BELGIQUE - Géographie et économie politique
Prise de vue
Pays de dimension assez réduite (30 521 km2), la Belgique comptait
cependant neuf millions neuf cent quarante-sept mille huit cents habitants en
1990 ; la densité est donc très forte : 326 habitants au kilomètre carré. C’est le
neuvième exportateur mondial (3,88 millions de dollars au kilomètre carré ; en
France : 0,38) ; le P.N.B. par habitant la place au quinzième rang mondial. Anvers
est le deuxième port d’Europe. Au Moyen Âge et au XVIe siècle, cette région était
l’une des plus riches, sinon la plus riche, d’Europe. Les raisons de cette puissance
sont à chercher dans la circulation, le commerce et la ténacité de ses habitants. La
géographie physique joue son rôle, mais l’histoire a souvent fait varier les
frontières ; le tracé actuel est récent (1839). Des problèmes linguistiques et
culturels s’ajoutent aux coupures politiques et économiques pour opposer Wallons
et Flamands, de part et d’autre de Bruxelles, mais les arguments ne manquent pas
pour défendre l’unité, et cette dualité présente, quoi qu’on dise, des avantages
certains.
1. Le cadre géographique
Un pays peuplé, urbanisé, mais divisé
La Belgique a les traits propres à l’Europe du Nord-Ouest : une
population de l’ordre de 10 millions d’habitants et une densité, en 1990, de
326 habitants au kilomètre carré. Ce peuplement abondant existe depuis le Moyen
Âge. Les chiffres ne varient guère actuellement car la fécondité est faible (1,6), la
population vieillit, et il faut faire appel à des étrangers, qui constituent 9 p. 100 de
la population (Italiens, Marocains, Turcs). Dans le sud-est du pays, la plus grande
partie de la région wallonne, les densités sont inférieures à 100, mais, dans la
partie flamande, elles sont généralement supérieures à 300. Les plus fortes
densités dessinent deux lignes : l’une, ouest-sud-ouest - est-nord-est, est l’axe
Haine-Sambre-Meuse ; l’autre, nord-sud, est l’axe ABC,
Anvers-Bruxelles-Charleroi.
Les campagnes ne se sont généralement pas dépeuplées, les densités
y dépassent 100 ; on y trouve encore des services, et la ville n’est jamais loin ;
elles restent peuplées grâce aux industries disséminées et grâce aux rurbains, qui
vont travailler en ville. Le contraste ville-campagne y est atténué (sauf en Ardenne
et en Campine).
Les villes sont un autre trait majeur : aucune d’entre elles n’a atteint une
taille démesurée, mais il y en a un très grand nombre qui ont des pouvoirs et
offrent des services. Dans cette région du monde, la bourgeoisie urbaine a acquis
des pouvoirs étendus face aux princes et à l’Église dès les Xe et XIe siècles.
Actuellement, trois pôles se dégagent : Bruxelles, Anvers et Liège ; mais d’autres
villes sont puissantes, notamment Gand et Bruges, et même de petites villes, tel
Roulers, ont une puissance financière. C’est une structure et un réseau urbain très
différents de celui que l’on rencontre généralement en France.
La Belgique est devenue un État fédéral divisé en trois régions,
flamande, wallonne et bruxelloise. Le partage des attributions est souvent
complexe ; à tout propos, des querelles éclatent, et la situation semble s’aggraver.
Après les périodes de prospérité de la Flandre au Moyen Âge et d’Anvers au
XVIe siècle, la partie flamande a traversé des siècles difficiles ; lors de
l’indépendance, la richesse appartenait au sillon Sambre-Meuse, et les Wallons
prirent le pouvoir. La culture flamande releva la tête à la fin du XIXe siècle et,
après la Seconde Guerre mondiale, la situation économique se renversa. La
Wallonie fut touchée par la fin du charbon, la crise de la sidérurgie, l’enclavement,
tandis que la partie flamande jouissait d’un débouché sur la mer et d’une
population nombreuse, désireuse de gagner. La population flamande est plus
nombreuse (57,7 p. 100 contre 32,6 p. 100 en région wallonne et 9,7 p. 100 en
région bruxelloise), car la natalité y était forte (mais cela est terminé). De ce fait,
les étrangers sont très peu nombreux en Flandre (4,2 p. 100 contre 11,3 p. 100 en
région wallonne et 27,2 p. 100 en région bruxelloise). 70 p. 100 des
investissements industriels se font en Flandre, et la part de celle-ci dans le P.N.B.
belge ne cesse de croître.
La région bruxelloise s’individualise du fait qu’elle est située, pour sa
plus grande partie, au nord de la limite linguistique, mais on y parle surtout le
français. Cette région est trop exiguë ; située sur l’axe ABC, elle s’était fortement
industrialisée, mais les industries sont parties, remplacées par des bureaux.
Curieuse capitale dont l’influence nationale diminue, mais dont les fonctions de
capitale européenne attirent fonctionnaires, délégations étrangères et organes de
décision.
Le cadre naturel
La Belgique et une partie du département du Nord, en France, forment
le sud des bas pays au sud du delta commun de l’Escaut, de la Meuse et du Rhin ;
les cours d’eau y coulent vers le nord avant d’effectuer le grand virage à
quatre-vingt-dix degrés qui les mène vers la mer du Nord. Le relief forme un
amphithéâtre avec un haut pays, l’Ardenne, puis un palier de plateaux et de
collines, enfin, à l’extrême nord, quelques plaines de la partie méridionale du delta.
Ce palier topographique correspond à un palier géologique, et ce palier est la base
de l’explication de l’économie et de l’histoire de ce pays.
Au sud-est, l’Ardenne au sens strict est formée par de hauts plateaux
qui vont de 350-400 m à l’ouest à près de 700 m à l’est (Baraque Michel : 674 m ;
signal de Botrange : 694 m ; Baraque Fraiture : 652 m). Les rivières (Meuse,
Semois, Ourthe) y encaissent leurs méandres ; le climat est rude et les sols peu
fertiles ; la forêt y tient une large place ; c’est la partie la moins peuplée de la
Belgique. Ce haut relief correspond à un soulèvement de roches dures, primaires
(grès, quartz, phyllades).
Au sud de l’Ardenne, un petit morceau de « bassin parisien », la
Gaume, a un relief de côtes, et on y a extrait du minerai de fer, comme en Lorraine
française. Au nord de l’Ardenne, au sens strict, se succèdent des reliefs orientés
ouest-sud-ouest - est-nord-est. D’abord une dépression assez large, la Fagne et la
Famenne, qui correspond à des affleurements de schistes ; ensuite, plus au nord,
le Condroz où, selon la même direction, alternent des lignes de hauteurs boisées,
appelées « tiges », dont l’altitude est de l’ordre de 300 m, et des creux où se
logent les cultures ; ce relief, très doux, est dû à l’alternance de grès et de
calcaires recouverts d’argiles. C’est une région plus riche où des terres labourées
voisinent avec les herbages. Au nord du Condroz, les roches primaires les plus
anciennes et les plus dures réapparaissent pour former une étroite ligne de
hauteurs boisées : la Petite Ardenne.
Toujours selon la même orientation, un grand creux oriente la Sambre
jusqu’à Namur, puis la Meuse jusqu’à Liège, et enfin la Vesdre ; c’est le sillon
Sambre-Meuse. Il se prolonge vers l’ouest par la dépression de la Haine. Axe de
circulation sous lequel s’est conservé du charbon, c’est la région la plus active de
la Wallonie avec l’alignement des villes de Mons, Charleroi, Namur, Liège et
Verviers. C’est une région qui s’affaisse, par rapport à l’Ardenne, qui se soulève.
Au nord du sillon se trouvent des plateaux peu élevés (de 100 à 200 m),
formés de roches tendres craie crétacée, sables tertiaires mais maintenues
par le socle de roches dures primaires qui reste très près de la surface : c’est le
début du « palier ». À l’est de Liège, le pays de Herve élève encore ses grands
versants herbeux et bocagers à 300 m, mais, à l’ouest, la Hesbaye est, au
contraire, un plateau peu disséqué, avec de belles cultures et des champs
ouverts, formé de craie recouverte de limons. Le Brabant est une région historique
où il serait vain de chercher une trop grande unité de relief : les plateaux cultivés,
limoneux au sud, font place, peu à peu, à des collines boisées à mesure qu’on se
dirige vers le nord. Le Hainaut, plus varié encore, comprend, au sud, la retombée
de l’Ardenne, au centre, la dépression de Mons et, au nord, une région de collines
annonçant la Flandre. Ces régions appartiennent à ce que les Allemands appellent
la Börde : une bande de terrains, au nord des massifs de roches anciennes,
recouverte de limons (lœss) et qui, venant d’Ukraine, arrive à la mer du Nord entre
Ostende et Calais ; ces limons ont été apportés par le vent aux époques
glaciaires ; ces mêmes vents déposaient, au nord de la Börde, des sables
nivéo-éoliens.
Au nord-ouest, les reliefs continuent de descendre en même temps que
les roches deviennent plus récentes. La Campine culmine encore entre 70 et
100 m ; les Flandres sont faites de collines (de 20 à 50 m) taillées dans des sables
et dans des argiles ; le relief ne s’élève que le long d’une ligne ouest-est, les
monts de Flandre. Ce sont enfin les premières plaines des bas pays : elles longent
la côte et, au nord, s’étendent à l’intérieur le long de la vallée flamande ; celle-ci a
joué un rôle essentiel, puisque toutes les grandes villes se sont fixées sur son
versant sud : Bruges, Gand, Bruxelles, Louvain. C’est un ancien golfe, occupé par
la mer entre les deux dernières glaciations, et qui est encore très modestement
occupé par ce qui reste du Zwin, la plus méridionale des avancées marines au
Moyen Âge. Cela annonce les pays bas au sens strict, où la mer pénètre vers
l’intérieur et où convergent Escaut, Meuse et Rhin. Au nord des dernières
modestes hauteurs du pays de Waes se trouve l’estuaire de l’Escaut ; mais il
appartient, depuis 1648, aux Pays-Bas. Désormais, dans le sous-sol, les couches
plongent profondément : c’est la fin du palier topographique et tectonique qui
constitue la Belgique.
La circulation, moteur principal
La circulation a presque toujours été, et elle demeure, le moteur de
l’activité, jouant sur la position du pays au sud du delta et au sud-est de la mer du
Nord. Pour les Wallons, c’est la Meuse qui joue ce rôle ; grand axe d’une
civilisation brillante dès le haut Moyen Âge, plus tard elle fut, en partie, l’origine de
l’évêché de Liège, puis de la région industrielle wallonne. Au cours des dernières
décennies, les ambitions liégeoises ont été déçues ; on a enlevé à l’actuelle
Belgique une large partie de la Meuse : les frontières de ses voisins s’avancent en
« doigt de gant » jusqu’à Maastricht et Givet ; de plus, comme la Meuse, en aval,
mène aux Pays-Bas, il a fallu « détourner » le trafic par le canal Albert, et en
amont la France n’a pas fait de la Meuse une grande voie navigable. Du côté
flamand, le moteur est l’arrivée de la route de la Börde, sur le sud-est de la mer du
Nord : la route des hanséates, venant de Lübeck, sur la Baltique, rejoignait la
route de la Börde à Hanovre ; un peu avant son arrivée à la mer, elle passait très
légèrement au nord de la Börde pour atteindre le Zwin. Ce fut l’origine de la
grandeur de Bruges : située au carrefour des voies entre Baltique et Méditerranée,
bien placée également pour le passage vers l’Angleterre grâce au resserrement
du pas de Calais, Bruges fut, du XIe au XVe siècle, la plus grande place portuaire
d’Europe ; tandis que Gand devenait la plus grande cité industrielle, grâce,
notamment, à la laine. Au XVIe siècle, Anvers supplante Bruges, toujours grâce à
la mer et à la route. Les raisons de ce changement sont à rechercher moins dans
le comblement du Zwin que dans des causes politiques. En revanche, quand au
XVIIe siècle Amsterdam supplante à son tour Anvers, pour entrer dans son Siècle
d’or, c’est un profond bouleversement : le grand port n’est plus sur le palier, mais
dans les pays bas au sens strict. Ici encore, histoire et géographie sont
inséparables ; s’il faut sans doute y voir une conséquence de l’indépendance des
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