I
UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES
D’AIX MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
LE DROIT DE VOTE DE L’ASSOCIE
Thèse pour le doctorat en droit
Présentée et soutenue le 14 décembre 2001
Par
Renee KADDOUCH
Membres du Jury :
M. le Doyen Jacques MESTRE Directeur de la recherche
Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille
M. le Professeur Dominique VIDAL
Université de Nice Sophia-Antipolis
M. le Professeur François-Xavier LUCAS
Université de Nice Sophia-Antipolis
Mme le Professeur Catherine PRIETO
Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille
M. le Professeur Didier PORACCHIA
Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille
II
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE : LE DROIT DE VOTE, PREROGATIVE DE
L'ASSOCIE CONTRACTANT
Titre I : Le droit de vote, un droit contractuel
Chapitre I : Un droit contractuel par ses règles d'attribution
Chapitre II : Un droit contractuel par ses conditions d'exercice
Titre II : Le droit de vote, un objet de contrats
Chapitre I : Les conventions sur la jouissance du droit de vote
Chapitre II : Les conventions sur l'exercice du droit de vote
DEUXIEME PARTIE : LE DROIT DE VOTE, PARTICIPATION AU
GOUVERNEMENT DE LA SOCIETE
Titre I : La participation de l'associé au pouvoir de décision
Chapitre I : La nature juridique de la résolution d'assemblée générale
Chapitre II : Le caractère fondamental du droit de vote de l'associé
Titre II : Le poids de l'associé dans l'exercice du pouvoir de décision
Chapitre I : Le droit de vote, critère du pouvoir
Chapitre II : Le droit de vote, enjeu de pouvoir
III
INTRODUCTION
En 1906, Alain s'appliquait à définir la "démocratie pure", dans laquelle,
conformément à l'étymologie (
1
), il voyait le "gouvernement du peuple par lui-même" : "un
peuple instruit, qui délibère et discute ; un peuple éclairé par des spécialistes, éclairé par ses
représentants, mais non pas gouverné par eux ; non, gouverné par lui-même : tel est l'idéal"
(
2
). Le philosophe adoptait ainsi la conception libérale de la démocratie, issue des Lumières et
héritée de la Grèce antique. Dans cette approche, les organes de l'Etat ne sont que les
mandataires du peuple ; ils ne tirent pas leur pouvoir d'un droit propre, contrairement à
l'Ancien régime, durant lequel l'autorité du Roi était fondée sur Dieu (
3
), mais de la volonté
du peuple.
Le fondement de ce système politique réside donc dans la participation du peuple
souverain aux affaires de la cité, par le choix de représentants. Est octroyé à chacun (
4
un droit
de vote qui lui permettra de peser sur le destin collectif, en élisant ses gouvernants. La
reconnaissance de l'individu comme fondement de la représentation et le triomphe de
l'élection comme consentement à l'autorité de l'Etat font ainsi du vote l'acte majeur de la
condition de citoyen. Celui-ci permet ainsi au gouverné de participer à la formation du bien
commun. Dès lors, il se présente comme le moyen par lequel l'individu va participer à la
formation de la volonté générale, expression de la Raison, libérée des dogmes et des
croyances (
5
).
La Constitution du 4 octobre 1958, dans son article 3, affirme ce caractère universel du
suffrage. Autrement dit, chaque citoyen français, et, à l'occasion des scrutins locaux, chaque
(
1
) du grec demos : peuple et kratos : pouvoir.
(
2
) Alain, Propos, 1906, Institut Alain, 1990, p. 47 (cité par P.-A. TAGUIEFF, Résister au bougisme, 2001, p.
25).
(
3
) V. sur cette question, N. ROULAND, Introduction historique au droit, PUF, 1998, n° 184 et s.
(
4
) Le suffrage n'a pas toujours été universel. Il a d'abord été censitaire. Ainsi, pour se limiter à la France, au
lendemain de la Révolution, seuls les hommes qui s'acquittait préalablement du cens (impôt) pouvait participer
au scrutin. Ce n'est qu'après la révolution de 1848 que tous les hommes purent voter. En revanche, les femmes
françaises durent attendre l'ordonnance du comité français de Libération nationale, en 1944, pour se voir
attribuer le droit de vote sur cette évolution, D. TURPIN, Droit constitutionnel, 4° éd., PUF, 1999, p. 212 et s.
(
5
) P. PERRINEAU et D. REYNIE (sous la direction de), Dictionnaire du vote, PUF, 2001, "vote", spéc. p.
238.
IV
ressortissant de l'Union européenne (
6
), est titulaire du droit de vote. Cette règle ne souffre
d'aucune exception. Les textes internationaux posent le même principe. Ainsi, par exemple,
selon l'article 21 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948,
"la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit
s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage
universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du
vote".
Ainsi reconnu, le droit de participer aux élections revêt une double fonction. Il permet
de recenser les opinions individuelles au sein du corps social et de former la décision
collective qui portera une majorité politique au pouvoir (
7
). Autrement dit, le vote est à la fois
l'expression d'un avis sur une question ou un projet de société et le consentement donné à la
décision qui en résulte (
8
).
Fondement de la démocratie, le vote connaît cependant une crise profonde. A
l'occasion de chaque scrutin, local ou national, les analystes constatent une érosion de la
participation des électeurs (
9
). Cette désaffection pour le droit de vote n'est que la
manifestation d'un malaise du système politique représentatif, en liaison avec le phénomène
de mondialisation (
10
).
Néanmoins, en dépit de ces vicissitudes, le droit de suffrage demeure la forme la plus
aboutie de la participation du citoyen aux affaires de la cité. Dans ces conditions, on
comprend que les groupements de droit privé se soient largement inspirés de l'organisation
politique et en aient fait le moyen privilégié d'expression de leurs membres (
11
).
(
6
) sur le débat relatif au droit de vote des étrangers aux élections locales, V. D. TURPIN, Droit constitutionnel,
op. cit., 218 et s.
(
7
) sur cet aspect, P. PERRINEAU et D. REYNIE (sous la direction de), Dictionnaire du vote, op. cit.,
"vote", spéc. p. 939 ; adde, O. IHL, Le vote, Montchrestien, 1996.
(
8
) G. CORNU (sous la direction de), Voc. Ass. H. CAPITANT, PUF, coll. Quadrige, 2000, V° "vote".
(
9
) Ainsi, selon le Ministère de l'intérieur, à l'occasion des élections municipales de 1989, les électeurs s'étaient
déplacés à 73 pour cent (aux deux tours), alors que celles de mars 2001 ont connu une participation moindre de
67 pour cent.
(
10
) sur cette menace que ferait peser sur la démocratie la mondialisation et son corollaire, la néo-tribalisation,
B. BARBER, Djihad versus Mc World. Mondialisation et intégrisme contre la démocratie, éd. Hachette,
collection Pluriel, 2001 ; P.-A. TAGUIEFF, Résister au bougisme, précité.
(
11
) d'une manière générale, en droit privé, F. MASQUELIER, Le vote en droit privé, thèse Nice, 1999.
V
Ainsi, la loi du 10 juillet 1965, régissant la copropriété des immeubles bâtis, a, dans
son article 22, reconnu à chaque copropriétaire le droit de vote dans les assemblées générales,
seules habilitées à prendre les décisions du syndicat (
12
). Cette prérogative est si essentielle
qu'aucun copropriétaire ne peut en être privé, même s'il est intéressé à la délibération. Toute
assemblée à laquelle un de ses membres n'aurait pas été convoqué encourt l'annulation, même
si l'absence du votant n'a eu aucune incidence sur le résultat du scrutin (
13
).
De même, dans les associations, chaque sociétaire dispose du droit de vote, même s'il
peut en être privé pour des raisons disciplinaires ou tenant au non-respect de son obligation de
verser une cotisation (
14
). Il n'est pas jusqu'au droit de la famille (
15
) ou au droit du travail
(
16
) qui ne connaissent pas le principe de l'attribution du droit de vote à tout membre du
groupement. Autrement dit, l'octroi d'un droit de suffrage est consubstantiel à toute
organisation collective, personnifiée ou non.
Cependant, c'est en droit des sociétés que l'étude du droit de vote présente le plus
grand intérêt. En effet, le droit de suffrage reconnu à chaque associé permet de distinguer la
société d'un autre contrat (
17
) et fait toute son originalité. Le droit de vote n'a d'ailleurs jamais
cessé de nourrir la réflexion, notamment dans la société anonyme (
18
).
Néanmoins, une théorie générale du vote de l'associé n'a jamais, à notre connaissance,
été entreprise. Certes, la loi du 24 juillet 1966 a pris la société anonyme comme modèle (
19
),
ce qui peut expliquer l'omniprésence doctrinale du vote de l'actionnaire. Néanmoins, en
pratique, il ne s'agit pas des groupements les plus nombreux. Il a nous donc paru intéressant
(
12
) sur les structures de la copropriété, C. ATIAS, Droit civil. Les biens, éd., Litec, 1999, 355 et s. plus
spécialement, sur l'assemblée générale des copropriétaires, F. GIVORD et C. GIVERDON, La copropriété,
éd., Dalloz, 1992, n° 546 et s.
(
13
) cass civ 3ème 22 févr. 1989, Bull. III n° 47 sur cet arrêt Ch. ATIAS, La copropriété immobilière sur la voie
du droit commun, D. 1989 chron p. 263.
(
14
) E. ALFANDARI (sous la direction de), Associations, Dalloz, 2000, 1289 comp., validant une clause
statutaire qui réservait le droit de vote à certains sociétaires seulement, cass civ 1ère 25 avr. 1990, RTD com.
1991 p. 241, obs. E. ALFANDARI.
(
15
) au sein du conseil de famille.
(
16
) au sein du comité d'entreprise.
(
17
) P. LE CANNU, La protection des administrateurs minoritaires, Bull. Joly 1990 p. 511.
(
18
) P. CHESNELONG, Le droit de vote dans les assemblées générales des sociétés par actions, thèse
Toulouse, 1924 ; J. CHARGE, La nature du droit de vote de l'actionnaire dans les assemblées des sociétés par
actions, thèse Poitiers, 1937 ; F. LETELLIER, Le droit de vote de l'actionnaire, thèse Paris, 1942 ; Y.
ELSHAZALI EL SHAIKH, Le droit de vote dans les assemblées d'actionnaires, thèse Nancy II, 1992 en
dernier lieu, P. LEDOUX, Le droit de vote des actionnaires, thèse Paris II, 2000 adde, C. KOERING, La règle
"une action-une voix", thèse Paris I, 2000.
(
19
) P. LE CANNU, L'évolution de la loi du 24 juillet 1966 en elle-même, Rev. Sociétés 1996 p. 485.
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