La confrontation radicale. Résistants communistes parisiens vs Brigades spéciales 4/15
La personnalité des préfets confirme, comme on l’a dit, le contrôle de Vichy. Sous l’ère
Darlan ce fut l’amiral Bard qui fut aux commandes. Après le retour de Laval, en avril 1942,
ce fut en tout logique un proche du chef de Gouvernement. A la différence de son
prédécesseur, Amédée Bussière avait une longue expérience dans la haute administration. Ce
préfet qui fut un même un temps, sous le Front populaire, le directeur de la Sûreté nationale,
correspond bien au profil que privilégia Pierre Laval, moins parce qu’il avait eu des
responsabilités sous un ministre socialiste que parce que sa légitimité avait été construite dans
la haute administration et qu’il était très respecté. Dans son rapport devant la cour de justice
après la Libération, le commissaire du Gouvernement souligna que cette formation lui donnait
d’autant plus d’influence sur ses hommes :
« À un tel poste, un Allemand ou un milicien notoirement acquis aux Allemands, eût été
beaucoup moins capable de nuire car tous les fonctionnaires de la PP n’eussent pas manqué
de saboter des instructions revêtues d’une telle signature, tandis que le nom de Bussière
fonctionnaire français ayant occupé de hauts postes préfectoraux a pu désemparer certains
d’entre eux. »
L’hypothèse avancée sur l’attitude de « tous les fonctionnaires » était certes hasardeuse et
rend bien compte de la vision officielle d’alors, mais le commissaire du Gouvernement a bien
vu l’impact que pouvait avoir la représentation adéquate d’une légitimité étatique. Le procès a
bien montré, contre le système de défense de l’ex-préfet, qu’il agissait en véritable chef ayant
contrôle sur ses cadres. Les directeurs des RG et des BS avaient pour caractéristique d’être
des hommes venus du terrain, de la police municipale. Lucien Rottée, directeur des RG,
s’était fait connaître en 1934 en s’opposant aux velléités insurrectionnelles des Croix de Feu.
C’était son neveu, le commissaire Hénocque, qui dirigeait la BS2 dès sa création en janvier
1942, tandis que David, plus connu, avait pris la tête de la BS le 1er septembre 1941 avant de
diriger la BS1. On relèvera que les deux chefs de BS étaient très jeunes et qu’ils connurent
une promotion accélérée. Nés respectivement en 1909 et 1908, ils finirent l’occupation avec
le titre de commissaire divisionnaire.
S’appuyant sur l’étude systématique des dossiers de la commission d’épuration, Jean-Marc
Berlière a pu établir trois profils types d’inspecteurs des BS. Le premier type regroupe des
hommes entrés comme gardiens de la paix auxiliaires dans les années 1930. Détachés à la 1ère
section des RG comme inspecteurs auxiliaire à l’automne 1939, ils furent souvent versés dans
la BS dès sa création, en mars 1940 ; ils étaient donc formés à la répression anticommuniste
dès la drôle de guerre. Une partie fut versée dans la BS2 en janvier 1942 et en constitua
l’ossature. Le deuxième type de parcours donna l’essentiel de l’effectif de cette BS : il
s’agissait de gardiens de la paix des Brigades spéciales d’intervention (BSi) de la police
municipale remarqués pour leur zèle. La troisième composante est plus diverse : il y avait là
des policiers entrés à la préfecture de police soit par idéologie (quelques militants du PPF de
Doriot en particulier), soit pour échapper au STO et, dans les deux cas, affectés directement
aux BS ; ils étaient les moins expérimentés. Toujours est-il que les chefs veillèrent à ne
recruter là que des gens sûrs, ce qui explique le peut de résistants dans ces brigades, à la
différence, par exemple, de la 3e section des RG. L’étude des dossiers signale aussi une
proportion croissante de promus au choix et, ainsi, des modes de recrutement et d’avancement
qui échappèrent largement, et de plus en plus, aux procédures et au calendrier habituels.
La collaboration des polices
Si les accords entre Karl Oberg, le Chef suprême de la SS et de la police en zone occupée, et
René Bousquet, le secrétaire général à la police de Vichy (SGP), scellèrent la collaboration
des polices en août 1942, celle-ci était déjà acquise à Paris. Depuis longtemps l’autonomie de