Chronique de la vie
La grotte va-t-elle enfin
Seul l’écho de la grotte lui
répond. Devant ce
mystère, il décide de
prévenir les pompiers de
Buchy.
Ce sont des pompiers
volontaires. Ils sont quatre,
accompagnés d’un
spéléologue. Ils entrent
dans le trou sans se
méfier. Eux même non
plus ne ressortent pas.
Alors, on appelle les
pompiers de Rouen, des
professionnels qui, à leur
tour, s’enfoncent dans les
galeries. L’un d’eux ne
revient pas. Devant ce
danger invisible, on décide
de ventiler la grotte et de
suspendre les secours.
Toute la nuit, on change
l’air vicié. Au matin, ils
trouveront neuf cadavres.
Seul le pompier, encore
inconscient, sera sauvé.
Personne ne sait comment
il a pu suivre.
Tous les enfants du
coin venaient y jouer.
Mais Thomas, Nicolas
et Pierre y ont perdu la
vie
Mais, curieusement, leur
rapport ne figure pas dans le
dossier. Les parents n'y ont
jamais eu accès. Beaucoup
de questions restent donc en
suspens quand, en 1997, la
juge boucle le dossier par un
non-lieu. Il n'y aura pas de
jugement. Les victimes ont
été asphyxiées par le gaz, à
cause du feu que les enfants
ont allumé. A Buchy,
Monique et Michèle
s'entendent dire qu’elles ne
sauront jamais.
En août dernier, pourtant,
le mystère de la grotte refait
surface grâce à « Robin
des bois ». Sous ce nom
héroïque se cachent des
écologistes spécialisés
dans la traque des sols
pollués et oubliés. Ils ont
déjà déniché des sites de
stockage secrets du pétrole
provenant de
l ' A m o c o C a d i z , le tanker
qui a fait naufrage en Bre-
tagne il y a vingt ans. Cette
fois, ils se sont procuré une I
photo aérienne du site de
Montérolier datant de 1952.
Les analyses
révèl ent une fo r t e
conce n t ration de
c y a n u re d a n s le
s a n g et sur l e s v ê t e -
m e n t s des vi c t i m e s
ans un champ,
deux femmes
regardent un
géologue prélever
des échantillons du
sol. Monique et Mi-
chèle se tiennent par la main et
retiennent leurs larmes :
leurs enfants sont morts dans la
grotte, dix mètres au dessous, il
y a cinq ans. Depuis, le site de
Montérolier, prés de Rouen,
garde son secret. Aucune
explication sérieuse ne leur a
jamais été donnée. Alors en ce
jour d'octobre dernier, elles
espèrent, que le scientifique va
en trouver une.
Les Al l e m a n d s ont
c r e u s é c e t t e cav ité
en 1944 pour y
stocker d e s a r m e s
corps dégagent une
odeur, les vêtements des
victimes sont imprégnés
d’une étrange substance.
Les analyses révéleront
bientôt une forte
concentration de cyanure
dans le sang et sur les
habits des victimes.
La justice ouvre alors
une enquête. Elle se
résume en autopsie. La
ventilation des galeries
ayant dilué le gaz mortel,
les enquêteurs ne visitent
pas toutes les galeries.
L’accident paraît tellement
évident que le juge ne voit
les parents que deux fois.
La première pour
enregistrer leur identité,
la deuxième pour
les autoriser à aller
se recueillir dans la
grotte. José et
Michèle avaient
deux fils. Ils ont
perdu le plus
jeune. Monique,
elle, avait trois
enfants. Elle a
perdu son mari et
deux de ses
gosses. De cinq à
table le soir, elle se
retrouve
en tête à tête avec son aîné.
Tant de douleur, assenée
d’un seul coup, demande
une explication, le début
d’une certitude.
Commence alors le bal des
experts. Les uns confirment
la mort par inhalation de gaz,
les autres en doutent. Les
autopsies ne permettent de
conclure ni dans un sens ni
dans l’autre et, surtout,
n’expliquent pas la présence
de cyanure. Quant à
l’Hypothèse du gaz, elle
paraît faible quand certains
experts estiment qu’il aurait
fallu brûler 160 000 m³ de
bois pour arriver à une dose
de gaz mortelle. Une autre
explication est nécessaire.
Des émanations des vielles
munitions allemandes,
peut-être ? En 1948, les
archives militaires avaient
déjà signalé les dangers
potentiels de la grotte.
Appelée en qualité d’expert
par la juge, la direction de
l’Armement a mené une
enquête. Des militaires ont
arpenté de nouveau les
galeries,
Cette photo dévoile sur
le terrain d’étranges
formes rectangulaires,
peut-être des fosses de
stockage qui pourraient
receler des munitions
entreposées sans
précaution. Au fil des
années, les matériaux
chimiques auraient pu se
désagréger, pénétrer
dans le sol et atteindre
les galeries où leurs gaz
auraient pu se répandre.
Il ne faudrait plus
chercher l’explication au
sol, mais sur les
plafonds.
Voilà pourquoi cinq
ans après le drame,
Monique et Michèle sont
venues observer le
géologue sonder le
terrain. Elles espèrent
enfin une explication.
Toutefois, leur dernière
action en justice ne leur
permettant plus d’avoir
accès à ces
investigations, elles vont
mener une autre bataille.
Elles veulent savoir la
vérité, et vont accuser
l’Etat de la cacher.
Laurence Vacher
Le 25 juin 1995, trois
collégiens de la petite ville
voisine de Buchy, Thomas
et Nicolas Havé, 13 et 14
ans leur copain Pierre
Lamperier, entrent dans la
grotte pour jouer aux
aventuriers. Ce n’est pas
une cavité naturelle. Elle a
été creusée en1944 par
les Allemands, et servait
de lieu stockage pour des
armes et des fusées V1
qu’ils lançaient d’une base
toute proche.
Dès la fin de la guerre, les
enfants du coin sont venus
jouer dans ces larges
couloirs, au sol plat et aux
parois lisses, d’où partent
les galeries à angle droit.
Personne ne s’y est
jamais perdu. Personne
n’y est mort. Jusqu’à ce
maudit 25 juin.
A 18 heures, ce jour-là,
Monique Havé s’inquiète
de ne pas voir rentrer ses
enfants. Elle téléphone à
Michèle Lampérier qui lui
répond que son fils n’est
pas de retour non plus.
Mais les deux maris se
doutent de l’endroit où
sont les gamins : la grotte.
Ils fouillent les bois
alentour, trouvent leurs
vélos, entrent, font
quelques pas, mais
l’obscurité est profonde.
José Lampérier repart
chercher des lampes.
Quand il vient, moins
d’une demi-heure plus
tard, Jean-Jacques havé a
disparu. Il crie.
est donnée ne les
satisfait qu’à moitié. Le
monoxyde de carbone,
ce gaz inodore, incolore
et mortel serait à
l’origine du drame.
Les enfants ont allumé
un feu pour faire des
torches et éclairer les
galeries : les traces sont
encore visibles.
L’émanation de gaz
mortel a atteint les
enfants, puis les
sauveteurs. Des faits
étranges sont
cependant constatés.
L’un des pompiers
raconte tout d’abord
avoir vu des
flammèches et des
petites explosions sur
les parois de la grotte.
De plus les
Des jours qui ont suivi,
Monique et Michèle ne
souviennent pas. La
douleur est trop forte, les
décès brutaux,
inexplicables. Pourtant,
une question se fait jour
dans leur esprit : pourquoi
avoir suspendu les
recherches ?
On a bien trouvé un
pompier vivant le
lendemain. On a donc
perdu du temps, on
pouvait tous les sauver.
Et puis, l’explication qui
leur
Parmi les victimes du
drame, le fils de José,
le mari de Monique et
leurs deux enfants.
Les causes n'ont pas
été clairement
établies. Pourtant dès
1948, les archives
militaires font état des
dangers du site.
La grotte va-t-elle enfin livrer son secret ?
Trois enfants jouent dans une grotte, y allument un feu. Et périssent. Victimes du gaz
carbonique, de déchets chimiques ? Ce site, oublié depuis la guerre, était-il pollué ?