
Les préconisations de la BCE, de la Commission et du FMI ne visent pas à aider le peuple
grec, mais à préserver autant que faire se peut les intérêts financiers des créanciers. Ce ne sont
rien d’autre que des plans d’assistance au système bancaire, qui sacrifient les populations en
les plongeant dans la misère.
L’ancien ministre de l’économie argentin, Roberto Lavagna, célèbre pour avoir refusé un prêt
de 25 milliards de dollars du FMI en 2002 visant prétendument à mettre fin à l’endettement
permanent de son pays, livrait récemment son témoignage dans les colonnes d’un quotidien :
« Les sorties de crise, disait-il, se font en dehors des chemins tracés par le FMI. Cette
institution propose toujours le même type de contrat d’ajustement fiscal qui consiste à
diminuer l’argent qu’on donne aux gens – les salaires, les pensions, les aides publiques –,
mais également les grands travaux publics qui génèrent de l’emploi, pour consacrer l’argent
économisé à payer les créanciers. C’est absurde. » Plus que l’absurdité, c’est le cynisme de
ces politiques d’ajustement, qui prétendent exiger des peuples des sacrifices intolérables au
nom de l’intérêt général, alors que l’objectif n’est que de rassurer les marchés et d’engraisser
les banquiers, qui doit être souligné.
C’est ce type de solutions que veut systématiser le mécanisme européen de stabilité. C’est un
motif suffisant pour le rejeter.
Mais il est un autre motif, de taille. En effet, le sommet du 9 décembre dernier a été
l’occasion, nous le savons, de compléter le dispositif européen de soutien à la crise en fixant
les contours d’un nouveau pacte budgétaire, qui s’est traduit par l’adoption, le
30 janvier 2012, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union
économique et monétaire par vingt-cinq chefs d’État et de gouvernement, dont ceux de la
zone euro.
Que prévoit ce traité qui devrait être définitivement adopté par le Conseil européen la semaine
prochaine ? Ni plus ni moins que de rendre obligatoire la règle d’or, sous peine de sanctions
contre ceux qui ne la respecteraient pas. Des sanctions pouvant aller jusqu’à 2 milliards
d’euros, comme ce serait le cas pour la France si nous étions condamnés !
Ce traité ne vise pas seulement à paralyser toute politique nationale de relance économique
qui ne se conformerait pas à la doctrine libérale, à interdire toute politique de relance de la
consommation intérieure, qui est pourtant le principal moteur de notre économie, mais il
prévoit en outre la possibilité pour un État ou pour la Commission de traduire un État devant
la Cour de justice de l’Union européenne en cas de non-respect de ces règles lourdes et
absurdes.
Un pas de plus est donc franchi par ce texte dans le dessaisissement démocratique des
citoyens et des peuples, en violation manifeste et délibérée du principe de séparation des
pouvoirs. L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le rappelle avec
force : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». En prévoyant que la Commission et le
juge européen pourront condamner et sanctionner la politique économique conduite et
approuvée par les représentants du peuple, ce projet de traité apparaît pour ce qu’il est : un
texte liberticide, qui entend faire prévaloir l’exercice du pouvoir des juges et du pouvoir
bureaucratique de décideurs autoproclamés sur l’expression de la souveraineté populaire.
Contre ceux qui saluent l’avènement de ce despotisme technocratique, nous ne cesserons de
défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, car c’est sur ce fondement seul que
pourra enfin se construire une Europe des peuples, une Europe authentiquement démocratique
et solidaire.