
Grande-Bretagne.
Mais l'inflation des actifs s'est suivie d'une déflation non moins
spectaculaire, qui a causé la plus importante récession de l'économie nippone depuis
la dernière guerre, malgré six plans de relance successifs.
Il a fallu attendre le milieu
des années 1990, avec le tremblement de terre de Kobe, pour que le voile se lève
progressivement sur l'implication de la pègre dans l'économie de la bulle, sur les
noces étranges entre le crime et les affaires.
Dès la seconde moitié des années 1980, l'alliance entre les politiques, les
technocrates et les chefs d'entreprises, le fameux "triangle de fer" qui avait forgé les
bases de l'essor japonais, change de contours avec l'investissement des milieux
mafieux dans les secteurs spéculatifs de l'économie licite . Le crime organisé a un
statut social bien défini au Japon. Les autorités ont longtemps fait valoir que la
structuration de la déviance était à l'origine d'un taux de délinquance
exceptionnellement bas. De source policière, on dénombre 88.600 yakuzas
appartenant à 3.300 différents groupes, dont la plupart son affiliés à l'un des trois
principaux gangs : la Yamaguchi-Gumi, qui compte près de 30.000 membres basés
surtout dans la région du Kansaï (Osaka-Kobe-Kyoto), la Inagawa-kaï, avec ses 8.000
membres, et la Suniyoshi-kaï, rassemblant 6.000 adhérents.
Les yakuzas prennent pied dans des activités légales permettant de recycler les
profits de leurs opérations traditionnelles : en tout premier lieu le jeu, avec la vogue
des billards électriques, les pachinkos, qui génèrent 25 000 milliards de yens de
recettes en 1996, soit presque une fois et demie le chiffre d'affaires de l'industrie
automobile nippone et 6,7 % du PIB. Leurs activités illicites concernent la
prostitution, avec des réseaux couvrant l'ensemble de l'Asie orientale et certains pays
d'Amérique Latine comme la Colombie, l'extorsion de fonds, le trafic d'armes de
poings et le trafic de drogues. La consommation de métamphétamines fabriquées
clandestinement en Corée du Sud ou en Chine concernerait 500.000 personnes, et la
consommation de cocaïne, environ 150.000, pour une population de 125 millions
.
Des produits comme l'héroïne restent peu utilisés, en vertu d'un accord tacite entre la
yakuza et la police qui bannirait la distribution de ces substances sur le territoire
national, sous peine de graves condamnations. De source policière, les recettes
illicites de la yakuza s'élèveraient au moins à 10 milliards de US dollars par an,
peut-être même plusieurs fois ce montant, dont le quart ou le tiers proviendrait du
trafic de stupéfiants
. De telles sommes, importantes en termes absolus, restent
relativement négligeables au regard d'une économie licite qui dégage un produit
intérieur brut de l'ordre de 4.600 milliards de US dollars en 1997. Mais
l'investissement progressif de celle-ci par les capitaux mafieux va modifier les
données du problème.
Cf. Malcom Trevor, "The overseas strategies of Japanese corporations", The Annals of the American Academy
of Social Sciences, n°513, january 1991, p.97.
Cf. Evelyne Dourille, L'économie japonaise, Ed. La Découverte, collection Repères, Paris, 1998.
Cf. Thierry Ribault, "Au Japon, la folie des pachinkos", Le Monde diplomatique, aout 1998; Nahid Mohavedi,
"Drogue et blanchiment au Japon", Rapport moral sur l'argent dans le monde, 1995, p.51-52; Thierry Cretin,
Mafias du monde, PUF, 1997, p.73.
Cf. Maki Murakami, "Japan's grud war", Look Japan, février 1991; International Herald Tribune, 16/6/1992.