que les phrases vraies ou les jugements vrais sont identiques à des faits, ce qui reviendrait à
dire que la réalité est linguistique ou psychologique. L’idée est plutôt que lorsqu’un sujet
pensant est dans le vrai, ce qui est pensé est identique à un fait. Dans les termes de Jennifer
Hornsby, qui défend la théorie de la vérité-identité, les faits sont essentiellement des
pensables (cf. Hornsby, J., 1997, « Truth : The Identity Theory », Proceedings of the
Aristotelian Society, Vol. XCVII, 1-24).
L’une des motivations qui sous-tendent la théorie de la vérité-identité est que lorsque nous
pensons vrai, nous sommes directement « en rapport » avec le monde ; il n’y a pas d’étage
intermédiaire, dans ce cas, entre nos actes de pensée et les faits pensés, notamment sous la
forme d’un contenu de pensée distinct de ces faits. Cette motivation est particulièrement claire
dans le passage suivant de Mind and World, dans lequel McDowell semble pointer dans la
direction d’une théorie de la vérité-identité :
Il n’y a pas d’hiatus ontologique entre le genre de choses que l’on peut signifier, ou
plus généralement le genre de choses que l’on peut penser, et le genre de choses qui
peut être le cas. Lorsque l’on pense vrai, ce que l’on pense est ce qui est le cas. Par
suite, puisque le monde est tout ce qui est le cas (comme [Wittgenstein] l’a écrit), il
n’y a pas d’hiatus entre la pensée, en tant que telle, et le monde (1994, p. 26).
La théorie de la vérité-identité établit une distinction essentielle entre la pensée vraie et la
pensée fausse. Dans ce dernier cas, en effet, on peut parler d’un étage intermédiaire entre
l’acte de penser et le monde, constitué par la pensée fausse. Mais on ne peut pas tirer
immédiatement un argument valide de l’existence de cet étage dans le cas de la pensée fausse
à son existence dans le cas de la pensée vraie, sous peine de commettre un sophisme analogue
à celui qui est connu sous le nom d’« Argument de l’Illusion » dans la philosophie de la
perception.
La théorie de la vérité-identité a fait son apparition plusieurs fois dans l’histoire de la
philosophie, certes sous des formes assez différentes. On la trouve chez Hegel et chez les
idéalistes britanniques (Bradley), mais aussi chez les premiers philosophes analytiques
(Moore, selon qui la réalité consiste en des propositions vraies, Russell, qui a changé d’avis
par la suite).
[Pour en savoir davantage sur la théorie de la vérité-identité, cf. J. Dodd, An identity theory of
truth, Londres, Macmillan, 2000.]
Le principe de bipolarité
Contre la théorie de la vérité-identité, on peut faire valoir qu’il n’y a aucune raison de
considérer que les pensées vraies sont dans tous les cas essentiellement différentes des
pensées fausses.
Considérons la notion de bipolarité telle qu’elle a été introduite par le jeune Wittgenstein dans
les Carnets 1914-1916 (Paris, Gallimard) :
Toute proposition est essentiellement vraie-fausse. Une proposition a donc deux pôles
(correspondant au cas de sa vérité et au cas de sa fausseté). C’est ce que nous appelons
le sens d’une proposition (1971, p. 171).