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Chantier 7 : Finance Durable
Projet de synthèse
Vers une Finance Durable au Service du Bien Commun.
Constats
1. La spécialisation des activités économiques est source d’efficacité (croissance), mais elle
est aussi porteuse de fragilités. En effet, la pression à la spécialisation augmente les in-
terdépendances économiques, donc diminue l’autonomie de chacun des acteurs. Cepen-
dant, compte tenu du poids inégal des acteurs, dans bien des cas, derrière les relations
d’interdépendance se cachent en fait des relations de dépendance. Ainsi, la concentration
croissante de la puissance qui accompagne la globalisation a pour contrepartie d’un côté
l’augmentation de l’efficacité d’ensemble mais de l’autre côté la réduction de l’autonomie,
donc de la subsidiarité économique.
2. Dans un univers qui a fait de la spécialisation son principe d’organisation ultime, l’accès à
l’échange devient une question de vie ou de mort pour les personnes, les communautés et
les pays. Le système monétaire et financier qui facilite l’échange, est devenu nolens
volens l’ossature de l’économie et de la société contemporaine. De manière de plus en
plus prononcée, le “ droit de cité ” des personnes, des communautés ou des pays dépend de
l’accès au système financier, c’est-à-dire de la solvabilité de chacun ou plutôt de la per-
ception qu’on ont les institutions financières érigées en gardiennes du système. Par con-
séquent les mécanismes financiers énoncent des verdicts d’exclusion. En cas de faillite
d’une entreprise, l’exclusion est définitive puisqu’elle entraîne la disparition de l’acteur. Il
en va autrement quand il s’agit de personnes ou de pays qui ploient sous le poids des dettes,
ils sont simplement exclus de transactions futures comme l’étaient des lépreux ou des
pestiférés aux temps anciens.
3. La financiarisation des activités économiques progresse de manière ininterrompue depuis
au moins vingt ans sous toutes les latitudes. Elle se manifeste par la création soutenue
d’actifs financiers de types toujours nouveaux et par la multiplication des transactions y
relatives. Dans de nombreux cas, les nouveaux actifs financiers sont enracinés dans des
transactions qui n’avaient pas antérieurement de dimension financière. Il s’ensuit
l’apparition de niveaux supplémentaires de dépendances, avec pour conséquence
l’éloignement des centres de décision financière du terrain des opérations économiques où
se manifestent, en dernière analyse, les conséquences de ces décisions. En termes concrets,
cela signifie que les décisions financières, versatiles et volatiles se répercutent avec toute
leur violence et sans atténuation aucune sur ceux qui se trouvent au bas de toutes les py-
ramides.
4. Les sommes mobilisées sur les marchés financiers, sans commune mesure avec leurs
corrélats dans l’économie réelle, fondent la responsabilité majeure des marchés financiers,
à la fois en temps normal et en temps de crise. Les enjeux sont énormes, et les acteurs fi-
nanciers se doivent d’inspirer par leur comportement la confiance des autres acteurs
économiques, afin de favoriser la bonne marche de l’économie en temps ordinaire et de ne
pas provoquer de panique en temps de crise. La responsabilité du système financier des
opérateurs privés comme des régulateurs publics nationaux et internationaux - ne se ré-
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sume toutefois pas aux aspects de court terme consistant à préserver la confiance et à éviter
les mouvements de panique incontrôlables. Leur responsabilité comporte aussi des élé-
ments de long terme : si les marchés financiers dysfonctionnent, il convient d’y apporter
les réformes nécessaires. Si le secteur financier n’est pas responsable de tous les biens ou
de tous les maux affectant l’économie, il n’en reste pas moins qu’il porte une responsabi-
lité majeure dans le processus d’allocation des ressources, tant au niveau macro que mi-
croéconomique.
5. La globalisation financière entraîne dans son sillage une double fusion . La première fusion
concerne le domaine monétaire, traditionnellement l’apanage de la puissance publique, et
la finance, traditionnellement un domaine privé par excellence. Aujourd’hui la monnaie et
la finance s’interpénètrent au point où il est de plus en plus difficile de les distinguer et de
les réguler de manière séparée. Il s’ensuit une nouvelle configuration des responsabilités et
des compétences des institutions publiques comme la banque centrale et des banques
privées notamment dans le domaine de la politique monétaire. Cette première fusion est
perceptible au premier chef dans chacun des pays développés elle appelle des ajuste-
ments au niveau des comportements et des régulations. Elle est aussi perceptible au niveau
internationale comme en témoigne la mise en place récente sous les auspices de la Banque
des Règlements Internationaux du Forum de Stabilité Financière.
6. La seconde fusion transforme les systèmes financiers nationaux en un système global et
émergeant. Tel qu’il se dessine à l’horizon, ce système se structure en deux niveaux dif-
férents. Un marché financier global, se traitent les actifs et viennent se financer les
3'000 à 5'000 plus grandes entreprises mondiales. Ce marché ponctionne une part crois-
sante des liquidités et de l’épargne des bassins locaux de financement qui forment le ni-
veau inférieur du système global. Cette stratification pose un double problème. Premiè-
rement, il n’est pas certain que l’allocation de l’épargne que réalise le système global soit
efficiente du point de vue strictement économique. Deuxièmement, la ponction de
l’épargne du local vers le global détériore l’accès au financement des micro et des petites
entreprises.
7. Depuis 1971, les institutions monétaires internationales se trouvent en porte-à-faux par
rapport à la réalité qu’elles avaient pour tâche initiale de réguler. Aussi la recherche d’un
nouveau cadre de gouvernance du système financier international est-il en cours depuis
plus d’un quart de siècle, sans percées tangibles à ce jour toutefois. encore, la prise en
compte des intérêts et des aspirations des plus faibles et des moins performants est su-
bordonnée au respect du bon fonctionnement du “ système et de ses principes fondateurs,
lesquels ont été formulés par les meilleurs et les plus performants - qui en restent les
adeptes inconditionnels.
8. La théorie économique est moins solide et moins imbue d’elle-même aujourd’hui qu’elle
ne l’était il y a dix ans, à la fin des années 1980. Ceci est particulièrement vrai de son volet
international. Il en est ainsi parce que la théorie classique peine à intégrer les nouvelles
données qui tiennent à la désarticulation des logiques territoriales, à la multinationalisation
des entreprises, à la dématérialisation de la vie économique dont la financiarisation est le
meilleur exemple. En matière des politiques de stabilisation et d’assainissement, le con-
sensus de Washington est soumis à une pression forte, même si aucun autre consensus de
remplacement ne se dessine à l’horizon.
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Propositions
Les défis en quête de solutions.
1. Renforcer la subsidiarité dans l’organisation de l’activité économique tant au niveau local
que régional ou global
Créatrice de richesse, la spécialisation est souvent aussi porteuse de dépendance. Aussi
l’autonomie par rapport à des processus complexes est porteuse d’indépendance et de li-
berté mais exige un sacrifice au plan purement économique. A l’instar du domaine poli-
tique, le principe de subsidiarité doit retrouver son droit de cité dans l’organisation de
l’activité économique tant au niveau local que régional ou global. Il ne s’agit pas de prôner
le retour à l’idolâtrie de l’état-nation, mais de reconnaître que la dépendance trop poussée
est dangereuses. La subsidiarité appliquée au marché des changes par exemple, pose la
question de leur légitimité puisque la vie quotidienne des uns devient par le biais de la
monnaie objet de spéculation pour d’autres. Il en va de même des marchés de matières
premières les transactions spéculatives sont fréquemment les plus importantes. La re-
découverte de la subsidiarité en matière économique exige certes des choix de la part des
communautés politiques mais elle exige tout autant des comportements d’autolimitation
mis en pratique par des personnes, des entreprises, et des sociétés.
2. Mettre en place des mécanismes d'inclusion et d'assainissement des dettes au niveau des
individus, des entreprises ou des Etats.
La finance est productrice d’exclusion. Il est fondamental a mettre sur pied des méca-
nismes d’inclusion. Ce faisant il ne s’agit pas d’abolir la finance, ni de saper les bases de la
discipline qu’elle impose aux acteurs, mais simplement de faire en sorte que les verdicts de
la finance excluante ne soient pas définitifs qu’il y ait une procédure de retour à la vie
économique. Plusieurs mécanismes peuvent être mis en place, le plus ancien découle de
l’Ancien Testament, il s’agit de la tradition du jubilé. Selon cette tradition, le temps éco-
nomique est ponctué d’interruptions qui sont aussi des périodes de retour des acteurs dans
leurs possessions. L’idée de soumettre l’activité économique à une telle périodicité
toutes les dettes seraient annulées et donc les livres des comptes soldées ne peut
s’appliquer directement à notre temps, mais peut être utilisée de manière analogique.
Les procédures de désendettement et d’assainissement des dettes passée s’inscrivent dans
la même logique. Aussi, le monde a besoin de procédures de faillites d’entreprises et de
faillites personnelles qui laissent une chance par opposition à celles qui condamnent dé-
finitivement. Aussi, le non-remboursement de la dette insupportable devrait être ins-
taurée en principe de la finance internationale avec ancrage dans un tribunal arbitral par
exemple.
Quelle que soit la méthode choisie, elle aurait pour conséquence de répartir le risque de
non-remboursement plus équitablement qu’aujourd’hui entre le débiteur et le créancier.
Aussi, la mise en place des mécanismes de “ retour ” aurait pour conséquence de diminuer
l’importance de la finance.
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3. Reconnaître le système financier comme d'utilipublique universelle, par une nouvelle
architecture mondiale articulée autour d'une collaboration entre les secteurs public et
privé.
Le système financier doit être reconnu d’utilité publique universelle et donc traité non
comme la résultante des intérêts particuliers des pays et des entreprises, mais comme re-
levant d’une finalité supérieure. Nous avons aujourd’hui besoin d’une nouvelle architec-
ture financière internationale, à l’instar de celle produite par la conférence de Bretton
Woods en 1944. La nouvelle architecture devrait avoir deux caractéristiques très diffé-
rentes par rapport à celle qui existe actuellement. D’une part elle devrait être résolument
mondiale et non pas internationale, de plus elle devrait s’articuler autour d’une collabora-
tion étroite entre le secteur publique et le secteur privé. Ce dernier devrait être en effet
porter et cela est nouveau une partie de la responsabilité politique. Une telle cores-
ponsabilité, dont les modalités précises restent à trouver, est la seule manière pour mettre
le système financier au service des utilisateurs qu’ils soient grands ou petits et ainsi
mettre fin à la situation inverse qui prévaut actuellement.
4. Stabiliser par des accords internationaux les rapports entre les trois grandes monnaies.
L’économie mondiale est enserrée aujourd’hui dans un triangle dont les sommets sont
formés par le dollar américain, le yen et l’euro. Les relations entre ces monnaie relèvent
aujourd’hui du marché, alors que les autres monnaies, tels des satellites, gravitent autour
soit d’un des pôles, soit du système dans son ensemble. Les monnaies secondaires sont
parfois l’exutoire des tensions entre les grandes monnaies, il s’ensuit des variations de
change qui mettent en danger la survie des économies plus faibles et plus exposées. Aussi
il est urgent de stabiliser par des accords internationaux les rapports entre les trois mon-
naies ce qui stabiliserait dans un deuxième temps les monnaie secondaires. Un tel accord
pour être crédible auprès de marché doit s’appuyer la coopération étroite des trois grandes
puissances mondiales. Un système de changes fixes ou quasi fixes atténuerait le poids
d’une des sources de volatilité dans la finance moderne, à savoir les marchés des changes.
5. Mettre sur pied une méthode simple, impartiale et institutionnelle de surveillance des
systèmes financiers nationaux.
Les système financiers nationaux diffèrent les uns des autres par leur solidité, les institu-
tions qui les composent, les modalités de surveillance, l’interpénétration du public et du
privé, le degré de transparence. Compte tenu des conséquences désastreuses pour les plus
petits et les plus faibles que peut avoir une crise financière, il serait utile de mettre sur pied
une méthode simple et impartiale de surveillance des systèmes financiers nationaux
surtout dans les pays en développement. Les informations nécessaires seraient récoltées
sur place par un réseaux d’ONG collaborant avec des institutions académiques. Les ré-
sultats seraient portés à la connaissance de l’opinion publique de manière à ce qu’une
pression politique interne et internationale soit exercée sur les pays où la vulnérabilité fi-
nancière des plus faibles est la plus poussée.
6. Encourager la responsabilité du système financier au-delà de l’économique : chercher le
bien commun.
Aucune régulation ne sera efficace si elle n’est pas accompagnée d’une prise de conscience
des acteurs que leur responsabilités s’étendent au-delà du purement légal et englobent la
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prise en compte d’autrui, de celui qui ne peut ni punir ni récompenser. La recherche du
bien commun exige l’ouverture à l’autre, à celui qui n’a pas voie au chapitre. Cette prise de
conscience nécessaire doit s’opérer à des niveaux différents du système financier. A tous
les niveaux, elle cherche à augmenter la prévisibilité à long terme des attitudes et des
comportements de manière à encourager, par le biais d’un cercle vertueux qui reste à créer,
la prise en compte du long terme dans les décisions économiques et financières. Il s’agit
d’un profond renversement de tendance dans la mesure la finance aujourd’hui se nourrit
de l’imprévu.
6.1 Vers un endettement responsable
Le rapport entre l’endettement externe des pays pauvres et la corruption des dirigeants
doit aussi être abordé. Une des manières de diminuer les chances d’impunité à moyen
terme consisterait à intégrer dans les contrats d’endettement une clause selon la-
quelle, en cas de renégociation de la dette, les droits de poursuite à l’encontre des
personnes qui auraient détourné les ressources mises à disposition seraient cédés au
créancier. De cette manière, bien imparfaite, les gouvernants seraient au moins
avertis que, s’ils ont abusé de leur position, il est dans leur intérêt personnel de res-
pecter les proportions de manière à ce que la dette nationale soit supportable.
6.2 Vers l’investissement responsable
L’investissement responsable est une composante importante de l’ensemble des im-
pulsions qui sont nécessaires pour mettre le système des investissements et place-
ments financiers au service du bien commun. La préparation d’une chartre qui serait
le point de ralliement des diverses initiatives dans le domaines contribuerait à aug-
menter le poids de ces initiatives auprès des entreprises cotées. D’autres démarches
fédératives comme l’établissement de standards communs sont aussi à envisager.
Parallèlement à l’instar du Royaume Uni, des exigences spécifiques en matière
d’investissement devraient être imposées aux fonds de pension dont la vocation de
long terme ne fait point de doute.
6.3 Vers des rémunérations responsables
Une part importante de la volatilité des marchés financiers et des conséquences
néfastes que cela entraîne pour le reste de l’économie tient au système de rémuné-
ration des opérateurs. Aussi ces rémunérations devraient être stabilisées par la ré-
duction drastique de la partie qui dépend des volumes, soit du chiffre d’affaires, soit
des bénéfices ou encore de la capitalisation. Plusieurs démarches sont possibles :
l’incitation à l’autorégulation à l’instar du Comité de Bâle et du ratio Cook,
l’établissement d’une chartre à laquelle des établissements ouverte à l’adhésion des
institutions, la propagation des principes éthiques, voire des best practices en la
matière.
6.4 Vers une culture économique pour tous
Le savoir en matière économique est réservé aujourd’hui à une faible couche de la
population surtout dans les pays en développement. Un effort de véritable alpha-
bétisation doit être entrepris, y compris par la voie des NTIC pour combler l’asymétrie
de compréhension qui sépare aujourd’hui l’utilisateur de produits ou de services fi-
nanciers des fournisseurs de cette dernière.
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