A - L’évolution de la notion de « grand homme » révèle une évolution politique
Le Panthéon est un témoignage de l’histoire politique et culturelle et des innovations
majeures de chaque époque, grâce à la « panthéonisation » qui permet de rendre un hommage
symbolique aux personnalités ayant marqué l'histoire de France par leur combat et leurs idées. Il
existe une évolution de la notion de grand homme. La plupart des premières personnalités à être
« panthéonisées » par l’Assemblée constituante se sont illustrées dans la lutte contre
l’absolutisme et ont contribué à l’affirmation des valeurs d’égalité et de liberté issues de la
Révolution, par exemple des philosophes des Lumières, précurseurs de la Révolution, comme
Voltaire et Rousseau, ou des acteurs directs de la Révolution, comme Mirabeau. Il s’agit d’inscrire
la Révolution dans la mémoire, c’est-à-dire dans l’histoire, de rompre avec le passé et de marquer
l’avènement d’une nouvelle ère et d’une nouvelle société.
Pendant la 1ère République, ce sont des martyrs de la liberté qui sont panthéonisés afin d’inscrire
la Révolution dans l’actualité immédiate, et d’assurer l’immortalité à ceux qui ont sacrifié leur vie
à la République et à la patrie, par exemple, Marat, créateur du journal révolutionnaire L‘Ami du
peuple, et qui a été assassiné pour son action.
Le 1er Empire rend hommage aux grands serviteurs de l’État, fonctionnaires civils, militaires et
religieux : Tronchet (qui a contribué au Code Civil), Portalis (figure marquante de l’Édit de
tolérance), Caulaincourt (grand militaire). La panthéonisation permet d’inscrire le régime dans la
continuité de la Révolution et de marquer ainsi sa légitimité même si c‘est un nouveau culte qui est
instauré, notamment un culte civico-religieux autour du service du nouveau régime.
Sous la 3ème République, la solidité du régime, qui a réussi à s’enraciner, s’illustre par un
hommage à ses fondateurs, comme Gambetta, et elle s’affirme comme une république des talents et
du sacrifice, avec la panthéonisation de nombreux hommes politiques, savants, écrivains et
émancipateurs comme Victor Hugo, Carnot, Marcellin Berthelot, Émile Zola, Jean Jaurès, Braille.
Il s’agit d’inscrire la reconnaissance de la nation dans une politique de la mémoire, de rendre
l’immortalité accessible à tout citoyen ayant mérité de la patrie par sa vie ou par sa mort, pour
élaborer un rituel d’éducation républicaine visant à élargir les bases de l’unanimité nationale.
B - Des symboles révélateurs des différentes conceptions de l’État
Chaque pouvoir en place utilise la destination de cet édifice comme l'affirmation de sa
conception de l'État, et en particulier de son rapport avec le pouvoir religieux.
Les différents éléments des décors intérieur et extérieur, tour à tour chrétiens, patriotiques,
républicains, francs-maçons, philosophiques, rendent compte des choix politiques de chaque
période. C’est donc non seulement la fonction de l’édifice qui a successivement changé, mais aussi
son aspect.
En 1791, après la Révolution française, les symboles religieux sont enlevés et le fronton est
modifié pour accueillir un motif révolutionnaire représentant la Patrie couronnant la Vertu, tandis
que la Liberté écrase le Despotisme, et qu'un génie terrasse la Superstition.
Au-dessus des portes latérales sont posés deux bas-reliefs : « L'Instruction publique » et « Le
Dévouement patriotique », symboles républicains. Le monument est donc jusqu’à dans son décor,
l’incarnation de l’aspiration républicaine.
Sous le 1er Empire, dès 1806, Antoine Gros réalise une peinture représentant l'apothéose de sainte
Geneviève, dans laquelle l'Empereur occupe une place importante, tenant à la main le Code civil
français. Le monument conserve sa fonction religieuse, mais au profit du pouvoir de Napoléon.
Avec la Restauration, le fronton est de nouveau modifié pour représenter une croix de pierre au