le développement des cinq propositions, presenté ci-dessus,
montre plus le travail du neutrum qui juste auparavant a été fondé qu’elle ne trace la voie discursive du
processus de constitution de la notion. Si nous devons montrer le neutrum comme quelque chose
d’important et de nécessaire, il faudra évidemment rester dans la sphère de l’heurésis de «ce qui est
privilégié». Prenons donc certaines notions de totalité, celle de premier objet de la connaissance et de
fondement métaphysique, puis conférons leur la forme générale d’un argument (dans une figure
première et naďve) qui les institue et qui les lie au discours dominant d’un système de pensée possible.
i «Ce sur quoi doit s’arrêter l’attention philosophique en tant que premier objet, c’est l’être.
Tout en effet existe d’une certaine manière et quel que soit ce dont nous parlons, nous parlons d’un
être.»
ii «L’objet de la philosophie, c’est la pensée elle-même. Tout nous est donné dans la notion et
par ses notions ; il n’y a pas d’autre objet que l’objet de la pensée.»
iii «La clé de la compréhension de tous les phénomènes, psychologiques, spirituels, culturels,
c’est la connaissance des lois de la nature. Les phénomènes physiques sont en effet à la base de tous les
autres qui en dépendent complètement et que nous pouvons connaître seulement en nous déplaçant des
questions fondamentales de la nature vers les formes les plus avancées d’organisation de la matière qui
permettent la conscience et tout ce qui est liée à elle.»
iv «Pour comprendre le monde qui nous entoure, nous devons directement revenir à Dieu en qui
tout prend son origine. La première vérité sur le monde est qu’il est une création.»
v «Pour connaître le monde, il faut d’abord se rendre compte de ce qu’est la connaissance
possible en général et par conséquent quelle est cette méthode infaillible (si elle existe) pour acquérir
cette connaissance.»
vi «Tout ce que nous savons, et savoir nous le pouvons, se donne comme sens. La
compréhension de ce qui est et de ce qui en général peut être un sens intelligible, et donc la
compréhension de ce qu’est la connaissance comme telle, son résultat possible et la relation entre l’être
transcendant de leurs corrélats, saisi dans les sens objectifs, et ces derniers - c’est le devoir de la
philosophie dans la formulation critique.
vii «Le philosophe doit en premier lieu se rendre compte que toutes ses aspirations cognitives et
les possibilités de leur réalisation sont déterminées par le fait que le sujet humain se tient devant le
monde en tant que sujet connaissant. Ce qui est essentiel pour l’homme doit lui être rapporté et conçu
dans sa médiatisation en propre et dans sa relation à l’homme. Le début de la philosophie, c’est
l’homme.»
viii «La connaissance philosophique est toujours dépendante de notre attitude cognitive,
historiquement formée, et de l’ensemble des notions dont nous disposons ; elle est toujours une
assimilation et une transformation de la tradition. Relever cette effort en toute conscience, c’est
l’aptitude de recherche correcte, ouverte, non dogmatique et critique du philosophe.»
ix «Tout ce qui peut nous parvenir comme chose signifiante, en cela aussi tout ce qui peut
prétendre au statut de connaissance, constitue un sens linguistique. Le langage décide aussi de ce qui
possède un sens et de ce qui n’en possède pas. La connaissance de la nature des phénomènes
linguistiques est une condition de l’effectuation de l’appréciation du sens et du statut cognitif de toute
proposition qui outrepasse l’usage naturel des mots. La philosophie première, c'est la philosophie du
langage.»
x «Le devoir premier de la philosophie, si elle veut produire une connaissance certaine, consiste
en l’apprentissage de la reconnaissance de prémisses dissimulées dans chaque pensée, puis en
l’élaboration d’abord des instruments d’une pensée non dogmatique, libérée de tout préjugé, puis
d’opinions résolues à l’avance (trop rapidement ou bien tout à fait inconsciemment) possédant une
signification décisive pour les questions dont nous nous occupons en philosophie.»
xi «Il ne faut pas rester sur l’illusion qu’il se trouverait quelque chose d’absolument premier qui
pourrait servir de fondement, d’origine et de clé à toute connaissance. Il y a beaucoup de prétendants à
une telle position et la rivalité qui existe entre eux ne disparaîtra jamais de manière définitive. Cela
concerne du reste toute connaissance parce que le fait fondamental pour la connaissance philosophique
est ce qui naît dans le débat, dans la discussion. Les conditions transcendantales de cette intelligence, de
ce dialogue, constituent la situation formelle et positive de l’entreprise philosophique.»
L’être, la pensée, Dieu, la Nature, la connaissance, l’homme, la tradition, le langage - il serait
possible d’énumérer beaucoup plus encore de notions se soumettant à différentes formes de
renforcement (de totalisation, d’absolutisation, de radicalisation) dans la recherche d’un discours
dominant. La concurrence qui s’exerce entre elles est une concurrence qui met en jeu différentes
représentations heuristiques dans lesquelles les idées d’origine, de fondement, de principe, de but ou
bien de totalité sont associées aux idées d’expérience, d’activité, de réflexivité, de critique, de validité,
d’essentialité, d’indéterminé, etc. La sensibilité à l’ensemble des idées qui se présente au premier plan
décide de la supériorité d’un discours sur les autres. Il n’est cependant pas question qu’un quelconque
discours dominant soit soutenu dans sa vérité ou bien «pacifié» par un discours principal ordonnant. Se
servir dans une réflexion heuristique bien avancée de la formulation médiatisée : «discours
profondément fondés sur le renforcement» ne change rien ici ; elle permet au plus d’ajouter le point xii
«concernant le point de départ en philosophie, il faut commencer par la distinction des cas entrant dans
le jeu de l’accomplissement de la radicalisation, de la totalisation etc., puis continuer par la distinction
des notions différentes et celle des discours variantes, liés à ces dernières, qui dominent dans la
philosophie». La similitude fonctionnelle entre tous les discours dominants (justement en tant qu’ils sont
«dominants») est une expression trop faible, manquée, du lien avancé ici. De même, la question de
savoir ce qui relie tous les cas (et d’autres nombreux) est trop faible et ne répond pas cette situation
heuristique particulière qui est le manque de possibilité de différenciation des instruments heuristiques
(comme la généralisation ou la recherche de similitudes) dans le but de se défendre d’une situation
théorique apparaissant. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas chercher des similitudes et
généraliser, mais cela veut seulement dire que, en ajoutant de cette manière une autre ligne à la suite
(contre l’intention de produire une appréciation principale) nous essuyons en un certain sens une défaite
et nous ne nous rapprochons pas de la compréhension de la situation. Il est juste certainement, pour cette
raison, de renoncer au privilège d’un quelconque instrument heuristique, sans parler des notions
particulières privilégiées. Pour satisfaire à cela (et nous retrouvons ici une idée heuristique très
élémentaire - celle de l’ojectivité dans le sens d’impartialité) il faut dire que dans toutes les propositions
présentées, le propos possède en un certain sens le même objet, ou dire aussi que toutes expriment la
même chose, à cela près que nous ne devons plus préciser en termes détaillés ce que c’est, ni en quel
sens il s’agit de la même chose dans tous les cas. Si nous devions ajouter quoi que ce soit d’autre, alors
la condition d’imprécision devrait être affaiblie de telle manière que nous en restions à cette fuite dans
notre façon de parler pour ne pas déprécier la prétention d’un élément quelconque d’un discours
dominant à la validité.
Il nous est donc permis de dire par exemple que chaque cas, en restant insensible à la
destruction des influences de tout discours interne, se maintient dans la similitude de la tautologie, que
chacun contient son «moment tautologique» spécifique. Dans cette notion de moment tautologique
cependant, il n’est pas question d’indifférence du contenu ou de forme tautologique logique mais de la
propriété heuristique formelle de chaque discours dominant en tant qu’il crée les conditions optimales,
si possible les plus commodes, pour l’apparition d’une certaine notion (par exemple la notion d’être, de
langage etc.) ou encore d’une certaine forme heuristique (par exemple celle de réflexion, de critique, de
métaobjectivité, d’infondé) dans un usage purement affirmatif, paradigmatique. De cette manière, toute
notion principale devient la souveraine légitime de son discours mère. Ses prétentions sont cependant
universelles et non limitées à un seul discours. Pour satisfaire en un certain sens à ces prétentions, et
donc pour rester loyal dans la relation au contenu immanent de tout discours dominant (malgré leur
exclusion réciproque) il faut conférer au «moment tautologique» un sens «généralisé» ou «analogique»
(en l’occurence, ce n’est pas le principe d’unité qui est ici important) de manière que chacune de ses
«réalisations» soit une manifestation indispendable et irremplaçable - se suffisant à soi-même et ne se
soumettant à aucune détermination de lieu dans la hiérarchie (par exemple hiérarchie de la naďveté, de
la critique, des degrés de développement de l’esprit etc.), à moins que certains discours dominants ne se
servent pour leur propre usage de la hiérarchie. Ici seulement - au confluent des idées heuristiques
d’indifférenciation, de non engagement, de respect pour les prétentions immanentes des discours, dans
les conditions d’une démission vis-à-vis de la domination des formes heuristiques ordinairement
privilégiées dans la philosophie : la réflexion, la critique, le discernement méthodologique etc. - se
développe la notion de neutrum. Il apparaît cette fois-ci comme une notion du moment tautologique,
comme une notion de principe ou de source de l’évidence des discours dominants. En l’occurence, le
fait qu’une telle propriété heuristique de la notion, comme «s’indiquer les autres modes de soi-même»
sans exiger pour l’un d’eux une primauté absolue, mérite d’être liée à une construction théorique ayant
un nom propre (qui serait un néologisme) est une circonstance parfaitement accidentelle ; toutefois il
n’en est pas autrement. Si la philosophie était autre, il serait peut-être possible, à l’aide de la notion de
neutrum (ou encore du neutrum nommé d’une manière différente) de «sauver» les autres formes
délaissées de l’heurésis.
Si nous avons déjà montré le déplacement et les substitutions réciproques des notions des
différentes séries (qui montrent, à notre avis, le travail du neutrum qu’il s’agit de reconnaître en son
phénomène) ainsi que le type spécifique de l’unité des discours dominants (qui nous conduit à
l’intuition du neutrum), il faut alors maintenant présenter la puissance heuristique du neutrum en tant
que notion consciemment utilisée. Le meilleur moyen pour cela consiste à provoquer le mouvement des
notions et des substitutions opérées par l’idée de détermination du neutrum - dans ce mouvement, des
notions et idées très différentes révéleront leur lien heuristique. Bien s_r, en parlant dans ce contexte du
neutrum lui-même, nous obtiendrons un profit parallèle en approfondissant la compréhension de cette
notion :
i Le neutrum est un objet privé de caractéristiques.
ii Le neutrum restera «neutre» par rapport à l’objectivité comme telle ; parler de lui, dire qu’il
est «un objet d’un certain genre» ne possède qu’un sens conventionnel. Son trait indéterminé (neutre) il
est cependant possible de l’exprimer assez bien par la privation de toute propriété, de même que par
l’affirmation qu’il a droit à toutes les propriétés qu’on lui attribue.
iii Les caractérisations i et ii font assez malencontreusement du neutrum quelque chose de
semblable aux objets métaphysiques, font de lui justement un certain «quelque chose». En attendant, le
sens propre de ces deux caractérisations veut que le neutrum constitue une construction absolue, un
objet théorique extrèmement plastique à partir duquel pour ainsi dire on peut faire «tout ce que l’on
veut» et grâce auquel, ce qui se forme malgré tout comme une certaine détermination dans le cours de
ces opérations arbitraires prend la valeur particulière de la vérité de quelque chose de
transcendantalement nécessaire.
iv Le neutrum en tant que pure construction est une pure idée régulatrice fondée qui se retire
abstraitement de tout but discursif, quel que puisse être ce but dans des cas concrets.
v Le neutrum donc est l’idée générale de «ce qui est bon» ou «désiré» dans la pensée lorsqu’il
est compris dans sa perfection, dans sa forme pure d’effectuation de «ce qui est désiré».
vi Qu’est-ce que n’est pas le neutrum ? Il est tout ce qui n’est pas dans un certain sens «ne...
que». Autrement dit, les caractérisations du neutrum qui lui reconnaitraient des limites ou celles qui
déprécieraient d’autres caractérisations reposant sur l’effort de rendre la variété, la contenance et la
nature «esquive» de cette notion ne sont pas légitimes.
vii Quel est en conséquence la relation du neutrum au principe de non-contradiction ?
Essentiellement, ce n’est pas la contradiction nominale logique de deux caractérisations du neutrum qui
soulève l’une d’elles, mais plutôt une brèche, en tant que caractérisation, qui peut oeuvrer dans la série
des caractérisations liées entre elles dans le développement heuristique. Si le principe d’une suite de
caractérisations est l’imitation de la déduction, elles ne peuvent bien s_r être ensemble, en aucun lieu,
logiquement contradictoires ; si ce principe est dialectique, elles peuvent être contradictoires dans le
sens de la dialectique ; si cependant le premier principe est celui de nous rapprocher d’une intuition
spécifique d’une manière arbitraire mais efficace ou encore d’une attitude heuristique o_ apparaît la
nécessité de la notion de neutrum, alors la liberté formelle du discours devient particulièrement grande.
viii Il est possible donc de croire que la notion de neutrum est née seulement dans le but de le
caractériser et sur cette voie (justement grâce à l’analyse de ce discours) effectuer des observations sur
différents phénomènes heuristiques. Ce motif apparaît réellement important ; il conviendrait par suite
d’adopter une caractérisation du neutrum comme «pure inconnue», «pur objet d’investigations»,
hypostase de toute finalité de la pensée. La question de la possibilité d’une autre manière de parler du
neutrum se pose cependant autrement que sous la forme du questionnement qu’est-ce que c’est ? Il faut
remarquer à cet égard que tout intérêt porté à ce qui est étranger commence par la question «Qu’est-ce
que c’est ?» et les formes heuristiques plus complexes se développent au fur et à mesure des recherches.
Il ne peut en être autrement dans le cas du neutrum. Son origine est à saisir dans un certain jeu
intellectuel que l’on peut peut-être légitimement nommer «jeu du “qu’est-ce que c’est ?”» ; la «fin» de la
problématique du neutrum se trouve cependant en chaque point central et de bifurcation de la
philosophie - en ses notions les plus importantes, ses formes du discours, ses arguments, etc. ; le jeu du
neutrum est en effet jeu de ce qui est important.
ix Si le problème du questionnement apparaît à l’égard du neutrum, il faut alors dire que le
neutrum, ne permettant pas qu’une question qui lui serait posée (par exemple «qu’est-ce que c’est ?»,
«en vue de quoi ?») devienne dominante et limite son sens, produit d’abord l’idée «de question au-delà
de toutes les questions», «de questions des questions», «de question toujours justement posée, toujours à
sa place», ensuite, corrélativement, l’idée de quelque chose qui serait l’objet de la question idéalement
posée. L’émergence de cette idée, comme il est possible de le remarquer, est rendue ici dans la pratique
qui naît de la parole sur le neutrum (ayant la force d’une décision purement formelle et stylisticogrammaticale) par la reconnaissance d’une idée donnée en tant que caractérisation ou mode (ou encore
justement une idée) du neutrum. C’est pourquoi également, en disant que le neutrum est la question des
questions, nous devons dire aussi qu’il est objet de cette question et par suite sa réponse - la notion de
question fait en effet advenir ces deux idées. Immédiatement, il s’impose qu’il est en même temps
réponse de la réponse, réponse à la question des questions (et donc de nouveau noyau et but du savoir
désiré).
x Des motifs heuristiques récurrents se donnent dans la parole sur le neutrum, à savoir
particulièrement l’habitude de mettre en relation ce qui est important, ce qui doit être découvert, avec les
intuitions métaphysiques : le début et l’origine, le but, la perfection, l’idéalité, ainsi que bien s_r la
substantialité. Il se construit donc autour du neutrum une série métaphysique établissant des liens
organiques entre certaines intuitions métaphysiques. Nous possédons en effet dans le neutrum un but, un
principe, une origine, quelque chose de parfait et d’une manière générale «quelque chose», c’est-à-dire
un objet. Il se construit parallèlement cependant une série antimétaphysique : dans toutes les
caractérisations qui contiennent l’indéterminé, l’indifférencié, la dissolution ou la dérobade du neutrum.
Dans le cadre de cette caractérisation donc, dans lequel est situé le discours sur ce point (le neutrum
comme ce qui est important, privilégié) nous découvrons dans la notion du neutrum une tendance à
hypostasier des motifs heuristiques d’un genre absolument autre : lier ce qui est important à
l’insaisissable, à une menace issue de trop de caractérisation particulière (qui masquerait d’autres
aspects), à l’obscurité et à l’inaccessibilité cognitives.
xi Chaque caractérisation du neutrum étant corrélative d’un certain motif heuristique, on peut
dire de cette manière que le neutrum trouve sa propre caractérisation comme motif heuristique régissant
un discours donné. Autrement dit, un modèle heuristique (certainement pas unique) de découverte de
nouvelles caractérisations du neutrum se propose ; en accord avec lui, le neutrum est à chaque fois
caractérisé comme le principe heuristique d’un discours donné (exprimé grammaticalement au moyen de
la caractérisation d’un certain objet) tant que ce principe doit occuper la place de la notion clé du
discours. Si par exemple le discours concerne les conditions de rectitude du discours, sa catégorie clé les qualités logiques - peut être remplacée par le principe heuristique de ce discours qui est
autoréférence ou réversibilité (les principes de développement du discours obligent aussi le discours sur
ces principes) ; l’autoréférence ou la réversibilité deviennent alors caractérisation du neutrum, une
caractérisation qui trouve du reste son équivallent dans la série métaphysique, dans quelque chose
possédant la caractéristique d’un trou noir. Suivant ce même principe, il est possible de transformer les
motifs heuristiques de réflexivité (le neutrum comme connaissance de soi) de critique (le neutrum
comme pensée connaissant pleinement ses propres conditions de possibilité et d’effectuation), d’infondé
(le neutrum comme pensée de l’infondé), de la syncréticité (le neutrum comme idéal encyclopédique,
comme idéal d’omniscience), etc., en caractérisations du neutrum. L’emploi de ce principe à l’occasion
du discours présent produit une certaine caractérisation du neutrum comme principe heuristique de
remplacement par le principe heuristique du discours sa notion clé ; dans une stylisation substancielle
(caractérisations du neutrum en tant qu’objet) il faudrait saisir de cette manière que le neutrum est l’idée
de notion clé du discours en tant que notion de son principe heuristique.
Assez peut-être de cet exposé sur le neutrum en ce point du développement. Son utilisation pour
d’autres problèmes est plus convaincante que ce qu’il est lui-même. Son emploi ne sera cependant
encore rien d’autre qu’une parole au sujet du neutrum lui-même, mais relativement à un problème qui
nous intéresse concrètement. La puissance heuristique du neutrum se dévoile en effet justement, comme
nous l’avons déjà dit, dans sa «caractérisation». Cette activité fournit comme une revue condensé des
motifs heuristiques, une topologie heuristique de la philosophie, en montrant des lieux en lesquels des
notions et des trames de pensée successives surgissent, se lient ou se séparent. Suivre à la trace le
neutrum constitue tout simplement une pensée philosophique sous-tendue par une réflexion heuristique
qui, accidentellement seulement, dans le cadre de la présentation de cette notion, peut être associée de
manière suspecte à l’heurésis de la gnose.
Téléchargement