Il s'en suit, puisque l'objet de la religion est Dieu, que la Foi, principe et
fondement de toute religion, réside dans un certain sentiment interne,
engendré lui-même par le besoin du divin. Mais ce sentiment ne se
rencontrant que dans certaines rencontres déterminées et favorables,
n'appartient pas de soi au domaine de la conscience, mais au subconscient.
Le sentiment religieux qui jaillit ainsi "par immanence vitale" des profondeurs
de la subconscience est le germe de toute religion. Ainsi naquirent toutes les
religions; elles ne sont que les efflorescences de ce sentiment.
Les modernistes tiennent donc pour vraies toutes les religions. Le berceau de
la religion catholique, disent-ils, fut la conscience de Jésus-Christ. Elle est
née en Lui en vertu des principes de l'immanence vitale. En l'homme qui est
Jésus-Christ, aussi bien qu'en nous, notre religion n'est autre chose qu'un fruit
propre et spontané de la nature.
Comme l'absolu, ajoutent les modernistes, qui est l'objet de ce sentiment, a
des aspects infinis sous lesquels il peut successivement apparaître; comme le
croyant, d'autre part, peut passer successivement sous des conditions fort
dissemblables, il s'ensuit que les formules dogmatiques sont soumises à ces
mêmes vicissitudes et, partant, sujettes à mutation.
Evoluer, changer, non seulement le dogme le peut, il le doit. C'est ce que les
modernistes affirment hautement.
Les modernistes, ayant posé ce principe général que dans une religion
vivante, il n'est rien qui ne soit variable, passent à ce que l'on peut regarder
comme le point capital de leur système : savoir d'évolution.
Commune à tous les hommes et obscure fut la forme primitive de la Foi. Elle
progressa ensuite, et ce fut non par adjonction de nouvelles formes venues du
dehors, mais par pénétration croissante du sentiment religieux dans la
conscience.
D'après les modernistes, le progrès du dogme est dû à un effort perpétuel pour
pénétrer toujours plus profondément ses propres mystères. Ainsi est-il arrivé,
pour nous borner à un seul exemple, que ce quelque chose de divin que la foi
reconnaissait en Jésus-Christ, elle soit allé l'élevant et l'élargissant peu à peu
et par degrés, jusqu'à ce que, de lui, finalement, elle ait fait un Dieu.