Σιωπηρές ιστορίες. Γυναίκες και φύλο στην

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Colloque du RING, Paris, octobre 2006
Les « études de genre » en Grèce : ce champ qui n’en est pas un ?
Efi Avdela
Université de Crète
Résumé
- Pour ou contre les « études de genre » : le débat précoce
- Le concept de genre dans les sciences sociales : anthropologie, histoire et autres disciplines
- Interdisciplinarité, transdisciplinarité, spécificités disciplinaires : le genre
entre recherche, théorie et enseignement
- Les effets pervers des malentendus conceptuels : le programme européen « Genre et égalité des femmes »
- Les tendances actuelles : thématiques, problématiques, politiques
Curriculum vitae
Efi Avdela est Professeure en Histoire contemporaine au Département d’Histoire et Archéologie de
l’Université de Crète. Depuis 1989, elle dispense des cours et anime des minaires d’histoire des femmes et du
genre et d’historiographie du genre. Elle a publié des articles en grec, en anglais, en français, et en italien sur
l’histoire du féminisme et des femmes, l’histoire du travail et l’histoire du genre.
Livres :
Ο φεμινισμός στην Ελλάδα του Μεσοπολέμου. Μία ανθολογία [Le féminisme entre les deux guerres. Une
anthologie], direction et introduction, en collaboration avec Angelika Psarra, Editions Gnossi, Athènes 1985.
Δημόσιοι υπάλληλοι γένους θηλυκού. Καταμερισμός της εργασίας κατά φύλα στον δημόσιο τομέα, 1908-1955
[Fonctionnaires de genre féminin. Division sexuelle du travail dans la fonction publique, 1908-1955], Fondation
de Recherche et de Culture de la Banque Commerciale de Grèce, Athènes 1990.
Σιωπηρές ιστορίες. Γυναίκες και φύλο στην ιστορική αφήγηση [Histoires silencieuses. Femmes et genre dans la
narration historique], direction et introduction, en collaboration avec Angelika Psarra, Editions Alexandria,
Athènes 1997.
«Δια λόγους τιμής». Βία, συναισθήματα και αξίες στη μετεμφυλιακή Ελλάδα Pour cause d’honneur ». Violence,
émotions et valeurs dans la Grèce de l’après-guerre civile], Éditions Néféli, Athènes 2002.
Le genre entre la classe et la nation : essais d’historiographie grecque, Syllepse, Paris (sous presse.)
Efi Avdela est également :
Membre du Collectif Editorial de Gender & History.
Membre du comité scientifique international de la revue Nouvelles Questions Féministes.
Membre du comité scientifique international du la revue Clio. Histoire, Femmes et Sociétés.
Correspondante pour la Grèce de la Fédération internationale pour la Recherche de l’Histoire des Femmes.
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Il est à peine exagéré d’avancer que, depuis 2002, les universités grecques vivent au
rythme des « études de genre » : une dizaine de programmes interdépartementaux de premier,
de deuxième ou de troisième cycle dans sept universités sont financés par le Programme
opérationnel pour l’éducation et la formation professionnelle initiale (ci-après PO Éducation)
conçu par les instances européennes afin entre autres de promouvoir en Grèce « le genre
et l’égalité des femmes ». Dans ce qui suit, je vais essayer de retracer les antécédents de ce
développement et de proposer un certain nombre de réflexions concernant son déroulement,
sa signification et ses conséquences.
Avant l’entrée en vigueur du programme PO Éducation « Genre et égalité des
femmes », il n’y avait aucun financement institutionnel pour les études sur les femmes et le
genre en Grèce
1
. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de recherches, de publications et
d’enseignements qui exploraient, d’une manière ou d’une autre, la question de la différence
sexuelle, des rapports sociaux des sexes ou bien du genre en tant que concept analytique, fût-
ce de manière inégale dans les diverses disciplines. Mais les cours étaient peu nombreux et
dispersés dans les universités, les nouveaux départements d’éducation étant davantage prêts à
les inclure dans leurs programmes d’études que les autres. Jusqu’aux années 2000, le nombre
d’enseignant(e)s offrant des cours sur les femmes et le genre a été extrêmement limité. Dans
ce contexte, la recherche était une affaire personnelle et se déroulait surtout extra muros,
obligeant les rares intéressé(e)s à se diriger vers l’étranger pour leurs thèses. La seule activité
collective au sein des instances universitaires est restée pendant longtemps le « Groupe
d’études minines » à l’université de Thessalonique. Ce groupe fonctionnait depuis 1983 de
manière informelle, avant d’être reconnu en 1988 comme « Programme interdépartemental de
1
À l’exception d’un certain nombre d’études d’histoire des femmes, financées au cours des années 1980 par
des centres de recherche semi-officiels et non académiques qui ont donné la possibilité à la génération pionnière
de la « nouvelle histoire grecque », exclue des centres traditionnels de reproduction du métier d’historien,
d’organiser la recherche, offrant aux plus jeunes aussi bien un financement pour cette recherche que la possibilité
de publier. Les plus importants de ces centres ont été la Fondation culturelle de la Banque nationale de Grèce, la
Fondation pour la recherche et la culture de la Banque commerciale de Grèce, la Fondation culturelle de la
Banque agricole ainsi que les Archives historiques de la jeunesse grecque rattachées au Secrétariat général pour
la jeune génération. Au début des années 1990, la plupart de ces centres ont progressivement interrompu leurs
activités. Quand un certain nombre d’entre eux se sont de nouveau mis à fonctionner à la fin des années 1990, la
situation institutionnelle de la « nouvelle histoire grecque » s’était radicalement transformée. Voir Efi
Avdela, «L’histoire des femmes au sein de l’historiographie grecque contemporaine», in Gisela Bock Anne
Cova (sous la dir.), Écrire l’histoire des femmes en Europe du Sud, XIXe-XXe siècles. Writing Women’s History
in Southern Europe, 19th-20th Centuries, Celta Editora, Oeiras 2003, 81-96; idem, Le genre entre classe et
nation : essai d’historiographie grecque, Syllepse, Paris 2006, « Introduction : Histoire du genre, histoire
grecque », 13-25 ; idem, « Historia de las mujeres y de género en Grecia : ¿ un factor molesto ? », Cuandernos
de Historia Contemporánea 28 (2006) : 83-95.
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recherche des études féminines de l’université de Thessalonique », sans pouvoir intervenir
dans les programmes d’études.
Le choix organisationnel du Groupe d’études féminines de Thessalonique non
seulement est resté unique, mais ne faisait pas non plus l’unanimité. En témoignent les deux
débats organisés en 1991 et 1993 à son instigation, et grâce à un climat politique plutôt
favorable, sur l’opportunité de l’institutionnalisation des « études féminines et/ou études de
genre » dans les universités grecques. Le groupe dont je faisais partie à l’époque le comité
de publication de la revue féministe Dini a successivement exprimé son scepticisme aussi
bien envers les termes « études féminines » ou « études sur les femmes » qu’envers la
perspective d’institutionnalisation d’en haut d’études de ce type, la raison principale étant
l’absence d’analyses féministes systématiques dans la plupart des disciplines. On se posait
alors la question du sens des « études » dont le sort se discutait (« féminines », « de genre »
ou bien « féministes ») : s’agirait-il d’un champ disciplinaire autonome, d’un secteur de
connaissances qui devrait s’intégrer à chacune des disciplines, ou bien d’une perspective
méthodologique, d’un point de vue, qui chercherait à interroger le lien entre les présupposés
et les fondements épistémologiques des disciplines académiques et la construction sociale et
culturelle de la différence sexuelle ?
2
Il est vrai que jusqu’alors, la production d’études sur les femmes et le genre dans les
diverses disciplines représentait une réponse en soi. À l’exception de l’histoire et de
l’anthropologie (sur lesquelles je reviendrai plus tard), la recherche se référant aux femmes ou
au genre dans les sciences sociales était, sinon inexistante, du moins rare. C’est d’ailleurs une
des raisons pour lesquelles les élaborations théoriques et méthodologiques qui, dans d’autres
pays, ont produit et suivi le passage des études sur les femmes aux études sur le genre se sont
faites en Grèce de manière extrêmement inégale. En témoignent les interventions au colloque
organisé en 2003 à Mytilène par le département d’Anthropologie sociale et d’Histoire de
l’Université de la mer Égée, sous le titre « Le genre, lieu de rencontre des disciplines : un
premier bilan ». Ce colloque, qui a offert pour la première fois une image plus ou moins
systématique des études sur le genre en Grèce, a inauguré le programme de troisième cycle
« Femmes et genres : approches anthropologiques et historiques », financé par le PO
Éducation dont il a été question plus haut. Les interventions ont couvert plusieurs disciplines,
à savoir le droit, les sciences politiques, les sciences de l’éducation, l’histoire, l’anthropologie,
2
«Θεσμοθέτηση των ‘γυναικείων σπουδών’;» [Institutionnalisation des ‘études féminines’ ?], Dini, revue
féministe 6 (1997), p. 302-306. Voir également Οι γυναικείες σπουδές στην Ελλάδα και η ευρωπαϊκή εμπειρία
[Les études féminines en Grèce et l’expérience européenne], Paratiritis, Thessalonique 1996.
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la psychologie, la langue, l’espace, la santé et l’économie du travail. Premier d’une série de
rencontres de ce genre, organisées tour à tour par tous les établissements participant au
Programme « Genre et égalité des femmes », le colloque de Mytilène a permis de formuler un
certain nombre de remarques concernant l’utilisation du genre dans la recherche et
l’enseignement en Grèce à la veille du paysage actuel.
D’abord, dans la plupart des cas, les intervenantes ont confirmé l’absence ou au
mieux la présence limitée , dans la pratique de leur discipline en Grèce, de recherches et de
publications originales se référant au genre. En fait, elles représentaient souvent elles-mêmes
les seules ou bien l’une des rares chercheuses travaillant dans ce domaine. Ce fait est en
rapport avec deux facteurs : d’une part, les recherches et analyses du point de vue du genre au
sein de chaque discipline au niveau international et le dialogue que les chercheuses grecques
ont pu y forger, et, d’autre part, les résistances envers les travaux sur le genre auxquelles elles
se sont heurtées au sein des établissements académiques. L’exemple des départements
d’Études Anglaises ou Américaines, plusieurs chercheuses ont fait la rencontre du genre à
travers les études littéraires anglophones, est significatif. Est également liée à l’histoire de la
discipline en Grèce l’absence de la sociologie au colloque de Mytilène. L’anthropologie et
l’histoire ont vérifié, quant à elles, leur position de disciplines ayant la plus longue tradition
de recherche sur les femmes et le genre en Grèce, fût-ce de manière radicalement différente.
Une deuxième remarque concerne les conséquences qui découlent de l’absence, de la
plupart des sciences sociales en Grèce, d’une tradition concernant l’utilisation du concept de
genre. Il est peut-être vrai, comme l’a remarqué dans son intervention l’anthropologue
Alexandra Bakalaki, que « la notion de genre ne surprend plus ». Et de poursuivre : « Or,
quand, tout de même, nous nous demandons ‘qu’est-ce donc que le genre ?’, nous constatons
que la réponse est plus difficile qu’elle ne l’était il y a vingt ans ce qui implique que le sens
de la question a également changé »
3
. Les interventions au colloque de Mytilène montrent que
le genre est souvent utilisé de manière descriptive, et synonyme de « femmes ». Les aspects
relationnels, antiessentialistes et constructionnistes du concept sont loin d’être toujours pris en
compte. L’utilisation descriptive a évidemment des conséquences. Outre le fait qu’elle
conduit à une identification du genre aux femmes, en laissant une fois de plus les hommes en
dehors de l’étude de la construction de la différence sexuelle, elle entrave également la
problématisation des lieux communs. Le genre synonyme de femmes devient de nouveau
3
Alexandra Bakalaki, «Χρήσεις και καταχρήσεις του κοινωνικού φύλου στην ανθρωπολογία» [Usages et
abus du genre en anthropologie]. Ιntervention au Colloque « Le genre, lieu de rencontre des disciplines : un
premier bilan », Université de la mer Égée, 11-12 octobre 2003, p. 2, http://www.aegean.gr/gender-
postgraduate/Documents/Praktika_Synedriou/Praktika_Synedriou.htm.
5
sexe, un fait physiologique, une évidence qui réintroduit par la fenêtre le substrat biologique
inhérent à la conception de la dualité intrinsèque du sexe, qui semblait être sorti par la porte
avec les élaborations féministes et constuctionnistes du genre des années précédentes. Les
difficultés de traduction du terme « genre » dans la langue grecque, connues déjà pour
plusieurs autres langues, ne font rien pour dissiper les confusions.
Le cas de l’anthropologie et de l’histoire, par son caractère exceptionnel, mérite qu’on
s’y attarde davantage.
L’anthropologie est une discipline très jeune en Grèce. Le département qui nous a
accueillis pour le colloque en question a été le premier établi, il y a à peine vingt ans. Or, dès
le début, le genre, conçu en tant que construction sociale et culturelle, a eu au sein des
recherches anthropologiques de la société grecque une place privilégiée et même constitutive,
non seulement comme champ d’études mais aussi comme outil analytique. Les raisons en sont
multiples et se réfèrent comme c’est souvent le cas – à l’histoire de la discipline.
En tant que région ethnographique, la Grèce a attiré l’intérêt d’anthropologues
étrangers à partir des années 1950. Les pionniers ont été l’Anglais John Campbell et
l’Américaine Ernestine Friedl. Dans son étude des nomades éleveurs Sarakatsanes, Campbell
a constaté le poids considérable des modèles normatifs de l’identité sexuelle et de la sexualité
dans la construction du système de valeur dit « de l’honneur et de la honte ». Friedl, pour sa
part, dans son étude de Vassilika, un village de la Grèce centrale, a confirmé les trouvailles de
Campbell et a également attiré l’attention des ethnographes sur l’importance de la division
sexuelle des activités et du partage complémentaire des compétences au sein de l’unité
conjugale
4
. Si ce contexte n’était pas suffisant « pour apporter progressivement et à travers
une multitude de métamorphoses, le genre au centre », selon la formule d’un anthropologue
grec, Friedl a été de surcroît l’une des premières anthropologues à s’aligner sur
l’anthropologie féministe naissante des années 1970
5
. À travers elle et ses élèves,
l’ethnographie grecque a contribué à « une révision critique du modèle des motifs universels »
de l’anthropologie des femmes
6
. Le passage à une anthropologie du genre a signifié le
4
John K. Campbell, Honour, Family, and Patronage. A Study of Institutions and Moral Values in a Greek
Mountain Community, Oxford University Press, New York et Oxford 1964; Ernestine Friedl, Vasilika. A village
in Modern Greece, Holt, Rinehart & Winston, New York 1962.
5
Evthymios Papataxiarchis, «Έκκεντρη σκέψη. Οι ανθρωπολογικές ιδέες στην Ελλάδα του 20ού αιώνα»
[Pensée décentrée. Les idées anthropologiques en Grèce au 20e siècle], étude en préparation.
6
Evthymios Papataxiarchis, «Από τη σκοπιά του φύλου. Ανθρωπολογικές θεωρήσεις της σύγχρονης
Ελλάδας» [Du point de vue du genre. Approches anthropologiques de la Grèce contemporaine]. In E.
Papataxiarchis - T. Paradellis (sous la dir.), Ταυτότητες και φύλο στη σύγχρονη Ελλάδα. Ανθρωπολογικές
προσεγγίσεις [Identités et genre en Grèce contemporaine. Approches anthropologiques], Kastaniotis, Athènes
1992, 11-98, la citation, p. 61.
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