Le Baroque – Art et Littérature
surtout à rehausser la "passion" exprimée par le chanteur.
Outre les débuts de l'opéra, les années 1590 virent la publication à Venise des Sacrae
Symphoniae pour instruments de Giovanni Gabrieli (1597): le compositeur y disposait de
grands ensembles en groupes qu'il combinait ou contrastait. Cette technique d'écriture, qui
suivait un modèle choral connu sous le nom de cori spezzati, était directement inspirée de la
configuration de la basilique Saint-Marc de Venise. Son utilisation dans la musique
instrumentale acquit de l'importance quand les compositeurs baroques eurent de grands
ensembles à leur disposition. L'une des pièces du recueil de Gabrieli, la Sonata pian' e forte,
marqua le début de la notation formelle des nuances dans la musique européenne et
l'établissement de contrastes en paliers.
Le baroque moyen
Au milieu du XVIIe siècle, le centre des innovations se déplaça vers la cour de France, où
Jean-Baptiste Lully, venu d'Italie, élabora un nouveau genre d'opéra. Alors que l'opéra
italien donnait de plus en plus d'importance aux solistes, l'opéra à la française en donna quant à
lui à la danse (qui restait de la tradition du ballet de cour), au chœur et à de spectaculaires
effets scéniques. Le style musical mélodique, clair et pourtant élégant des solistes, adapté
aux textes français, contrastait avec la recherche toujours plus grande de lignes mélodiques
qui accompagnait le développement de la virtuosité musicale en Italie. Dans les deux styles
d'opéra, cependant, on peut remarquer une distinction croissante entre les récitatifs (épisodes
dialogués ayant pour but de faire avancer l'intrigue) et les airs, ou arias (exprimant en musique
les émotions des personnages): c'est au cours du XVIIesiècle que l'expression des émotions
passa du récitatif à l'aria, surtout en Italie.
En transformant les musiciens de la cour de France en ensembles bien entraînés pour
accompagner les opéras, Lully posa les fondations de l'orchestre moderne. Dans la
deuxième moitié du siècle, le hautbois devint un instrument d'orchestre accepté en France,
tandis qu'en Italie les meilleurs trompettistes parvenaient à interpréter des sonates avec
accompagnement de cordes. Par la suite, les hautbois et les trompettes (ainsi que les bassons)
affirmèrent leur rôle artistique dans les ensembles orchestraux tout en continuant à jouer leur
rôle premier d'instruments de plein air et militaires. C'est l'Italie qui, dans la dernière partie du
siècle, joua le rôle clé dans le développement de la musique à cordes. L'âge d'or de la facture
d'instruments de la famille du violon, illustré par des luthiers comme Amati, Stradivarius et la
famille des Guarneri, s'accompagna du développement d'un style d'écriture propre à ces
instruments, avec des compositeurs comme Torelli et Vitali, qui firent du concerto pour
orchestre à cordes et de la sonate en trio deux genres instrumentaux majeurs. De même que les
airs des opéras italiens devenaient de plus en plus longs et recherchés, les sonates et les
concertos se dotèrent de mouvements de plus en plus amples qui vinrent remplacer la
succession de passages brefs et contrastés caractéristiques des sonates précédentes. La diffusion
du nouveau style instrumental italien fut rapide et considérable. Elle fut en partie due à
l'émigration de musiciens italiens et en partie au développement de l'édition musicale: Venise,
Amsterdam, puis Londres devinrent à cette époque de grands centres d'édition musicale, et la
popularité des œuvres italiennes firent de la terminologie musicale du pays pour les tempos et les
nuances la lingua franca des musiciens de l'Europe entière.
À la fin du baroque moyen, la musique européenne était dans une certaine mesure devenue
cosmopolite. On différenciait le style "italien" du style "français" et on les utilisait au mieux. Des
compositeurs actifs en Allemagne et en Autriche, comme Georg Muffat et Johann Kusser,
témoignaient d'un certain enthousiasme pour le style orchestral français, le lyrisme italien
influençant de son côté la cantate religieuse allemande. Il est difficile à cette époque de discerner
un style musical typiquement allemand, malgré les ressources offertes par la langue allemande
aux compositeurs allemands de culture réformée, qu'il s'agisse de cantates religieuses ou de
pièces pour orgue. Heinrich Schütz fut le principal compositeur allemand de la première moitié
du XVIIe siècle, mais il souffrit terriblement de la guerre de Trente Ans, qui ralentit
inévitablement le développement culturel du pays. Plus tard, dans la dernière partie du siècle, les
cours et les villes allemandes fondèrent leurs propres opéras, dont les idéaux italianisants
s'alliaient souvent à des interprétations musicales de tradition locale: il arrivait que dans le même
opéra, certains personnages chantent en allemand et d'autres en italien!; de même, les