Le Sahara

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Le Sahara : une interface qui cristallise la majeure partie des défis du continent africain
(ressources, conflits, faillite des Etats, balkanisation).
Interface = C’est un espace permettant la mise en relation de deux territoires différents, influencé par des échanges entre l’un et l’autre. L’interface met l’accent sur
les interactions spatiales.
Question : Pourquoi le Sahara est-il considéré comme une interface ?
- Le Sahara, une discontinuité spatiale indubitablement… De tout temps, la traversée de ce qui est le plus grand désert du monde (5000 km d’est en ouest et 2000
km du nord au sud) a représenté une aventure et seules les caravanes chamelières, remplacées aujourd’hui par les convois automobiles, ont réussi à jeter un pont entre
le bled es sudan (le « pays des Noirs ») et le bled es beidan (le « pays des Blancs »), selon la terminologie arabe.
Dans ce sillage tracé par les voies commerciales, l’islam a suivi avec succès et sur les espaces riverains du Sahara – ce sahel qui en arabe signifie justement
« rivage » – on trouve toujours l’empreinte ancienne et profonde d’une influence arabo-musulmane. Cependant, et c’est en cela que le Sahara est une rupture, cette
influence est restée circonscrite à quelques sphères de la vie sociale et n’a pas pénétré le continent dans ses profondeurs.
- Malgré cette coupure millénaire, à l’heure de la mondialisation le Sahara ne deviendrait-il pas un espace traversé par les flux ? N’intégrerait-il cette
« interspatialité » qui ferait de lui une interface ?
Depuis une dizaine d’années, abandonnant son statut d’isolat le Sahara est revenu sur la scène géopolitique et médiatique. Immense espace désertique aride – 8,5
millions de km2, soit la superficie du Brésil, presque le tiers de l’Afrique – qui s’étend sur une dizaine d’États, il traverse une période agitée en raison de
l’installation de groupes terroristes islamistes sur son sol, du développement de trafics en tous genres, des flux d’immigration clandestine en provenance de l’Afrique
subsaharienne et de la compétition entre les pays du Nord et les pays émergents pour s’approprier ses richesses minières et pétrolières.
Problématique :
Pourquoi peut-on dire que le Sahara concentre les différents enjeux inhérents au continent africain ?
I/ LE SAHARA : UNE INTERFACE DE PLUS EN PLUS CONVOITÉE
B/ Des ressources abondantes et
convoitées.
Depuis quelques décennies, le Sahara est
convoité pour ses ressources : les
hydrocarbures, le pétrole en particulier, sont
de plus en plus recherchés par les sociétés
pétrolières occidentales (figurés ponctuels).
Ces champs pétroliers sont particulièrement
étendus dans les pays qui bordent le Nord du
désert (Algérie, Tunisie, Libye, Egypte), et ils
ont conduit à un déplacement du centre de
gravité économique et financier du pays dans
ces régions. Le Sahara recèle également
d’autres richesses naturelles en abondance :
les minerais - fer de Mauritanie à Zouerate
(figuré ponctuel rouge), uranium du Niger au
pied du massif de l’Aïr (figuré ponctuel
violet) - la potasse et le phosphate au Maroc,
en Tunisie et au Sahara occidental (figuré
ponctuel vert).
Au total, l’abondance du pétrole et des
minerais et le mal-développement qui
caractérise l’ensemble des États de la région
expliquent que les revenus de ces pays
dépendent largement d’une économie de
rente.
Economie de rente = Pays dont les recettes
d’exportation proviennent d’un seul produit
primaire (pétrole, gaz…).
La compétition pour ces ressources
s’effectue à plusieurs échelles : entre les
grandes multinationales des pays développés
(comme Areva pour la France au sujet de
l’uranium) et des États émergents, entre les
États bordiers du Sahara, mais également
entre ces acteurs et des groupes infraétatiques – ethnies et populations nomades
(comme entre les Djermas et les Touaregs
au Niger), groupes de trafiquants, etc.
Lorsque l’exploitation des ressources est
menacée, les puissances occidentales
n’hésitent pas à intervenir directement.
Ainsi, l’intervention récente de l’armée
française au Mali peut être interprétée
comme une action de la France pour
secourir un pays ami envahi par des groupes
djihadistes, mais également comme une
intervention occidentale – ou française –
pour sécuriser l’exploitation.
A/ Le Sahara : un
isolat et un « vide »
démographique.
Le Sahara est un milieu
aride où les précipitations
sont inférieures à 100
mm/an entre le sud du
Maroc et la Mauritanie, à
l’ouest, et Alexandrie et
Port-Soudan à l’est (figuré
linéaire en pointillés).
Couvert à 20% de sable et
ne comptant que 5 millions
d’habitants, le Sahara est
un « vide » sur le plan
démographique, et un
isolat. Aujourd’hui, le
développement
du
« tourisme d’aventure »
représente un nouvel enjeu
pour les États sahariens
(rallye, marathon des
sables, etc.).
C/ La maîtrise de l’eau,
un enjeu fondamental.
Pour pallier la rareté en eau les hommes ont aménagé des espaces autour de point d’eau, construisant de la sorte des puits et transformant les paysages ; il s’agit d’oasis.
Néanmoins ce type d’oasis traditionnelles tend à être dépassée et devient obsolète depuis la découverte des immenses réserves d’eau situées dans les nappes fossiles. En
effet, le sous-sol du Sahara dispose d’immenses réservoirs d’eau souterraine, des aquifères fossiles, qui ont été découverts à l’occasion des prospections pétrolières. Mise à
jour en 1948, l’un des aquifères est le plus important du monde (60 000 milliards de m3) et son débit moyen est de 250 litres par seconde. Les réserves abondantes sont
utilisées pour l’irrigation, pour approvisionner les pôles urbains d’Afrique du Nord et, grâce à elles, certaines régions bordières du Sahara sont devenues des fronts
pionniers agricoles.
A/ Des conflits frontaliers liés à
des tracés effectués au mépris
des réalités ethniques.
1/ L’ouest du Sahara se caractérise par un
conflit frontalier persistant dont l’enjeu est
le Sahara occidental, ancienne colonie
espagnole, que se sont partagés le Maroc
et la Mauritanie en 1975 (figuré ponctuel
bleu). Un cessez-le-feu a été signé en 1991
sous les hospices de l’ONU, mais la
présence de phosphate dans la région
ajoute un enjeu économique à la question
territoriale.
2/ L’ouest et le centre de la région sahélosaharienne sont marqués par la rébellion
des Touaregs, un peuple nomade
d’environ deux millions d’habitants
partagé entre l’Algérie, la Libye, le Mali,
la Mauritanie et le Niger, qui revendique
le nord du Mali et s’est allié avec les
djihadistes d’Al-Qaida pour tenter de
déstabiliser le pouvoir malien.
3/ À l’Est, la longue guerre entre le Nord
et le Sud du Soudan a abouti en 2011 à la
création de deux États. Toutefois, les
affrontements se poursuivent par milices
interposées car le Soudan et le Soudan du
Sud se disputent plusieurs territoires
frontaliers riches en pétrole. D’autre part,
la guerre civile qui se poursuit au Darfour
- Ouest-Soudan - aurait fait au moins 300
000 victimes et entraîné le déplacement de
plus d’un million de personnes, selon
l’ONU.
Au total, les frontières nées de la
colonisation expliquent un certain
nombre d’affrontements, mais l’absence
de démocratie, la faillite des Etats, et
surtout le fait ethnique, exacerbent des
haines
encore
vivaces
que
les
indépendances n’ont pas effacées. Ainsi,
la traite des esclaves pratiquées par les
populations sahariennes a laissé des
séquelles au sein des Etats, notamment
dans un certain nombre de pays de la
zone sahélienne (de la Mauritanie au
Soudan) avec des oppositions entre les
anciens esclaves, les peuples de
cultivateurs noirs, et les descendants des
négriers arabes ; par exemple, c’est
seulement en 1980 que l’esclavage est
interdit en Mauritanie et il est d’actualité
au Soudan dans le contexte de la guerre
opposant les populations du nord et du
sud.
II/ LE SAHARA : UNE INTERFACE DIFFICILEMENT CONTRÔLABLE
B/ Le Sahara : Un espace de nondroit et de trafics illicites.
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Actuellement, le Sahara est une zone de non-droit
traversée de toute part par des flux illicites. 1/
Ainsi, on estime que 15 % du trafic de cocaïne
transite par l’Afrique de l’Ouest ; la drogue, en
provenance de Colombie, passant par la
Mauritanie et le Mali, longerait ensuite les pays du
Maghreb vers l’Est pour remonter vers l’Europe.
2/ Au trafic de drogue s’associe la circulation des
armes. 3/ Enfin, la contrebande de voitures,
cigarettes, essence, est répandue et gérée par des
groupes djihadistes qui perçoivent un tribut lors du
passage des marchandises dans les régions qu’ils
contrôlent.
Au total, le Sahara est au cœur d’un commerce
de drogue, d’armes et de contrebande, illicite et
transnational et organisé par de puissants
réseaux maffieux. La porosité des frontières liée
à des Etats faillis (défaillants) offre un avantage
comparatif important dans le choix de ces routes
commerciales.
C/ Un espace traversé par des flux
migratoires Sud/Nord.
4/ Une base arrière du terrorisme international.
Le groupe le plus connu est la brigade salafiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), mais une nébuleuse de groupes
islamistes opère dans la région. AQMI utilise notamment la frontière nigéro-malienne pour s’approvisionner en otages
occidentaux. La multiplication de groupes « sous-traitants » qui capturent puis revendent des otages à l’organisation rend
l’ensemble de la zone sahélo-saharienne dangereuse et instable. L’offensive menée en 2012 par des groupes islamistes au
nord du Mali a directement menacé la capitale, Bamako et seule l’intervention militaire de la France, soutenue par les EtatsUnis, a empêché le pays de tomber entre les mains des djihadistes.
Le Sahara est au cœur d’un « axe terroriste » qui s’étend de la Mauritanie à la Somalie en passant par le Nigeria, le Mali
et le Niger. Depuis 2002, les Etats-Unis considèrent la région sahélo-saharienne comme un « front de guerre » contre le
terrorisme, parce que la région fournit des combattants aux insurgés afghans.
Une majorité des migrants originaires de l’Afrique
de l’Ouest et d’Afrique centrale se rendent en
Afrique du Nord (figuré linéaire orange). Ils y
grossissent les villes et les bourgades frontalières
du Maghreb, dans lesquelles ils se regroupent par
communautés (figuré ponctuel sous forme de tirets
oranges). Une partie seulement d’entre eux tente la
traversée vers les côtes méditerranéennes de
l’Europe (figuré linéaire orange). Depuis les années
1990, les pays d’Afrique et d’Europe ont mis en
place des politiques concertées de gestion des flux
migratoires dans le cadre d’accords formels
(Frontex/ Figuré linéaire mauve).
Le Sahara est devenu une frontière migratoire de
l’Europe. Des populations de plus en plus
nombreuses quittent les États bordiers du Sahel
avec l’espoir de trouver de meilleures conditions
de vie dans les pays du Nord. Si l’ensemble des
populations des pays du Sahara sont en marge du
développement, il existe un fort différentiel entre
les habitants des PMA d’Afrique subsaharienne et
ceux d’Afrique du Nord. De plus, pour les
passeurs et les autorités locales, l’immigration
clandestine est une source d’enrichissement.
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