Il est à peine exagéré d’avancer que, depuis 2002, les universités grecques vivent au
rythme des « études de genre » : une dizaine de programmes interdépartementaux de premier,
de deuxième ou de troisième cycle dans sept universités sont financés par le Programme
opérationnel pour l’éducation et la formation professionnelle initiale (ci-après PO Éducation)
conçu par les instances européennes afin − entre autres − de promouvoir en Grèce « le genre
et l’égalité des femmes ». Dans ce qui suit, je vais essayer de retracer les antécédents de ce
développement et de proposer un certain nombre de réflexions concernant son déroulement,
sa signification et ses conséquences.
Avant l’entrée en vigueur du programme PO Éducation « Genre et égalité des
femmes », il n’y avait aucun financement institutionnel pour les études sur les femmes et le
genre en Grèce
. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de recherches, de publications et
d’enseignements qui exploraient, d’une manière ou d’une autre, la question de la différence
sexuelle, des rapports sociaux des sexes ou bien du genre en tant que concept analytique, fût-
ce de manière inégale dans les diverses disciplines. Mais les cours étaient peu nombreux et
dispersés dans les universités, les nouveaux départements d’éducation étant davantage prêts à
les inclure dans leurs programmes d’études que les autres. Jusqu’aux années 2000, le nombre
d’enseignant(e)s offrant des cours sur les femmes et le genre a été extrêmement limité. Dans
ce contexte, la recherche était une affaire personnelle et se déroulait surtout extra muros,
obligeant les rares intéressé(e)s à se diriger vers l’étranger pour leurs thèses. La seule activité
collective au sein des instances universitaires est restée pendant longtemps le « Groupe
d’études féminines » à l’université de Thessalonique. Ce groupe fonctionnait depuis 1983 de
manière informelle, avant d’être reconnu en 1988 comme « Programme interdépartemental de
À l’exception d’un certain nombre d’études d’histoire des femmes, financées au cours des années 1980 par
des centres de recherche semi-officiels et non académiques qui ont donné la possibilité à la génération pionnière
de la « nouvelle histoire grecque », exclue des centres traditionnels de reproduction du métier d’historien,
d’organiser la recherche, offrant aux plus jeunes aussi bien un financement pour cette recherche que la possibilité
de publier. Les plus importants de ces centres ont été la Fondation culturelle de la Banque nationale de Grèce, la
Fondation pour la recherche et la culture de la Banque commerciale de Grèce, la Fondation culturelle de la
Banque agricole ainsi que les Archives historiques de la jeunesse grecque rattachées au Secrétariat général pour
la jeune génération. Au début des années 1990, la plupart de ces centres ont progressivement interrompu leurs
activités. Quand un certain nombre d’entre eux se sont de nouveau mis à fonctionner à la fin des années 1990, la
situation institutionnelle de la « nouvelle histoire grecque » s’était radicalement transformée. Voir Efi
Avdela, «L’histoire des femmes au sein de l’historiographie grecque contemporaine», in Gisela Bock − Anne
Cova (sous la dir.), Écrire l’histoire des femmes en Europe du Sud, XIXe-XXe siècles. Writing Women’s History
in Southern Europe, 19th-20th Centuries, Celta Editora, Oeiras 2003, 81-96; idem, Le genre entre classe et
nation : essai d’historiographie grecque, Syllepse, Paris 2006, « Introduction : Histoire du genre, histoire
grecque », 13-25 ; idem, « Historia de las mujeres y de género en Grecia : ¿ un factor molesto ? », Cuandernos
de Historia Contemporánea 28 (2006) : 83-95.