Monsieur Michel DEMAZURE - Cité des Sciences et de l`Industrie

Oser le savoir ” Conférence-débat du 4 décembre 2000
La génétique au service de l’Homme ?
Françoise Bellanger
Bienvenue à la Cité des Sciences et de l'Industrie pour cette conférence sur le thème La
génétique au service de l'Homme ? Cette conférence s'inscrit dans le cadre de l'exposition
Oser le Savoir qui ouvrira ses portes demain sur le thème de Bricoler le vivant.
La génétique est à la fois pleine d'espoirs et d'inquiétudes, on se demande où l'on va, est-ce
que le XXIe siècle sera celui de la génétique ? On veut tous des bébés sans faute, il y a les
traitements qui se développent, la thérapie génique, la thérapie cellulaire, on veut tout savoir,
la prévention, tout ce qui est maladies prédictives, et puis après quel va être le rôle des
assurances derrière tout ça ? Et puis, mais nous n'en parlerons pas aujourd'hui, il y a aussi
tout ce qui concerne, bien sûr, la production agricole, les OGM, l'amélioration des espèces,
j'en passe et des meilleurs. Donc, la génétique est à la mode.
Derrière ce questionnement : la génétique au service de l'Homme ? il y a des aspects
éthiques, économiques, juridiques, il y a des problèmes d'assurances, des enjeux industriels,
et puis la génétique ces semaines a été sous les feux de la rampe : il y a eu en fin d'année
dernière la thérapie génique, mais il n'y a pas très longtemps, la semaine dernière, Marc
Pechanski parlait de la thérapie cellulaire avec la greffe de neurones pour la chorée de
Huntington; il y a le jeune Valentin qui est né à l'hôpital Béclère qui a fait l'objet d'un
diagnostic préimplantatoire avant d'être implanté, et puis bien sûr il y a les lois de bioéthique
dont on parle puisque le Premier ministre a proposé une nouvelle loi, puisqu'il fallait revoir
les lois de bioéthique, et puis à la fin de la semaine il va y avoir le Téléthon, la génétique est
sous les feux de la rampe.
Pour vous parler de génétique aujourd'hui nous avons réuni une juriste, Brigitte Le Mintier
qui est professeur des universités, elle enseigne à la faculté de droit et de sciences
politiques de Rennes I, et elle est spécialiste du droit des personnes et de la famille. Elle
dirige le Centre de recherche juridique de l'Ouest, et un laboratoire rattaché au CNRS dont
l'activité porte sur la bioéthique. Brigitte Le Mintier est membre de comités scientifiques et de
comités éditoriaux de plusieurs revues, elle est auteur de plusieurs ouvrages, ça tourne
toujours autour de l'embryon humain, les lois de la bioéthique et puis ses travaux portent sur
les aspects juridiques de la procréation, la génétique, la relation médicale. Elle pourra
aborder les aspects juridiques que nous aborderons en fin de ce débat.
Alain Fischer est Docteur en Médecine et en science, il est professeur des universités mais
aussi praticien hospitalier, il est d'ailleurs pédiatre et Chef du service Immunologie et
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Hématologie pédiatriques à l'hôpital Necker. Il est aussi Directeur d'une unité INSERM qui
s'appelle développement normal et pathologique du système immunitaire. Il est par ailleurs
Président du Conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche Médicale, et on lui doit
le spectaculaire résultat de la sortie des enfants bulle en avril dernier gr‚ce à la thérapie
génique des déficits immunitaires. François Cornélis est aussi Docteur en Médecine et
enseignant à la Faculté de Médecine de Lariboisière, c'est d'ailleurs dans cet hôpital qu'il
exerce ses activités médicales, il est responsable de l'Unité génétique de l'adulte. Par
ailleurs, il est chercheur et Directeur du Laboratoire Européen sur la polyarthrite rhumatoïde.
Il mène d'ailleurs, dans le cadre de ce laboratoire qui se trouve au Génopole d'Evry, une
étude auprès de 1.000 familles, en France et en Europe, sur les facteurs génétiques de cette
maladie qui est une maladie auto-immune la plus fréquente.
Enfin, Pierre Jouannet; il est aussi Docteur en Médecine et professeur des universités,
praticien hospitalier lui-même il dirige le CECOS (Centre d'Etude et de Conservation des
åufs et du Sperme humain) à Paris Cochin, après avoir dirigé celui de Bicêtre; il est membre
de plusieurs instances scientifiques et universitaires, Président de la Fédération Française
des CECOS, et lui aussi il a été auteur de plusieurs ouvrages sur la fertilimasculine et
l'éthique.
Pour commencer ce débat, nous allons donner la parole à Alain Fischer qui va nous parler
de la thérapie génique, de la thérapie cellulaire, des différences entre ces différentes
techniques, ces différentes pratiques médicales, des espoirs, des résultats.
Alain Fischer
Avant de commencer directement et entrer dans le sujet de la thérapie génique et de la
thérapie cellulaire, je pense qu'il faut un petit rappel de principes de base dans le domaine
des connaissances de la génétique. Cette diapositive vous montre la photo d'une cellule
montrant les chromosomes, c'est une cellule d'une plante, l'iris, c'est en gros l'état des
connaissances dans le domaine de la génétique telles qu'elles étaient il y a soixante ans.
Avant la Deuxième Guerre mondiale on savait qu'il y avait des caractères qui étaient
transmis héréditairement, on savait que cette hérédité était liée aux chromosomes, mais on
ne connaissait pas la nature moléculaire du support moléculaire de l'hérédité, l'ADN. La
structure de l'ADN a été connue par Watson et Crick en 1953, et le progrès suivant décisif,
bien qu'il y en ait eu d'autres de façon intermédiaire, a été et est en cours : c'est le
décryptage du génome humain ainsi que d'autres espèces, et évidemment il est attendu du
décryptage du génome humain de grands progrès en médecine et on va essayer d'en parler
un peu, moi-même pour commencer, et mes collègues ensuite.
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Le génome est composé de chromosomes, et ce chromosome est composé d'une longue
hélice composée d'ADN qui est située dans le noyau, l'acide désoxyribonucléique; vous
savez que cet ADN code pour des protéines qui sont synthétisées dans le cytoplasme des
cellules par forme de l'association d'éléments unitaires que sont les acides aminés; pour
chaque acide aminé correspond ce qu'on appelle un triplet de base, qui sont des bases A, C,
G, c'est le code schématisé en lettres qui différencie les différentes parts de l'ADN.
Donc un gène est composé d'un certain nombre de bases A, C, G, dans un ordre variable,
les mots se lisent par trois lettres et pour chaque trois lettre code ”, on appelle ça un triplet,
code pour un acide aminé. Donc, d'un gène composé d'ADN va être fabriqué, on dit dans le
jargon scientifique transcrit, un ARN messager qui est littéralement un messager du noyau
vers le cytoplasme, et à partir de cet ARN messager, copie de l'ADN dans le chromosome
dans le noyau de la cellule, va être fabriquée la protéine composée d'acides aminés. C'est
de cette manière que le génome, à travers tous nos gènes, nous permet de fabriquer une
kyrielle de protéines qui constituent l'essentiel des composants de notre organisme, et nous
avons probablement quelques dizaines de milliers de ces gènes dont nous sommes bientôt
prêts de connaître la séquence pour la totalité, même si aujourd'hui on n'y est pas encore
tout à fait.
Et qu'est-ce qu'on peut faire à partir de la connaissance des gènes d'intérêt médical ? On
peut probablement faire pas mal de choses, même si c'est complexe et même si dans un
grand nombre de cas cela va prendre beaucoup de temps. Schématiquement, à partir d'un
gène, si ce gène est associé à une maladie, je pense à une maladie héréditaire
monogénique où un gène est muté quelque part, donc la lecture ne se fait pas normalement
et la protéine n'est pas fabriquée normalement. On peut éventuellement mieux comprendre
la physiopathologie, c'est-à-dire le mécanisme de la maladie, même si c'est strictement vrai
pour les maladies héréditaires, ça peut aussi s'appliquer à des maladies acquises il y a
des modifications du génome, je pense au cancer, lorsqu'il y a cancer le génome de la
cellule est modifié, et si on connaît la modification du génome de la cellule, éventuellement
on pourra comprendre le mécanisme, pourquoi la cellule est devenue cancéreuse.
A partir de ces mécanismes et de ces connaissances de la fonction du gène et de
l'implication dans les maladies, on peut éventuellement développer des outils diagnostiques
pour les maladies héréditaires, avoir des tests simples pour savoir qu'un gène est muté et
n'est pas muté, donc dire qu'il y a ou il n'y a pas maladie. Ce diagnostic génétique peut
s'appliquer dans le cadre du conseil génétique, c'est-à-dire pour des familles qui risquent
d'avoir un enfant atteint d'une maladie héréditaire grave, on peut appliquer ces
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connaissances. On peut faire des choses un peu plus compliquées, c'est d'essayer d'estimer
la sensibilité de chacun d'entre nous à l'utilisation de tel ou tel médicament, c'est ce qu'on
appelle dans le terme scientifique la pharmacogénomique. On sait que de façon héréditaire
on est plus ou moins sensible aux effets ou à la toxicité de tel ou tel médicament, ceci est
une source de recherche importante pour l'avenir. Et dans certains cas, lorsque c'est justifié,
les connaissances des gènes et des modifications des gènes peuvent être utilisées pour
prédire la survenue d’événements pathologiques chez les malades, un diabète ou une autre
pathologie et, éventuellement, ceci peut devenir une médecine prédictive si des mesures de
prévention peuvent être entreprises pour éviter que la maladie survienne.
Sur le plan thérapeutique on peut faire pas mal de choses, on sait déjà faire dans certains
cas un certain nombre de choses, de la connaissance d'un gène on peut utiliser ce gène à
produire au laboratoire une protéine, et cette protéine peut être utilisée pour traiter une
maladie, par exemple le diabète lié au manque de production d'insuline, on peut traiter des
malades avec de l'insuline qui est produite par génie génétique, donc en utilisant la
séquence normale du gène, c'est le cas aussi du traitement de l'hémophilie manque un
facteur de la coagulation que l'on peut produire au laboratoire et utiliser pour traiter des
malades, et il y a ainsi d'autres exemples. On peut songer à trouver de nouveaux
médicaments par des techniques un peu complexes, mais de la connaissance du génome il
est très probable que l'on pourra, par des systèmes de criblage, trouver de nouvelles
molécules qui interviennent dans telle ou telle grande voie du métabolisme et du
fonctionnement des cellules, et l'industrie pharmaceutique investit beaucoup d'argent
actuellement pour essayer de trouver de nouveaux médicaments par criblage sur des
protéines produit de gènes. Et enfin, on peut envisager une thérapie génique, c'est ce que je
vais développer dans un instant, essayer de traiter une maladie en insérant dans les cellules
malades un gène qui va fonctionner et qui va restaurer une fonction déficiente, ou va donner
à ces cellules une fonction d'intérêt thérapeutique.
Développons cet aspect de thérapie génique, puisque c'est mon sujet. Le principe est assez
simple. On a une cellule et dans cette cellule on veut qu'un gène pénètre et s'exprime.
S'exprimer, ça veut dire que le gène donne naissance à un ARN messager qui va donner
naissance à une protéine, qui va avoir une fonction, évidemment une fonction d'intérêt
thérapeutique. Pour ce faire, il faut évidemment avoir la copie du gène sous forme de
matériel génétique, d'ADN ou d'ARN; il faut un système qui est un promoteur, promoteur
c'est un système génétique qui va permettre que le gène puisse s'exprimer. Le gène tout
seul ne peut pas donner naissance à un ARN messager, il faut en plus qu'il y ait le
promoteur. Mais ce système génétique d'un promoteur plus le gène lui-même, tout seul il ne
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peut pas rentrer dans une cellule, il est repoussé par la membrane de la cellule, donc il faut
un système de transport qui va faire pénétrer ce matériel génétique à l'intérieur des cellules :
c'est le vecteur, et le plus souvent on utilise comme système de vecteur des véhicules
naturels que sont les virus. Les virus sont des particules qui donnent toutes sortes
d'infections, toutes sortes de maladies, mais qui ont un avantage extraordinaire c'est qu'ils
savent pénétrer dans les cellules et ils savent induire la pénétration de matériel génétique,
en l'occurrence leur propre matériel génétique habituellement, dans des cellules. Là, on
utilise les virus comme cheval de Troie pour faire pénétrer un matériel génétique d'intérêt
thérapeutique. Ce qui soulève toute une série de problèmes, mais c'est le principe. Si on a
un vecteur qui contient le gène qui nous intéresse plus le promoteur qui va permettre
éventuellement l'expression dans la cellule du gène, encore une fois quand je dis expression
ça veut dire que la protéine va être exprimée, si c'est pénétré dans la cellule, on a notre gène
dans le noyau, éventuellement, qui donne naissance indirectement à une protéine qui
fonctionne et qui va modifier les caractéristiques de la cellule. C'est le principe de la thérapie
génique.
Qu'est-ce qu'on peut faire avec ça ? On peut faire toute une série de choses, pour des
maladies génétiques, ou pour être plus strict, dans les maladies héréditaires un gène est
muté. Donc l'idée c'est qu'on va essayer de corriger l'anomalie dans ces cellules le gène
s'exprime normalement; par exemple, dans la mucoviscidose c'est les cellules des bronches,
c'est ça ne fonctionne pas, on va essayer d'introduire dans ces cellules des bronches,
si je prends le même exemple, cette fois-ci une copie normale du gène avec toujours un petit
promoteur pour qu'il s'exprime. Donc, ça c'est une façon d'essayer de corriger une maladie
héréditaire, en ajoutant une copie normale du gène qui est muté, ça c'est un premier intérêt
thérapeutique de ce type de stratégie.
Deuxième intérêt éventuel, c'est pour traiter des maladies acquises, on peut songer à traiter
des tas de maladies, des cancers, des maladies dégénératives, la maladie d'Alzheimer,
l'athérome qui donne l'infarctus du myocarde, par exemple, aussi traiter parfois des maladies
infectieuses, il y a des tas de stratégies possibles. Donc, évidemment le but n'est pas
d'ajouter une fonction normale ça ne fonctionnait pas parce qu'un gène est muté, mais
d'apporter dans une cellule qu'on va choisir, en fonction de l'intérêt thérapeutique, la même
chose; on va introduire un gène qui va coder pour une protéine, et cette proine va avoir
une fonction. Cette fonction, par exemple, ça peut être que la cellule meurt, ce qui est
intéressant s'il s'agit d'une cellule cancéreuse, si on obtient l'expression d'une protéine qui
induit la mort de la cellule qui est cancéreuse, on peut espérer avoir un effet bénéfique sur
un cancer. Idem pour le traitement de maladies dégénératives il y a un excès de cellules,
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