50b

publicité
La responsabilité catholique devant quatre hérésies (II).
Les facteurs que je viens de citer, entre autres du dérèglement des esprits
modernes, sont la cause de la résurgence de toutes les hérésies. Je crois donc
que les catholiques ne pourront sortir de leur désarroi actuel qu'en étudiant
très sérieusement les systèmes hérétiques qui les menacent. En devenant
conscients de la manoeuvre de leurs adversaires, ils pourront alors les
combattre vigoureusement, chacun à leur poste, jusqu'à ce que la hiérarchie se
réveille de ses songes et reprenne contact avec les réalités.
Examinons ensemble quelques unes des hérésies modernes qui ont toutes
pour origine un orgueil incommensurable et auxquelles s'applique cette
déclaration de sa sainteté Pie IX dès 1846 dans son encyclique «De pluribus»
:
«Ces ennemis de la révélation divine exaltent le progrès humain et prétendent
avec témérité et une audace sacrilège, l'introduire dans la religion catholique,
comme si cette religion n'était pas l'oeuvre de Dieu, mais l'oeuvre des
hommes, une invention philosophique quelconque, susceptible de
perfectionnements humains».
Nous allons maintenant analyser :
A – l'anthropologie transcendantale.
B – le modernisme.
C – le marxisme.
D – le protestantisme.
A – L'anthropologie transcendantale.
Un des hommes qui a eu une influence déterminante au moment du Concile et
depuis le Concile est le Père Karl Rahner, de la Compagnie de Jésus. Il est le
philosophe et le théologien de prédilection du Cardinal Suenens.
Karl Rahner, dit Marcel de Corte, a compris que l'entreprise de modernisation
de la foi catholique que le modernisme avait compromise, ne pouvait être
menée à bonne fin sans la conversion intellectuelle des théologiens
catholiques aux exigences de la pensée philosophique moderne et en
particulier à l'anthropologie transcendantale, c'est-à-dire la science qui, en
dehors de l'expérience de n'importe quelle réalité, s'acquiert par la prise de
conscience que l'homme a de lui-même.
Ainsi Rahner, disciple d'Heideger, croit-il que l'homme est doté d'un pouvoir
de se dépasser soi-même en se créant et de dépasser le monde extérieur en lui
conférant le sens auquel il doit se soumettre.
La vérité scientifique ou théologique ne se définit plus par la conformité de
l'intelligence à la réalité mais au contraire par l'adaptation de la réalité au
dynamisme de l'esprit avide de lui donner un sens.
Il s'en suit que tout ce qui n'est pas en harmonie avec "la réflexion
transcendantale" du sujet sur sa compréhension de la Parole et de la
Révélation n'est ni vrai ni faux. Si rien n'est connu qu'en fonction de
l'expérience réflexive, ce qui ne rentre pas dans ce cadre reste inconçu (nonconçu ???), hors des prises de la connaissance.
La Parole de Dieu, loin de nourrir le discours théologique, n'est que l'occasion
de réfléchir d'abord et essentiellement aux conditions de possibilité de son
accueil. Ainsi le catéchisme hollandais se demandera comment un esprit
moderne peut accepter le dogme du péché originel ou la conception virginale
de Marie.
Dans la perspective de Rahner et de ses amis, l'anthropologie transcendantale
les contraint à remodeler complètement l'Evangile, la tradition, l'Eglise, en les
adaptant aux exigences de leurs subjectivités, celles-ci se fardant des
exigences sociologiques de l'esprit moderne.
Le philosophe et le théologien ne se soumettent plus à la parole de Dieu, ils se
la soumettent. C'est le modernisme à l'état pur, tel que l'encyclique
«Pascendi» l'a défini.
Rahner reprend l'entreprise qui a toujours tenté le philosophe ou le théologien
catholique, d'obtenir l'audience des penseurs dits modernes. On ne dira jamais
assez combien la conquête des esprits à la foi catholique s'est accompagné
d'entorses infligées aux vérités dont l'Eglise a le dépôt et combien la notion
d'efficacité a supplanté celle de vérité.
Pour Rahner et ses amis, il importe d'épouser le monde et de lui montrer qu'il
trouve en l'Eglise catholique les principes capables de s'accorder aux siens et
de les justifier au niveau surnaturel. Rahner et son équipe ont préparé ainsi la
décision du Concile d'ouvrir l'Eglise au monde en expliquant à celui-ci qu'il
requiert, pour être vraiment lui-même, la présence à ses côtés de l'Eglise
"experte en humanité".
B – Le modernisme.
Comme nous l'avons dit, Rahner, inspirateur du Concile est, en fait, un
moderniste. Il nous paraît donc nécessaire de rappeler ce qu'est le modernisme
et sa condamnation par Saint Pie X.
La lecture de l'encyclique «Pascendi» est véritablement passionnante. La
clarté de l'exposé et de ses définitions philosophiques et théologiques est
stupéfiante. Je vous engage vivement à en prendre connaissance, car l'hérésie
moderniste n'a fait que se développer au cours de ces dernières années.
Les modernistes ont pour base de leur philosophie religieuse l'agnosticisme.
Qu'est-ce donc que l'agnosticisme ?
La raison humaine enfermée rigoureusement dans le cercle des phénomènes,
c'est-à-dire des choses qui apparaissent et telles précisément qu'elles
apparaissent, n'a pas la faculté d'en franchir les limites; elle n'est donc pas
capable de s'élever jusqu'à Dieu, non pas même pour en connaître l'existence
par le moyen des créatures.
Les modernistes en infèrent que Dieu n'est point objet direct de science. Or
Vatican I a décrété ce qui suit :
«Si quelqu'un dit que la révélation divine ne peut être rendue croyable par les
signes extérieurs et que ce n'est donc que par l'expérience individuelle ou par
l'inspiration privée que les hommes sont menés à la Foi, qu'il soit anathème»
Le deuxième aspect du modernisme est ce qu'on appelle l'immanence vitale.
Et voici ce que les modernistes entendent par là :
Tout accès à la révélation divine étant fermé par le rejet des motifs de
crédibilité, tout révélation extérieure abolie, l'explication de la religion ne doit
pas être cherchée hors de l'homme. C'est dans l'homme qu'elle se trouve et
comme la religion est une forme de vie, dans la vie même de l'homme. La
religion a donc pour premier stimulant une nécessité, un besoin; pour
première manifestation, ce mouvement du coeur appelé sentiment.
Il s'en suit, puisque l'objet de la religion est Dieu, que la Foi, principe et
fondement de toute religion, réside dans un certain sentiment interne,
engendré lui-même par le besoin du divin. Mais ce sentiment ne se
rencontrant que dans certaines rencontres déterminées et favorables,
n'appartient pas de soi au domaine de la conscience, mais au subconscient.
Le sentiment religieux qui jaillit ainsi "par immanence vitale" des profondeurs
de la subconscience est le germe de toute religion. Ainsi naquirent toutes les
religions; elles ne sont que les efflorescences de ce sentiment.
Les modernistes tiennent donc pour vraies toutes les religions. Le berceau de
la religion catholique, disent-ils, fut la conscience de Jésus-Christ. Elle est
née en Lui en vertu des principes de l'immanence vitale. En l'homme qui est
Jésus-Christ, aussi bien qu'en nous, notre religion n'est autre chose qu'un fruit
propre et spontané de la nature.
Comme l'absolu, ajoutent les modernistes, qui est l'objet de ce sentiment, a
des aspects infinis sous lesquels il peut successivement apparaître; comme le
croyant, d'autre part, peut passer successivement sous des conditions fort
dissemblables, il s'ensuit que les formules dogmatiques sont soumises à ces
mêmes vicissitudes et, partant, sujettes à mutation.
Evoluer, changer, non seulement le dogme le peut, il le doit. C'est ce que les
modernistes affirment hautement.
Les modernistes, ayant posé ce principe général que dans une religion
vivante, il n'est rien qui ne soit variable, passent à ce que l'on peut regarder
comme le point capital de leur système : savoir d'évolution.
Commune à tous les hommes et obscure fut la forme primitive de la Foi. Elle
progressa ensuite, et ce fut non par adjonction de nouvelles formes venues du
dehors, mais par pénétration croissante du sentiment religieux dans la
conscience.
D'après les modernistes, le progrès du dogme est dû à un effort perpétuel pour
pénétrer toujours plus profondément ses propres mystères. Ainsi est-il arrivé,
pour nous borner à un seul exemple, que ce quelque chose de divin que la foi
reconnaissait en Jésus-Christ, elle soit allé l'élevant et l'élargissant peu à peu
et par degrés, jusqu'à ce que, de lui, finalement, elle ait fait un Dieu.
Les facteurs de l'évolution du culte et de l'Eglise sont les nécessités
d'adaptation aux modes de vies populaires et d'harmonisation avec les formes
des sociétés civiles.
Enfin, l'évolution est la résultante des forces de progrès contre la force de
conservation, celle-ci résidant dans la tradition appuyée par l'autorité de
l'Eglise, tandis que la force progressive est celle qui fermente dans les
consciences individuelles et surtout dans celles qui sont en contact plus intime
avec la vie. Ainsi, souligne Pie X :
«les modernistes mettent-ils la force du progrès en dehors de la hiérarchie et
l'on voit poindre ici cette doctrine pernicieuse qui veut faire des laïcs dans
l'Eglise un facteur de progrès»
A propos du modernisme, je voudrais encore souligner deux points :
1 – La Foi, d'après les modernistes, doit être subordonnée à la science. D'où
cette maxime que l'évolution religieuse doit se coordonner à l'évolution
intellectuelle et morale.
En vertu de leur principe que la science ne relève à aucun titre de la foi, ils
affichent en mille manières, sur les traces de Luther, leur mépris des
enseignements des Saints Pères, des Conciles et des magistères
ecclésiastiques.
Réprimandés, ils jettent les hauts cris, se plaignant amèrement qu'on viole leur
liberté.
2 – L'autorité dans l'Eglise.
L'Eglise, d'après les modernistes, est née d'un double besoin : celui
qu'éprouve tout fidèle s'il a eu quelque expérience originale, de communiquer
sa foi; ensuite, quand la foi est devenue commune, ou, comme on dit,
collective (ceci a été écrit en 1907) du besoin de s'organiser en société.
L'Eglise est donc le fruit de la conscience collective, autrement dit de la
collection des consciences individuelles.
Aux temps passés, disent les modernistes, c'était une erreur commune que
l'autorité fut venue à l'Eglise du dehors, savoir de Dieu immédiatement.
D'après eux, de même que l'Eglise est une émanation vitale de la conscience
collective, ainsi la conscience religieuse est-elle le principe d'où l'autorité
procède et l'Eglise en dépend.
Si l'Eglise nie cette dépendance, affirmée par les modernistes, ceux-ci
l'accusant de tourner en tyrannie. Aussi, afin de ne pas provoquer de conflit
au plus intime des consciences, ceux-ci invitent l'Eglise à se plier aux formes
démocratiques.
Ainsi, en 1907, comme en 1971, les modernistes accusent ceux qui ne se
rallient pas à eux de menacer l'unité de l'Eglise. Manoeuvre perfide qui a pour
but de rejeter sur les autres le crime dont ils sont coupables. Ce seraient donc
les catholiques fidèles à la tradition et à la primauté de Pierre qui seraient les
fauteurs de trouble ! C'est le monde à l'envers.
Dans l'encyclique «Pascendi», Saint Pie X indiquait ensuite les procédés
employés par les modernistes pour s'infiltrer dans tous les rouages de l'Eglise.
Ces procédés rappellent étrangement ceux que nous voyons employer depuis
plusieurs années. Puis l'encyclique énumérait les objectifs déclarés des
réformateurs modernistes :
- réforme de la philosophie dans les séminaires;
- mise à l'écart de la philosophie scolastique et son remplacement par la
philosophie moderne;
- mise en harmonie des dogmes ainsi que la notion de leur évolution avec la
science et l'histoire;
- enseignement limité, dans les catéchismes, aux dogmes qui auront été
réformés et qui seront à la portée du vulgaire;
- en ce qui concerne le culte, diminution du nombre des dévotions extérieures;
- que le gouvernement ecclésiastique soit réformé dans toutes ses branches,
surtout la disciplinaire et la dogmatique. Que son esprit et ses procédés soient
mis en harmonie avec la conscience qui tourne à la démocratie; qu'une part
soit faite dans le gouvernement de l'Eglise au clergé inférieur et même aux
laïcs;
- que le pouvoir ecclésiastique s'adapte aux organisations politiques et
sociales pour les pénétrer de son esprit;
- en morale, que les vertus actives aillent avant les passives;
- enfin, faisant écho à leurs maîtres protestants, les modernistes désirent la
suppression du célibat ecclésiastique (1097 !).
On peut maintenant, en 1971, compter les rares objectifs modernistes qui
n'ont pas été atteints.
Saint Pie X concluait :
«Maintenant, embrassant d'un seul regard tout le système moderniste, qui
pourra s'étonner que nous le définissions "le rendez-vous de toutes les
hérésies".
«Ce n'est pas du dehors, c'est du dedans qu'ils trament la ruine de la Sainte
Eglise. Leurs coups sont d'autant plus sûrs qu'ils savent mieux où frapper.
«Qu'on nous donne un catholique laïque, qu'on nous donne un prêtre qui ait
perdu de vue le principe fondamental de la vie chrétienne, savoir que nous
devons nous renoncer nous-mêmes si nous voulons suivre Jésus-Christ et qui
n'ait pas arraché l'orgueil de son coeur; ce laïque, ce prêtre, est mûr pour
toutes les erreurs du modernisme».
Saint Pie X avait prescrit des remèdes très précis, il avait imposé le serment
anti-moderniste. Qu'en reste-t-il ? Pratiquement rien ...
C – Le marxisme.
Il est vraiment regrettable, disait Maurice Jallut, que certains chrétiens
s'obstinent à ne pas comprendre que cette force que le marxisme tient de sa
dialectique et qu'il ne peut pas un seul instant abandonner, réside dans ses
conceptions matérialistes. Le super déterminisme qui, d'après les marxistes,
conduit le mouvement de l'humanité dans un sens irréversible, suppose
nécessairement que l'homme se confond avec la matière, qu'il n'est, ou plutôt
que son intelligence n'est, qu'une sorte de sécrétion de la matière. En effet,
dans ce cas, c'est son contact avec la nature et la réaction automatique que
provoque en lui ce contact, notamment par les contradictions qu'il rencontre et
qu'il est poussé à résoudre, que l'homme progresse, mais ce progrès ne se fait
pas dans la direction choisie par lui, il se fait d'une manière absolument
déterminée par les conditions de la matière qui agissent sur lui et qui
commandent sa réaction. Or, cette détermination ne peut s'expliquer que par
la négation d'un esprit autonome, par l'affirmation, au contraire, que
l'intelligence humaine n'est que le fruit de la praxis, c'est-à-dire le simple
résultat d'un rapport entre la matière et l'action de l'homme.
S'il existait un élément spirituel dans l'homme, son action sur la nature (et
réciproquement) serait toute différente. Il pourrait en prendre une
connaissance extérieure et indépendante qui lui permettrait, grâce à l'activité
autonome de son esprit, de dominer la matière et d'utiliser ses lois selon les
critères qui existent dans son intelligence ou qui lui ont été donnés par la
Révélation.
Bref, l'homme serait libre et responsable de son destin, ce que le marxisme ne
peut admettre.
Espérer, ou même seulement tenter de concevoir qu'il puisse se séparer du
matérialisme est donc pure utopie. Sans lui, sans le matérialisme, le
communisme n'est plus qu'une vue de l'esprit, une construction idéale, et donc
une idéologie, ce qui est en opposition absolue avec ce qu'il veut être.
C'est pourtant cette utopie que poursuit le Père Dubarle, lorsqu'il écrit :
"Le marxisme porte en lui maintes excellentes choses. Il n'aurait pas été athée
et sottement persécuteur de l'homme religieux, chrétien ou non, il y a
longtemps, je crois, que l'Eglise l'aurait préféré au capitalisme libéral et à la
bourgeoisie laïque".
Il est affligeant de voir un religieux manifester une telle incompréhension du
marxisme. Justement, si le marxisme n'était pas athée, il ne serait plus ce qu'il
est dans son essence.
C'est parce qu'il est une métaphysique, c'est-à-dire une tentative d'explication
globale du monde et de l'humanité dépassant l'expérience sensible et
scientifique que le marxisme ne peut coïncider avec la métaphysique
chrétienne. Mais c'est aussi parce que le marxisme est une métaphysique que
le marxisme n'est qu'accessoirement une doctrine économique, malgré ce que
croient nos bons pères.
C'est un des phénomènes les plus inquiétants de notre temps, de voir combien
les catholiques ne parviennent pas à comprendre cette incompatibilité entre le
marxisme et la religion. Un athée à la façon d'Helvétius pouvait être animé
d'une haine farouche contre le catholicisme, il pouvait cependant se contenter
de la manifester personnellement en laissant les autres croire ce qui leur
plaisait. Il n'en est pas de même pour l'athéiste (athée ???) marxiste. La
religion est en effet, pour lui, une aliénation, la plus dangereuse des
aliénations, car, tant qu'elle subsistera, le marxisme trouvera forcément en elle
des éléments inassimilables.
Cependant, par tactique et pour désarmer les catholiques qui veulent bien se
prêter à cette opération, les communistes exhument Feuerbach. Ils ont trouvé
en lui le penseur qui permet à des gens comme Garaudy cette confrontation
courtoise avec les catholiques sans pour autant abandonner leur athéisme.
Feuerbach permet en effet de réintégrer le phénomène religieux dans un
mouvement dialectique et par conséquent, de lui faire place dans l'histoire du
progrès humain. En effet, selon lui, à l'origine, l'homme ayant conscience de
son impuissance à se réaliser pleinement dans les aspirations qu'il possède,
mais qui pourtant le dépassent, projette en un Dieu extérieur cet absolu qu'il
recherche. Dieu n'est donc qu'une aspiration d'un esprit humain encore
incapable de concevoir sa propre essence. La religion est vraiment une
aliénation, car elle sépare l'homme de lui-même; elle le dépossède au profit
d'un Dieu qui n'est qu'un objet de son imagination.
Mais peu à peu, l'homme reprend conscience de son essence. L'ultime étape
est celle de l'anthropologie : "L'homme se réintègre en lui-même". Conscient
de la plénitude de son être, c'est de sa propre essence qu'il possède la
souveraineté.
Cet athéisme dynamique est plus dangereux que l'athéisme doctrinal, car il
prétend donner une explication du phénomène religieux et montrer à la fois sa
légitimité et sa précarité.
La hiérarchie semble inconsciente du danger du dialogue avec les
communistes.
Exemple : pour le chrétien, il existe des règles morales absolues, dont la
valeur est intrinsèque, car elles sont des commandements de Dieu. Tout le
contraire est la morale marxiste : les actes n'ont de valeur que s'ils mènent à la
société communiste. Comme la société actuelle doit être peu à peu détruite par
ses contradictions, la seule morale possible est celle qui fera naître ou
exaspérera ces contradictions. Tout acte est bon du moment qu'il va dans ce
sens qui, pour un marxiste, est véritablement le sens de l'histoire.
Assurément, lorsque les marxistes prétendent lutter pour la paix, il est difficile
à des catholiques de ne pas les approuver, mais ce n'est pas la paix qu'ils
désirent, ni la justice sociale. La campagne pour la paix n'a pour but que de
déséquilibrer la société, américaine par exemple, en la divisant, en la mettant
en contradiction avec elle-même.
De même, comme Mao l'a dit "ne sont justes que les guerres révolutionnaires.
Sont injustes toutes les guerres contre-révolutionnaires". Nous voyons tous
les jours l'application de ces principes dans la presse de notre pays.
Ce qui fausse les idées de tant de chrétiens, c'est la croyance en la fatalité du
marxisme. Curieuse croyance d'ailleurs, et affligeante démission de la
volonté, puisque l'expérience communiste se solde par un échec, non
seulement parce que le marxisme n'est pas en voie de réaliser "le paradis sur
terre", mais qu'en plus il n'a même pas pu répondre à la plus ambitieuse de ses
prédictions : la société sans classes.
Au fond, trop de nos contemporains, comme l'a souvent observé Pierre
Debray, sont littéralement obnubilés par la dialectique marxiste fondée sur les
contradictions. De là cette tendance à n'imaginer d'autres solutions que le
contraire de ce qui existe. Si le capitalisme a des défauts, on se rejette sur le
communisme qui est son contraire, dialectiquement parlant, sans chercher
plus avant. Raisonnement nuisible et malsain puisqu'il ne laisse place qu'à une
alternative : l'immobilisme social ou la révolution !
D – Le protestantisme.
Par deux exemples concrets, voyons comment s'exerce la poussée protestante
à l'intérieur de l'Eglise catholique.
1 – Le Sacerdoce.
Un livre est paru : "Le vrai visage du prêtre", il a pour auteur le Pr Olivier,
assomptionniste, professeur à l'Institut catholique de Paris, qui ne cache pas
ses sympathies pour les théories luthériennes sur le sacerdoce. Or, beaucoup
de ses idées sont reprises par la "commission internationale de théologie" qui
prépare le prochain synode des évêques.
Fesquet, dans "Le Monde" écrivait à propos du livre du P. Olivier :
"L'Eglise catholique en était restée à la conception du prêtre du Concile de
Trente : homme du sacré, le prêtre apparaissait comme le gardien d'un
système, ayant reçu des pouvoirs quasi magiques et un caractère indélébile.
"Mais lorsque le Cardinal Suhard envoya travailler dans les usines un certain
nombre de pionniers, ceux-ci adoptèrent par le fait même un style de vie laïc.
Cette priorité donnée à la mission sur le culte bouleversait de fond en comble
le type traditionnel du clerc.
"Une ligne de démarcation était irréversiblement franchie.
"Vatican II assigne comme première fonction au prêtre d'annoncer l'Evangile
à tous les hommes alors que le Concile de Trente mettait d'abord l'accent sur
le pouvoir sacré d'offrir le sacrifice de la messe et de remettre les péchés.
"Paul VI lui-même doit admettre aujourd'hui que, dans certains cas, il n'est
pas exclu que l'on puisse envisager de donner la prêtrise à des hommes
mariés. Une porte farouchement cadenassée est ainsi entrebaîllée.
"La spécificité du sacerdoce semble peu à peu s'estomper. Les confessionnaux
sont désertés. Le prêtre préside l'Eucharistie hors des églises, au milieu de
fidèles qui commencent à réciter avec lui les paroles de la consécration.
"Bref, quatre cent cinquante ans après Luther, le prêtre ressemble de plus en
plus au pasteur protestant, parfois convié, en dépit des règles en vigueur, à
célébrer avec lui des messes domestiques.
"Pour Luther, tous les baptisés sont prêtres. La participation au sacerdoce du
Christ est conférée par le baptême.
"Il apparaît donc urgent", conclut Fesquet, "de rechercher les causes de la
crise du sacerdoce et de tenter d'y remédier. Le synode s'y emploiera. Son
efficacité sera liée à l'audace des solutions proposées".
Nous voilà prévenus.
2 – La Messe.
Pour tout sacrifice, rappelle Mgr Marcel Lefebvre, sont requises trois réalités
essentielles :
- le prêtre ayant le caractère sacerdotal;
- la victime offerte : le Christ réellement et substantiellement présent;
- l'action sacerdotale de l'oblation sacrificielle qui se réalise essentiellement
dans la consécration.
Ces trois réalités essentielles sont niées par les protestants et les modernistes.
C'est pour manifester leur refus de croire à ces dogmes que leurs messes se
sont transformées en culte, en Cène ou assemblée eucharistique, avec un
développement important de la lecture biblique, de la parole au détriment de
l'offrande et de la liturgie du sacrifice.
Or il faut bien constater que toute la réforme actuelle préparée par des
commissions où siègeraient des protestants, porte atteinte directement ou
indirectement aux trois éléments essentiels de la foi catholique.
Les réformateurs, dont le P. Bugnini, ne s'en sont d'ailleurs pas cachés : dans
le paragraphe VII de l'introduction à l'ordo missae, il était dit :
"La Cène du Seigneur ou Messe est une synaxe (??? syntaxe) sacrée, c'est-àdire le rassemblement du peuple de Dieu, sous la présidence du prêtre, pour
célébrer le mémorial du Seigneur. C'est pourquoi ce rassemblement local de la
Sainte Eglise réalise de façon éminente la promesse du Christ : lorsque deux
ou trois sont rassemblés en Mon Nom, Je suis là au milieu d'eux".
Aussitôt les protestants ont déclaré :
"Les protestants ne voient plus ce qui pourrait les empêcher de célébrer le
nouvel Ordo".
Devant les protestations du monde catholique, le Vatican s'est décidé à
modifier l'article VII et à redonner à la messe le sens du sacrifice; mais si
l'introduction a été remaniée, le nouveau texte de la Messe est restée le même,
ce qui est extrêmement dangereux pour l'avenir.
Si la Croix de Notre Seigneur disparaît, si Son Corps et Son Sang ne sont plus
présents, les hommes se retrouveront entre eux autour d'une table déserte et
sans vie; plus rien ne les unira.
Encore un mot sur le protestantisme. En contestant l'autorité de Pierre et de la
hiérarchie catholique, c'est le principe même de l'Oint du Seigneur qui est mis
en cause. En fait, on l'a bien vu au moment de la Réforme, la contestation
généralisée est le fruit du protestantisme.
Rappelons quelques passages de Montluc qui gouvernait la Guyenne au début
des guerres de religion.
"Un gentilhomme nommé Monsieur de Corde, qui se tint à Saint Mézard
m'avait mandé que comme il avait remontré aux trois huguenots (qu'il avait
fait arrêter) "qu'ils faisaient mal et que le Roi le trouverait mauvais, ils lui
répondirent : "Quel roi ? Nous sommes les Rois. Celui-là que vous dites est
un petit reyot de merde; nous lui donnerons des verges et métier pour lui faire
apprendre à gagner sa vie comme les autres".
Et cet autre passage, où nous n'avons qu'à remplacer les mots "juges laïque"
par ceux de "autorité ecclésiastique" pour donner un sens actuel à cette
description :
"Et qui était bien le pis et d'où tout le malheur a pris sa source et origine, les
gens de justice aux parlements, sénéchaussées et autres juges abandonnaient
la religion ancienne et du Roi pour prendre la nouvelle.
"Le peuple était tellement abandonné de la Justice, que, comme il s'allait
plaindre, il n'avait qu'injures pour tout paiement et n'y avait sergent qui osa
entreprendre de faire exécution pour les catholiques, mais pour les huguenots
seulement, demeurant le reste des juges et officiers du Roi qui étaient
catholiques si intimidés qu'ils n'eussent osé commandé faire une information.
"Les ministres de cette religion prêchaient publiquement. Les Rois ne
pouvaient avoir aucune puissance que celle qui plaisait au peuple. Quand les
procureurs des gentilshommes demandaient les rentes à leurs tenanciers, ils
leur répondaient qu'ils montrassent en la Bible s'ils les devaient payer ou non
et que si leurs prédécesseurs avaient été sots et bêtes, ils ne le voulaient être".
Tout commentaire me paraît inutile. La responsabilité de l'autorité
ecclésiastique dans la crise actuelle est entière et singulièrement lourde.
Téléchargement