Série : Conférences complémentaires. Conférence : 60 - Les Droits de Dieu dans l'existence de l'homme. Le besoin d'absolu. Le fait : dès que l'intelligence d'un homme est éveillée, elle a le souci d'aboutir. A quoi ? A un résultat aussi complet que possible : une vie de conscience, une vie de science, une vie d'économie, une vie sociale, une vie matérielle. L'intelligence cherche à se procurer du complet en tout : jouissance ou travail, plaisir ou effort, pensée ou action. «Il est toujours une rose plus rose que cette rose Il est toujours un cœur plus aimant que ce cœur…» Nos légèretés, nos inconstances, nos haines, nos brutalités, viennent d'un besoin de nature impérieux de nous parfaire et de parfaire la vie sociale. Absolu de justice, de fraternité, de bonheur, de paix. Ceci explique le travail, le parti, l'effort, le progrès. Nous sommes poussés par l'absolu qui est en nous; nous sommes attirés par l'absolu que nous cherchons hors de nous. Nous avons conscience que ce monde est rempli de relatif, c'est-à-dire de choses qui sont et qui ne devraient pas être : les taudis, la guerre; de choses qui sont et qui pourraient mieux être : les santés; de choses qui sont, et qui devraient être générales : le bonheur. Nous sommes mal à l'aise dans ces états sociaux relatifs, avec notre sens du vrai total. D'où ce besoin incessant d'organiser, ce besoin maladif de critiquer, ce besoin néfaste de douter. Le monde ne nous plaît pas, et nous ne nous plaisons pas à nous-mêmes. Notre relativité (j'entends : notre santé déficiente, notre intelligence limitée, notre cœur incertain) passe son temps à essayer de devenir l'absolu auquel elle rêve. "Je suis bien, mais je pourrais être mieux. J'ai commencé à exister et si jamais j'arrivais à exister davantage par une santé florissante et un âge aussi avancé que possible…". Symptômes intelligents, qui nous révèlent capables d'envisager : - ou un être qui commencerait et qui serait sans fin - ou un être sans début et qui finirait - ou un être sans début et sans fin. Le maçon qui s'applique à construire cherche à assurer la durée de la maison. Le médecin qui s'applique à guérir cherche à assurer la durée de la santé. Nous cherchons toutes les occasions d'acquérir une chance supplémentaire de vie. Comment et qui peut y parvenir ? Il y a deux solutions : 1 – L'homme se juge capable d'organiser la terre absolument, immédiatement sans référence aucune à un monde futur. 2 – L'homme va développer au maximum son attrait d'absolu, en se reliant au maximum à l'Absolu de Dieu, afin de ramener sur terre l'Absolu du Bien auquel nous rêvons tous. Première solution : L'homme fait une confusion essentielle : il prend ses désirs pour ses moyens. Il désire l'absolu de la justice, de la vertu, de la vérité, et par-là, il se révèle marqué de l'Empreinte de Dieu, c'est-à-dire disposant de tous les moyens auxquels il rêve et qu'il désire pour être absolument heureux. Or, ces moyens lui manquent, et je le prouve : pour organiser un monde absolument juste, il faudrait que l'homme sache tout des hommes, de leurs besoins matériels, qui varient avec chacun, de leurs besoins intellectuels, qui varient à l'infini, de leurs besoins moraux, qui changent chaque jour. Mieux que cela : l'homme refuse de reconnaître les besoins spirituels et religieux qui torturent l'homme : besoin d'Amour de Dieu, besoin d'éternité. Mieux que cela : tout renseigné qu'il soit par la science, la police, la médecine, les surveillances, il y a quantité de choses auxquelles l'homme le mieux intentionné ne peut pas répondre et ce sont en général les choses les plus capitales. La maladie, la souffrance, la mort, l'épreuve, le sacrifice, l'origine du monde, l'avenir, le mal, la vertu, jamais il n'est question de cela sur vos affiches électorales de réforme sociale. Vous n'aborderez l'homme que de l'extérieur : sa bouche, son porte-monnaie, son plaisir; c'est-à-dire tout ce dont les véritables hommes se sont privés : les héros, les saints, les bienfaiteurs de l'humanité. Et vous dites avoir les moyens … ! Vous avez les désirs … mais moins que personne vous n'avez les moyens. La preuve : ces doctrines sont si peu totales, donc si peu humaines, qu'elles remédient à leur absence d'humanité, donc de perfection, par l'usage de la force et de la violence qui imposent à l'homme ce vers quoi l'homme ne se sent pas attiré dès qu'il a su faire la distinction entre apparence d'absolu et l'absolu lui-même. Une doctrine individuelle ou sociale peut être parfaite ou vraie sur plusieurs points, mais si, dans son ensemble, elle s'impose par la dictature de la force, de la police, de l'assemblée, elle avoue par-là son immense faiblesse, car elle avoue qu'il y a quantité de solutions qui lui échappent par ignorance ou méconnaissance volontaire de l'homme tel qu'il est : chair, sang et âme, et qu'elle n'y peut remédier que par la contrainte (nazisme, marxisme…). La caractéristique de la matière : sa tendance à la destruction dès qu'une idée n'est pas là pour la soutenir (la maison en ruine dès que l'idée de conservation est absente). Les hommes passent leur temps à conjurer la destruction (architecture, santé, commerce) ou à l'accélérer par la destruction volontaire (la guerre, le pillage). Dans les deux cas, l'idée domine la matière. «Mais l'idée est elle-même matérielle» … force électrique, atomique, énergie inconnue mais matérielle. - Si elle est inconnue, pourquoi la classez-vous parmi la matière, qui, elle, est connue ? C'est une affirmation anti-scientifique. - Si elle est connue comme matérielle, où sont vos preuves et vos démonstrations de sa matérialité ? - Si elle est matérielle : développer la matière serait développer l'idée et la vertu. La luxure et la sensualité engendrerait l'intelligence et la pureté. - Si elle est matérielle, elle se révèle dans les cas les plus dignes de l'homme, comme l'ennemie de la matière à laquelle l'idée demande le sacrifice dans l'effort vertueux, la souffrance dans l'expiation, la mort dans l'héroïsme. - Si l'idée, enfin, est matérielle, pourquoi ce désaccord de l'idée matérielle produisant des fruits qu'elle renie et qui forment l'arsenal le plus noble de l'homme : religion, pureté, vertu, sainteté, considérés comme les ennemis du matérialisme qui précisément les produirait ? Là où il y a identité, il y a accord. Si pensée, lumière et esprit sont identiques à cellule, atome et réactions, pourquoi ne sont-ils pas d'accord ? Mais si l'esprit est si certain, pourquoi Dieu, l'Esprit par Excellence, est-Il si contesté ? Précisément, parce qu'Il est Esprit par Excellence et que nous ne sommes qu'esprit par raccroc, noyé dans l'animalité. C'est l'anthropomorphisme moderne : nous voulons ramener Dieu à nos procédés humains scientifiques, qui sont pétris de conditions matérielles. Dieu est l'ABSOLU et à cause de cela Il ne peut pas Se voir. Dieu est Incompréhensible, heureusement, comme une formule mathématique l'est pour un enfant. Dieu ne Se rencontre pas, heureusement, sans quoi Il serait accessible à mon humanité. Deuxième solution : L'homme se relie au Seul Absolu qui soit : Dieu, afin, en Le ramenant sur terre, d'organiser absolument la terre. A l'encontre de la première solution, une doctrine ne vaut que par le libre consentement qu'elle propose comme sa ligne de conduite principale. Or, d'instinct, l'homme suit le complément absolu que lui apporte le Christ en se proposant librement à Lui et en cédant librement à Sa Proposition. Cette Libre proposition du Christ, sans armée, sans police, sans parti, sans pays, est le signe même de la Certitude qu'Il a de Sa Valeur Divine et de la Sécurité qu'Il apporte au monde. Il sait qu'il suffit de Le choisir pour résoudre le problème. Car Sa Puissance s'est exercée sur tout le créé : - sur l'eau des vagues et sur le vin de Cana, - sur les végétaux, les pains et le figuier maudit, - sur les minéraux : la pièce d'argent trouvée dans la bouche du poisson, - sur les animaux : la pêche miraculeuse, - sur le corps humain : les guérisons, - sur le cœur humain : les pardons, - sur l'âme humaine : les résurrections, - la question sociale : les Béatitudes, - l'autorité : «Rendez à César…». Il a merveilleusement touché à tout d'une façon si Absolue qu'on n'a jamais rien dit de mieux que Lui par la suite, ayant Lui-même annoncé l'avenir en avertissant qu'Il aurait ses pastiches (pseudo-prophètes) et que les hommes Lui préféreraient ces doctrines d'erreur à l'Absolu de Sa Vérité. Pourquoi ? Parce que les autres doctrines, en servantes de nos points de vue, nous apparaissent comme absolument merveilleuses sur ce point de vue, peut-être, mais un point de vue n'est pas l'absolu de tout humain : exigences passionnées, mais pas l'absolu. Il faut avoir le courage de mettre en cause le tout de son être pour y comprendre quelque chose. Tout est confusion dans la vie moderne, parce que le tout de l'homme a été atteint par les philosophies et les doctrines exaltantes pour certains aspects matérialistes de l'homme. Mais, précisément, servir la cause de certains aspects, même légitimes, de l'homme, c'est aller directement contre le besoin de chacun d'entre nous de prendre et d'organiser l'homme dans son entier. Au cours d'une conversation avec un communiste, je commence à soupçonner le quiproquo : des mots justes, que nous avons tous au service de sectarismes secrets qui commencent à montrer le bout de l'oreille. Païen, il disait : "Ce qu'il nous faudra, ce sont des saints… et nous n'avons pas le moyen d'en faire, mais vous …" Quelle responsabilité ! – donnant son paquet de nourriture à une pauvre femme … nous, les embourgeoisés … Il est tout près de Dieu. Nous sommes tous très près les uns des autres et nos divisions sont plus le fait de nos ressemblances éternelles, de nature, que de nos divergences, ressemblances que nos passions interprètent différemment. Nous les croyants, nous sommes des arrivés au but qui n'en faisons pas bénéficier les autres… et les autres attribuent à tort à Dieu toutes les déficiences qu'ils remarquent chez ceux qui Le Servent, ce qui est pour eux une manière de se dispenser de Le servir et de L'aimer. Or, qui refuse Dieu n'échappe pas pour autant à la fringale d'absolu que Dieu a mise en lui pour qu'il Le connaisse. Et cette fringale, il l'utilisera, sans Dieu, au profit des choses très relatives qui sont en lui : - absolu au service de l'instinct : brutalité - absolu au service de l'intérêt : le mensonge - absolu au service de la passion : la bestialité - absolu au service de la société : le marxisme, qui utilise l'homme à détruire sa personnalité, car il la lui développe sous certains aspects pour le servir et, une fois servi, il la lui reprend en la noyant dans la collectivité d'un kolkhoze : maintenant que tu m'as servi à aboutir à mes fins, tu n'as qu'à disparaître. Qui refuse l'Absolu Libérateur de Dieu sera un jour ou l'autre victime de l'absolu de l'erreur qu'il aura servie, lui, sa famille, ses amis, et la société. Conclusion : Nous avons tous en nous des tendances supérieures identiques. Les uns n'ont pas encore trouvé le but adapté à ces tendances… Dieu leur demande la loyauté dans la recherche de ce but. D'autres ont donné à ces tendances magnifiques un but inadapté, parce que ne répondant pas à la totalité ou à la vérité de ces tendances. Dieu leur demande de repenser le problème sans a priori. «En vérité, Je vous le dis, à qui demande, on donne, à qui frappe, on ouvrira…» D'autres ont trouvé la solution, mais Dieu leur rappelle la parabole des talents : ne pas enfouir dans le bourgeoisisme, l'inaction, le mépris du prochain. Tous, nous sommes frères en tendances humaines honorables et belles. Nous devons nous unir dans la vérité. Nous avons tous des mises au point à faire, tous nous avons quelque chose à renoncer, quelque chose à reconnaître. Nous avons tous à nous reposer le problème de Dieu au bénéfice du monde. Situer le problème du Christ Pour le pire comme pour le meilleur. Pour le pire : c'est un mythe. Il n'a jamais existé ? Donc, Il a été inventé ? Par qui ? Il reste à découvrir l'écrivain qui a construit l'idée de Jésus-Christ en nous présentant une Intelligence allant au rebours des dispositions de l'humanité, donc allant au-devant de son échec d'avoir construit le Christ, sachant la coalition des plus savants pour lui démontrer l'inconvenance de sa construction proposant le Fils de l'homme aux hommes adversaires de ce Fils. On ne fait pas mieux comme absurdité : inventer ce que l'on sait contraire à la perspective d'une invention : le succès. Si l'idée de Jésus-Christ persiste malgré les "tollé" soulevés par l'inventeur présumé, c'est que l'Inventeur a composé sa présentation historique de Jésus-Christ avec des éléments supra-humains, supra-scientifiques qui, précisément, ne peuvent provenir d'un inventeur homme. Il faut donc se demander si Jésus-Christ n'est pas Son Propre Inventeur, dont les éléments de Pensée s'originent à une Qualité d'Existence inaccessible et inexplicable à notre qualité humaine de pensée. «Ecce venio» - Je Me présente, Inventeur de Moi-même, «Ego sum» - Je suis Celui qui est, n'agissant qu'en référence à Moi-même. Et de ce «Moi-même», Je tire des capacités de Puissance matérielle sur des maladies ou sur des cadavres; de Puissance de perspectives définitives sur l'avenir du monde, sur la destinée de chacun; de Puissance d'explication morale et vertueuse sur les possibilités spirituelles de chacun; des Puissances de précisions inébranlables sur la mort : vérité, amour, vertu, éternité. «Mes Paroles ne passeront pas». Toutes ces formes de Puissance harcèlent l'inquiétude des philosophes, la curiosité des romanciers, la rivalité des agrégés, la mauvaise humeurs des jouisseurs, mais pour une humanité de savants, elles racontent que l'intelligence ne se révèle valable qu'aux prises avec les faits tangibles dont sa science découvre toujours les secrets. Voilà un fait qui est de taille, et dont la taille dépasse le mètre – ou le décamètre – de vos raisonnements. Un fait sur lequel tout le monde se casse les dents, justement parce qu'il s'impose à nos mesures avec une démesure de précision et de solidité. Il reste le fait «Jésus-Christ» provoquant la panique dans vos journaux, vos laboratoires, vos parlements. - Mon Existence est un fait inexplicable, - Mon Enseignement est un fait inexpliqué, - Ma Puissance est un fait inaccessible, - Ma Résurrection est un fait inadmissible, selon vous, car le seul recours de vos capacités impuissantes est de M'opposer le fait de votre hostilité rageuse, doucereuse, ouatée, savante … Mais l'hostilité contre un fait qu'elle ne peut faire disparaître ne fait qu'en souligner la valeur et le prestige, et depuis vingt siècles que vous vous acharnez contre Moi, Ma Taille a grandi à un tel point que vous êtes à bout de ressources pour Me critiquer; il ne vous reste que Moi, tellement impressionnant par Mon Silence que vous en revenez à Mon Silence devant Pilate : "Enlevez-Le et crucifiez-Le" une fois de plus … Et vous Me quittez tous. Pourtant, devant les évidences de Mon Fait Indiscutable, les meilleurs Me guettent; les professionnels de Mon Amour Me guettent : ou ils se séparent de Moi, ils retournent à un autre : Luther et consorts; ou ils se détournent de ce qui vexe leur orgueil (Judas s'est détourné de Moi après l'absence absolue d'orgueil : l'Eucharistie); et pourtant, des milliers Me demeurent attachés de la manière la plus intacte, la plus courageuse et la plus tendre … De quoi disposent-ils donc de mieux que les autres, leurs adversaires, leurs bourreaux, ou simplement leurs amis d'hier, devenus les "tordus" d'aujourd'hui ? Ces hommes qui M'entourent, vous allez comprendre leur mystère de fidélité en comprenant d'abord le mystère d'infidélité de ceux qui Me lâchent. Les lâcheurs : ceux qui ne Me questionnent plus, comme Judas. Je réponds toujours quand on Me questionne. Judas avait peur de Mes Mises au point (le vase de parfum), alors il a interrogé les autres : "Que me donnerez-vous et je vous Le livrerai ?" Les attachés à Mon Ancien Testament, cela les dispensait d'avoir à Me reconnaître comme étant l'Oméga qui le termine et l'Alpha qui le développe au-delà de leur science rabbinique. On Me guette toujours au nom des textes qui M'annoncent. La discussion reste possible, mais on se détourne des faits qui Me démontrent sans discussion. Après Mon Geste Inouï, Impératif, qui fit sortir Lazare du tombeau, qui Me démontrait indiscutablement le Maître de la mort, donc Dieu, Source de Vie, Judas ne M'a plus interrogé : il a organisé sa vengeance et son dépit pour Me faire interroger par les responsables de la Loi et par les pouvoirs civils. Cela lui permettait de s'éloigner de Moi, rassuré par les compétences du jour … Les autres restent avec Moi, près de Moi, en Moi : ils ne cessent de M'interroger (la prière), alors Je puis continuer de leur répondre par des états d'âme de certitude et de confiance en Mes Affirmations et en Mes Promesses. Ils Me questionnent sur Ma Grâce (Ma Vie à Moi) par la Foi dans Mes Sacrements. Je leur réponds par des réconforts, par des vaillances, par des espoirs, des pardons, des intimités dont la qualité les sépare de leur animalité, de leurs soucis temporels. Je les installe en Ma Pensée, avec Moi ils se sentent comblés avec le mot : toujours. Toujours prêt à répondre au moindre signe sincère, toujours prêt à répondre à l'appel plein de confiance, à l'entraide implorée. Restent avec Moi ceux qui croient en Moi non pas platoniquement, mais vitalement : «A qui irionsnous, sinon à Toi ?» - Aller … (Sequere me) – Vers qui se déplacer avec son fardeau de misère, son fardeau de matérialisme charnel, son fardeau de cœur ulcéré d'aimer mal ou d'aimer à côté … Le mouvement de la Foi, le mouvement de la réflexion, de la décision, du consentement. Le mouvement de l'imitation vertueuse, absence de péché. Le mouvement de l'imitation généreuse : présence du sacrifice. Voilà ceux qui restent; les seuls qui restent, sans être emportés dans la tornade des éloquences méchantes qui se veulent persuasives, ou dans la giration des consultations venimeuses. Car la Foi vécue possède un poids de persuasion qui la rend inamovible quand souffle la tempête. On déracine un arbre, on ne déracine pas un roc : «O Dieu, Tu es mon rocher». Vous tenez votre sort entre vos mains; ce ne sont ni les nouveautés, ni les extravagances, ni les falsifications qui décideront de votre sort; c'est uniquement votre fidélité vécue, prouvée, réfléchie et voulue, qui vous préservera des ébranlements subtils ou grossiers des exposés modernistes et des sifflements de vipère émis par les charmeurs des journaux. Votre fidélité sera la seule valeur spirituelle incapable de vous entamer, puisqu'elle se compose de la démonstration continue que Jésus ne change pas : Il est Celui qui vient toujours identique à Lui-même, quand la fidélité L'écoute, Le comprend et Le suit aussi soigneusement que les apôtres qui L'entouraient de très près. Pour le meilleur : ce que Sa Voix a été Seule Capable de faire : - sortir un mort de sa mort, - renseigner Nicodème sur sa destinée, - consoler une maman qui conduisait son fils au cimetière, - énoncer un programme de vie sociale éberluant d'apaisement et de vérité, - soulager pour toujours la conscience des coupables, en un mot : s'adresser sans cesse à ce qui est détruit, menacé, accablant, irrémédiable, pour toujours aboutir à reconstruire, guérir, réparer, ressusciter, aboutir à l'existence récupérée, sous toutes ses formes … telle est l'Efficacité du Christ dans une vie de pensée, de volonté, de conscience, de profession, une vie d'homme. Le meilleur : Lui rendre Sa Place, avant toute autre anxiété. Comme les apôtres, tristes de Le savoir sur le point de S'en aller, car une fois qu'on L'a vu et compris, on ne pense qu'à Le revoir et à Le retrouver. La belle et insistante évocation de Saint Jean : «Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nous avons touché du Verbe de Vie, nous vous l'annonçons, afin que vous soyez aussi en communion avec nous». «Car la Vie a été manifestée … et nous vous annonçons la vie éternelle». Ce qu'il y a de meilleur, ce qu'il y a de plus immédiat. Car la vie éternelle commence dès qu'il y a amour de Jésus-Christ, imitation de Jésus-Christ, fidélité de pensée et de cœur à Jésus-Christ. Situer son attitude personnelle vis-à-vis du Christ. Le triomphe du laïcisme est incontestable. Il n'a pas supprimé le catholicisme; la réaction aurait été trop décisive. Il l'a subtilement empêché d'être. Il l'a étiolé, il en a raréfié l'atmosphère. Ne resteront catholiques qu'un petit nombre : ceux qui décideront d'être catholiques en recréant l'atmosphère. La loi empêche d'être libre : enseignement. La presse empêche le catholique d'être libre : surcharge des programmes. La société catholique est empêchée d'être libre dans ses dimanches, dans ses spectacles (radio – ORTF). Personne ne dispose librement de sa pensée; tout est assujetti. Quand le catholicisme peut s'exprimer, la contrepartie est prévue pour le neutraliser. La critique, le récit, l'image, sont au service de la dévalorisation catholique. Et quand le catholicisme est enseigné, il l'est avec d'étranges contradictions d'avec l'Eglise de toujours. Du dehors, du dedans, par les élites ou les prolétaires, le catholicisme a la permission d'exister dans un climat de pouvoirs et de propagandes qui l'empêchent d'être. Nous sommes à la période de l'euthanasie de la Foi : on la fait respirer pour qu'elle dorme, on veille à son chevet pour qu'elle ne se réveille pas, afin d'assurer à chacun sa liberté d'expérimenter le matérialisme. Dans la fantasmagorie de ses sollicitations multiples, dans l'envahissement du temps, polarisant l'importance de la pensée sur les seuls soucis d'affaires, prenant au dimanche son Temps Divin d'occupations d'un ordre infiniment plus grave, déversant le bruit des plaisirs pour capter la curiosité, éveiller la sensualité, l'homme a été admirablement domestiqué, laïcisé. Il se promène dans le catholicisme comme les juifs pendant l'occupation : avec une pancarte le désignant à la méfiance publique. Il se promène au milieu des souvenirs catholiques : églises, lectures, films, mais il est décatholicisé. Il porte l'uniforme de son baptême, de sa confirmation, de son mariage à l'église, mais il est démobilisé. Il s'est dégagé des priorités intellectuelles et morales de l'Evangile, il s'est engagé autrement, dans des soucis uniquement lucratifs ou mondains. Il va de soi que, ne souffrant plus de cette anesthésie, le catholique n'étouffe plus d'indignation devant la situation religieuse. Ne souffrant plus de la raréfaction de l'atmosphère spirituelle, il ne lui vient même pas à l'esprit de souffrir de la situation familiale, éducative, sociale paganisée. La passivité de sa foi vis-à-vis de lui-même le maintient ultra-passif vis-à-vis des autres. Saint Paul sentait déjà venir le danger, et à son jeune collaborateur, pourtant bien disposé, il écrit impérieusement : «Allons, l'endormi, réveille-toi !» - «C'est pourquoi je te rappelle de raviver le Don de Dieu qui est en toi» (2° lettre à Timothée, 1-6) - «Toi, mon enfant, affermis-toi dans la grâce qui est dans le Christ-Jésus» (id. II-1). «Souviens-toi que Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts, selon mon évangile, pour Lequel je souffre jusqu'à porter des chaînes comme un malfaiteur… Donne cet avertissement, adjurant devant Dieu qu'on évite les disputes de mots qui ne servent à rien, qu'à la ruine des auditeurs … Evite les vains discours, leurs auteurs iront en effet toujours plus avant dans l'impiété, et leur parole se propagera comme la gangrène… Fuis les passions de la jeunesse et recherche la justice, la foi, la charité et la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un cœur pur» - «Sache ceci : que dans les derniers jours surgiront de durs moments … De même que Jannès et Jambrès firent opposition à Moïse, ceux-là aussi font opposition à la vérité, hommes pervertis d'esprit, de mauvais aloi quant à la foi …» (Id. II – 8, 14, 22; III – 1-8). Ceci laisse rêveur de précision profonde : croire, c'est laisser la grâce de foi s'installer dans notre jugement, dans notre capacité de décision avant toutes les autres préférences, et ainsi cuirassé de certitude, engager en soi et autour de soi le témoignage que notre style de conscience et de vie extérieure oblige l'entourage à voir que Jésus-Christ est toujours vivant en nous et par nous. Notre devoir à nous : réorganiser l'atmosphère pour réveiller les somnolents, les endormis. Nous réorganiser nous-mêmes; prendre conscience qu'en dehors du catholicisme conservé catholique, il n'existe aucune solution de récupération valable de l'homme. Il n'est qu'à lire les journaux … Cette récupération impose un choix actif des vertus de foi dont le caractère inébranlable provient de leur origine inébranlée : la Divinité de Jésus-Christ. Vérités qui ne sont pas seulement reçues, mais actualisées par des gestes intérieurs ou extérieurs, mais sincères, d'honnêteté surnaturelle avec la vie naturelle, de préoccupation d'apporter sa part de témoignage actif à faire barrage au mensonge qui ronge la Doctrine du Christ comme un chancre, sa part de courage et d'amour à permettre à la grâce de foi d'assainir nos intentions d'hommes des mouvements trop naturels qui prolongent l'anesthésie officielle par l'anesthésie secrète de nos respects humains, à penser et à vouloir autrement que rivalités, jouissances, succès, argent, mais à vouloir : droiture, courage, fermeté. En face, là où est l'ennemi, ils ne sont forts que de notre indifférence au problème de notre salut et du salut des autres. Redevenir des hommes qui respirent la prière, la compagnie volontaire de l'intelligence avec le «Notre Père» … «Apprends-nous à prier…» - «Que Votre Nom soit sanctifié» … La place à assurer à Dieu dans la profession et l'action … «Que Votre Règne arrive» : la part d'activité gratuite au service de Son Règne, en famille, en vacances, partout … «Que Votre Volonté soit faite» : la prise de position active en soi pour ses combats intimes, autour de soi pour la défense de la Foi. On aurait récemment dit à Rome : ce sont les laïcs qui sauveront l'Eglise … Vous portez sur vos épaules beaucoup plus lourd qu'une traite à payer, un marché à signer. Vous portez le poids de l'Eglise gardienne de vérité et d'éternité, pour le soulever par la parole, l'exemple, l'action, au niveau de votre voisin, de votre subalterne, de votre famille, de votre ville. Croire, c'est se compromettre avec sa conscience et avec la vie pour désanesthésier l'atmosphère d'un laïcisme qui a réussi à s'installer jusqu'au cœur même des catholiques. Nous n'avons pas vu l'étroite relation qui existait entre notre secrète indifférence à ne pas accorder une audience suffisante aux appels de conscience et la redondance de notre insuffisance catholique sur la laïcisation officielle à laquelle nous avons étrangement facilité la tâche. Messieurs, vous êtes hommes et hommes baptisés. Vous êtes sans le savoir dépositaires de possibilités magnifiques capables de vous situer au-dessus de tout le monde, en permettant à Dieu de vous aider à ne pas être comme tout le monde. Le jour où vous aurez expérimenté la réalité, le réalisme de la Foi recherchée avec amour, il se fera en votre jugement une prise de conscience bienheureusement catastrophique. «J'ai compris, mais j'ai compris !» … et le colonel quitta tous ses snobismes et ses plaisirs pour remuer son département par l'organisation des catéchismes … Fulgurante vision de ce qu'on s'imaginait être, et de ce que l'on comprend que l'on devait être. Réajuster les hommes sur des relations secrètes avec Dieu et les situer dans le déferlement moderne des esprits méchants qui les encerclent de toutes parts pour avoir raison de leurs plus petits gestes catholiques avec une conscience irrésistible qu'ils ont en eux de quoi ébaucher des gestes impératifs avec le glaive de la vérité vécue émanant dans la bataille moderne des éclairs qui réveillent les autres et regroupent les endormis autour de leurs exemples et de leurs décisions. Voilà votre premier devoir et votre première mission. Ici, c'est l'oasis où l'on se refait régulièrement. Là-bas, c'est là où Dieu vous attend et vous donne rendez-vous pour vous prouver hommes de Foi vécue. J'aimerais maintenant, pour vous réconforter, entrer dans le mystère de vos vies d'homme, pour vous montrer combien les exigences, dont je vous ai parlé depuis deux jours, ne peuvent se réaliser que si vous arrivez à vous stabiliser dans une intelligence très simple, mais très fidèle, de la spiritualité équilibrée. Tout est intelligence; en-dehors de ça il n'y a pas de spiritualité. Vous aider à découvrir la manière dont Dieu travaille à votre intelligence, c'est vous aider à entrer dans une spiritualité universelle, individuelle, irrésistible. Nous sommes en carême. Nous, les prêtres, nous disons à Complies cet hymne plein de mélancolie : «Nous voilà déjà au milieu de la vie, et nous sommes presque dans la mort. Quel est le secours que nous allons chercher, sinon Toi, Seigneur, qui as été justement irrité par nos faiblesses, mais qui reste le Dieu Fort, le Dieu Miséricordieux, le Sauveur très Bon. Ne nous abandonne pas à l'époque où la vieillesse commence, au moment où nos énergies se lassent. Ne nous abandonne pas, parce que Tu es le Dieu Saint, le Dieu Fort, le Dieu Miséricordieux. Tu es le Sauveur par Amour». Cela rejoint ce que je vous disais du Christ hier; il est temps de se taire, de faire silence sur le remue-ménage d'idées théologiques qui sont toujours les mêmes, pour L'aimer, par la continuité d'un regard qui s'alimentera à Ses Idées comme le fleuve à la Source, sans même le savoir. Le milieu de la vie a la mélancolie qui lui est propre, composée du sérieux du passé, et du sérieux de l'avenir, l'un et l'autre invitant à un présent de recueillement et d'amour. Pourquoi Te craindre, alors que Tu es venu exprès pour nous prouver qu'il n'y avait rien à craindre ? Dieu est Amour comme le vent est tempête. Il nous déplace sans cesse afin de nous immobiliser dans l'unique certitude que Son Amour est partout, comme l'atmosphère qui engendre le vent est universelle. Le Christ, c'est une syllabe qui engendre tout un alphabet d'amour. Un mot qui déracine des vies entières de leurs habitudes les plus invétérées, pour les transplanter dans des solitudes plus aimées que les familles les plus unies. Le Christ : la respiration de la vie morale, jusqu'au jour où Il sera devenu la raison de constater. Plus la lumière sur Dieu se fait certaine et précise, moins on a besoin de paroles, de programmes et de fonctions, voire même de pensées pour L'exprimer, tellement Il Se ramène à l'exquise simplicité d'une intelligence qui est entrée dans un état d'âme qui est déjà un soupçon de vision. L'éternité commence quand on est entré en Lui. Dans toute lumière – j'entends : de vie spirituelle – Dieu installe la descente aux enfers avec Lui, avec Lui comme Compagnon, pour y découvrir les motifs Célestes de remonter vers Dieu. En vie spirituelle, il n'y a jamais de suicides désespérés. Il y a toujours ce mystère admirable de découvrir dans son mal une douceur qu'il ne contient pas par nature : la douceur de le sentir touché par un Autre. Marie-Madeleine en est une illustration exquise : c'est à partir du moment où elle s'est sentie touchée par le Christ que toutes ses turpitudes sont devenues des raisons de prouver. Voilà le mystère du mal : quand il est éclairé par la grâce, quand il est accompagné de prière, de sang-froid, d'abandon, d'adoration, tout d'un coup on y découvre ce qu'il ne paraît pas contenir lui-même : des raisons de prouver qu'on aime. A ce moment-là, il n'y a jamais de défaite; il y a des chutes, il y a des découragements, c'est tellement normal ! Il y a des faiblesses, c'est tellement humain ! Mais il y a la continuité intelligente qu'on doit conserver à l'existence, la rectitude des premières fidélités et des premières amours. Pour y arriver, il faut comprendre alors que nous avons tous notre descente aux enfers, dans des moments où la lumière se fait peut-être plus cruelle sur telle faiblesses, tel refus, telle légèreté, telle décision malheureuse. A ce moment-là, notre état d'âme prend un volume de ténèbres, et l'on comprend qu'on est seul. Car, quand on fait le mal, on est toujours seul. La grande grâce de la Foi, de la vertu de Foi - «Seigneur, à qui irions-nous donc ?» -, c'est de déterminer un mouvement de remontée de la descente aux enfers, pour rejoindre Celui qui nous attend plus haut, et qui précisément nous a envoyé la Foi pour accompagner notre ascension. Un langage plus simple : ayez toujours la Foi, dans vos misères, de croire qu'elles sont faites pour prouver que vous avez mieux que votre misère à déterminer votre vie. Il ne faut jamais laisser un homme sur le problème de ses chutes. Il faut toujours lui montrer que, dans ses chutes, il fait l'expérience de sa solitude et que, dans ses remontées, il fera l'expérience de la compagnie de la Foi. Allons jusqu'au bout. Il y a deux espèces de honte dans le mal : - il y a la honte qui est décourageante, qui est fabriquée par l'amour propre : «Tu perds ton temps, tu recommences toujours, c'est toujours la même chose, tu as beau essayer, ça n'apporte rien. Par conséquent, assieds-toi dans le fossé et ne marche plus». - il y a la honte affectueuses : regarder un Autre qui nous regarde, misérables, et qui sollicite, Lui, de notre regard, l'envie de Le rejoindre : le bon larron. Car enfin, c'est tout de même admirable de penser que le premier élu qui es entré au ciel – c'est Jésus qui le dit – c'est une canaille ! Mais une bonne canaille, une canaille capable d'aimer. «Aujourd'hui même, tu seras avec Moi dans le Paradis». Dès qu'un homme regarde avec Foi ses misères, aujourd'hui même il est dans le Paradis : il rentre dans les mouvements de Foi. Il rentre dans les mouvements d'amour. Alors, que vat-il se passer ? Il va se passer un renversement fabuleux, un renversement des conceptions classiques de la vie, à savoir : nous avons de la vie une conception classique que j'appelle une conception technique; les pièces du moteur sont côte à côte, tout est bien arrangé; allez, le déclic : tout va tourner. Et nous n'admettons pas qu'il y ait un raté. Nous n'admettons pas qu'il y ait une pièce usée ou inadaptée ou hypertrophiée. Et pour nous, la vie ne vaut que lorsqu'elle tourne comme un moteur, dans le ronronnement automatique. Méfiez-vous de cela. Il n'y a pas de perfection automatique. Il n'y a pas de rendement automatique, sans quoi vous n'iriez pas au ciel. L'automatisme est une absence de responsabilité. Pour aller au ciel, il faut le maximum de responsabilité d'amour; c'est parfois conditionné par le maximum de faiblesse, car pour prendre ses responsabilités vraies, totales, d'un rendement fabuleux, il faut que ce soit sollicité parfois par de fabuleuses catastrophes. Et si Marie-Madeleine est remontée si haut, c'est parce qu'elle avait connu de fabuleuses catastrophes. Voyez combien le problème de la vie spirituelle est intelligent. J'entends pas là qu'il ne fait pas de classifications entre ceux qui ne peuvent pas et ceux qui peuvent, entre ceux qui sont perdus et ceux qui sont sauvés. Tout ça, c'est de la bêtise. Pour être sauvé, il faut vivre dans le mystère intelligent de ses capacités d'amour, même si on est un pauvre malheureux. Pour être perdu, il suffit de vivre avec beaucoup d'amourpropre, même dans la perfection. Car l'amour-propre est le contraire de l'amour pur. Ceci dit, je voudrais vous donner quelques précisions. Ce que je viens de vous dire vous montre ceci : en chacun de vous, tout se passe par une succession de mouvements d'existence; mouvements d'existence qui nous portent vers la terre, qui nous portent vers la Foi, qui nous portent vers nous-mêmes, qui nous portent vers les autres. Ce sont des mouvements d'existence. Mais d'où viennent-ils ? Nous y voilà, il n'y a pas moyen d'y échapper. Ils viennent de deux mots de la liturgie, où l'on voit que c'est le ramassis de toute la plénitude et de tout l'abandon d'un homme. A savoir : d'un côté la liturgie nous parle du mystère d'iniquité, de l'autre – comme je le disais ce matin à la messe à la Consécration du Sang – du mystère de Foi. Nous sommes coincés entre le mystère d'iniquité qui est en nous et le mystère de Foi. C'est cela qu'il faut expliquer. J'ai dit «mystère», alors n'essayez pas d'expliquer et l'origine de l'iniquité et l'origine de la Foi. Mystère d'iniquité : ce qui relève de la nature, de l'hérédité, des habitudes acquises, des déficiences inexplicables. Vous me direz qu'il y a la psychanalyse, qu'il y a la médecine. Je vous réponds qu'essayer de remédier, ce n'est pas guérir. Le psychiatre ne peut pas guérir la nature; il peut remédier, à certaines conditions, qui sont rares. Mais vous porterez avec vous, de par votre état personnel, votre mystère d'iniquité avec sa forme de sollicitations vers le mal, avec sa forme d'insistance vers telle déficience, avec sa forme d'emportement personnel. Dans ces moments-là, ce sera la tornade intérieure où vous aurez presque conscience que tout ce que vous avez entendu sur la Foi ne correspond à rien. Vous êtes descendus dans les abîmes de l'enfer intérieur. Pourquoi ce mystère d'iniquité vous est-il laissé ? Evidemment, il y a des naïfs pour vous dire : «Ce serait tellement plus simple que le Bon Dieu vous enlève ce mystère d'iniquité…». La réponse à leur faire est très belle : «Dieu ne fait que ça, mais pas comme vous l'entendez». Rappelez-vous que Dieu ne peut pas, théologiquement parlant, vous supprimer un mal qui fait partie de votre nature, étant donné que le mal de notre nature a été délibérément voulu par le premier homme auquel Dieu avait donné l'absolue liberté. Et comme Il l'a dit à Sainte Catherine de Sienne qui L'interrogeait sur la perte de certaines âmes, alors qu'elles Le suppliait de les sauver : «Hélas, je suis forcé de respecter la liberté que Je leur ai donnée». Par conséquent, il ne s'agit pas d'injurier Dieu parce qu'Il ne vous supprime pas un mal; il s'agit d'être bouleversé d'admiration de Le voir descendre dans ce mal pour nous aider à en sortir librement. Pour sortir d'un mal, c'est de la philosophie : - il ne faut pas le nier; - il ne faut pas le juger irrémédiable; il n'y a jamais rien d'irrémédiable ! - il faut l'associer, par votre liberté, à son contraire. Il faut associer notre misère, par notre liberté, au contraire de la misère : aux appels intérieurs, aux mouvements de remontée. Vous entrez là dans le «mysterium fidei». Quand je prononce cette phrase devant le calice, je suis toujours pris d'une espèce de tremblement intérieur, pour Lui dire : «Mon Dieu, en effet, mystère de Foi que cet ahurissant mouvement vers le Sacrifice Total, le Désintéressement Total, la Persévérance Absolue, la Miséricorde Intarissable». Quel mystère de Foi de voir le Christ inépuisablement disponible à entrer dans notre mystère d'iniquité pour y remettre l'énergie de la remontée. Aimer, c'est décider en compagnie du Christ. Alors, vous n'avez rien à craindre. La seule chose que vous ayez à craindre, c'est de ne pas Lui faire signe; ça, c'est le drame du mal : ne plus oser, attendre, se laisser dominer, s'enferrer. Autrement dit (je vous donne les caractéristiques du mal) : l'inertie, l'absence de mouvement vers le Bien, l'impuissance et parfois un commencement de révolte. Qu'est-ce que la révolte ? C'est une prise de position favorable à rester dans le mal. C'est l'attitude de satan, c'est le refus, c'est repousser Celui qui vient dans notre misère pour remonter avec nous au ciel. Tant qu'une intelligence d'homme n'est pas stabilisée volontairement dans l'impuissance, dans l'inertie et le refus, elle n'a rien à craindre, elle en sortira toujours. Il faut même pousser le raisonnement plus loin. Vous pourriez me dire : "Mais pourquoi est-ce que je tombe parfois si bas ?". Le Christ vous répondrait : «Sais-tu pourquoi Je te laisse tomber si bas ? Pour que tu puisses enfin te décider à Me donner la préférence, au lieu de la donner à ton mal. Car J'essaie de provoquer en toi le dégoût de toi, pour que tu commences à connaître le goût de Dieu !» Et voilà le mot qui convient à la vie spirituelle en pleine activité : ce n'est pas de faire son devoir – je ne vais pas jeter le discrédit sur le devoir ! – c'est de faire son devoir avec tellement d'amour que le devoir produit plus que le devoir : il produit un besoin de mouvement supplémentaire vers Dieu : la générosité. Tant qu'un homme entretient dans le secret de son cœur ce besoin de générosité d'une prolongation d'amour, c'est-à-dire tant qu'il dépasse le problème du devoir "donnantdonnant", tant qu'il a compris qu'à force de faire son devoir avec amour, le devoir va produire plus que le devoir, alors il est à jamais délivré de sa misère; même s'il y retourne, il en est délivré intentionnellement; il en est délivré psychologiquement. Et il n'a plus qu'à marcher avec cette conscience que le Bon Dieu lui laisse sa misère pour le maintenir dans l'humilité, que c'est Lui qui vient le chercher et qui le remonte au ciel. J'essaie de vous montrer qu'au fond, tant qu'une vie spirituelle est capable de garder le besoin du mouvement, du mouvement de remontée, peu importe ses faiblesses. Elles seront toujours un principe de résurrection. Et on s'apercevra alors que, de ce méli-mélo – car il faut bien le reconnaître, notre vie personnelle est un méli-mélo dans lequel les secrets les plus hauts voisinent avec les tendances les plus basses, avec un mélange de "pour" et de "contre", d'options et de refus – qu'est-ce qui va sortir ? Un ciel ou un enfer ? C'est le moment de faire intervenir le Christ. On est toujours au milieu de la vie, un peu plus près de la mort. «A qui irions-nous, sinon à Toi, qui nous ramènes des abîmes de la mort, vers les beautés de la vie ?» Vous avez à en tirer des leçons très équilibrantes. Vous ne sortirez pas de vos misères par le volontarisme, ne vous faites aucune illusion. Vous utiliserez la volonté à vous affirmer décidés à lutter. Vous lutterez, mais vous ne supprimerez pas l'adversaire. Il sera toujours derrière le mur en train de vous guetter. La seule réalité devant laquelle l'adversaire se sauve, c'est lorsqu'il s'apercevra que vous êtes intelligent au point de lui présenter une personnalité devenue amour. Devenir amour … alors l'adversaire fuira pour une raison très simple : il est la haine. La haine ne supporte pas d'être dévisagée par l'amour. C'est ce qui vous explique, dans des vies de saints, des faits extraordinaires de sérénité – entre autre chez le Curé d'Ars – devant des tentations atroces. Ils étaient tellement amour que l'ennemi était obligé de s'en aller. Voici un fait qui se rapporte à la vie de Sainte Catherine de Sienne : cette jeune fille, qui était toute pureté, fut pendant un mois harcelée par les tentations intimes les plus atroces. Rien n'y faisait. Elle s'infligeait les pénitences les plus sévères, elle jeûnait, elle se privait, elle priait, rien n'y faisait. Mais elle ne se doutait pas qu'elle était restée amour. NotreSeigneur lui apparut et audacieusement Sainte Catherine Lui dit : «Où étiez-Vous Seigneur pendant ces tentations ?». Et Jésus lui répondit tout simplement : «Catherine, as-tu consenti ?» - «Non» - «Alors, de quoi te plains-tu ? Maintenant, pour te récompenser, tu vas être immunisée». Ce n'est pas le volontarisme, c'est l'intelligence surnaturalisée de la situation qui détermine à adopter une attitude d'amour, faisant que le Christ ne résiste pas à venir au-devant de nous. Peut-être faut-il pleurer, gémir, qu'importe ! C'est alors que vous êtes victorieux; l'ennemi n'a plus de prise sur vous. Je vous dis ceci parce que l'inconvénient de la misère est de créer chez les meilleurs une obsession qui paralyse leur liberté d'esprit pour faire autre chose. Cela les fixe dans une crainte, sur une peur, sur une torture intérieure dont ils ne sortent pas. Ils ne peuvent plus rien faire. Former des consciences … C'est un mot qu'on ne peut prononcer qu'après les avoir délivrées d'elles-mêmes en les livrant à leur misère pour qu'elles la livrent à Dieu. On redonne alors à l'homme sa liberté d'esprit. Dieu a besoin aujourd'hui de votre liberté d'esprit. Il en a besoin pour que vous compreniez la situation dans laquelle vous êtes. Il en a besoin également pour que vous saisissiez tout de suite comment vous comporter positivement, au sens chrétien du mot : aimablement (l'étymologie en est très belle : être capable d'amour). Et Dieu attend toujours qu'on soit aimable avec Lui, dans n'importe quel événement. Il attend de vous cet état d'âme : "Eh bien oui, il y a en moi deux courants : des mouvements de misère et des mouvements d'élan". A quoi reconnaîtrez-vous la générosité ? On dit toujours que l'homme est égoïste. Il est certain que le drame de l'égoïsme est de conserver l'homme centré sur un amour qu'on appelle amour-propre, qui est amour de soi, et de rester alors centré sur une individualisation de son existence au point de ne pas permettre à l'amour de l'utiliser pour mieux que soi. Voilà l'amour-propre. Vous reconnaîtrez la générosité à votre besoin de ne pas vous individualiser dans l'existence et de permettre à vos attitudes, par la personnalité que vous aurez, de prolonger l'Amour de Dieu par l'intermédiaire du vôtre. Etre généreux, c'est autoriser Dieu à mobiliser en nous nos initiatives, nos désirs, nos sentiments, nos intentions, pour les mettre au service de ce qui va nous dépasser. Dans toute générosité, il y a un dépassement. Quand vous pratiquez le dépassement, vous êtes entré dans la zone de l'amour. Il n'y a plus de danger. Votre devoir d'état est, dans ce domaine, une occasion permanente de dépassement. Quand il faut recommencer tous les matins, et qu'il faut remettre le même amour en plus du même devoir, et qu'il faut y apporter la même volonté et la même affection, croyez-vous que ce ne soit pas de la générosité ? Il ne faut pas vous laissez périr dans la conscience de votre misère. Vous n'en avez pas le droit. Il y a beaucoup plus et beaucoup mieux à faire, et Dieu le sait. Quand on dit que Dieu ferait mieux de nous délivrer du mal, il est admirable de prendre conscience qu'à longueur d'existence Il cherche à nous demander de nous livrer au bien, ce qui est la délivrance; nous livrer à nos grâces, pas seulement à La Grâce. Chacun, à sa manière, est attiré par Dieu. Pour l'un ce sera plus de contemplation, pour l'autre plus de pénitence, pour un autre plus d'apostolat ou plus de méditation ou plus d'adoration. Il faut vous laisser faire par vos grâces et savoir les épouser : leur être fidèle, leur permettre de devenir votre grâce. A ce moment-là, vous vous apercevrez que la vie vaut d'être vécue, que vous n'êtes pas seul. Vous voyez que la vie surnaturelle est tout un ensemble de mouvements continuels. Entrez dans un mouvement d'intelligence. Vous serez alors redouté de l'adversaire, car lorsque satan s'aperçoit qu'il a à faire à une âme intelligente, il est perdu. Il ne nous "a" que dans la mesure où nous avons perdu l'intelligence de Dieu. C'est pourquoi je vous invite à toujours mettre l'accent sur ce qui refait vivre l'intelligence de Dieu : le recueillement, la prière, l'intériorité, l'intention. Si vous acceptez de comprendre cela, vous comprendrez la Phrase de Jésus : «Le Royaume de Dieu est en vous». Il n'a pas dit : «… sera en vous», mais «Le Royaume de Dieu est en vous». Ce que je vous disais ce matin : ne pas détruire l'être, l'être de vos grâces, l'être de vos rêves supérieurs. Je vous en supplie, ne détruisez jamais rien de ce qui est; vous détruiriez Dieu qui est en vous. Croyez à l'amour. La Croix écrase et soulève. La Croix t'écrase dans tes mouvements de misère, mais en t'écrasant dans tes mouvements de misère, Elle fait comme le pressoir qui livre le jus de fruit : Elle te soulève dans des mouvements de courage. La Croix ne se termine jamais au négatif. Elle est toujours le prélude d'une résurrection, à la condition que vous acceptiez qu'Elle vous soulève. C'est pourquoi on ne peut pas La porter tout seul : nos épaules n'ont pas été taillées pour cela. Il faut toujours La porter à deux. Et je ne pense pas pouvoir faire mieux, abordant ce sujet sous cet angle, que de vous conseiller d'y intéresser Celle qui a porté Sa Croix d'une façon extraordinaire, de Noël à l'Ascension du Seigneur : la Vierge Marie. N'oubliez pas que l'Ascension a été pour la Sainte Vierge une petite récidive du Calvaire. L'Ascension a été la deuxième séparation. A tel point que les théologiens disent que la Vierge est morte, plus exactement s'est endormie sous la pression d'un Amour qui ne pouvait plus se passer de Son Fils. On peut dire que c'est l'Ascension qui a provoqué l'Assomption. Comprenez à quel point la Vierge était consumée d'un mouvement intérieur de ne jamais Se séparer de Lui, même si c'était au Calvaire; et combien Elle a vécu Son Aventure Invraisemblable dans la sérénité d'une Ame qui Se savait écrasée par la Croix et soulevée par le Calvaire. Associez-La toujours à votre vie, ne serait-ce que par une dizaine de chapelet tous les jours. Quand la Vierge Marie entre dans une vie, tout change. C'est la même existence, mais ce n'est pas la même vision de l'existence. Ce sont les mêmes luttes, mais ce n'est pas la même manière de lutter. Il y a là, dans la Sainte Vierge, une mission qu'Elle est chargée de remplir et qu'Elle remplit toujours en détail quand on L'y intéresse. Ne vous étonnez pas de ce que le Royaume de Dieu est en vous, et que c'est dedans que s'opèrera la délivrance progressive de votre mal. Je veux dire qu'il arrivera un moment où votre mal sera anesthésié dans ses premiers mouvements. Vous le porterez jusqu'à votre mort : il fait partie de votre nature. Mais vous le supporterez avec confiance, parce que Dieu fera partie de votre combat. Et parce qu'il faut que vous gardiez votre liberté d'esprit dans toute l'activité sociale que vous menez, avec son maximum d'acuité, il faut que vous abordiez cette activité sociale avec une liberté d'esprit qui soit le résultat de ce que je vous dis, en matière de contradictions secrètes qui existent en chacun d'entre vous. Les contradictions font partie de notre existence. Les solutions font partie de notre amour et de notre confiance. Il n'y a jamais à vous troubler. Si vous comprenez cela, vous comprendrez que votre devoir de combattre est de plus en plus obligatoire : combattre intérieurement pour avoir le courage de mener le combat extérieur. Vous comprenez très bien que votre devoir est de ne pas vous accepter tel que vous êtes, mais de permettre à l'alternance humaine de produire un résultat digne de la Foi. N'allez jamais croire qu'on a découvert des saintetés où il n'y avait pas eu de mystère d'iniquité. C'est le fait des pieusetés plus ou moins déséquilibrées. La sainteté est un état de fidélité qui est aussi bien composé de fils noirs que de fils d'or de la trame de la vie. Et c'est parce que les fils noirs chevauchent les fils d'or, et que les fils d'or envahissent les fils noirs qu'ils finissent par produire une trame dans laquelle on s'aperçoit que les fils noirs et les fils d'or ont dessiné le Visage de Jésus-Christ. Là, c'est de la sainteté, c'est de l'équilibre. Partez avec ces quelques notions, et réfléchissez à ce que je vous ai dit, qui doit vous remplir d'espérance. Si vous saviez comme en vie spirituelle on rattrape des années d'attente et d'impuissance, par une simple lumière qui tout d'un coup entre en vous comme un phare d'auto dans un trou. On voit l'arbre qu'on veut y planter. Gardez l'espérance fondée sur vos promesses et sur les Mérites de Jésus-Christ : «J'attends de vous la vie éternelle que Vous allez extraire avec le concours – le concours – de ma liberté et de mon intelligence».