CHOIX DE LA PIECE
(extrait du dossier. Jean Godel)
“ J’ai découvert cette pièce en 1986. J’ai été surpris (et séduit ! ) par l’écriture dépouillée,
décapante, qui sert parfaitement l’alliage entre burlesque et pensée philosophique qui caractérise le
texte. Depuis lors, l’idée de monter Romulus ne m’a plus quitté.
Par la suite, j’ai constaté que cette pièce n’était que très rarement montée en français à ma
connaissance, alors qu’elle l’est beaucoup plus en allemand. Autre surprise : l’ensemble de
l’oeuvre théâtrale de Dürrenmatt est étonnamment peu jouée en Suisse romande et quasiment
inconnue en France ; alors qu’en Suisse alémanique et en Allemagne les pièces de Dürrenmatt ont
été presque toutes portées à l’écran.
Mais ce que j’aime avant tout, c’est l’audace du propos : Romulus le Grand est une pièce sur le
choix d’un homme, sur sa responsabilité. Responsable, Romulus l’est car il donne une réponse à
une situation dramatique (la fin d’un empire, le déferlements des Barbares). Réponse surprenante
cependant, car allant à l’encontre d’une pensée unique distillée depuis la nuit des temps par ses
pairs (une vision très traditionnelle du pouvoir, de ses objectifs et des moyens de les atteindre.
Réponse surprenante enfin, puisque guidée par l’intelligence d’un homme de coeur. Je vois dans ce
choix courageux, dans cette audace, dans cet engagement sacrificiel (il perdra tout, les siens et le
pouvoir) la trame véritablement forte de Romulus le Grand.
Peu importe de savoir quelles prolongations contemporaines l’on trouvera à ce texte. L’exercice me
paraît stérile. Beaucoup seront séduits par l’écriture acérée de Dürrenmatt. D’autres apprécieront la
furieuse drôlerie de la parabole, drôlerie qui rend encore plus puissantes les paroles du poète. En fin
de compte, c’est bien plutôt notre époque, riche en pensées uniques et en idéologies, qui va à la
rencontre de ce texte prémonitoire écrit au lendemain de la seconde guerre mondiale. ”
RESUME DE LA PIECE
C’est sans doute le comique absolument irrésistible de la farce qui réjouit d’emblée. Imaginez le
dernier empereur de Rome qui, désabusé, néglige la conduite de l’empire, au profit de la conduite
bien plus jubilatoire d’un élevage de poules. L’aviculture comme palliatif à la dictature.
Dürrenmatt s’amuse, il s’en donne à coeur joie.
Mais comme l’écrivain est grand, la farce n’est qu’un prétexte et les mots deviennent profonds, ils
se font inquiets, ils se nourrissent de la folie des années de guerre et de totalitarisme, à l’issue
desquels ils ont été écrits.
Cinquante ans après sa parution, l’avertissement visionnaire de Dürrenmatt déconcerte encore et
toujours, malheureusement. Les pensées uniques de cette fin de siècle l’ignorent avec arrogance.
Les répliques de Romulus n’en sont que plus poignantes. Cependant, grâce à l’entremise décapante
de l’humour, la pièce de Dürrenmatt nous invite à porter un regard d’homme libre sur le monde.
LES COMEDIENS