Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire – Pôle socio-économique Assemblée Finale – Findhorn – 9 au 16 Juin 2001 Chantier 7 : Finance Durable Projet de synthèse Vers une Finance Durable au Service du Bien Commun. Constats 1. La spécialisation des activités économiques est source d’efficacité (croissance), mais elle est aussi porteuse de fragilités. En effet, la pression à la spécialisation augmente les interdépendances économiques, donc diminue l’autonomie de chacun des acteurs. Cependant, compte tenu du poids inégal des acteurs, dans bien des cas, derrière les relations d’interdépendance se cachent en fait des relations de dépendance. Ainsi, la concentration croissante de la puissance qui accompagne la globalisation a pour contrepartie d’un côté l’augmentation de l’efficacité d’ensemble mais de l’autre côté la réduction de l’autonomie, donc de la subsidiarité économique. 2. Dans un univers qui a fait de la spécialisation son principe d’organisation ultime, l’accès à l’échange devient une question de vie ou de mort pour les personnes, les communautés et les pays. Le système monétaire et financier qui facilite l’échange, est devenu – nolens volens – l’ossature de l’économie et de la société contemporaine. De manière de plus en plus prononcée, le “ droit de cité ” des personnes, des communautés ou des pays dépend de l’accès au système financier, c’est-à-dire de la solvabilité de chacun ou plutôt de la perception qu’on ont les institutions financières érigées en gardiennes du système. Par conséquent les mécanismes financiers énoncent des verdicts d’exclusion. En cas de faillite d’une entreprise, l’exclusion est définitive puisqu’elle entraîne la disparition de l’acteur. Il en va autrement quand il s’agit de personnes ou de pays qui ploient sous le poids des dettes, ils sont simplement exclus de transactions futures comme l’étaient des lépreux ou des pestiférés aux temps anciens. 3. La financiarisation des activités économiques progresse de manière ininterrompue depuis au moins vingt ans sous toutes les latitudes. Elle se manifeste par la création soutenue d’actifs financiers de types toujours nouveaux et par la multiplication des transactions y relatives. Dans de nombreux cas, les nouveaux actifs financiers sont enracinés dans des transactions qui n’avaient pas antérieurement de dimension financière. Il s’ensuit l’apparition de niveaux supplémentaires de dépendances, avec pour conséquence l’éloignement des centres de décision financière du terrain des opérations économiques où se manifestent, en dernière analyse, les conséquences de ces décisions. En termes concrets, cela signifie que les décisions financières, versatiles et volatiles se répercutent avec toute leur violence et sans atténuation aucune sur ceux qui se trouvent au bas de toutes les pyramides. 4. Les sommes mobilisées sur les marchés financiers, sans commune mesure avec leurs corrélats dans l’économie réelle, fondent la responsabilité majeure des marchés financiers, à la fois en temps normal et en temps de crise. Les enjeux sont énormes, et les acteurs financiers se doivent d’inspirer par leur comportement la confiance des autres acteurs économiques, afin de favoriser la bonne marche de l’économie en temps ordinaire et de ne pas provoquer de panique en temps de crise. La responsabilité du système financier – des opérateurs privés comme des régulateurs publics nationaux et internationaux - ne se ré- Document de travail – Merci de ne pas diffuser. 7/1 Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire – Pôle socio-économique Assemblée Finale – Findhorn – 9 au 16 Juin 2001 sume toutefois pas aux aspects de court terme consistant à préserver la confiance et à éviter les mouvements de panique incontrôlables. Leur responsabilité comporte aussi des éléments de long terme : si les marchés financiers dysfonctionnent, il convient d’y apporter les réformes nécessaires. Si le secteur financier n’est pas responsable de tous les biens ou de tous les maux affectant l’économie, il n’en reste pas moins qu’il porte une responsabilité majeure dans le processus d’allocation des ressources, tant au niveau macro que microéconomique. 5. La globalisation financière entraîne dans son sillage une double fusion . La première fusion concerne le domaine monétaire, traditionnellement l’apanage de la puissance publique, et la finance, traditionnellement un domaine privé par excellence. Aujourd’hui la monnaie et la finance s’interpénètrent au point où il est de plus en plus difficile de les distinguer et de les réguler de manière séparée. Il s’ensuit une nouvelle configuration des responsabilités et des compétences des institutions publiques comme la banque centrale et des banques privées notamment dans le domaine de la politique monétaire. Cette première fusion est perceptible au premier chef dans chacun des pays développés où elle appelle des ajustements au niveau des comportements et des régulations. Elle est aussi perceptible au niveau internationale comme en témoigne la mise en place récente sous les auspices de la Banque des Règlements Internationaux du Forum de Stabilité Financière. 6. La seconde fusion transforme les systèmes financiers nationaux en un système global et émergeant. Tel qu’il se dessine à l’horizon, ce système se structure en deux niveaux différents. Un marché financier global, où se traitent les actifs et où viennent se financer les 3'000 à 5'000 plus grandes entreprises mondiales. Ce marché ponctionne une part croissante des liquidités et de l’épargne des bassins locaux de financement qui forment le niveau inférieur du système global. Cette stratification pose un double problème. Premièrement, il n’est pas certain que l’allocation de l’épargne que réalise le système global soit efficiente du point de vue strictement économique. Deuxièmement, la ponction de l’épargne du local vers le global détériore l’accès au financement des micro et des petites entreprises. 7. Depuis 1971, les institutions monétaires internationales se trouvent en porte-à-faux par rapport à la réalité qu’elles avaient pour tâche initiale de réguler. Aussi la recherche d’un nouveau cadre de gouvernance du système financier international est-il en cours depuis plus d’un quart de siècle, sans percées tangibles à ce jour toutefois. Là encore, la prise en compte des intérêts et des aspirations des plus faibles et des moins performants est subordonnée au respect du bon fonctionnement du “ système ” et de ses principes fondateurs, lesquels ont été formulés par les meilleurs et les plus performants - qui en restent les adeptes inconditionnels. 8. La théorie économique est moins solide et moins imbue d’elle-même aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a dix ans, à la fin des années 1980. Ceci est particulièrement vrai de son volet international. Il en est ainsi parce que la théorie classique peine à intégrer les nouvelles données qui tiennent à la désarticulation des logiques territoriales, à la multinationalisation des entreprises, à la dématérialisation de la vie économique dont la financiarisation est le meilleur exemple. En matière des politiques de stabilisation et d’assainissement, le consensus de Washington est soumis à une pression forte, même si aucun autre consensus de remplacement ne se dessine à l’horizon. Document de travail – Merci de ne pas diffuser. 7/2 Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire – Pôle socio-économique Assemblée Finale – Findhorn – 9 au 16 Juin 2001 Propositions Les défis – en quête de solutions. 1. Renforcer la subsidiarité dans l’organisation de l’activité économique tant au niveau local que régional ou global Créatrice de richesse, la spécialisation est souvent aussi porteuse de dépendance. Aussi l’autonomie par rapport à des processus complexes est porteuse d’indépendance et de liberté mais exige un sacrifice au plan purement économique. A l’instar du domaine politique, le principe de subsidiarité doit retrouver son droit de cité dans l’organisation de l’activité économique tant au niveau local que régional ou global. Il ne s’agit pas de prôner le retour à l’idolâtrie de l’état-nation, mais de reconnaître que la dépendance trop poussée est dangereuses. La subsidiarité appliquée au marché des changes par exemple, pose la question de leur légitimité puisque la vie quotidienne des uns devient par le biais de la monnaie objet de spéculation pour d’autres. Il en va de même des marchés de matières premières où les transactions spéculatives sont fréquemment les plus importantes. La redécouverte de la subsidiarité en matière économique exige certes des choix de la part des communautés politiques mais elle exige tout autant des comportements d’autolimitation mis en pratique par des personnes, des entreprises, et des sociétés. 2. Mettre en place des mécanismes d'inclusion et d'assainissement des dettes au niveau des individus, des entreprises ou des Etats. La finance est productrice d’exclusion. Il est fondamental a mettre sur pied des mécanismes d’inclusion. Ce faisant il ne s’agit pas d’abolir la finance, ni de saper les bases de la discipline qu’elle impose aux acteurs, mais simplement de faire en sorte que les verdicts de la finance excluante ne soient pas définitifs qu’il y ait une procédure de retour à la vie économique. Plusieurs mécanismes peuvent être mis en place, le plus ancien découle de l’Ancien Testament, il s’agit de la tradition du jubilé. Selon cette tradition, le temps économique est ponctué d’interruptions qui sont aussi des périodes de retour des acteurs dans leurs possessions. L’idée de soumettre l’activité économique à une telle périodicité où toutes les dettes seraient annulées et donc les livres des comptes soldées ne peut s’appliquer directement à notre temps, mais peut être utilisée de manière analogique. Les procédures de désendettement et d’assainissement des dettes passée s’inscrivent dans la même logique. Aussi, le monde a besoin de procédures de faillites d’entreprises et de faillites personnelles qui laissent une chance par opposition à celles qui condamnent définitivement. Aussi, le non-remboursement de la dette “ insupportable ” devrait être instaurée en principe de la finance internationale avec ancrage dans un tribunal arbitral par exemple. Quelle que soit la méthode choisie, elle aurait pour conséquence de répartir le risque de non-remboursement plus équitablement qu’aujourd’hui entre le débiteur et le créancier. Aussi, la mise en place des mécanismes de “ retour ” aurait pour conséquence de diminuer l’importance de la finance. Document de travail – Merci de ne pas diffuser. 7/3 Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire – Pôle socio-économique Assemblée Finale – Findhorn – 9 au 16 Juin 2001 3. Reconnaître le système financier comme d'utilité publique universelle, par une nouvelle architecture mondiale articulée autour d'une collaboration entre les secteurs public et privé. Le système financier doit être reconnu d’utilité publique universelle et donc traité non comme la résultante des intérêts particuliers des pays et des entreprises, mais comme relevant d’une finalité supérieure. Nous avons aujourd’hui besoin d’une nouvelle architecture financière internationale, à l’instar de celle produite par la conférence de Bretton Woods en 1944. La nouvelle architecture devrait avoir deux caractéristiques très différentes par rapport à celle qui existe actuellement. D’une part elle devrait être résolument mondiale et non pas internationale, de plus elle devrait s’articuler autour d’une collaboration étroite entre le secteur publique et le secteur privé. Ce dernier devrait être en effet porter – et cela est nouveau – une partie de la responsabilité politique. Une telle coresponsabilité, dont les modalités précises restent à trouver, est la seule manière pour mettre le système financier au service des utilisateurs – qu’ils soient grands ou petits – et ainsi mettre fin à la situation inverse qui prévaut actuellement. 4. Stabiliser par des accords internationaux les rapports entre les trois grandes monnaies. L’économie mondiale est enserrée aujourd’hui dans un triangle dont les sommets sont formés par le dollar américain, le yen et l’euro. Les relations entre ces monnaie relèvent aujourd’hui du marché, alors que les autres monnaies, tels des satellites, gravitent autour soit d’un des pôles, soit du système dans son ensemble. Les monnaies secondaires sont parfois l’exutoire des tensions entre les grandes monnaies, il s’ensuit des variations de change qui mettent en danger la survie des économies plus faibles et plus exposées. Aussi il est urgent de stabiliser par des accords internationaux les rapports entre les trois monnaies ce qui stabiliserait dans un deuxième temps les monnaie secondaires. Un tel accord pour être crédible auprès de marché doit s’appuyer la coopération étroite des trois grandes puissances mondiales. Un système de changes fixes ou quasi fixes atténuerait le poids d’une des sources de volatilité dans la finance moderne, à savoir les marchés des changes. 5. Mettre sur pied une méthode simple, impartiale et institutionnelle de surveillance des systèmes financiers nationaux. Les système financiers nationaux diffèrent les uns des autres par leur solidité, les institutions qui les composent, les modalités de surveillance, l’interpénétration du public et du privé, le degré de transparence. Compte tenu des conséquences désastreuses pour les plus petits et les plus faibles que peut avoir une crise financière, il serait utile de mettre sur pied une méthode simple et impartiale de surveillance des systèmes financiers nationaux – surtout dans les pays en développement. Les informations nécessaires seraient récoltées sur place par un réseaux d’ONG collaborant avec des institutions académiques. Les résultats seraient portés à la connaissance de l’opinion publique de manière à ce qu’une pression politique interne et internationale soit exercée sur les pays où la vulnérabilité financière des plus faibles est la plus poussée. 6. Encourager la responsabilité du système financier au-delà de l’économique : chercher le bien commun. Aucune régulation ne sera efficace si elle n’est pas accompagnée d’une prise de conscience des acteurs que leur responsabilités s’étendent au-delà du purement légal et englobent la Document de travail – Merci de ne pas diffuser. 7/4 Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire – Pôle socio-économique Assemblée Finale – Findhorn – 9 au 16 Juin 2001 prise en compte d’autrui, de celui qui ne peut ni punir ni récompenser. La recherche du bien commun exige l’ouverture à l’autre, à celui qui n’a pas voie au chapitre. Cette prise de conscience nécessaire doit s’opérer à des niveaux différents du système financier. A tous les niveaux, elle cherche à augmenter la prévisibilité à long terme des attitudes et des comportements de manière à encourager, par le biais d’un cercle vertueux qui reste à créer, la prise en compte du long terme dans les décisions économiques et financières. Il s’agit d’un profond renversement de tendance dans la mesure où la finance aujourd’hui se nourrit de l’imprévu. 6.1 Vers un endettement responsable Le rapport entre l’endettement externe des pays pauvres et la corruption des dirigeants doit aussi être abordé. Une des manières de diminuer les chances d’impunité à moyen terme consisterait à intégrer dans les contrats d’endettement une clause selon laquelle, en cas de renégociation de la dette, les droits de poursuite à l’encontre des personnes qui auraient détourné les ressources mises à disposition seraient cédés au créancier. De cette manière, bien imparfaite, les gouvernants seraient au moins avertis que, s’ils ont abusé de leur position, il est dans leur intérêt personnel de respecter les proportions de manière à ce que la dette nationale soit supportable. 6.2 Vers l’investissement responsable L’investissement responsable est une composante importante de l’ensemble des impulsions qui sont nécessaires pour mettre le système des investissements et placements financiers au service du bien commun. La préparation d’une chartre qui serait le point de ralliement des diverses initiatives dans le domaines contribuerait à augmenter le poids de ces initiatives auprès des entreprises cotées. D’autres démarches fédératives comme l’établissement de standards communs sont aussi à envisager. Parallèlement à l’instar du Royaume Uni, des exigences spécifiques en matière d’investissement devraient être imposées aux fonds de pension dont la vocation de long terme ne fait point de doute. 6.3 Vers des rémunérations responsables Une part importante de la volatilité des marchés financiers – et des conséquences néfastes que cela entraîne pour le reste de l’économie – tient au système de rémunération des opérateurs. Aussi ces rémunérations devraient être stabilisées par la réduction drastique de la partie qui dépend des volumes, soit du chiffre d’affaires, soit des bénéfices ou encore de la capitalisation. Plusieurs démarches sont possibles : l’incitation à l’autorégulation à l’instar du Comité de Bâle et du ratio Cook, l’établissement d’une chartre à laquelle des établissements ouverte à l’adhésion des institutions, la propagation des principes éthiques, voire des “ best practices ” en la matière. 6.4 Vers une culture économique pour tous Le savoir en matière économique est réservé aujourd’hui à une faible couche de la population – surtout dans les pays en développement. Un effort de véritable alphabétisation doit être entrepris, y compris par la voie des NTIC pour combler l’asymétrie de compréhension qui sépare aujourd’hui l’utilisateur de produits ou de services financiers des fournisseurs de cette dernière. Document de travail – Merci de ne pas diffuser. 7/5