Prise de vue

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BELGIQUE - Géographie et économie politique
Prise de vue
Pays de dimension assez réduite (30 521 km2), la Belgique comptait
cependant neuf millions neuf cent quarante-sept mille huit cents habitants en
1990 ; la densité est donc très forte : 326 habitants au kilomètre carré. C’est le
neuvième exportateur mondial (3,88 millions de dollars au kilomètre carré ; en
France : 0,38) ; le P.N.B. par habitant la place au quinzième rang mondial. Anvers
est le deuxième port d’Europe. Au Moyen Âge et au XVIe siècle, cette région était
l’une des plus riches, sinon la plus riche, d’Europe. Les raisons de cette puissance
sont à chercher dans la circulation, le commerce et la ténacité de ses habitants. La
géographie physique joue son rôle, mais l’histoire a souvent fait varier les
frontières ; le tracé actuel est récent (1839). Des problèmes linguistiques et
culturels s’ajoutent aux coupures politiques et économiques pour opposer Wallons
et Flamands, de part et d’autre de Bruxelles, mais les arguments ne manquent pas
pour défendre l’unité, et cette dualité présente, quoi qu’on dise, des avantages
certains.
1. Le cadre géographique
Un pays peuplé, urbanisé, mais divisé
La Belgique a les traits propres à l’Europe du Nord-Ouest : une
population de l’ordre de 10 millions d’habitants et une densité, en 1990, de
326 habitants au kilomètre carré. Ce peuplement abondant existe depuis le Moyen
Âge. Les chiffres ne varient guère actuellement car la fécondité est faible (1,6), la
population vieillit, et il faut faire appel à des étrangers, qui constituent 9 p. 100 de
la population (Italiens, Marocains, Turcs). Dans le sud-est du pays, la plus grande
partie de la région wallonne, les densités sont inférieures à 100, mais, dans la
partie flamande, elles sont généralement supérieures à 300. Les plus fortes
densités dessinent deux lignes : l’une, ouest-sud-ouest - est-nord-est, est l’axe
Haine-Sambre-Meuse ; l’autre, nord-sud, est l’axe ABC,
Anvers-Bruxelles-Charleroi.
Les campagnes ne se sont généralement pas dépeuplées, les densités
y dépassent 100 ; on y trouve encore des services, et la ville n’est jamais loin ;
elles restent peuplées grâce aux industries disséminées et grâce aux rurbains, qui
vont travailler en ville. Le contraste ville-campagne y est atténué (sauf en Ardenne
et en Campine).
Les villes sont un autre trait majeur : aucune d’entre elles n’a atteint une
taille démesurée, mais il y en a un très grand nombre qui ont des pouvoirs et
offrent des services. Dans cette région du monde, la bourgeoisie urbaine a acquis
des pouvoirs étendus face aux princes et à l’Église dès les Xe et XIe siècles.
Actuellement, trois pôles se dégagent : Bruxelles, Anvers et Liège ; mais d’autres
villes sont puissantes, notamment Gand et Bruges, et même de petites villes, tel
Roulers, ont une puissance financière. C’est une structure et un réseau urbain très
différents de celui que l’on rencontre généralement en France.
La Belgique est devenue un État fédéral divisé en trois régions,
flamande, wallonne et bruxelloise. Le partage des attributions est souvent
complexe ; à tout propos, des querelles éclatent, et la situation semble s’aggraver.
Après les périodes de prospérité de la Flandre au Moyen Âge et d’Anvers au
XVIe siècle, la partie flamande a traversé des siècles difficiles ; lors de
l’indépendance, la richesse appartenait au sillon Sambre-Meuse, et les Wallons
prirent le pouvoir. La culture flamande releva la tête à la fin du XIXe siècle et,
après la Seconde Guerre mondiale, la situation économique se renversa. La
Wallonie fut touchée par la fin du charbon, la crise de la sidérurgie, l’enclavement,
tandis que la partie flamande jouissait d’un débouché sur la mer et d’une
population nombreuse, désireuse de gagner. La population flamande est plus
nombreuse (57,7 p. 100 contre 32,6 p. 100 en région wallonne et 9,7 p. 100 en
région bruxelloise), car la natalité y était forte (mais cela est terminé). De ce fait,
les étrangers sont très peu nombreux en Flandre (4,2 p. 100 contre 11,3 p. 100 en
région wallonne et 27,2 p. 100 en région bruxelloise). 70 p. 100 des
investissements industriels se font en Flandre, et la part de celle-ci dans le P.N.B.
belge ne cesse de croître.
La région bruxelloise s’individualise du fait qu’elle est située, pour sa
plus grande partie, au nord de la limite linguistique, mais on y parle surtout le
français. Cette région est trop exiguë ; située sur l’axe ABC, elle s’était fortement
industrialisée, mais les industries sont parties, remplacées par des bureaux.
Curieuse capitale dont l’influence nationale diminue, mais dont les fonctions de
capitale européenne attirent fonctionnaires, délégations étrangères et organes de
décision.
Le cadre naturel
La Belgique et une partie du département du Nord, en France, forment
le sud des bas pays au sud du delta commun de l’Escaut, de la Meuse et du Rhin ;
les cours d’eau y coulent vers le nord avant d’effectuer le grand virage à
quatre-vingt-dix degrés qui les mène vers la mer du Nord. Le relief forme un
amphithéâtre avec un haut pays, l’Ardenne, puis un palier de plateaux et de
collines, enfin, à l’extrême nord, quelques plaines de la partie méridionale du delta.
Ce palier topographique correspond à un palier géologique, et ce palier est la base
de l’explication de l’économie et de l’histoire de ce pays.
Au sud-est, l’Ardenne au sens strict est formée par de hauts plateaux
qui vont de 350-400 m à l’ouest à près de 700 m à l’est (Baraque Michel : 674 m ;
signal de Botrange : 694 m ; Baraque Fraiture : 652 m). Les rivières (Meuse,
Semois, Ourthe) y encaissent leurs méandres ; le climat est rude et les sols peu
fertiles ; la forêt y tient une large place ; c’est la partie la moins peuplée de la
Belgique. Ce haut relief correspond à un soulèvement de roches dures, primaires
(grès, quartz, phyllades).
Au sud de l’Ardenne, un petit morceau de « bassin parisien », la
Gaume, a un relief de côtes, et on y a extrait du minerai de fer, comme en Lorraine
française. Au nord de l’Ardenne, au sens strict, se succèdent des reliefs orientés
ouest-sud-ouest - est-nord-est. D’abord une dépression assez large, la Fagne et la
Famenne, qui correspond à des affleurements de schistes ; ensuite, plus au nord,
le Condroz où, selon la même direction, alternent des lignes de hauteurs boisées,
appelées « tiges », dont l’altitude est de l’ordre de 300 m, et des creux où se
logent les cultures ; ce relief, très doux, est dû à l’alternance de grès et de
calcaires recouverts d’argiles. C’est une région plus riche où des terres labourées
voisinent avec les herbages. Au nord du Condroz, les roches primaires les plus
anciennes et les plus dures réapparaissent pour former une étroite ligne de
hauteurs boisées : la Petite Ardenne.
Toujours selon la même orientation, un grand creux oriente la Sambre
jusqu’à Namur, puis la Meuse jusqu’à Liège, et enfin la Vesdre ; c’est le sillon
Sambre-Meuse. Il se prolonge vers l’ouest par la dépression de la Haine. Axe de
circulation sous lequel s’est conservé du charbon, c’est la région la plus active de
la Wallonie avec l’alignement des villes de Mons, Charleroi, Namur, Liège et
Verviers. C’est une région qui s’affaisse, par rapport à l’Ardenne, qui se soulève.
Au nord du sillon se trouvent des plateaux peu élevés (de 100 à 200 m),
formés de roches tendres – craie crétacée, sables tertiaires – mais maintenues
par le socle de roches dures primaires qui reste très près de la surface : c’est le
début du « palier ». À l’est de Liège, le pays de Herve élève encore ses grands
versants herbeux et bocagers à 300 m, mais, à l’ouest, la Hesbaye est, au
contraire, un plateau peu disséqué, avec de belles cultures et des champs
ouverts, formé de craie recouverte de limons. Le Brabant est une région historique
où il serait vain de chercher une trop grande unité de relief : les plateaux cultivés,
limoneux au sud, font place, peu à peu, à des collines boisées à mesure qu’on se
dirige vers le nord. Le Hainaut, plus varié encore, comprend, au sud, la retombée
de l’Ardenne, au centre, la dépression de Mons et, au nord, une région de collines
annonçant la Flandre. Ces régions appartiennent à ce que les Allemands appellent
la Börde : une bande de terrains, au nord des massifs de roches anciennes,
recouverte de limons (lœss) et qui, venant d’Ukraine, arrive à la mer du Nord entre
Ostende et Calais ; ces limons ont été apportés par le vent aux époques
glaciaires ; ces mêmes vents déposaient, au nord de la Börde, des sables
nivéo-éoliens.
Au nord-ouest, les reliefs continuent de descendre en même temps que
les roches deviennent plus récentes. La Campine culmine encore entre 70 et
100 m ; les Flandres sont faites de collines (de 20 à 50 m) taillées dans des sables
et dans des argiles ; le relief ne s’élève que le long d’une ligne ouest-est, les
monts de Flandre. Ce sont enfin les premières plaines des bas pays : elles longent
la côte et, au nord, s’étendent à l’intérieur le long de la vallée flamande ; celle-ci a
joué un rôle essentiel, puisque toutes les grandes villes se sont fixées sur son
versant sud : Bruges, Gand, Bruxelles, Louvain. C’est un ancien golfe, occupé par
la mer entre les deux dernières glaciations, et qui est encore très modestement
occupé par ce qui reste du Zwin, la plus méridionale des avancées marines au
Moyen Âge. Cela annonce les pays bas au sens strict, où la mer pénètre vers
l’intérieur et où convergent Escaut, Meuse et Rhin. Au nord des dernières
modestes hauteurs du pays de Waes se trouve l’estuaire de l’Escaut ; mais il
appartient, depuis 1648, aux Pays-Bas. Désormais, dans le sous-sol, les couches
plongent profondément : c’est la fin du palier topographique et tectonique qui
constitue la Belgique.
La circulation, moteur principal
La circulation a presque toujours été, et elle demeure, le moteur de
l’activité, jouant sur la position du pays au sud du delta et au sud-est de la mer du
Nord. Pour les Wallons, c’est la Meuse qui joue ce rôle ; grand axe d’une
civilisation brillante dès le haut Moyen Âge, plus tard elle fut, en partie, l’origine de
l’évêché de Liège, puis de la région industrielle wallonne. Au cours des dernières
décennies, les ambitions liégeoises ont été déçues ; on a enlevé à l’actuelle
Belgique une large partie de la Meuse : les frontières de ses voisins s’avancent en
« doigt de gant » jusqu’à Maastricht et Givet ; de plus, comme la Meuse, en aval,
mène aux Pays-Bas, il a fallu « détourner » le trafic par le canal Albert, et en
amont la France n’a pas fait de la Meuse une grande voie navigable. Du côté
flamand, le moteur est l’arrivée de la route de la Börde, sur le sud-est de la mer du
Nord : la route des hanséates, venant de Lübeck, sur la Baltique, rejoignait la
route de la Börde à Hanovre ; un peu avant son arrivée à la mer, elle passait très
légèrement au nord de la Börde pour atteindre le Zwin. Ce fut l’origine de la
grandeur de Bruges : située au carrefour des voies entre Baltique et Méditerranée,
bien placée également pour le passage vers l’Angleterre grâce au resserrement
du pas de Calais, Bruges fut, du XIe au XVe siècle, la plus grande place portuaire
d’Europe ; tandis que Gand devenait la plus grande cité industrielle, grâce,
notamment, à la laine. Au XVIe siècle, Anvers supplante Bruges, toujours grâce à
la mer et à la route. Les raisons de ce changement sont à rechercher moins dans
le comblement du Zwin que dans des causes politiques. En revanche, quand au
XVIIe siècle Amsterdam supplante à son tour Anvers, pour entrer dans son Siècle
d’or, c’est un profond bouleversement : le grand port n’est plus sur le palier, mais
dans les pays bas au sens strict. Ici encore, histoire et géographie sont
inséparables ; s’il faut sans doute y voir une conséquence de l’indépendance des
Provinces-Unies, l’évolution des transports joue son rôle ; vers l’intérieur, on
circule par la voie d’eau, cela donne l’avantage à la partie la plus basse et proche
de la mer, les horizons sont désormais lointains : les ports s’installent dans des
sortes d’îles.
Au XIXe siècle, Anvers devient le premier port de la Belgique. Avec le
rôle grandissant de la mer, la Flandre va posséder un atout capital alors que la
Wallonie subit les conséquences de l’épuisement des mines de charbon et la crise
de ses industries ; mais la façade maritime de la Belgique est restreinte ; après le
traité de Münster et les conquêtes de Louis XIV, la situation des grands ports est
paradoxale : Anvers et Gand doivent passer par l’estuaire de l’Escaut, qui
appartient aux Pays-Bas ; Gand l’atteint même par un canal qui est, pour moitié,
situé aux Pays-Bas ; le seul port « sur mer » est le nouveau port de Zeebrugge,
qui débouche sur la mer par un espace étroit, laissé libre d’infrastructures
touristiques.
La Belgique vit essentiellement du commerce et a su mettre en place
des moyens de transport efficaces.
Anvers, dont le trafic maritime dépasse 100 millions de tonnes (Mt), est
le deuxième port européen, après Rotterdam ; bien qu’il « perde » quelque 30 à
35 Mt d’hydrocarbures qui, par suite des profondeurs insuffisantes de l’Escaut,
doivent transiter par Rotterdam. Le port attire les marchandises des pays voisins,
et notamment de la France. La puissance d’Anvers réussit à vaincre les difficultés
d’un estuaire qui appartient aux Pays-Bas ; elle repose sur une solide réputation
de savoir-faire, de fiabilité, de prix, sur le nombre de lignes régulières, les
infrastructures de liaisons avec l’arrière-pays, et sur une place portuaire dirigée
par sa ville. Gand, qui fut la plus grande ville manufacturière du Moyen Âge, est
resté un pôle industriel très lié à la mer mais aussi à son carrefour de voies
navigables ; le trafic maritime, de l’ordre de 25 Mt, n’est qu’un aspect de l’activité
de la capitale de la Flandre orientale. Bruges
, après six siècles de gloire, était
devenue « Bruges la Morte » ; le XXe siècle, surtout dans sa seconde moitié, l’a
fait revenir sur mer, à Zeebrugge : port en eau profonde, rapide, qui connaît de
beaux succès, particulièrement sur le trafic transmanche et sur celui des
conteneurs ; son trafic maritime dépasse 30 Mt, tandis que Bruges brille des
édifices de son prestigieux passé et de son rôle actuel de capitale de la Flandre
occidentale. Ostende est, surtout, un port de circulation transmanche avec près de
2 millions de passagers.
La voie d’eau (rivières aménagées ou canaux) joue un très grand
rôle – évacuation et régulation des eaux, tourisme, paysages –, et notamment
dans les transports, dont elle assure 20 p. 100 avec près de 1 600 km de voies
navigables. Le sillon Sambre-Meuse, qui débouche aux Pays-Bas, a été mis en
communication avec Anvers par le canal Albert (il peut accueillir des convois de
9 000 t, et son trafic est de 30 Mt) et par des voies d’eau reliant Charleroi,
Bruxelles et Anvers ; Anvers dispose aussi d’un canal la reliant au Rhin. Gand, à
la confluence de l’Escaut et de la Lys, est relié par un canal à Bruges, par le canal
maritime de Terneuzen à l’estuaire de l’Escaut et par la Lys ou l’Escaut à la
France. Les deux ports sont ainsi de grands carrefours européens de navigation
intérieure.
Dès les années 1950-1960, la Belgique a compris le rôle déterminant
des autoroutes ; elle s’est dotée d’un réseau aux mailles serrées : une autoroute,
gratuite, tous les 25 à 30 km (une densité cinq fois supérieure à celle de la
France), des échangeurs nombreux et un éclairage nocturne. Voies d’eau et
autoroutes accrochent ainsi fortement la Belgique à l’Europe rhénane et à la
France.
Le train a permis d’importants déplacements journaliers de
main-d’œuvre dès le XIXe siècle. Le projet de mise en place du T.G.V., à partir de
Lille, soulève les habituelles querelles entre Wallons et Flamands et leurs retards
consécutifs. Ce projet prévoit une ligne Lille-Bruxelles et, de là, Bruxelles-Anvers
puis les Pays-Bas, et une ligne Bruxelles-Liège et, de là, l’Allemagne ; on peut en
espérer l’achèvement en 1998. Un aéroport international, près de Bruxelles,
n’atteint pas la taille de Schiphol aux Pays-Bas, et la compagnie nationale, la
Sabena, connaît quelques problèmes financiers.
Le développement industriel
La Belgique s’est, dès le Moyen Âge, fortement industrialisée,
développant surtout des industries de transformation de produits importés,
s’appuyant sur l’exportation des productions et sur son potentiel humain. Les
ressources locales ont toujours été limitées ; la laine brute, au Moyen Âge, était
importée ; l’Ardenne a fourni un peu de minerai (fer, plomb, zinc) ; on trouve des
sables et des argiles. Seul le charbon du bassin wallon a joué un grand rôle ; il
était connu déjà au Moyen Âge ; sa production s’est élevée à 55 Mt en 1955. Mais,
en raison de coûts trop élevés, le dernier puits wallon a fermé, le 28 septembre
1984 ; le bassin de Campine, en région flamande, exploité dans l’après-guerre
(6 Mt en 1974), ferme aussi, progressivement, au cours des années 1980-1990 ; il
devrait néanmoins produire jusqu’en 1997. En 1991, la Belgique n’extrait plus que
636 000 t. La pauvreté est encore plus grande dans les autres énergies : il n’y a
pas d’hydrocarbures, et cependant le pays a une capacité de raffinage de 35 Mt ;
l’électricité est d’origine thermique, dont 60 p. 100 nucléaire. La consommation est
cependant forte : 52 millions de tep (tonnes d’équivalent pétrole).
La Belgique produit des métaux bruts : de l’acier (Charleroi, Liège,
Gand), du cuivre, du plomb, du zinc, beaucoup de produits métalliques (machines,
moteurs, appareillage électrique et 1,2 million de voitures automobiles). Même si
la carbochimie recule, l’industrie chimique est globalement la branche la plus
dynamique : chimie minérale (la société Solvay, connue pour son procédé de
fabrication de la soude, a été créée en 1863), engrais, pétrochimie (plastiques,
caoutchouc synthétique, fibres synthétiques), produits pharmaceutiques. Une forte
industrie agroalimentaire utilise les productions locales et les produits tropicaux :
environ 1 Mt de sucre, 15 Mhl de bière ; laiteries, biscuiteries, chocolateries et
aliments pour le bétail. L’industrie textile se situe dans la grande tradition du
Moyen Âge, mais la laine est partie à l’est, à Verviers, et elle est revenue en
Flandre, près de la frontière française ; après le Moyen Âge, elle fut remplacée par
le lin puis par le coton le long de la vallée de la Lys et à Gand et, récemment, par
les textiles chimiques, les tapis et les revêtements (Beaulieu).
Charbon, textile et sidérurgie posent également des problèmes dans les
autres pays de l’Europe occidentale. Pays « anciennement industrialisé », la
Belgique souffre, comme beaucoup d’autres, de lourdeurs. Dans son cas, il s’agit
d’un problème de structure : elle produisait trop de produits semi-finis, pas assez
enrichis en valeur ajoutée, et elle paraissait avoir beaucoup de difficultés à
évoluer. À la fin de la décennie 1980, la situation était très sensiblement meilleure.
Mais l’évolution a été très différente de part et d’autre de la frontière linguistique.
La région flamande est, surtout depuis les années 1950, la partie la plus
dynamique. Un réveil s’était esquissé à partir des années 1920, après une longue
période noire. Des centaines d’entreprises se sont disséminées dans toutes les
villes ainsi qu’en milieu rural, mais plus spécialement le long de quelques axes. De
Courtrai à Gand, la Lys est longée par l’autoroute E 17 ; la tradition du lin et du
coton et celle de la laine (au sud) s’y maintiennent également ; c’est le domaine du
textile synthétique, des tapis et moquettes. Outre le textile, cette région possède
des dizaines de zones industrielles : industries de transformation, industries
chimiques et électroniques. Gand accumule depuis le début du XIXe siècle, mais
surtout depuis les années 1960, tout ce qu’un port peut compter d’industries :
chimie minérale et pétrochimie, métaux non ferreux, sidérurgie (Sidmar),
construction automobile (Volvo), coton, matières plastiques, papier. De Gand
partent deux axes : l’un suit le canal de Terneuzen et passe aux Pays-Bas, l’autre
continue vers Anvers, engendrant le même développement, notamment autour de
la dynamique ville de Saint-Nicolas. Anvers et son port perpétuent des traditions :
industries alimentaires, taille des diamants, constructions navales (Hoboken) ;
depuis les années 1960, c’est devenu le grand foyer industriel du pays avec la
chimie minérale (Bayer), la pétrochimie, la construction automobile (General
Motors et Ford). D’Anvers part l’axe nord-sud ABC (Anvers-Bruxelles-Charleroi) ;
entre le port et la capitale, par Malines et Vilvoorde, se succèdent chimie,
métallurgie, industries de transformation. Un axe moins important part de Courtrai,
passe par Roulers et se dirige vers Bruges ; Bruges et Zeebrugge ont relativement
peu d’industries mais ont de vastes projets. La Campine ne s’est développée
qu’au XIXe siècle ; elle a de bons axes de circulation entre Anvers et Liège. En
liaison avec le port d’Anvers se sont développées, à l’ouest, des industries liées
aux métaux non ferreux et au nucléaire (Mol) ainsi que des industries diverses
(Turnhout) ; à l’est, mécanique et électronique se sont implantées à Hasselt. Le
bassin houiller n’a guère suscité d’industries, mais, dans le cadre de la conversion,
on y a créé des zones industrielles et installé les automobiles Ford à Genk.
Cette renaissance de la Flandre s’est appuyée sur une main-d’œuvre
abondante, réputée pour son aptitude au travail et son courage, moins
syndicalisée que la main-d’œuvre wallonne ; elle était sous-employée et depuis
longtemps émigrait en Wallonie ou à l’étranger pour y trouver des emplois. La
Flandre a l’avantage de disposer de la façade maritime belge alors que la Wallonie
est enclavée, à un moment où l’industrie partait « sur l’eau » et dans un pays où le
commerce maritime joue un rôle essentiel. Elle a aussi bénéficié de la présence
de nombreux « acteurs » osant créer des entreprises et de la confiance que lui ont
accordée les investisseurs étrangers. Enfin, ce renouveau est soutenu par la
volonté de procurer aux Flamands du travail chez eux, de redonner sa place à la
culture flamande et de renaître après un siècle et demi de domination wallonne.
L’industrie flamande avait connu, au Moyen Âge, une prospérité
exceptionnelle ; grâce au travail de la laine, la Flandre était la plus grande région
manufacturière de l’Europe ; Gand en était le centre principal, et Bruges la place
portuaire internationale ; l’art y rayonnait avec éclat. Cela dura du Xe au
XVe siècle. Au XVIe, les draps anglais entrèrent en Europe par Anvers, et ce port
devint la grande place ; Anvers avait su assimiler la nouvelle économie. Le textile
flamand employa progressivement du lin, puis du coton ; crises et reprises se
succédèrent, et l’indépendance de la Belgique fut suivie d’une période noire, de
pauvreté et d’émigration.
La région wallonne, en revanche, est confrontée, depuis les années
1960, à des conversions difficiles. L’axe Haine-Sambre-Meuse-Vesdre est une
« région anciennement industrialisée ». L’Ardenne possédait l’eau (et la force
motrice), des minerais et du bois, le tanin de ses chênes et son bétail ; elle
bénéficiait des facilités de circulation offertes par la Meuse, et des industries s’y
étaient développées : métaux, bois, cuir. Liège, notamment, était célèbre pour la
fabrication des armes ; le charbon était exploité dès le Moyen Âge. Au XIXe siècle,
la sidérurgie glissa vers le sillon Sambre-Meuse, attirée d’abord par l’axe de
circulation puis par le charbon. Se développa alors le cortège des industries liées
à la houille : outre la sidérurgie à Charleroi et à Liège, la carbochimie, la chimie
minérale (Solvay), les industries métalliques, la verrerie...
En plus des problèmes que connaissent toutes les régions houillères et
sidérurgiques de l’Europe occidentale, la Wallonie a de nombreux handicaps. Elle
est enclavée, et, pour atteindre la mer, d’où viennent charbon et minerai de fer, il
faut passer par des ports néerlandais ou flamands. Le manque chronique de
main-d’œuvre dû à une très faible natalité depuis le XIXe siècle l’a obligée, pour se
développer, à faire appel aux Flamands, puis aux Italiens, enfin aux
Nord-Africains. Cette main-d’œuvre, beaucoup plus syndicalisée qu’en Flandre,
est fortement marquée par le socialisme. La population a perdu une grande partie
de sa confiance au cours des années 1970-1980. La Wallonie manque de
capitaux propres ; c’est particulièrement net dans la région Mons-Borinage. Enfin,
la Wallonie ne tient plus les rênes du pouvoir comme au XIXe siècle, et elle accuse
le gouvernement, trop flamand à son gré, de favoriser la partie flamande du pays,
par exemple pour la mise en place des infrastructures de transport. C’est pourquoi
la Wallonie s’est, peu à peu, ralliée à l’idée du fédéralisme.
L’extraction de la houille a pris fin en 1984. La sidérurgie a réussi à se
maintenir ; les compagnies se sont regroupées en une seule société,
Cockerill-Sambre ; la productivité a augmenté et des accords de synergie (partage
des types de produits) ont été signés avec le Luxembourgeois A.R.B.E.D. Mais
une nouvelle sidérurgie s’est installée sur l’eau, en Flandre, à Gand. Dans la
région Mons-Borinage, on a créé quelques industries et développé le tertiaire.
Charleroi a bénéficié de sa situation au sud de l’axe ABC : plusieurs industries de
transformation s’y sont installées, on s’est orienté vers les équipements
télématiques, la récupération d’énergie, mais une raffinerie n’a eu qu’une
existence éphémère. Liège a joué ses cartes traditionnelles : position de carrefour,
passé et cadre historique, pôle de recherche, environnement privilégié,
enthousiasme, pour attirer de nombreuses industries modernes ; des P.M.E. se
sont orientées vers la haute technologie. La situation demeure préoccupante mais,
à la fin de la décennie 1980, les Wallons avaient commencé à reprendre confiance
dans leur avenir.
La région bruxelloise est située au milieu de l’axe ABC, qui est
fortement industrialisé. S’y sont installées des industries de transformation
(automobile) et aussi des industries lourdes (chimie), mais Bruxelles et sa proche
banlieue se sont fortement désindustrialisées.
Une agriculture de qualité
L’agriculture, qui ne contribue plus que pour 1,9 p. 100 au P.N.B.,
n’emploie que 2,4 p. 100 des actifs (140 000 personnes), dont un peu plus de la
moitié seulement travaille à temps plein. Sa productivité, cependant, est
remarquable : elle fournit 3 p. 100 des productions de la C.E.E., avec seulement
1 p. 100 des actifs et 1,1 p. 100 des terres cultivées de la Communauté. La petite
exploitation de type familial reste la règle ; la superficie moyenne (horticulture
exclue) est de 22,4 ha. Cette agriculture est principalement tournée vers l’élevage
de bovins et de porcins, et aussi vers les cultures horticoles et florales, souvent
sous serre et avec chauffage. Les prairies et les cultures fourragères occupent
57,8 p. 100 de la surface cultivée, l’horticulture 3,7 p. 100, et l’agriculture
38,2 p. 100.
C’est une agriculture qui obtient de hauts rendements : 67 ou 68 q/ha
pour le blé, 53 à 56 t/ha pour la betterave à sucre, 40 à 43 t/ha pour les pommes
de terre. La culture est intensive depuis le Moyen Âge, période où la jachère
disparut pour la première fois en Europe ; on faisait ainsi quatre récoltes en trois
ans. Cependant, les conditions naturelles n’étaient pas exceptionnelles : on avait,
certes, des limons au sud, mais des sables au nord et des sols alourdis par une
eau qu’il a fallu maîtriser. Il fallait nourrir une population, abondante grâce au
commerce et à l’industrie ; une industrie textile qui trouvait sa main-d’œuvre grâce
à l’agriculture : pour un laboureur, il fallait deux à trois journaliers, qui étaient
tisserands en dehors des périodes de pointe agricoles. Le sol est devenu fertile
grâce aux engrais urbains mais surtout à la suite d’un travail opiniâtre.
Les diversités régionales sont grandes. Dans le Sud-Est ardennais, en
Lorraine belge, l’herbe occupe les deux tiers du sol, les fermes se groupent en
villages allongés comme en Lorraine française. En Ardenne au sens strict, la forêt
tient une très grande place ; l’élevage est l’activité principale, et l’herbe occupe,
dans la partie centrale, plus de la moitié de la superficie cultivée ; les exploitations
s’étendent sur 20 à 50 ha ; c’est le faire-valoir direct qui prédomine. Les fermes
sont des maisons-blocs groupées en villages. En Famenne et en Fagne, on trouve
moins de forêts (surtout des petits bois) et, dans cette région humide, le
pourcentage des sols en herbe peut atteindre de 65 à 85 p. 100 ; les exploitations
ont 30 ha et plus. Le Condroz bénéficie de ses calcaires recouverts d’argiles et de
limons ; les terres labourées y occupent à peu près autant de place que l’herbe ;
on y cultive du blé et de la betterave à sucre, mais la ressource principale reste
l’élevage : on cultive pour nourrir le bétail. Les exploitations sont parmi les plus
grandes de Belgique avec une moyenne de 33 ha, et beaucoup dépassent
100 ha. Les fermes se groupent en gros villages alignés au sud des tiges ; la
maison-bloc ardennaise fait place, au nord, à une ferme à cour fermée. Le
faire-valoir indirect prédomine : les exploitations appartiennent souvent à la
noblesse.
Au nord de l’Ardenne s’étendent des plateaux limoneux. À l’extrémité
est, le haut pays de Herve est un bocage herbeux consacré à l’élevage ; ses
fermes sont dispersées. À l’ouest commence la « région limoneuse », et la
Hesbaye offre un contraste violent avec ses champs ouverts et ses gros villages,
ses labours qui occupent près de 70 p. 100 de la surface agricole ; on y cultive blé
et betterave à sucre. De grosses exploitations de plus de 100 ha, qui s’écartent
des villages où se groupent des fermes plus modestes. Plus à l’ouest, encore,
Brabant et Hainaut ont des traits assez semblables, mais avec un peu plus de
forêts.
Puis viennent les plaines et collines flamandes. En Campine, la mise en
valeur date des XVIIIe et XIXe siècles ; la lande a fait place à des forêts ou à des
exploitations agricoles ; les bois occupent un septième du sol ; l’herbe occupe les
deux tiers de la superficie cultivée dans des exploitations très petites, de l’ordre de
10 ha, le plus souvent en faire-valoir direct. Dans les deux provinces de Flandre,
héritières d’une grande tradition, le travail minutieux et la polyculture étaient la
règle, associant céréales, plantes industrielles, horticulture et élevage ; là, en
revanche, peu d’herbe : un peu plus de 20 p. 100 de la S.A.U. dans le Sud,
limoneux, et environ 35 p. 100 dans le Nord, sablo-limoneux ; on s’est orienté vers
un élevage semi-industriel et, plus spécialement dans un triangle
Anvers-Bruxelles-Gand, vers des spécialisations : légumes, fruits, plantes
ornementales, fleurs (30 millions d’azalées par an), parfois de plein champ, mais
souvent en serres chauffées au gaz. Les exploitations sont petites : 10 ha en
moyenne, souvent moins de 5 ha, car cette agriculture à haute valeur ajoutée
nécessite beaucoup de travail, et peu de familles travaillent leur terre à plein
temps ; cela se situe dans un milieu où les densités dépassent, souvent
largement, 100 et où une ville reste toujours à proximité. Les fermes sont isolées
et de gros « bourgs » regroupent services et rurbains.
Le commerce extérieur
L’économie belge a toujours reposé sur le commerce : elle doit importer
matières premières et énergie et elle exporte ses produits fabriqués ; en outre, des
marchandises étrangères transitent par son territoire. Belgique et Luxembourg
sont le neuvième exportateur mondial avec 3,5 p. 100 du total mondial. On réalise
mieux l’importance en tenant compte des exportations par habitant :
11 500 dollars (contre 3 700 en France). Cela explique la tradition
libre-échangiste, ainsi que la création de l’union douanière avec le Luxembourg
(Union économique belgo-luxembourgeoise, ou U.E.B.L.), le 28 juillet 1921, et la
formation, avec les Pays-Bas, le 3 février 1958, du Benelux. Le premier partenaire
est l’Allemagne, suivie par la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. La balance
commerciale est souvent légèrement négative, en raison de l’importance des
achats de produits énergétiques et du fait que la Belgique n’incorpore pas assez
de valeur ajoutée à ses productions.
Forces et faiblesses
Des points noirs subsistent, aggravés par les querelles linguistiques et
les complexités du système fédéral, mais les rivalités peuvent être des stimulants.
Le budget est fortement déficitaire (375 milliards de francs belges en 1991) ; cela
entraîne une politique d’austérité qui, parfois, assombrit le climat social. La dette
est assez lourde : ses intérêts absorbent 35 p. 100 des dépenses publiques. Les
capitaux belges ont eu tendance à partir à l’étranger, les investissements n’ont pas
été assez importants en Belgique, et des capitaux étrangers y ont acquis des
positions importantes ; notamment la Compagnie de Suez, qui a pris le contrôle de
la Société générale, dont dépend un tiers de l’économie belge ; 44 p. 100 du
P.N.B. sont fournis par des entreprises multinationales. Le chômage est
important : plus de 372 000 sans-emploi en décembre 1991 (10,9 p. 100 de la
population active).
Au début des années 1980, la Belgique s’essoufflait, et l’on pouvait se
demander si elle serait capable de rajeunir ses structures. Dès la fin de la
décennie 1980, l’économie belge montrait sa valeur. Les départs de capitaux
étaient freinés, les investissements augmentaient ; la balance des paiements est
devenue positive ; le franc belge, amarré au mark allemand, est solide.
La Belgique occupe une position remarquable, au sud du delta de
l’Escaut, de la Meuse et du Rhin ; elle appartient à la partie la plus peuplée de
l’Europe, l’Europe rhénane, dont elle est un débouché sur la mer du Nord ; elle est
bien placée pour les relations Ouest-Est. Elle est aussi au contact des civilisations
latines et germaniques : cette double appartenance en fait un microcosme de
l’Europe et constitue un atout considérable au moment de la construction
européenne.
2. Économie
La physionomie économique d’un pays, établie à un moment déterminé de
l’histoire économique, n’est que le reflet des évolutions des forces économiques
qui ont prévalu dans le passé plus ou moins récent. Une présentation des
principales structures économiques caractérisant l’économie belge s’impose donc
simultanément à la mise en évidence des évolutions significatives qui ont été à
l’origine des structures dominantes actuelles et qui sont le point de départ des
évolutions futures.
Cette analyse dynamique, complément indispensable à la compréhension
des structures économiques actuelles, est effectuée sur la base des principales
données macroéconomiques disponibles, et plus spécialement des comptes
nationaux qui seuls permettent de fournir une vue synthétique cohérente des
variables caractéristiques de l’économie belge. La période d’observation s’étend
sur les trois décennies qui ont suivi l’année 1953, les données cohérentes
relatives aux comptes nationaux faisant défaut avant 1953 ; elle se justifie en outre
par le fait que la période retenue recouvre l’essentiel des transformations
intervenues après les remises en ordre réelles et monétaires consécutives à la
Seconde Guerre mondiale, ainsi que les premières conséquences des mutations
issues des chocs pétroliers et monétaires de la dernière décennie.
L’option choisie qui privilégie les faits et leur signification par rapport à
l’analyse directe des politiques menées est conditionnée par la constatation que
dans le cadre de la Belgique – pays qui connaît un degré de libéralisme élevé en
matière d’échanges extérieurs, combiné avec un degré d’ouverture de son
économie largement orienté vers l’étranger – les politiques économiques internes
ne permettent pas d’expliquer l’essentiel de l’évolution du réel. Ce dernier doit être
saisi comme tel et, en même temps, il faut mettre en relief les éléments de sa
configuration résultant des choix d’objectifs et de la poursuite des politiques.
La difficulté principale d’un tel essai de synthèse réside dans le choix des
éléments retenus. Dans un premier temps, un bilan de la dynamique globale de
l’économie belge sera dressé à partir de l’examen des taux de réalisation obtenus
pour les quatre objectifs du carré magique de la politique économique (expansion,
plein emploi, stabilité des prix et équilibre extérieur). Ensuite, une vue synthétique
sera donnée des principales modifications intervenues dans l’origine sectorielle du
produit national et dans son affectation, qui permettra notamment de révéler la
contribution respective des divers éléments de soutien de l’activité économique
(consommation, investissement et commerce extérieur). Enfin, on étudiera les
éléments qui affectent plus spécifiquement les orientations internes de la politique
économique belge, à savoir la répartition spatiale des activités économiques et la
situation des finances publiques.
Les performances de l’économie belge à moyen terme
La dynamique globale de l’économie belge se concrétise par
l’observation du taux de réalisation des objectifs généraux de la politique
économique, résumé par les données quinquennales fournies au tableau
.
Évolution et niveau du produit national brut
En ce qui concerne l’évolution du produit national brut à prix constant, il
convient de mettre en exergue l’accélération progressive du rythme d’expansion
de l’économie belge au cours des deux premières décennies observées. Le taux
moyen d’accroissement qui s’établissait modestement au taux annuel de
3,3 p. 100 au milieu de la décennie cinquante s’accélère progressivement pour se
situer à 4,5 p. 100 dix ans plus tard et plafonner à 5,5 p. 100 au début des années
soixante-dix. La croissance de l’économie belge, initialement inférieure à celle des
autres pays de la C.E.E., devient ainsi comparable aux performances réalisées
par ses partenaires européens après la création du Marché commun. Depuis
1973, un net ralentissement de l’expansion est enregistré et, pour la dernière
période quinquennale 1983-1987, le rythme de croissance atteint à peine
1,6 p. 100. En outre, si, durant les deux premières décennies, l’économie belge ne
subissait que des fluctuations de croissance – l’activité augmentant plus ou moins
vite, mais ne reculant pas, sauf une faible baisse en 1958 –, l’amplitude et la
fréquence des variations conjoncturelles se sont profondément modifiées au cours
des dix dernières années où deux reculs en valeur absolue – en 1975 et en 1981
– ont été enregistrés. Cette rupture de rythme est étroitement liée à la conjoncture
mondiale, les exportations constituant en Belgique une part importante du produit
national et se trouvant largement dépendantes de la situation économique des
principaux pays clients.
Le produit intérieur brut atteint, en 1988, 5 604 milliards de francs
belges, soit, pour une population de 9 885 000 habitants, un produit par tête de
567 000 francs belges ou 15 420 dollars. Compte tenu des réserves qui
s’imposent dans l’utilisation d’un tel chiffre global comme indicateur du niveau de
vie (comparabilité des prix, des structures d’activités et de besoins, des méthodes
d’enregistrement comptable), renforcées par l’instabilité croissante du marché des
changes, on peut cependant admettre que le niveau de vie moyen du pays se
situe parmi les plus élevés du monde occidental, se situant approximativement au
niveau de la moyenne de la Communauté économique européenne et inférieur de
30 p. 100 à celui des États-Unis.
Emploi et chômage
Dans un premier temps, et ce jusqu’au milieu des années soixante,
l’expansion générale de l’activité économique s’accompagne d’une nette
amélioration du marché de l’emploi. Le taux de chômage, qui s’élevait à 4,5 p. 100
au début des années cinquante, diminue progressivement pour se situer à un
niveau minimum de 1,8 p. 100 au milieu de la décennie soixante. La stagnation
prononcée de la population active au cours de cette période a renforcé l’efficacité
des efforts entrepris par les pouvoirs publics pour résoudre le chômage structurel.
Depuis 1959, une politique d’industrialisation ou de diversification d’activités a été
développée dans les régions où ce type de chômage sévissait davantage. Cette
action a porté des fruits en Flandre occidentale et a permis simultanément, dans
cette province comme dans le Hainaut occidental, de fixer en Belgique une part
croissante des travailleurs frontaliers qui recherchaient un emploi en France. Les
efforts d’adaptation menés par les pouvoirs publics se révèlent cependant
insuffisants pour résorber le chômage dans les nouvelles régions de régression
structurelle qui se situent davantage dans le sillon industriel wallon (déclin des
charbonnages, d’une partie des fabrications métalliques et de la sidérurgie). En
outre, alors que ses niveaux n’ont pas changé entre 1953 et 1964, la population
active belge connaît à partir de 1965 une progression continue. Celle-ci coïncide
avec l’entrée sur le marché du travail de la génération née après la guerre, pour
laquelle on constate une forte hausse du taux d’activité féminine par rapport à la
population féminine totale.
À partir du premier choc pétrolier, le ralentissement de l’expansion
économique s’est traduit, en Belgique, par une dégradation rapide du marché de
l’emploi, précédant de quelques années l’évolution constatée chez ses partenaires
européens au début des années quatre-vingt. La rapidité de réaction du marché
de l’emploi en Belgique est liée à la préoccupation des secteurs soumis à la
concurrence internationale de maintenir un niveau de compétitivité suffisante pour
pallier les pressions de l’inflation interne et le ralentissement de la dynamique
générale de la demande internationale. La caractéristique essentielle de la
structure des exportations s’orientant vers une augmentation des produits bruts et
semi-finis et une diminution de produits très achevés, les variations de prix
permises à l’exportation s’inscrivent dans des limites compatibles avec les
hausses de prix enregistrées dans les principaux pays concurrents. Le maintien
relatif des taux de pénétration sur les marchés mondiaux n’a donc pu être obtenu
que par des gains de productivité considérable de la main-d’œuvre – et donc au
détriment du plein-emploi –, gains indispensables pour compenser une croissance
des coûts salariaux liés à la hausse des prix intérieurs.
Les prix
Malgré l’attention constante et prioritaire accordée à la stabilité des prix,
en raison notamment du caractère de plus en plus ouvert de l’économie belge,
une dégradation continue des performances se manifeste au cours de la période
analysée, suivant d’ailleurs en cela un processus constaté à l’échelle mondiale. Il
convient également de signaler que si, en début de période, les prix du commerce
extérieur étaient restés relativement stables, ils augmentent, ensuite,
progressivement à un rythme qui tend à se rapprocher de celui de l’inflation
intérieure. Comme dans tous les pays occidentaux, la hausse des prix de détail
est nettement plus forte que celle des prix de gros ; elle s’explique principalement
par le relèvement des prix de services, les prix des produits alimentaires
augmentant aussi davantage – au détail – que ceux des autres produits. Tout ceci
montre que les hausses se sont opérées davantage dans les types d’activité les
moins soumis à la concurrence étrangère (services, agriculture, distribution), et
que la performance d’ensemble des prix belges ne devrait pas handicaper
sérieusement l’équilibre de la balance des paiements.
L’équilibre extérieur
C’est effectivement ce qui apparaît à l’examen des soldes successifs
des opérations courantes de la balance des paiements, tout au moins durant la
période de 1953 à 1987. Au cours de ce quart de siècle, les comptes extérieurs de
la Belgique ne s’écartent pas systématiquement de la position d’équilibre. Ce
résultat a pu être obtenu avec l’aide précieuse d’une politique monétaire polarisée
sur la recherche de cet équilibre. Cependant, à la veille du premier choc pétrolier,
l’apparition de surplus importants à caractère permanent traduit une
sous-évaluation de la parité du franc belge. Si cette sous-évaluation a permis dans
un premier temps d’amortir l’impact du premier choc pétrolier sur les comptes
extérieurs de la Belgique – qui sont relativement équilibrés durant la période
1973-1977 –, elle a également accentué les tendances inflationnistes au cours de
cette période et explique notamment l’accélération nettement plus forte de
l’inflation constatée en Belgique par rapport à l’évolution observée dans les
principaux pays concurrents. La dégradation de la position compétitive des
exportations belges qui s’ensuivit et la forte détérioration des termes d’échange
subie par l’économie belge au cours des années quatre-vingt, à la suite du second
choc pétrolier et de l’appréciation du dollar américain, sont à l’origine du
renversement rapide des résultats des comptes extérieurs dont le déficit
représente en moyenne 5,3 p. 100 du produit national brut pour 1980-1982.
L’évolution des avoirs extérieurs nets de la Banque nationale de
Belgique et la position du franc belge au sein du système monétaire international
ont été en étroite corrélation avec cette rupture nette de tendance. Au cours de la
période 1953-1973, les réserves de change du pays connaissaient une
augmentation substantielle, du même ordre de grandeur que celle des
importations en valeur, et la solidité extérieure du franc belge était largement
assurée ; la Banque nationale pouvait résister sans difficulté aux quelques vagues
de spéculation qui ont secoué le franc belge lors des événements du Zaïre et lors
des premiers soubresauts monétaires européens de la fin des années soixante. À
partir de la dévaluation de 1949, le taux de change officiel ne subit aucune
modification au cours des trois décennies qui suivent, et les variations du taux de
change sont contenues sans difficulté à l’intérieur des limites fixées par les
accords de Bretton Woods tout d’abord, des accords monétaires européens
ensuite. Cependant, la dégradation de la situation économique générale et des
comptes extérieurs en particulier nécessitent des interventions de plus en plus
importantes et quasi continues de la Banque nationale pour contenir le franc belge
dans les limites fixées par le système monétaire européen. Finalement, en février
1982, le gouvernement décide de dévaluer le franc dont la parité est abaissée,
avec l’accord de ses partenaires européens, de 8,5 p. 100.
Ces changements de cap de politique économique intérieure, combinés
au nouvel environnement international de la période 1985-1987, nettement plus
favorable grâce à la baisse du dollar et au contre-choc pétrolier, facilitent la
réalisation des objectifs externes de la politique économique. Cela se traduit par
un retour rapide à l’équilibre de la balance des paiements courants et même, en
fin de période, à l’apparition d’un surplus important. En outre, la rapidité de
transmission des fluctuations des prix internationaux sur les équilibres de prix
intérieurs permet, dans un contexte de baisse des prix internationaux, de réduire
le taux d’inflation qui se situe à nouveau à un niveau comparable à celui qu’on
observe en moyenne dans les principaux pays concurrents et permet de préserver
l’essentiel de l’avantage compétitif obtenu lors de la dévaluation de 1982.
Origine sectorielle du produit national brut
Pays d’industrialisation ancienne, la Belgique en connaît l’évolution
sectorielle fréquemment décrite : déclin de la part du produit national représentée
par les activités de type primaire, au bénéfice d’abord de la part du secondaire et
ensuite de celle du tertiaire.
Un examen plus détaillé de la ventilation de la production industrielle par
secteurs d’activité permet de dégager une caractéristique essentielle de cette
structure, à savoir une orientation vers la production de produits bruts et semi-finis
et une déficience dans la production de produits très achevés. Les branches
comme la sidérurgie, l’industrie des non-ferreux, la cimenterie, le verre, qui
concernent essentiellement des produits bruts ou semi-finis sont plus développés
en Belgique que dans les autres pays industrialisés. Une situation inverse se
présente pour la chimie et l’industrie des fabrications métalliques qui produisent
des biens plus élaborés. Cette situation se retrouve au sein de chacune des
branches d’activité où les sous-secteurs de première transformation des produits
sont en général plus développés que les autres. Cette spécialisation de la
production – qui se répercute sur la structure du commerce extérieur – constitue
un handicap dans le contexte international actuel caractérisé par un net
ralentissement de l’expansion de la demande mondiale pour ces demi-produits.
D’autre part, les efforts d’industrialisation de plusieurs pays du Tiers Monde
portent sur ces mêmes produits, de telle sorte que le taux de pénétration de la
Belgique sur ses marchés traditionnels a baissé sous l’effet combiné d’une
substitution à l’importation dans les pays sous-développés et de la concurrence de
ces nouveaux produits sur les marchés des pays industrialisés.
Affectation du produit national
D’autres caractéristiques importantes de l’économie belge se dégagent
à l’examen de l’importance relative que prennent les grandes catégories
d’affectation du produit national, à savoir : la consommation (privée et publique), la
formation intérieure brute de capital (c’est-à-dire l’investissement), les exportations
et importations de biens et services.
Un premier trait significatif est le degré croissant d’ouverture de
l’économie belge au commerce extérieur, cela se traduisant par l’accroissement
de longue période qui représente la part tant des exportations que des
importations dans le produit national : d’un tiers au milieu des années cinquante,
cette part passe successivement à la moitié avant le premier choc pétrolier pour
s’élever à 80 p. 100 en 1988. Par habitant, la Belgique présente le montant de
biens exportés le plus élevé des pays industrialisés.
La Belgique est la dixième puissance commerciale du monde, ce qui est
évidemment remarquable, même si l’on tient compte que l’étroitesse du territoire
conduit nécessairement l’industrie des petits pays à trouver à l’étranger une part
importante de ses débouchés.
Cela constitue un des aspects majeurs de la politique économique
poursuivie par tous les gouvernements, et qui consiste à rechercher au maximum
les avantages de croissance et de productivité résultant de la division
internationale du travail, elle-même conséquence d’un libre-échange plus intensif.
À ce titre, la Belgique s’est généralement classée en tête des pays européens, en
ce qui concerne tant la diminution des droits de douane que l’élimination des
restrictions quantitatives et des obstacles à la circulation des capitaux. Cette
politique a été poursuivie de façon intensive dans le cadre d’un espace restreint
(Benelux, C.E.C.A., Marché commun), de façon moins accentuée vis-à-vis
d’ensembles plus vastes (pays membres de l’O.E.C.E. ou du G.A.T.T.).
Cependant, c’est surtout avec les pays partenaires du Marché commun que se
sont développés les échanges extérieurs de la Belgique : les exportations de
marchandises à destination de ces derniers représentaient, en 1988, 74,2 p. 100
du total des exportations belges contre 51,0 p. 100 en 1950 et 58,1 p. 100 en
1960 ; l’évolution était similaire pour les importations. Quant à la structure par
produits du commerce extérieur – et plus particulièrement celle des exportations –,
elle correspond assez bien à celle de la répartition sectorielle de la valeur ajoutée :
par rapport aux autres pays industrialisés, on observe des indices de
spécialisation élevés pour les produits bruts ou semi-finis (acier, verre, fils, etc.),
normaux pour les produits alimentaires et chimiques, mais bas pour les biens
d’équipement.
Parmi les trois modalités d’affectation interne du produit national, seule
la consommation publique présente une évolution constante tout au long de la
période d’observation. La hausse continue de la part relative des dépenses
publiques courantes ne présente pas de différence notable par rapport à
l’évolution constatée dans les autres pays industrialisés. Par contre, l’affectation
du produit national entre la consommation privée et l’investissement évolue
différemment selon les périodes observées. Dans une première phase, c’est-à-dire
entre 1953 et 1973, un déclin quasi continu de l’importance relative de la
consommation privée correspond à l’accroissement sensible de la part de
l’investissement. Cette augmentation de la propension à investir de l’économie
belge permet à la part de l’investissement dans le produit national,
structurellement faible en début de période, de s’établir au début des années
soixante-dix à un niveau comparable à celui qui est observé chez les partenaires
du Marché commun. D’aucuns attribuent à cette évolution la cause principale de
l’accélération imprimée tant à la croissance du produit qu’à celle de la productivité
depuis 1960. Cette augmentation de la part des investissements doit tout d’abord
être liée à l’action des pouvoirs publics. D’autre part, les investissements des
pouvoirs publics se sont fortement développés, tant au niveau de l’État qu’à celui
des autres collectivités publiques ; la progression a été, dans les deux cas,
nettement plus forte que celle du produit national et a connu quelques variations
conjoncturelles qui furent en partie la résultante de contraintes budgétaires, mais
pour partie aussi l’effet d’une politique délibérée d’équilibre conjoncturel. D’autre
part, la réalisation de projets d’investissement a été facilitée par les lois
d’expansion de juillet 1959 et décembre 1970, destinées à favoriser le
développement économique et qui ont amplifié et élargi, de façon considérable,
les avantages offerts par les pouvoirs publics aux investissements privés. Tout au
long de cette période, la forte progression de la propension à investir des
entreprises a été d’une façon générale favorisée par le développement rapide des
diverses sources de financement. Dans ce contexte, deux facteurs explicatifs
spécifiques à cette période méritent d’être soulignés. En premier lieu, le volume de
l’épargne dégagée par les ménages s’accroît non seulement en raison de la
hausse des revenus disponibles mais également sous l’influence d’une hausse
continue de la propension à épargner. Ainsi, la proportion des revenus épargnés
– qui ne représentaient que 7 p. 100 des recettes des ménages en 1950 – double
au cours du troisième quart du XXe siècle pour s’établir à 14 p. 100 à la veille du
premier choc pétrolier.
Le développement et la diversification des systèmes de collecte de
l’épargne par les institutions financières ont permis une plus forte mobilisation des
capacités d’épargne des ménages. D’autre part, les variations du patrimoine ont
élargi le pouvoir d’achat du revenu disponible des particuliers – indépendamment
de la croissance de leur revenu courant – sous l’action conjointe des gains en
capital obtenus sur les plus-values immobilières et de la valorisation des actifs
financiers.
En second lieu, un apport étranger a renforcé la capacité de
financement de l’investissement en Belgique. Cet apport est dû notamment aux
retombées de la création du Marché commun qui incitait les investissements
étrangers, américains principalement, à importer des capitaux en Europe plutôt
que d’exporter des biens réels. Cette tendance a d’ailleurs été amplifiée par la
surévaluation du dollar au cours de cette période.
Depuis le premier choc pétrolier, un renversement complet des
évolutions des parts relatives entre la consommation privée et l’investissement est
observé. L’appauvrissement de l’économie belge n’étant pas dans un premier
temps répercuté sur le revenu disponible global des ménages, les dépenses de
consommation privée augmentent plus rapidement que le produit national.
Simultanément, les conditions favorables qui avaient précédemment stimulé
l’investissement se dégradent. La situation des finances publiques ne permet plus
l’accroissement des investissements publics et empêche la mise en œuvre d’une
politique d’aide à l’investissement privé. Les entreprises sont confrontées au
tarissement de leurs principales sources de financement. Sous l’action conjuguée
d’une offre de fonds propres moins dynamique du fait de la réticence de l’épargne
vis-à-vis des placements à risque, le recours massif aux fonds de tiers est
progressivement rendu plus malaisé par les besoins de financement des pouvoirs
publics et le resserrement de la politique monétaire nécessité pour la défense du
franc belge. Depuis 1978, les taux d’intérêt nominaux se maintiennent à des
niveaux largement supérieurs à celui des anticipations inflationnistes et des
attentes de rentabilité des investissements. Ainsi, progressivement, l’affectation
interne du produit national revenait à sa structure du début des années cinquante,
caractérisée par une proportion élevée de dépenses de consommation privée et
une faiblesse de la propension à investir.
Les politique des revenus et des finances publiques rendues plus
restrictives depuis 1982 ont permis de freiner ces évolutions structurelles, se
traduisant notamment par un recul des composantes tant publiques que privées
de la consommation globale. Par contre, en matière d’investissement, le regain
d’initiatives prises par les entreprises privées n’a pu, dans un premier temps, que
compenser, en matière d’investissements en actifs fixes, le recul des
investissements publics et des constructions de logement.
L’équilibre spatial des activités économiques
Au cours des années soixante-dix, les problèmes régionaux ont pris une
acuité croissante en Belgique. Progressivement, ils ont conditionné les choix de
politique économique. Cette préoccupation est liée à la juxtaposition en Belgique
de facteurs plus ou moins traditionnels à l’origine des prises de conscience
régionale – tels le refus des disparités économiques ou la volonté d’accroître
l’efficacité du pouvoir en modifiant la structure politico-administrative – à un
élément linguistique primordial jouant un rôle de catalyseur et se traduisant en
termes d’antagonisme entre deux communautés. La différence culturelle,
linguistique et, à certains égards, administrative entre la Flandre, la Wallonie et la
région bruxelloise, conduit à examiner l’évolution économique comparée de ces
trois régions. Les indices de niveau de vie comparés montrent qu’un renversement
complet des positions relatives de la Flandre et de la Wallonie s’est opéré entre
1955 et 1976. Grâce à un taux de développement constamment supérieur à la
moyenne nationale, le retard économique de la Flandre a pu être annulé, tandis
qu’à l’inverse la région wallonne, qui dépassait la moyenne nationale en 1955,
accuse en fin de période un sous-développement relatif comparable à celui de la
Flandre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le phénomène s’explique
pour partie par des raisons sectorielles (déclin des activités dominantes de la
Wallonie), pour partie par des facteurs de localisation d’investissements,
notamment la localisation maritime et portuaire de la Flandre. Il est possible enfin
que d’autres éléments – telles la répartition spatiale des dépenses publiques,
l’expansion démographique ou l’existence de facteurs sociologiques plus ou moins
propices au développement – contribuent à éclairer cette modification du poids
économique relatif de ces deux régions. Quelles qu’en soient les causes, le
phénomène se traduit par un déplacement du chômage structurel en direction du
bassin industriel wallon et par une paupérisation relative du sud du pays.
La position privilégiée qu’occupe en termes relatifs la région bruxelloise
doit être tempérée par le fait qu’une partie importante de l’activité économique de
la région est effectuée par des non-résidents. Durant la décennie soixante-dix,
l’emploi disponible à Bruxelles était occupé à concurrence de plus de 40 p. 100
par des navetteurs, en majorité originaires de Flandre.
Les finances publiques
Au début des années quatre-vingt, la Belgique présente, parmi
l’ensemble des pays industrialisés, les finances publiques les plus obérées : le
solde net à financer de l’ensemble des pouvoirs publics s’élève à 12 p. 100 du
produit intérieur brut, soit une proportion trois fois plus élevée que la moyenne
européenne. L’ampleur de ce déséquilibre ne s’explique pas uniquement par
référence à la phase de récession économique récente, mais par des causes plus
lointaines. Pendant les années soixante, le déficit public atteignait annuellement
plus de 2 p. 100 du produit intérieur brut ; toutefois ce déficit concernait
uniquement les investissements publics. Depuis le début des années soixante-dix,
la situation se détériore rapidement, même avant le premier choc pétrolier. Cette
détérioration trouve essentiellement son origine dans l’accélération des dépenses
du pouvoir central. Dans un système de dépenses étroitement liées à l’évolution
des prix intérieurs, en raison du système d’indexation généralisée des
rémunérations des fonctionnaires, la croissance inflationniste de l’économie
entraîne une augmentation nominale des dépenses publiques relativement plus
forte que celle des recettes plus dépendantes de la croissance réelle des activités
économiques. De plus, l’ajustement rapide opéré par le marché de l’emploi, suite
au ralentissement de l’expansion économique, a provoqué une véritable explosion
des charges résultant du chômage et des programmes de promotion de l’emploi :
celles-ci représentent, en 1981, 4,3 p. 100 du produit intérieur brut. Au début des
années quatre-vingt, un processus cumulatif se manifeste avec l’augmentation
considérable des charges d’intérêt, le budget de la dette publique devenant le
budget le plus important de l’État central. Les difficultés de financement du déficit
ont provoqué un glissement vers les modalités de financement à court terme et
d’emprunt à l’étranger. Afin de reprendre le contrôle de la situation, plusieurs plans
d’assainissement des finances publiques ont été appliqués au cours des dernières
années, limitant dans un premier temps la croissance des dépenses à la seule
augmentation des prix ou imposant ensuite, en 1987, une réduction de la valeur
nominale des engagements de tous les départements ministériels – 8,5 p. 100 en
moyenne –. L’ensemble de ces mesures, combinées à un rééchelonnement partiel
du service de la dette publique, s’est traduit par une sensible réduction du solde
net à financer qui se situe en fin de période à 6 p. 100 du produit intérieur brut.
Cependant, l’ampleur de la dette accumulée, qui représente 125 p. 100 du produit
intérieur brut et le service de la dette publique qui en résulte – 10 p. 100 du produit
intérieur brut – n’ont pas rendu aux autorités publiques la marge de manœuvre
économique et sociale nécessaire pour une utilisation des instruments budgétaires
non uniquement liée à des préoccupations de gestion purement comptable.
L’économie belge apparaît donc tributaire des avantages et des
difficultés de sa vocation internationale et de son industrialisation ancienne. Ces
deux caractéristiques expliquent la forte sensibilité conjoncturelle de l’activité
économique, de même qu’elles entraînent d’importantes adaptations structurelles
traduites par un taux de chômage particulièrement élevé. La politique d’ouverture
croissante vers l’extérieur – trait dominant de la politique de croissance de la
Belgique à moyen et long terme – a été largement payante dans le cadre de
l’environnement international dynamique de l’après-guerre, stimulé par une
libéralisation des échanges. Mais les perturbations de l’économie mondiale,
provoquées par l’accumulation des déséquilibres internationaux et l’atténuation
des effets positifs liés à la création du Marché commun, ont rendu beaucoup plus
malaisée la réalisation des objectifs de politique économique belge. Cette
dégradation est liée aussi bien au manque de maîtrise des variables constitutives
de la demande finale mais également à la perte d’efficacité et de contrôle dans
l’usage des instruments de politique économique.
L’économie belge se trouve confrontée à quatre déséquilibres
importants : celui de l’emploi, des comptes extérieurs, des finances publiques et
de la répartition spatiale des activités économiques.
Dans un premier temps, la résorption de ces déséquilibres a été liée à
un redressement de la demande mondiale, sans ajustement interne profond.
Ensuite, l’approfondissement des déséquilibres a fait apparaître la nécessité d’une
réaffectation plus profonde des ressources disponibles ; mais l’assainissement des
finances publiques et la répartition de la charge d’appauvrissement relatif de
l’économie belge posent des difficultés politiques qui freinent l’action publique en
ce domaine.
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