WLUML Dossier 14-15 novembre 1996
841057019
ratifier les instruments des droits humains appropriés ou au moins émettent des réserves quant à
leurs obligations vis à vis de certains traités des droits humains.
Ainsi, l'Egypte est un des rares pays musulmans à avoir ratifié la
Convention sur l'élimination de
toutes formes de discrimination à l'encontre des femmes de 1979
. Elle a cependant émis une réserve
sur l'article 16 de la Convention qui prévoit l'égalité entre hommes et femmes en matière de mariage
et de relations familiales durant le mariage et à sa dissolution. La réserve égyptienne stipulait
spécifiquement que ces questions étant régies par la
Charia
, l'Egypte devait déroger à ses obligations
découlant de la Convention.
Le droit sur le statut personnel de la
Charia
en vigueur en Iran n'est pas significativement différent de
celui appliqué dans les pays sunnites tels que l'Egypte, sauf qu'il y a un affront supplémentaire porté
à la dignité humaine des femmes et une violation grave de leurs droits humains en raison de
l'institution du mariage temporaire ou mut'a, propre à la jurisprudence Shi'a. Dans ce type de
mariage, l'homme a le droit de prendre autant d'"épouses temporaires" qu'il peut se le permettre en
plus de ses quatre "épouses permanentes". Contrairement au mariage normal, qui est contracté
théoriquement pour la vie, le mariage mut'a l'est pour une période de temps spécifique, en termes
d'années, de mois, de jours ou peut-être même d'heures.
Ce type de "mariage" est non seulement une source d'humiliation et de discrimination pour la
malheureuse "épouse" temporaire, mais en outre avilit toutes les femmes et dégrade l'institution
même du mariage. Malgré les implications de ce type de "mariage" et d'autres extrêmement graves
en termes de droits humains et sociaux, il est toujours pratiqué en Iran, de nos jours.
Certains pays musulmans ont introduit des réformes limitées dans le domaine du droit familial. En
raison de leur modestie, ces réformes paraissent plus susceptibles de survivre à la riposte
traditionaliste et fondamentaliste que les réformes iraniennes dont on vient de discuter. Les
amendements de 1979 au droit sur le statut personnel en Egypte "étaient soigneusement formulés
pour prévenir une confrontation inutile avec les éléments conservateurs religieux". Ces amendements
préservaient les droits du mari au divorce unilatéral et à la polygamie tout en cherchant à compenser
ces droits en accordant aux femmes certaines garanties financières et en matière de procédures. Au
Pakistan, le Code de la Famille musulman - Muslim Family Laws Ordinance - de 1961 introduisait
quelques réformes. Entre autres mesures, il instituait un réseau de Conseils d'Arbitrage traitant des
questions de divorce, de polygamie et d'entretien des épouses. Actuellement, un homme marié
envisageant de prendre une autre épouse doit avoir l'accord écrit du Conseil d'Arbitrage.
Ces réformes ne constituent que de petites avancées dans les efforts visant à redresser les violations
des droits humains des femmes découlant de la
Charia
, et pourtant, elles sont qualifiées de non-
islamiques par les groupes traditionalistes et fondamentalistes. L'abrogation des réformes iraniennes
et la menace de révision des réformes égyptiennes et pakistanaises suggèrent (à un auteur) la
nécessité de mettre en oeuvre une méthodologie islamique légitime pour l'élaboration de ces
réformes. J'appuie une telle recommandation et j'ajoute que les réformes doivent être assez poussées
pour garantir l'intégralité des droits humains des femmes dans le droit relatif à la famille et à
l'héritage.
C. Les femmes musulmanes et la vie publique
Un conflit analogue et peut-être plus grave existe entre les tendances réformistes et conservatrices
en ce qui concerne le statut et les droits des femmes dans le domaine public. Contrairement aux
questions relevant du droit sur le statut personnel, où la
Charia
n'a jamais été supplantée par le droit
laïc, dans la plupart des pays musulmans, les questions de droit public constitutionnel, criminel et
autres sont fondées sur des concepts et des institutions juridiques laïcs essentiellement occidentaux.
En conséquence, la lutte relative à l'islamisation du droit public a porté sur le rétablissement de la
Charia
là où elle avait été absente pendant des décennies, ou au moins depuis l'instauration des
Etats-nations musulmans modernes dans la première moitié du vingtième siècle. En termes de droits
des femmes, la lutte déterminera si les femmes peuvent préserver le degré d'égalité et de droits
auquel elles avaient accédé dans la vie publique, en vertu des constitutions et des lois laïques.