271
LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA CROISSANCE DES
DEPENSES DE SANTE EN ALGERIE
ZIANI Zoulikha
Maître assistante et doctorante à l’université de Bejaia,
ziani.zoulikha@yahoo.fr
Pr Brahim BRAHAMIA,
Université de Constantine 2
RESUME
L’évolution des dépenses de santé et les modalités de leur prise en charge
sont au cœur de nombreuses réflexions et débats actuels dans la plupart des
pays. En Algérie, à l’instar des autres pays, le problème de la forte
croissance des dépenses de Santé se pose avec acuité ces dernières années.
Le taux de croissance de ces dépenses a été très soutenu, à la suite de la
conjonction de plusieurs facteurs: vieillissement mographique, transition
épidémiologique et démographique, et généralisation de la couverture
sociale. En effet, les dépenses de santé ont enregistré une progression rapide
et représentent une part de plus en plus importante passant de 3.5% en 2000à
4,4 % en 2011.
L’objectif de ce papier est d’identifier les principaux facteurs à l’origine de
la croissance des dépenses de santé en Algérie.
Mots clés : dépenses de santé, Algérie, facteurs de croissance, maîtrise
I. LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA CROISSANCE DES
DEPENSES DE SANTE EN ALGERIE
Dans cette section, nous allons exposer les différents facteurs à l’origine de
la croissance des dépenses de santé.
1. La transition épidémiologique
A partir des années 80, l’Algérie traverse une période de transition
épidémiologique. Cette transition apparait dans la diminution des maladies
transmissibles et l’apparition prononcée des maladies chroniques dites de
civilisation. En 2002 en effet, les maladies non transmissibles étaient
devenues la première cause de mortalité (55 %). Si les maladies
transmissibles ont connu une baisse constante, cette baisse est le résultat des
différentes politiques menées par l’Etat après l’indépendance.
Comme la santé était l’une des préoccupations majeure pour cette période, l
’Algérie s’est lancée dans un ensemble de mesures pour améliorer l’état de
santé de la population caractérisé par la prédominance des maladies
272
transmissibles et contagieuses suite aux conditions de vie et d’hygiènes
prévalentes. Parmi ces mesures on cite les principales :
La mise en place des programmes de lutte contre les maladies
transmissibles (le paludisme, le trachome, le rachitisme…etc.).
Un décret de 1969 rendant obligatoire et gratuites les vaccinations
contre certaines maladies (surtout la tuberculose et la poliomyélite).
La mise en œuvre de la gratuité des soins en 1974 et la
généralisation de la couverture sociale ont permis la prise en charge
par l’Etat des malades atteints de certaine maladie (tuberculose,
rachitisme…etc.).
A côté de cette éradication presque des maladies transmissibles, les
maladies chroniques commencent de prendre place et pèsent lourdement sur
le système de santé (Amalou M).
En effet, l’Algérie sera confrontée à des coûts considérables à mesure que la
proportion des maladies chroniques augmentera et elle devra en même temps
poursuivre la lutte contre les maladies transmissibles telle que la tuberculose.
En 2010, les maladies chroniques les plus fréquente qui altèrent la santé de
la population sont : les maladies cardio-vasculaires, qui arrivent au premier
rang avec 44%, suivies des cancers 16%, des affections des voies
respiratoires et, en fin du diabète avec 7,4% de cas.
La transition épidémiologique a couté très chère car elle s’est, caractérisée,
par la persistance des maladies transmissibles et l’apparition des maladies
non transmissibles. Cette transition sanitaire va peser lourdement sur le
budget de la santé et risque de déséquilibrer les comptes des caisses
d’assurance maladie.
Tableau 1:Notification de certaines maladies à déclaration obligatoire
Nom de la maladie
2009
2010
2011
2012
2013
Méningites
3671
3369
5284
3455
3313
Typhoïde
781
223
217
232
177
Dysenterie
721
560
526
150
163
Hépatite virale A
905
1953
1262
1466
1556
Hépatite virale B
1985
1783
2003
1797
2342
Hépatite virale C
857
526
627
603
785
Trachome
202
556
414
270
7672
Paludisme
94
408
191
887
603
Brucellose
6655
10014
6123
4500
3936
rage
18
14
17
17
21
Rougeole
2248
1486
1899
1891
3544
Diphtérie
0
0
0
0
0
Coqueluche
117
34
27
132
124
Tétanos
7
6
7
10
12
Tuberculose
18526
21786
21887
21413
21973
Sida maladie
131
142
102
93
95
SIDA VIH Séropositifs
684
411
658
619
654
Source : L’Algérie en quelques chiffres, office national des statistiques
.Résultats 2011-2013 n°44, Edition 2014.
273
2. Progrès de la médecine et de la technologie des Soins
La croissance des dépenses de santé est également tirée à la hausse par les
innovationsmédicales qui se traduisent par un enrichissement du panier de
biens et de services deSanté offerts.
La diffusion du progrès technique a été particulièrement importante dans le
secteur de la santé (scanners, RMN). Certaines innovations ont permis de
réaliser des économies considérables (vaccins) tandis que d'autres ont
entraîné des augmentations de coûts de soins (radiothérapie,
chimiothérapie...).
Les progrès de la médecine vont, quant à eux, entraîner l’introduction de
nouvelles technologies et de nouvelles molécules coûteuses pour répondre
aux attentes des populations. Dans le domaine du médicament par exemple,
3 000 « présentations » sont aujourd’hui remboursées en ville ou fournies à
l’hôpital. A titre de comparaison, la France rembourse 6057 présentations en
ville (2 804 sont enregistrées mais non remboursées) et les présentations
pour usage hospitalier s’élèvent à 5 677 (Oufriha F.Z).
3. Ajustement de la rémunération du personnel médical et
l’augmentation de l’effectif médical
Les professionnels de santé du secteur public revendiquent des hausses de
salaires, sur la base notamment de comparaisons avec les rémunérations
pratiquées dans le privé (Brahamia B). Les augmentations conséquentes
intervenues au cours des dernières années pourraient se poursuivre avec,
encore, un impact sur les dépenses publiques de santé surtout que le nombre
de l’effectif médical en augmentation.
3. Evolution de la démographie médicale
L’augmentation du nombre de professionnels de santé en exercice peut
apparaître comme un des facteurs de croissance des dépenses de santé.
Celle-ci permet en effet de révéler une demande insatisfaite et contribue
donc à la hausse des dépenses de santé (Hirtzlin I).
En Algérie la démographie médicale est forte, d’ailleurs le nombre de
médecins n’a pas cessé d’évoluer, il est passé de 28 344 généralistes en
1997 à 66236 en 2013 sachant qu’il n’était que 500 médecins à
l’indépendance. Soit une évolution de 42,79 %.
Les médecins généralistes exercent en très forte majorité au sein du secteur
public. En 2013, 75.31% des médecins sont des généralistes, avec un effectif
de 50 325 médecins.
La croissance du nombre de médecins exerçant dans le secteur privé a été
spectaculaire au cours des années récentes. Le nombre de médecins a plus
que doublé en passant de 7 240 en 1991 15911 en 2013.Soit une
augmentation de 45.50%. . En 2013, 44,59 % des médecins spécialistes et
274
24,69 % des généralistes exerçaient dans le secteur privé. Les écarts de
rémunérations entre le secteur public et le secteur privé, surtout pour les
spécialistes, font que de plus en plus de professionnels de santé choisissent
d'exercer dans le privé.
En effet, en dépit de ces augmentations récentes, essentiellement dues aux
primes introduites en 2002 au profit de certaines catégories de personnel, les
salaires dans les établissements publics de santé restent faibles, surtout
lorsqu’on les compare à ceux du secteur privé.
Le nombre total de chirurgiens-dentistes a augmenté de façon limitée au
cours des dix dernières années, il était de 7 966 dentistes en 1997, il passe à
12782 dentistes. Le nombre de ceux qui exercent dans le secteur public s’est
réduit, tandis le nombre de dentistes privés a augmenté passant de 32.28 %
en 1995 pour atteindre 43 ,71 % des dentistes exerçant en 2013.
Quant au nombre de pharmaciens exerçant dans les structures publiques, ce
dernier a diminué et atteint actuellement un niveau inquiétant : un bon
nombre d’établissements en sont totalement dépourvus. En 2013, le nombre
exerçant dans le secteur privé atteint 90.34 %.
Tableau 2: Evolution de la démographie médicale en Algérie
Années
Médecins
Pharmaciens
1997
28 344
4 022
1998
29 970
4 299
2000
30 962
4 600
2001
32 332
4 814
2002
33 654
4 976
2003
35 368
5 198
2004
36 347
5 705
2005
36 958
6 116
2006
37752
9 300
2008**
47995
8019
2009**
52071
8503
2010**
56209
9081
2011*
59618
9588
2012*
62534
10171
2013*
66236
10538
Source : Ministère de la santé, de la population, et de la réforme hospitalière
: Statistiques sanitaires, MSPRH, Algérie, 2000, 2002,2006.
* L’Algérie en quelques chiffres, office national des statistiques .Résultats
2011-2013 n°44, Edition 2014
**BRAHAMIA B: Transition sanitaire en Algérie et défis de financement de
l’assurance maladie, Colloque International sur les Politiques de San
Alger, 18 19 Janvier 2014
275
Tableau 3 : Personnel médical dans le secteur public
2010
2011
2012
2013
Médecins
41954
45 108
48 212
50 325
Chir. Dentistes
6410
6 696
6 981
7 195
Pharmaciens
752
824
994
1 018
TOTAL
49116
52 628
56 187
58 538
Source : L’Algérie en quelques chiffres, office national des statistiques
.Résultats 2011-2013 n°44, Edition 2014
Tableau4 : Personnel médical dans le secteur privé
2010
2011
2012
2013
Médecins
14255
14 510
15 322
15 911
Chir. Dentistes
5223
5 396
5 441
5 587
Pharmaciens
8329
8 764
9 177
9 520
Total
27807
28 670
29 940
31 018
Source : L’Algérie en quelques chiffres, office national des statistiques
.Résultats 2011-2013 n°44, Edition 2014.
4. Révision des tarifs de la nomenclature des actes médicaux
Les actes effectués dans le privé sont actuellement remboursés par la sécurité
sociale sur la base de tarifs qui n’ont pas été révisés depuis 1987, (Oufriha
F.Z) ce qui réduit artificiellement les dépenses publiques. Le tarif sur la base
duquel est remboursée une consultation chez un généraliste s’élève ainsi à 50
DA alors que ce type de consultation est facturé environ 400DA aux
patients. Pour une consultation chez un spécialiste, le tarif est de 100 DA, là
où le patient doit payer environ 700 DA (Rekiba S). La révision de ces tarifs
est en cours, ce qui pourrait conduire à une hausse des dépenses publiques de
santé, voire à une hausse des dépenses globales si, comme cela est probable,
de meilleures conditions de remboursement font augmenter le nombre
d’actes dispensés dans le secteur privé.
5. La transition démographique
L’Algérie est en pleine transition démographique. Sa population est
d’environ 39,5 Millions d’habitants au 1er Janvier 2015. Le pourcentage des
Algériens de moins de 15 ans baisse constamment depuis 1975, il passe de
45,5% en 1962% à 28,4% % en 2014 tandis que celui de la tranche d’âge
comprise entre15 et 64 ans augmente, il passe de 48,3% en 1962 à 67,91%
en 2012. (Cette réalité est caractéristique d’un pays qui a connu une baisse
significative de la fécondité (de 7 enfants par femme en 1977 à 2,7 enfants
par femme en 2003 à 2 enfants en 2014). Ce rythme s’explique par la
diffusion de la contraception moderne, le recul de l’âge de mariage.
Avec un pourcentage de personnes âgées (plus de 65 ans) qui avoisine les
4,67% en 2012. L’Algérie a enregistré un allongement important de
l’espérance de vie résultant notamment de l’amélioration de l’état sanitaire
des populations et les conditions générales de vie et ce, en dépit de la «
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !