Nous savons tous qu’une lésion de la moelle épinière
est presque toujours assortie d’une grave modifica-
tion de l’intestin et de l’anus. Le genre et le degré du
trouble fonctionnel de l’anus dépend beaucoup de la
hauteur de la blessure de la moelle épinière. Chez les
tétraplégiques et les paraplégiques, ce sont selon
notre expérience, les douleurs hémorroïdales qui
dominent. Viennent ensuite les fissures anales. Ces
troubles typiques sont notamment dus à des mani-
pulations anales répétées lors de l’évacuation des
selles et aux spasmes des muscles du périnée et
de l’anus entraînant la constipation chez la per-
sonne.
Les pathologies au niveau de l’anus seront différentes se-
lon le niveau de lésion de la moelle épinière. En cas de lé-
sion au-dessus des vertèbres lombaires, les voies nerveu-
ses des muscles de l’anus et du périnée restent intactes
(centre réflexe du sacrum intact!), mais toutefois «pas sous
contrôle volontaire», ce qui souvent entraîne une spasti-
cité accompagnée de constipation. Des hémorroïdes et
des fissures peuvent en être les conséquences.
La lésion se trouve rarement en dessous des vertèbres
lombaires. Si tel est le cas, la liaison des cordes nerveuses
dites «parasympathiques» est alors interrompue, c’est-à-
dire que le gros intestin et les muscles du périnée devien-
nent flasques et sans réflexes, provoquant alors souvent
une incontinence fécale. Comme le dernier tableau clinique
n’intervient que très rarement dans nos consultations in-
terdisciplinaires colo-proctologiques de la médecine inter-
ventionnelle à Nottwil, nous nous pencherons sur les
affections anales les plus fréquentes.
■Hémorroïdes
Les hémorroïdes, au sens premier, sont les veines pré-
sentes au niveau des muqueuses de l’anus et de la partie
basse du rectum. En cas d’inflammation (fig. 1), elles
peuvent provoquer des symptômes tels que des saigne-
ments forts et répétés et des douleurs, les patients plégi-
ques souffriront davantage de spasmes et des sensations
végétatives dérangeantes, p.ex. transpiration. Ne pas ou-
blier: lors de saignements de longue durée et surtout chez
les patients ayant atteint la cinquantaine, il convient au
préalable de toujours s’assurer de l’absence d’un cancer du
colon via une coloscopie!
L’affection hémorroïdale est divisée en quatre stades. Aux
troisième et quatrième stades, où les hémorroïdes saillent
de l’anus, une opération est de nos jours recommandée.
L’opération classique la plus courante au monde consiste
à enlever l’hémorroïde avec la peau et la muqueuse, ce qui
toutefois occasionne des plaies assez grandes et doulou-
reuses à l’anus. Ces plaies guérissent bien après quelques
semaines. Chez les patients plégiques assis/couchés, dé-
pendant du fauteuil roulant et devant évacuer régulière-
ment leurs selles de manière mécanique ou instrumentale,
nous avons constaté que la cicatrisation après une opé-
ration conventionnelle tarde souvent à guérir.
Pour traiter cette problématique, nous favorisons ainsi la
chirurgie mini-invasive (CMI), soit de nouvelles techniques
qui limitent le traumatisme opératoire et n’engendrent
pas ou de plus petites plaies. Ce qui est important, c’est
que ces techniques axées sur des résultats à long terme
ne sont, dans des études comparatives, pas meilleures que
les conventionnelles, mais sont plus douces et agréables
pour le patient en ce qui concerne la réadaptation ainsi
que la reprise du travail et du sport!
L’anopexie rectale, inventée par le Dr. Longo, est une in-
tervention qui existe depuis 1998. Au Centre suisse des
paraplégiques, nous employons cette technique avec suc-
cès depuis 2002. Elle a entre-temps pratiquement sup-
planté la technique conventionnelle. Elle consiste à re-
monter les hémorroïdes en retirant la paroi du rectum qui
s’est affaissée. On anesthésie la personne par anesthésie
spinale. Puis on lui introduit dans le rectum une pince
qui
a la forme d’un tube creux coiffé d’un chapeau (fig. 2)
qui
peut monter ou descendre quand on l’actionne. Un fil est
introduit circulairement dans la paroi du rectum pour
constituer un repli qui fait saillie à l’intérieur. Des agrafes
Affections anales:
quel traitement chirurgical?
20 · Paracontact 4/2009
La ligature des artères hémorroïdaires sous contrôle dop-
pler (technique HAL Doppler) a été introduite en 1995.
Avec un instrument spécial qui contient à sa pointe une
sonde ultrasonique (fig. 4), nous exécutons ce traitement
de façon ambulatoire et sans grande préparation (néces-
site toutefois une anesthésie spinale en raison des spas-
mes en partie pénibles). Les vaisseaux recherchés dans le
canal rectal sont piqués via l’instrument de façon élégante
et douce. Cette ligature réduit le flux sanguin et l’hémor-
roïde enflammée désenfle en peu de jours. Cette méthode
est également pratiquement sans douleur et le risque de
complication est moindre. Alors que la première méthode
décrite est plutôt indiquée pour de grandes hémorroïdes
pratiquement circulaires, la seconde méthode s’applique
aux nodules hémorroïdaux isolés et saillants. Selon notre
expérience de longue date, le taux de succès pour les deux
méthodes atteint env. 93 % contre moins de 1% de com-
plications!
■Fissures
Des fissures aiguës et chroniques de la peau anale causent
spontanément, avant tout lorsque l’on va à selle, des dou-
leurs en partie intenses, c’est-à-dire des douleurs et/ou
des perturbations neurologiques et abdominales d’ordre
végétatif. En outre, plus de 80% des patients ont des sai-
gnements. En comparaison à autrefois, on vise aujourd’hui
toujours une thérapie conventionnelle, permettant de gué-
rir 60 à 70% des fissures. En cas d’échec du traitement
médical, on recourt alors au traitement chirurgical. Ici à
nouveau – et pour les raisons déjà citées – nous favori-
sons au CSP la chirurgie mini-invasive.
Les fissures non compliquées sont laissées ou alors ravi-
vées, mais rarement excisées. Et ce en prenant bien soin
de la musculature de fermeture située en dessous. Pour
réduire l’hypertonie sphinctérienne, on procède alors à
une mini-incision interne des deux parties musculaires
d’environ 1 à 2cm au maximum, au moyen d’une tête spé-
ciale à 360° commandée par ultrasons. Cette dernière
permet l’incision de la bonne couche musculaire et une
entaille minime. Le taux de succès avoisine ainsi 90%, le
risque de diminution de la force musculaire accompagnée
de troubles d’incontinence est très rare. De fait, cela n’est
encore jamais arrivé chez nous.
Dr méd. Alessandro Wildisen
Médecin consultant Colo-proctologie/chirurgie viscérale
Médecin-chef chirurgie générale et viscérale
Hôpital cantonal Sursee
21 · Paracontact 4/2009
Médecine et sciences
Médecine et sciences
Fig. 1: Hémorroïdes récurrentes internes (violettes)
et externes (bleues)
Fig. 2: Placement correct de
l’instrument dans le canal anal
Fig. 4:
HAL Doppler: Cet instrument spécial avec ultrason
permet un examen et une thérapie particulièrement
doux.
Fig. 3: Correction des hémorroïdes
après la pose de la rangée d’agrafes
en titane sont alors soigneusement disposées au-dessus
de ce repli de façon circulaire. Tout en maintenant la pince
en place, le médecin tire le chapeau vers le bas. Celui-ci
va d’une part enfoncer les agrafes dans le repli créé par le
fil et couper tout ce qui dépasse (fig. 3). Le repli en excès
est retiré en même temps que la pince, l’opération est ter-
minée. La suppression de ce repli fait remonter les hémor-
roïdes. Effectuée dans une zone peu sensible, cette inter-
vention n’entraîne des douleurs que mineures. Ainsi, si le
patient le souhaite – mais en tenant compte de son état
de santé – nous pouvons également opérer en ambula-
toire.