(c’est-à-dire " bolchévique ") et d’ " allemande " -par quoi il se confirme que la
vraisemblance d’une accusation ne saurait que fortuitement mesurer son
efficacité.
En Romandie, une partie importante des ouvriers syndiqués, et plus importante
encore de la classe ouvrière et des salariés du tertiaire, fit donc défection ;
moins sans doute dans les deux " grandes " villes de Genève et Lausanne que
dans le reste de la Suisse " française " (française, elle ne le fut jamais tant que le
11 novembre 1918), mais beaucoup plus, à contextes sociaux comparables, en
Romandie qu’en Alémanique.
Ainsi, dans le Jura (actuels canton du Jura et Jura bernois), particulièrement
francophile en raison inverse de son appartenance bernoise : sur 30'000
travailleurs de l’industrie et de la fonction publique, dans une région marquée,
s’il en fût, par le mouvement ouvrier et socialiste, le Comité d’Olten aurait dû
pouvoir compter sur plus de 6000 syndiqués. La grève s’annonçait donc sous de
favorables auspices... Las ! Le jour même de son déclenchement, et avant même
que soit rendu public l’appel du Comité d’Olten, la nouvelle de l’armistice (et
donc de la défaite de l’Allemagne, et surtout de la victoire de la France) tombe.
La joie est immense : la population pavoise aux couleurs françaises, envahit les
rues, festoie ; des patrons donnent congé à leur personnel... Sur quoi tombe cette
autre nouvelle : la proclamation de la grève générale. Immédiatement, le Comité
d’Olten (et ses chefs " alémaniques ") passe pour un trouble-fête (ce que,
littéralement, il fut) et un rabat-joie, mais bientôt, au surplus, pour un repaire
d’agents de Berlin et de Moscou, les uns revanchards et les autres subversifs, ou
d’agents doubles berlino-moscovites. L’assemblée populaire de célébration de
l’armistice à Saignelégier adresse sur le champ un message de fidélité
" patriotique " au Conseil fédéral, face aux " menées révolutionnaires " ; le
Conseil municipal de Saint-Imier demande l’intervention de l’armée pour faire
respecter la " liberté du travail et l’ordre " ; les ouvriers de Péry-Reuchenette
constituent, avec l’appui des autorités, une " garde civique " anti-grévistes ; les
Conseils municipaux des deux Tramelan appellent à la reprise du travail (tout en
défendant le principe -non sa réalité présente- du droit de grève : Tramelan
compte un bon millier de syndiqués FOMH). Le 12 novembre, dans le Jura, la
cessation du travail ne peut être imposée que localement et partiellement, contre
un vent " patriotique " et une marée " francophile " dévastateurs. Ainsi, à
Tavannes, lors d’une " assemblée ouvrière " convoquée... par les patrons, et
après harangue patronale, discours du Maire et prêches du Pasteur et du Curé, la
grève recueille 13 voix sur un millier de travailleurs présents. Elle sera tout de