Lire notre dossier - Club des Cardiologues du Sport

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MOTS CLÉS
1-------------------------------'
1ntr0d UCtion
Mort subite,
terrain de sport,
accidents cardiovasculaires
à l'effort, étiologies
Pr Hervé Douard, Hôpital cardiologique, Pessac
es accidents cardiovasculaires à l'effort :
coup de projecteur en Bretagne et en Aquitaine
p.10
p.10
Pr François Carré, CHU Pontchaillou; Université Rennes 1
Dr Laurent Chevalier, Clinique du Sport, Bordeaux-Mérignac
ourquoi meurt-on subitement
sur le terrain de sport 7
Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1
tio ogies des morts subites
lors de l'activité sportive
Pr Hervé Douard, Hôpital cardiologique, Pessac
es difficultés du diagnostic étiologique :
le point de vue de l'anatomopatholog1ste
Dr Paul Fornès, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
p.12
p.18
p.20
OSSIER
Introduction
'
Pr Hervé Douard, Hôpital Cardiologique, Pessac.
mois ont été marqués par la survenue de
des sportifs de
niveau, événements très
no ~a.J~n:1er1tles sports très popu-
L'inconscient populaire assimile classiquement l'activité
sportive à celle d'une image de bonne santé, et à juste raison dans l'immense majorité des cas. Aussi, quand la
mort subite frappe un sportif, a fortiori connu, et que cet
événement est relayé par les images toujours impressionnantes de ces événements dramatiques, elle n'est pas
sans soulever quelques interrogations ...
En premier lieu et malheureusement non sans raison,
quelle est la part potentielle du dopage, qui demeure un
fléau dans le sport de haut niveau? Certains comportements de toxicologie ont souvent été initiés lors
d'une carrière sportive de haut niveau, justifiant ainsi la
création de structures spécifiques de sevrage pour ces
sportifs.
En second lieu, quelles sont les responsabilités médicales
de non détection préalable d'anomalies structurales, ne
pouvant guère passer à travers les mailles d 'un suivi de
plus en plus spécialisé (ECG, épreuve d'effort, échocardiographie ... ) ? Problème de compétence ou pression des
staffs sportifs et du sponsoring trop importante?
Enfin, l'intensité des entraînements et le rythme soutenu
des compétitions dans certaines disciplines ne sont-ils
pas préjudiciables pour la santé de ces sportifs? Les intérêts financiers du "sport spectacle" ne priment-ils pas sur
les risques, certes avant tout traumatiques mais aussi parfois cardiovasculaires, d'athlètes souvent jeunes, malléables et mal conseillés ?
Le rôle de gardes fous, que sont les métiers de santé, passe
par l'information, aussi objective et complète que possible, à laquelle ce dossier, dont nous remercions chaleureusement les auteurs qui ont bien voulu y contribuer et
apporter leurs compétences sur le sujet, espère modestement contribuer.
acc·dents
ca iov sculaires à l'effort ••
col:Jp de projecteur en
Bretagne et en Aquitaine
Dr Laurent Chevalier, Clinique du Sport, Bordeaux-Mérignac.
Pr François Carré, Hôpital Pontchaillou, Rennes.
> Epidémiologie
générale
Cœur et activité physique entretiennent une relation ambiguë : l'exercice
régulier améliore la protection cardiavasculaire sur le long terme , en
prévention primaire comme en prévention secondaire, mais durant l'exercice lui-même, le risque d 'accident
cardiovasculaire est augmenté par rapport à une situation de repos.
Des méta-analyses, réalisées sur des sous-
groupes particuliers (l-3), ont essayé de
quantifier ce risque, avec des projections
donnant des valeurs de l'ordre de
l décès/200000 adolescents sportifs/an
et de l décès/ 18 000 sportifs entre 25 et
75 ans/an. Mais, aucun pays développé
DOS SIE
n'est capable à l'heure actuelle de fournir
des données exactes sur la prévalence des
accidents cardiovasculaires durant l' activité sportive, de loisir ou de compétition,
dans la population générale.
ne sont pas recensées. Elles ont néanmoins le mérite, de proposer des
chiffres récents sur les étiologies des
accidents graves survenus sur les terrains de sport dans ces deux régions.
> Le cas particulier
de la Bretagne
> Le cas particulier
de l'Aquitaine
Il est donc très difficile actuellement,
voire impossible, de préciser le nombre
annuel d'accidents cardiovasculaires
survenus sur les terrains de sport en
France. Seule des estimations plus ou
moins précises sont à notre disposition.
Dans le cadre de ce dossier sur la mort
subite, nous avons essayé de nous faire
une petite idée de l'incidence annuelle
de ces accidents.
Pour la région Bretagne, deux unités ont
été interrogées (ille et Vilaine, Finistère).
Selon les données recueillies (Tab. 1), les
causes traumatologiques d'appels dominent très largement. Dans tous les cas les
problèmes cardiovasculaires ont cancernés des hommes de 40 ans et plus. Les
autres causes cardiologiques ont été un
bloc auriculoventriculaire, une péricardite, une syncope. Enfin, les causes d'intervention non cardiaques et non
traumatologiques ont été deux déshydratations, deux hypoglycémies, une
crise de spasmophilie, deux causes neurologiques, trois crises d'épilepsie, une
brûlure, trois noyades, une lésion par
arme blanche et ... un accouchement!
Il faut souligner le caractère incomplet
de ces données (de même dans le cas
de l'Aquitaine), dans lesquelles les
interventions des autres systèmes
d 'urgence (pompiers, secouristes ... )
Département
Année
Protocole
Dans ce cas particulier, nous avons
tenté d'avoir une première approche
quantitative du problème en sollicitant
nos confrères des Samu-Smur des
Centres Hospitaliers de Bayonne, Bordeaux, Dax, Libourne, Mont de Marsan, Pau et Périgueux (pas de logiciel
permettant une étude rétrospective à
Agen). Nous leur avons demandé
d'analyser, de façon rétrospective, sur
les 12 derniers mois, tous les app els
concernant des problèmes d'ordre cardiovasculaire s'étant produits sur des
"terrains" de sport au sens large (piscine, terrains, vestiaires, montagne ... ).
Résultats
Les résultats bruts sont donc les suivants:
- 71 malaises étiquetés vagaux,
- 22 douleurs thoraciques intenses
sans arguments francs en première
intention en faveur d'une origine angineuse,
- 6 crises d'angor,
- 3 poussées hypertensives,
- 1 péricardite,
- 1 syncope d'effort,
- 2 tachycardies supraventriculaires,
- 1 tachycardie ventriculaire,
- 5 infarctus du myocarde (IDM),
- 10 décès sans diagn ostic étiologique
certain.
La moyenne d'âge des sujets ayant
présenté une crise angineuse certaine
ou un IDM est de 53 ans. La moyenne
d'âge de 8 des 10 décédés pour lesquels nous disposons de l'âge est de
48,3 ans. Curieusement, les disparités
selon les centres sont importantes
puisque 3 hôpitaux suscités ne signalent aucun appel pour un motif cardiovasculaire significatif, alors que l'un
d'entre eux en annonce 33, les 3 autres
centres se situant dans des fourchettes
intermédiaires.
Rapporté à la population couverte par
ces différents SAMU (2,4 millions d'habitants), le taux est de 2 !DM/million
d' h abitants/ an, soit un taux de
4 décès/million d'habitants/an.
.er,
Ces résultats sont évidemment tout à
fait sous-estimés, et ce, pour deux raisons essentielles : la première est en
rapport avec notre m éthode de recueil
des données.
En ne retenant pas l'item de lieu "voie
p u blique", nous d élaissons tout le
contingent des accidents cardiovasculaires ch ez les joggers et les cyclistes,
population souvent plus âgée que
dans d'autres sports, et donc plus à
risque. Les logiciels ne permettant pas
la recherche par pathologie : repérer
dans cette énorme nébuleuse à forte
composante traumatologique le sousgroupe cardiovasculaire aurait
demandé des dizaines d'heures de
Total
Mort subite
Coronaires
Cardio autre cause
(%)
(%)
(%)
(%)
-·
--
-
-·
Ille et Vilaine {35)
2002
16
(100)
0
Ille et Vilaine {35)
2003
13
(100)
1
(7,6)
1
(7,6)
Finistère {29)
2001
24
(100)
1
(4,2)
2
(8,3)
Finistère {29)
2002
13
(100)
1
(7, 6)
1
(6,3)
--
- -
-
1
(7,6)
11
-
-
---
2
(12,5)
Traumatologie
(%)
·--
----
11
(68,8)
0
6
(46, 1)
1
(4,2)
15
(62,5)
0
7
(53,8)
Cardio& Sport • no2
>>>
OS SI ER
>>
travail d'archivage, que nos confrères
urgentistes ne pouvaient évidemment
pas nous consacrer. Or, nous avons
comptabilisé déjà 5 décès en Gironde
ces 12 derniers mois sur des courses
pédestres officielles (non recensées
dans notre travail). Qu'en est-il alors
durant les dizaines de milliers d'heures
d'entraînement?
La seconde cause de sous-estimation du
phénomène vient du fait que tous les
accidents survenant au décours de l'activité physique, dans la voiture, à domicile, ne sont pas comptabilisés comme
induits par l'activité physique. Trois cas
de ce type, vus à la consultation ces
4 dernières semaines dans notre seul
établissement, peuvent donner une idée
de l'ampleur du phénomène.
A titre de comparaison, Ayrolles, dans
son étude prospective (4), réalisée dans
la région de Grenoble entre 1992 et 1996,
sur une population de 685 000 habitants,
en utilisant une méthodologie plus performante, avait recensé: 51 IDM et
20 morts subites en rapport avec l' activité physique sur un suivi de 41 mois,
soit 21,7 !DM/million d'habitants/ an et
à 8,5 morts subites/million d'habitants/ an, soit 10 fois plus d'IDM et 2 fois
plus de morts subites que dans notre
travail rétrospectif.
Par ailleurs, parmi les 71 malaises étiquetés "vagaux", on ne peut éliminer
avec certitude un trouble du rythme
ventriculaire paroxystique pour un ou
plusieurs d'entre eux. De même, pour
les 22 douleurs thoraciques intenses
sans caractère angineux, quid d'une dissection aortique fruste, d'une péricardite, d'un spasme coronaire transitoire?
Quoi qu'il en soit, même si le pool des
décès en rapport avec des anomalies
congénitales (pré-excitation, QT long,
dysplasie VD ... ) reste stable, la pratique
sportive se développant au sein d'une
population à plus haut risque cardiavasculaire (obésité, tabac, quinqua, sexa
et même septuagénaires), et sur un
mode parfois totalement déraisonnable
(manque de préparation physique,
charges de travail énormes, conditions
extrêmes),les accidents cardiovasculaires sont probablement appelés à aug-
menter dans les années à venir.
A l'heure où les décès de la route
(128/million d'habitants/an) sont présentés, à juste titre, comme une priorité nationale, les décès du sport
mériteraient sûrement un peu plus
d'attention de la part des acteurs de
santé, car là aussi, le nombre d'années
de vie perdues n'est pas négligeable. 1
Bibl"og
Maron BJ, Gohman TE, Aeppli O. Prevalence of sudden cardiac death du ring
competitive sports activities in Minnesota high school athletes. J Am Coll Cardiol1998; 32: 1881-4.
2. Siscovick OS, Weiss NS, Fletcher R et
al. The incidence of primary cardiac
arrest du ring vigorous exercise. N Engl
J Med 1984; 311: 87S-7.
3. MacAuley O. Does preseason screening for cardiac disease really work:
the British perpective. Med Sei Sports
Exerc 1998; 30 suppl10: 34S-SO.
4. Ayrolles O. Les accidents coronariens
au cours ou au décours de l'activité
physique : étude prospective dans la
région grenobloise. Thèse DES. Université Grenoble; 1997.
oi meurt-on
e ent sur le terrain
at?
Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1.
d'annoncer la
fort publiée, d'un homme entraîné. Si
l'on s'en tient à la description des
faits, dont la véracité reste sujette à
caution, il est logique de penser que
Cardio & Sport • na2
la cause de son décès a été un coup
de chaleur.
L'exercice musculaire aigu constitue
un véritable "banc d ' essai" pour
l'organisme. Pour répondre de
manière adaptée aux contraintes
majeures imposées, ses différents
systèmes, en particulier cardiovasculaire, doivent présenter une parfaite
intégrité. Ainsi, la majorité des
12
contre-indications définitives à la
pratique sportive de compétition est
d'origine cardiovasculaire (1).
Les conditions de survenue de la
mort subite peuvent varier selon la
définition retenue. La mort subite du
"sportif" peut être définie comme la
survenue inattendue d'un décès dans
l'heure suivant le début des symptômes touchant un sujet pratiquant
DOS SIE
une activité sportive, quelque soit
son niveau d ' entraînement. Dans
ce cadre, les causes cardiovasculaires
représentent près de 95 % des cas.
Les rares cas de dissection ou de rupture d'anévrysme aortique, d'embolie pulmonaire ou d ' hémorragie
cérébroméningée massive complètent ces étiologies (2). Dans le
cadre des causes cardiovasculaires,
le mécanisme de la mort subite est,
dans la grande majorité des cas, un
trouble du rythme ou plus rarement
une anomalie de la conduction. Les
autres causes nettement plus rares
sont les chutes brutales du débit cardiaque et les traumatismes thoraciques directs.
Les principaux facteurs déclenchants
des arrêts cardiaques peuvent survenir lors ou dans les suites immédiats
d'un effort et créer ou entretenir une
arythmie fatale.
Tableau 1 • Principaux facteurs
déclenchants des arrêts cardiaques.
Phénomène d'ischémie/
reperfusion
• Cause organique
- Sténose coronaire serrée
- Rupture ou érosion de plaque
- Spasme coronaire
• Cause fonctionnelle
Inadéquation entre masse
et vascularisation myocard ique
Déséquilibres systémiques
• Inadaptation hémodynamique
• Acidose
• Hypoxie
• Troubles électrolytiques
• Acides gras libres
Dysrégulations neurologiques
• Centrales ou péri phériques
• Myocardiques
Prise de produits
potentiellement toxiques
• Trait ement chez un cardiaque
connu
- Anti-arythmiqu es
- Diurétiques ...
• Produits dopants arythmogènes
- Cocaïne
- Amphét amin e...
La notion de décès inattendu sousentend qu'une pathologie sousjacente était soit inconnue soit
sous-estimée volontairement ou
involontairement. Il est donc classiquement considéré, actuellement,
que la mort subite qui survient lors
d ' une activité sportive touche un
"cardiaque ignoré". La possibilité que
la pratique sportive intense, prolongée et bien conduite, puisse faire le lit
à long terme d 'une pathologie cardiaque reste très discutée.
> L'exercice musculaire
aigu : une contrainte
majeure pour
l'organisme
La plupart des systèmes de l'orga nisme, pulmonaire, cardiovasculaire,
nerveux, endocrinien et électrolytique, sont déséq u ilibrés par la
pratique aiguë d'un effort muscu laire.
Retentissement
cardiovasculaire de l'exercice
Outre le type de l'exercice, quatre facteurs interviennent dans le niveau de
la contrainte cardiovasculaire : son
intensité, sa durée, l'environnement
et le niveau d'entraînement (3).
• Le type
Lors des exercices dynamiques
(marche, course à pied, ski de
fond ... ), les modifications hémodynamiques sont surtout de type volumétrique. L'élévation du débit
cardiaque est proportionnelle à l'intensité de l'effort. Elle est due à une
tachycardie et à une augmentation
du volume d'éjection systolique. Les
résistances périphériques diminuent
et la pression artérielle systolique
augmente modérément.
Lors d'un effort statique pur qui est
rarement maintenu lors de la pratique sportive (culturisme, haltérophilie, tir à la corde ...), la contrainte
cardiovasculaire est surtout barométrique. Les résistances périphériques
augmentent. La fréquence cardiaque
s'accélère alors que le volume d' éjection systolique diminue et que le
débit cardiaque varie peu. Les pressions systolique et diastolique augmentent beaucoup, d'autant plus que
l'effort est réalisé en respiration bloquée (Valsalva). Des hypotensions
rapidement résolutives peuvent être
observées au décours de ces exercices.
Enfin, lors des activités mixtes
(cyclisme, aviron, canoë-kayak ... ), les
adaptations aiguës sont intermédiaires.
• L'intensité
Lors d'un exercice dynamique, la
contrainte devient majeure au delà
du premier "seuil" (ventilatoire ou
lactiqu e), c'est -à-dire lorsque l'essoufflement devient net (entre 60 et
80 % de la V0 2 max selon le niveau
d'entraînement).
Lors d'un exercice statique, l'exercice
devient intense au-delà de 40-60%
de la force maximale volontaire. Plus
l'exercice est intense, plus les modifications hémodynamiques, neurohormonales (catécholergiques) et
humorales (acidose) sont importantes. Le respect de périodes
d 'échauffement et de récupération
active, encadrant la séance d'entraînement, atténue la brutalité des
déséquilibres.
• La durée
Plus l'exercice est prolongé, plus la
contrainte cardiovasculaire est grande.
Les durées "seuils" dépendent de l'intensité de l'effort. Lors d'un exercice
dynamique d'intensité constante audelà de 30 à 50 minutes, une dérive de la
fréquence cardiaque apparaît. Elle
répond à une relative hypovolérnie par
déshydratation et peut-être à une fatigue
myocardique (4). Avec la durée de
l'effort, la réponse catécholergique s'accroît et une hyperviscosité relative apparaît. Lors d'un exercice statique, la
durée critique dépend de l'intensité
de l'effort (quelques secondes à
3-4 minutes). Célévation de la pression
artérielle est proportionnelle au temps
de maintien.
'> >>
13
Cardio &Sport • n°2
OS SI ER
>>
• ~environnement
Il peut être éventuellement hostile
pour la réalisation d'un exercice musculaire et accroître alors les contraintes
cardiovasculaires. Ainsi, chaleur et
degré d'hygrométrie élevés vont perturber les mécanismes de thermorégulation. Le froid intense limite aussi
les adaptations, en particulier lors de
la phase initiale de l'effort. L'altitude
qui est souvent associée au froid et à
une déshydratation majore aussi letravail cardiaque, en particulier en l'absence de phase d'acclimatation. Enfin,
le milieu aquatique reste un grand
pourvoyeur de mort subite. Il faut garder à l'esprit que tout "malaise" survenant lors de la plongée sous-marine
risque de se transformer en "mort
subite".
A ces conditions naturelles, peuvent se
surajouter d'autres facteurs défavorables comme la prise de drogues ou
de produits dopants, telle que la
cocaïne, ou plus simplement une
consommation de cigarette dans
l'heure précédent ou suivant l'effort.
• Le niveau d'entraînement
Son influence est majeure, quel que
soit le type d'exercice réalisé. Les
risques cardiovasculaires de l'exercice
aigu sont d' autant plus nets que le
sujet est peu entraîné. Ainsi, chez un
sédentaire de plus de 40 ans, le risque
relatif de survenue d'un infarctus du
myocarde pendant ou dans l'heure qui
suit la pratique d'un effort physique
très intense est multiplié par 107! Ce
risque diminue rapidement en cas
d'entraînement régulier (5) ; d'où la
nécessité de toujours respecter une
progressivité dans l'intensité d'une
pratique sportive.
Exercice aigu
et circulation coronaire
Les trois déterminants principaux de
la consommation myocardique
d'oxygène (M0 2 ), la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la
contractilité, sont augmentés à l'effort. A l'exercice dynamique maximal
la M0 2 est multipliée par 10 environ.
Cardic &Sport • n°2
Le facteur d'adaptation principal est
le débit coronaire dont l'augmentation repose sur la capacité de vasodilatation, surtout des artérioles
coronaires. La réserve coronaire normale est voisine de 5. Un arbre coronaire altéré répondra donc mal à
cette demande par une vasodilatation insuffisante voire un spasme (6).
A ce surcroît de travail cardiaque se
surajoutent, sur les coronaires épicardiques, les contraintes mécaniques pariétales internes, par
élévation du débit sanguin et
externes de traction, compression,
étirement, torsion.
Les plaques athéroscléreuses présentent deux types de risque : un risque
mécanique avec possibilité de rupture et un risque fonctionnel avec
possibilité d'érosion. Les contraintes
dues à l'exercice augmentent ces
risques au niveau des lésions parfois
minimes (7). La rupture de ces
plaques instables qui sont plus nombreuses chez les sédentaires survient
au niveau de la capsule centrale, alors
que, lorsqu'elle surviennent au repos,
elles concernent en général la zone
d 'épaulement endothélium sain et
lésé (5).
L'exercice aigu peut aussi favoriser la
survenue de spasme coronaire
secondaire à la vasoconstriction
alpha-adrénergique, risque qui est
majoré par une consommation
tabagique récente. Il existe, de
plus, lors de l'exercice aigu, des altérations hémorhéologiques , une
hypercoagulabilité et une hyperagrégabilité favorisées par la déshydratation, mais aussi par l'effet des
catécholamines et par la libération
de facteurs pro-agrégants (8) . Enfin,
une ischémie myocardique "fonctionnelle" peut survenir, en particulier en cas d'inadéquation entre la
masse et la vascularisation intramyocardique.
r te-n ssements
igu
D'autres perturbations homéostasiques vont retentir sur le fonctionnement cardiovasculaire à l'exercice.
Elles peuvent induire ou pérenniser
la survenue d'arythmies cardiaques.
Toutes les modifications électrolytiques (hyperkaliémie, hypomagnésémie, acidose, déshydratation .. .),
neuro-hormonales (baisse progressive du tonus parasympathique jusqu'à 50 -60 % de la V0 2 max, puis
élévation du tonus sympathique et
des catécholamines circulantes), et
humorales (élévation des radicaux
libres, des acides gras libres ... ), associées à l'étirement cellulaire mécaniqu e, créent une instabilité
électrophysiologique (9). Globalement, l'exercice physique augmente
la conduction et raccourcit les
Foyer arythmogène
Fibrose, cicatrice d'infarctus ...
Gâchette
Extrasystole
Environnement
Déshydratation,
catécholamines
Figure 1 • les acteurs du triangle arythmogène proposé par Philippe Coumel (1984)
peuvent être regroupés lors de l'exercice aigu favorisant alors le déclenchement
d'une arythmie.
14
DOS SIE
périodes réfractaires, avec un risque
d'aggravation d'une inhomogénéité
électrophysiologique au sein d'un
foyer arythmogène. Ainsi, la survenue d'une extrasystole va pouvoir
déclencher, à partir d ' une zone
ischémique organique ou fonctionnelle, une arythmie qui se pérennisera grâce aux modifications
environnementales (Fig. 1 et 2). Des
bradyarythmies peuvent aussi survenir en cas de troubles de perfusion
l
Sympathique
Vague
y
t
Catécholamines
t
s'accompagne pas, en règle générale, d'arythmies cardiaques sévères.
Au contraire, l'effort, grâce à l'effet
"antirythmique" indirect du système
sympathique et des catécholamines
qui en accélérant la fréquence cardiaque inhibent des foyers extrasystoliques, peut les faire disparaître
(10). De plus, lors de l'exercice aigu,
des substances anti-arythmiques, en
particulier d'origine endothéliale,
sont libérées. Le cœur sain est
Mécanismes non arythmiques
des morts subites sur le terrain
de sport
Une chute brutale du volume d'éjection systolique a aussi été évoquée.
Elle peut être due à une obstruction
sur la chambre de chasse ventriculaire. Ainsi, une sténose aortique
ou une cardiomyopathie hypertrophique obstructive peuvent limiter
l'éjection ventriculaire gauche. Une
gêne au remplissage diastolique peut
aussi potentiellement être en cause.
Enfin, des cas rares de syncopes
vagales d'effort, dont la physiopathologie reste mal comprise, ont
aussi été décrits.
La période posteffort peut aussi favoriser des troubles hémodynamiques
majeurs. Ainsi, des hypotensions
sévères ont été décrites chez certains
patients porteurs de cardiomyopathie hypertrophique.
La cardiomyopathie hypertrophique
regroupe la plupart des mécanismes
potentiels de mort subite à l'effort,
Etirement
cellulaire
Métabolites
l
Irritabilité myocardique
Ischémie myocardique
1
Ces perturbations homéostasiques, et
en particulier l'acidose, la déshydratation, l'hyperthermie, les troubles
glucidiques et kaliémiques, associés à
l'exercice musculaire, peuvent aussi
gêner et diminuer l'efficacité des
manœuvres de réanimation imposées
par la survenue d'un accid_ent cardiavasculaire sur un terrain de sport.
1
f
Arythmie
cardiaque
Figure 2 • Les modifications neuro-hormonales et mécaniques qui accompagnent la
réalisation aiguë d'un exercice peuvent favoriser le déclenchement d'arythmies cardiaques.
du nœud sinusal ou du tissu de
conduction.
Paradoxalement, lors de la récupération postexercice immédiate, le
risque d'arythmie n'est pas totalement écarté, car le débit cardiaque et
la pression artérielle diminuent brutalement, tout comme le débit coronaire, alors que la M0 2 reste élevée et
qu ' aux perturbations homéostasiques déjà décrites se surajoute le
retour du "frein" vagal. Le risque
d"'orage" rythmique est donc toujours possible dans les premières
minutes de récupération surtout si
celle-ci est passive (Fig. 3).
Ainsi, on comprend aisément que la
pratique d'un exercice intense
puisse, sur un cœur pathologique,
favoriser la survenue d'arythmies
cardiaques parfois létales. Sur un
cœur sain, heureusement, en dépit
de tous ces facteurs favorisants, la
réalisation d'un effort physique ne
donc a priori à l'abri de la survenue
d'une arythmie fatale, en dehors de
l'association à une hyperthermie
maligne, des troubles électrolytiques
majeurs et/ou la prise illicite de
drogues.
1 Post-effort 1
1
+
Métabolites
Vague
Sympathique
y=;""~
1
Ischémie myocardique
Instabilité électrophysiologique
1
t thrombogènes
Facteurs
Retour+
vemeux
f
1
Arythmie
cardiaque
Figure 3 • Lors de la récuparation, en particulier passive, les cinétiques de récupération
différentes des modifications neuro-hormonales et hémodynamiques peuvent aussi
favoriser le déclenchement d'arythmies cardiaques.
15
Cardio &Sport • n°2
>>
OS SI ER
>>>
arythmies, ischémie coronaire fonctionnelle, trouble de remplissage et
parfois de vidange, dysrégulation
tensionnelle à l'effort.
contraintes hémodynamiques prolongées qu'il impose, mais aussi l'environnement neuro-hormonal et
donc la régulation du système cardiavasculaire.
Le commotio cordis
Un traumatisme thoracique direct
par un projectile de petite taille (balle
de baseball, puck de hockey ... ), ou
plus rarement par choc avec un autre
joueur, peut entraîner u ne mort
subite. Ces accidents rares concernent le plus souvent les jeunes sportifs qui présentent un thorax encore
déformable. Le mécanisme final du
décès est une fibrillation ventriculaire
secondaire au choc. Celui-ci doit toucher la partie centrale du cœur et survenir lors de la phase vulnérable de
la repolarisation (11). Encore plus
rarement, un traumatisme thoracique direct très violent peut entraîner des dissections des coronaires,
des contusions ou lésions myocardiques avec hémo-péricarde, ou
encore des dissections ou ruptures
aortiques.
> Le cœur d'athlète :
facteur de risque
de la mort subite ?
Les effets cardiovasculaires bénéfiques de la pratique régulière et
modérée d'une activité physique
sont actuellement admis par tous
(12).
Actuellement cependant, certains
sportifs, en particulier d'endurance,
vont à contre-courant de l'idée des
35 heures dans leur programme
d'entraînement. Ainsi, la pratique
prolongée d'un entraînement de
haut niveau, quantitative et qualitative, peut induire des modifications
électrocardiographiques, morphologiques et fonctionnelles, parfois
majeures, regroupées sous le terme
de syndrome du "cœur d'athlète". La
question des limites de ces adaptations reste cependant posée (13) .
L'entraînement intense modifie non
seulement la morphologie et les
fonctions du myocarde par les
Cardio&Sport • n°2
\
ophie cardiaque
ut-elle être
~
,
Entre 10 et 15% des décès survenus
chez des sportifs sont associés à des
hypertrophies cardiaques isolées,
sans signes histologiques de cardiomyopathie hypertrophique. De plus,
des anomalies cardiaques ne sont
retrouvées que chez 33 % des sportifs
qui présentent des arythmies ventriculaires complexes.
La possibilité d'une prévalence accrue
des arythmies cardiaques ventriculaires chez le sportif p ar rapport au
sédentaire est discutée (14, 15). Pour
certains, leur découverte peut témoigner de limites individuelles d'adaptabilité à l'entraînement (16). Lors
d ' un exercice intense, le ventricule
droit est soumis à une contrainte
proportionnellement plus intense
que le ventricule gauche (17), ce qui
pourrait favoriser la survenue
d 'arythmies ventriculaires à type de
retard gauche (18) chez les athlètes.
L'hypertrophie cardiaque est une
adaptation du myocarde en réponse
aux contraintes qui lui sont appliquées. Chez le sportif, l'hypertrophie
est le plus souvent modérée et harmonieuse, touchant les quatre cavités et respectant un équilibre entre
dilatation cavitaire et hypertrophie
pariétale réactionnelle. A l'inverse
des causes pathologiques d'hypertrophie cardiaque, celle liée à l'entraînement est caractérisée par
l'adéquation de la vascularisation à
la masse musculaire et par l'absence
de fibrose généralisée. Cependant,
cette hypertrophie est surtout due à
une augmentation de la taille, donc
de la surface membranaire des cardiomyocytes. De par cette modification, la capacitance électrique de ces
cellules peut être modifiée. Bien que
les particularités électrophysiolo-
16
giques de l'hypertrophie secondaire
à l'entraînement aient été peu étudiées, il est prouvé que la durée du
potentiel d'action cellulaire est allongée. Dans les hypertrophies d'origine
pathologique, cette modification est
due à un déséquilibre entre les courants membranaires entrants et sortants, avec le plus souvent une
réduction du courant potassique sortant Iro • d 'où une repolarisation
retardée.
Dans les modèles expérimentaux
d'hypertrophie cardiaque liée à l'entraînement, surtout de type endurance, une inhomogénéité régionale
de la taille et des caractéristiques
électrophysiologiques des cellules a
été décrite. Ainsi, les potentiels d'actions les plus longs sont enregistrés
dans l'endocarde et les plus courts
dans l'épicarde. Cette altération de la
dispersion des périodes réfractaires,
associée à une altération de la
conduction intercellulaire, peut favoriser au moins potentiellement la
survenue d'arythmies cardiaques par
réentrée ou d'une activité déclenchée par post-dépolarisations précoces ou tardives (19) .
Ces altérations électrophysiologiques associées à une dilatation
auriculaire persistante ont été proposées pour expliquer les arythmies
supraventriculaires, relativement fréquemment observées chez les sportifs vétérans (20).
L'exercice chronique :
un créateur de foyers
arythmogènes ?
L'entraînement intense, prolongé et
répété pourrait favoriser l'apparition
et le développement de foyers arythmogènes (21). En effet, les catécholamines peuvent favoriser la
survenue de microfoyers de nécrose.
La baisse des défenses immunitaires
décrites chez certains sportifs de
haut niveau d 'entraînement peut
faciliter le développement de myocardites a minima (22) . Les perturbations du bilan magnésique parfois
décrit chez ces sujets peuvent aussi
DOS SIE
favoriser le développement d'arythmies cardiaques (9) .
Globalement, l'entraînement améliore quantitativement et fonctionnellement la circulation coronaire
(23). Cependant, des troubles
majeurs de la repolarisation à l'effort
so nt décrits chez 15% des athlètes
(24) . La physiopathogénie de ces
troubles reste mal expliquée. Il est
possible que les lésions endothéliales
second aires a u x stress pariétau x
répétés liées à l'hyp erdébit sanguin
et! ou que des périod es d 'isch ém ie
relative p rolongées puissent induire
u ne fibrose localisée (9, 21).
Enfin , à ces r isques inhérents à la
pratique "propre" d'un entraînement
intense et régulier peuvent bien sûr
se surajouter les effets favorisants de
différents produ its dop ants.
L'exercice chronique:
modulateur des arythmies ?
La balance autonomique est modi fiée par l'entraînement chroniqu e.
En bref, l'influence du parasympathique est accrue et celle d u
sympathique est diminuée (25).
Ces modifications a priori bénéfiques peuvent dans certains cas
extrêmes favoriser la survenue et le
développement d'arythmies en cas
de substrat arythmogène sousjacent.
En conclusion
L' exercice aigu inte n se, d e p ar les
perturbation s qu' il induit, p eu t, sur
un cœur p athologique favoriser, la
survenu e d 'u ne arythmie cardiaque
qui reste la cau se p rin cip ale d es
morts subites sur le terrain de sport
(26) . Sur un cœur sain, m êm e h yper
entraîn é, l'effort est p a rfa it em ent
toléré d an s l'immen se m ajorité d es
cas. La possibilité de création d 'une
cardiopathie, en règle arythmogèn e,
chez certain s sp orti fs p rése n ta nt
une susceptibilité in dividuelle, a été
évoquée. Ell e ne pe ut être t otale ment exclue mais, d ans l' état actuel
de nos connaissan ces, elle dem ande
confirmation . 1
Bibliographie
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17
Cardio & Sport • n°2
g·es des morts
es lors de l'activité
rtive
Pr Hervé Douard, Hôpital cardiologique, Pessac.
nee réelle et les étiologies
des causes de morts subites
t lors d'une activité sportive
est peu pratiquée, pour des raisons
culturelles, religieuses ou autres.
L'autopsie est souvent vécue comme
une épreuve supplémentaire par
l'entourage, alors que sa finalité ne
repose pas sur une curiosité morbide,
mais implique une réelle attitude en
terme de dépistage et de prise en
charge médicale des collatéraux.
-L'analyse approfondie d'un cœur
requiert des compétences cardiologiques et anatomiques spécifiques
que peu de nos confrères légistes ont
pu acquérir dans leur carrière.
- Les décès ou accidents cardiaques
graves survenus lors de la pratique
sportive sont mal répertoriés dans les
structures de prise en charge des
urgences (pompiers, Samu, Smur. .. ),
ainsi que sur les certificats de décès
ou les données Inserm.
- Certains accidents graves ou décès
surviennent peu de temps après une
activité sportive, mais n'y sont pas
imputés, si la prise en charge initiale
n'est pas réalisée sur le terrain de
sport.
et d'autre part de l'état du "substrat",
dont l'interaction initie l'arythmie
potentiellement létale. Ainsi, le stress
émotionnel, les facteurs environnementaux, l'ischémie myocardique,
les changements des systèmes sympathiques et parasympathiques, survenant en compétition, modifient la
"gâchette", et l'entraînement intensif
peut aggraver le "substrat" de la
maladie, structurelle et électrique.
En cas de myocardiopathie hypertrophique, la fréquence répétée des
épisodes d'ischémie myocardique
pendant l'entraînement induit certaines morts cellulaires et un remplacement myocardique par de la fibrose
favorisant l'instabilité électrique.
Chez les patients avec dysplasie, l'entraînement physique intensif et régulier peut provoquer une surcharge
volumétrique ventriculaire droite qui
en retour accélère l'atrophie fibroadipocytaire.
Dans la maladie de Marfan, le stress
hémodynamique favorisé dans
l'aorte par l'augmentation de la pression et du volume d'éjection lors de
l'activité sportive intense, notamment lors des accélérations et
décélérations rapides, favorise l'élargissement aortique.
Les rapports sont plus complexes
dans d'autres pathologies tel que le
Brugada où la majorité des événements graves surviennent en période
de repos, et notamment de repos
nocturne. Mais l'activité sportive
intensive, en favorisant l'activité du
système parasympathique, peut
théoriquement favoriser ce risque de
mort subite.
> Les données
disponibles
Deux grandes séries publiées sont
actuellement disponibles: l'une américaine, la série de Maron (Fig. 1),
Nombre
• MCH
• Commotio cordis
o Anomalies coronaires
li HVG
• Myocardites
• Marfan
• DVDA
o Pont myocardique
• RA
11
•
•
•
•
•
•
> Facteurs de risque
et pathologies associées
La pratique de la compétition suppose cependant un entraînement
régulier et assidu, modifiant défavorablement les conditions de déclenchement, d'une part de la "gâchette"
Cardio&Sport • n°2
Figure 1 • Série de Maron.
18
Coronaropathle
acquise
MCNO
PVM
Autres
QTlong
Sarcoïdose cardiaque
DOS SIE
Nombre
60
50
•
•
•
•
•
•
m
•
•
•
•
•
•
40
30
20
10
0
Coronaropathie acquise
DVDA
Valvulopathles
Anomalies coronaires
Myocardites
Anomalies tissu conductif
MCH
Rupture aortique
MCNO
Cardiopathie congénitale opérée
Embolie pulmonaire
Autres
Cœur structurellement normal
Affections
Figure 2 • Série de Corrado.
l'autre italienne, la série de Corrado
(Fig. 2). Si elles ont le mérite d'exister,
elles n'apportent cependant qu'un
éclairage partiel sur la réalité. Elles
sont en effet très critiquables, surtout
celle publiée par Maron, d'un point
de vue méthodologique.
Ces deux séries stigmatisent néanmoins sur les variations géogra phiques, mais aussi ethniques, et sur
les supports génétiques des principales pathologies en cause. Gageons
qu'une série de ce type établie dans
un pays asiatique révèlerait des étiologies proportionnellement très différentes.
La myocardiopathie domine aux
Etats-Unis, elle est plus rare en Italie,
probablement parce que mieux
dépistée dans ce pays. La dysplasie
arythmogène est plus fréquente dans
la série de Corrado, probablement
parce qu'un "foyer" existe dans la
province italienne de Vénétie, que
des émigrants ont reproduit dans une
région de Grèce ! Le commotio cordis
est probablement encore sousestimé en Europe, même s'il est
induit souvent lors d'activités sportives plus répandues aux Etats-Unis.
> Les nouvelles causes
de morts subites
La découverte progressive de nouvelles causes de ces morts subites
suppose que d'autres sont probablement encore à explorer. .. Ainsi, le
syndrome décrit il y a une dizaine
d'années par les frères Brugada
authentifie une pathologie dont la
particularité (vis-à-vis de la dysplasie
arythmogène du ventricule droit déjà
anciennement connue) a été longtemps contestée. Elle se révèle néanmoins quelques années plus tard lié
à des anomalies génétiques non univoques.
Egalement, le syndrome du QT court,
encore mal connu, serait probablement responsable d'un nombre non
négligeable d'accidents graves.
D'une manière générale, le nombre de
pathologies à support génétique,
comportant un risque accru de mort
subite pendant la pratique sportive,
augmente. C'est le cas de la myocardiopathie hypertrophique obstructive,
de la dysplasie arythmogène du ventricule droit, du syndrome de Marfan,
de pathologies des canaux ioniques tel
que le syndrome du QT long, le syndrome de Brugada et des tachycardies
ventriculaires polymorphes catécholergiques. Leur survenue plus fréquente, notamment à l'adolescence
ou dans le début de la vie adulte, âge
également où la pratique sportive est
la plus fréquente, constitue un drame
pour les familles proches, mais aussi
pour les responsables sportifs et parfois médicaux qui suivaient ces sujets.
Parfois, cela implique des dispositions
médicolégales.
> Politiques
de prévention
et de dépistage
Dépister une telle anomalie contreindique formellement la pratique de
la compétition sportive dans la plupart des cas. Les interrogations
concernent la poursuite d'une activité
sportive de loisir, dont les bénéfices,
notamment en terme de protection
vis-à-vis de l'athérosclérose coronaire, sont par ailleurs largement
démontrés.
On admet l'hypocrisie relative des
recommandations actuelles en la
matière, les contraintes cardiovasculaires pouvant être intenses lors de
certaines pratiques sportives même
sans esprit de compétition, ou encore
sachant combien il est difficile d'interdire à un enfant de courir tout simplement avec ses camarades dans
une cour d'école.
Si la connaissance exacte des causes
de mort subite chez les athlètes reste
donc encore imprécise et imparfaitement démantelée, la stratégie de
dépistage de celle-ci est encore plus
débattue. Les difficultés essentielles
tiennent à !'"heureuse" rareté de ces
accidents. Cela nécessite une politique raisonnable en terme économique, mais aussi une politique
d'efficacité afin d'éviter une iatrogénie potentielle (explorations invasives
inutiles ou traitements inappropriés).
Ainsi, les myocardiopathies hypertrophiques représentent l'étiologie
principale des morts subites, mais
des essais de dépistage par "échocardiographie de masse" dans les collèges aux Etats-Unis se sont révélés
peu rentables. Beaucoup s'accordent
pour réaliser en première intention
un examen physique et un interrogatoire bien conduits, focalisés sur des
signes fonctionnels parfois frustres,
mais dont la syncope reste bien sûr
l'élément le plus suspect, associé à la
connaissance des antécédents familiaux (décès brutal de collatéraux à un
âge jeune). La qualité des certificats
d'aptitude est en effet bien souvent
médiocre, dite de "complaisance", ou
parfois réalisés par les médecins
ignorants de la problématique. Ainsi
aux Etats- Unis, les saignants habilités à ces examens de dépistage
incluent parfois de simples chiropracteurs.
>>
19
Cardio &Sport • n°2
OSSIER
>>>
Nous avons ainsi été marqués au
cours de notre internat par l'histoire
clinique d'un enfant de 8 ans
emmené en catastrophe par son institutrice paniquée par une syncope
h eureusement spontanément régressive de l'enfant, et imputée selon son
père, psychiatre, à une nouvelle manifestation de conversion hystérique. Il
fut difficile malgré un QT particulièrement allongé à l'électrocardiogramme de repos, de le convaincre de
la probable supériorité d'un bon traitement anti-arythmique, face à une
psychothérapie comportementale,
afin de prévenir une récidive.
L'Italie mène depuis 30 ans une politique de prévention tout à fait exemplaire en la matière chez les sportifs
de tout niveau, expliquant probablement partiellement le faible nombre
relatif des morts subites attribué à
un e myocardiopathie hypertrophique. Cette anomalie est en effet la
p lu s facilement détectable par un
électrocardiogramme 12 dérivations,
où des anomalies spécifiques sont
présentes dans 95 % des cas chez les
sujets encore asymptomatiques ou
sans anomalie d 'auscultation. Une
décision d'interdiction par cette autorité nationale médicale, quelle soit
définitive ou temporaire (comme
c'est le cas pour certaines myocardites) est ainsi incontournable et
incontestée, et permet de ne pas
céder aux pressions de certaines instances sportives, des sponsors ou des
athlètes eux-mêmes soucieux de
retrouver l'arène sportive, sa gloire ...
et ses revenus! L'actualité très récente
nous rapporte ainsi le cas d 'un footballeur professionnel très connu qui,
après avoir rechuté (malaise à
l'échauffement) après une fulguration
pour extrasystolie ventriculaire, a
"bénéficié" d'un défibrillateur intrathoracique pour lui permettre de
reprendre le sport en ligue 1
anglaise ...
Actuellement, sont seulement disponibles (et référencées ci-après) les
données des deux séries, Maron et
Corrado, et les plus récentes recom-
mandationschezlessportifs, uniquement américaines, publiées dans
cette optique de dépistage et d'autorisation ou non à la pratique sportive.
En 2005, seront réactualisés les classiques
recommandations
de
Bethesda, et publiées les premières
recommandations européennes et
françaises dans le domaine de l'hypertrophie ventriculaire gauche et des
coronaropathies chez les sportifs. 1
Bibliographie
Corrado D et al. Sudden cardiac
death in young people with apparently
normal heart. Cardiovasc Res 2001 ; 50 :
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4. Maron BJ et al. Recommendations for
physical activity and recreational sports
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genetic cardiovascular diseases. Circulation 2004; 109 : 2807-16.
·cuités du diagnostic
gique: le point de vue
l'anatomopathologiste
Dr Paul Fornès, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris.
connar
ces morts subites. Une très large
m aj orité de ces morts subites est
d'origine cardiaque. Si les cardiopathies susceptibles de se compliquer
Cardio &Sport • n°2
de mort subite sont identifiées, leur
fréquence respective n ' est pas
connue. Il est pourtant crucial d'établir le diagnostic étiologique de chacune de ces morts subites : d'une
part, la majorité des cardiopathies
causales est héréditaire, nécessitant
une enquête génétique familiale,
d'autre part, l'analyse rétrospective
des antécédents et prodromes de la
20
victime pourrait améliorer le dépistage de ces cardiopathies.
Par ailleurs, le rôle du dopage dans la
survenue de ces morts subites reste à
préciser. Le dopage peut entraîner
des morts subites liées à la prise
aiguë ou plus s ouvent répétée de
substances entraînant à long terme
des altérations cardiaques. Les
connaissances scientifiques actuelles
DOS SIE
arythmogène, les myocardites, les
anomalies de trajet des artères coronaires, les valvulopathies, sont rencontrées avec une fréquence variable
en fonction des études (1-12).
1!'
.\.l'
> Le diagnostic
des cardiopathies
Il repose sur un examen macroscopique minutieux du cœur et un examen histologique approfondi de
nombreux prélèvements, par un anatomopathologiste expérimenté, spécialisé en pathologie cardiovasculaire
(13).
sur le retentissement cardiovasculaire du dopage sont théoriques et on
ne dispose pas de données précises
sur les effets cardiovasculaires du
dopage sur la population sportive.
Cet article examine l'apport des
autopsies et de l'anatomie pathologique à la recherche des causes de ces
morts subites chez le sportif, les dispositions légales permettant ces
investigations, et les difficultés auxquelles se heurtent les médecins
lorsqu'ils souhaitent rechercher
l'étiologie d'une mort subite chez un
sportif.
En effet, si l'examen macroscopique
permet de démontrer, par exemple,
une hypertrophie ventriculaire
gauche et de la caractériser, avec ou
sans dilatation, concentrique ou asymétrique, obstructive ou non, seul
l'examen microscopique permet de
démontrer une désorganisation
architecturale myocytaire (Fig. 1), des
> Les causes
de mort subite
De nombreuses études autopsiques,
principalement américaines et italiennes, ont permis de connaître les
différentes causes de mort subite survenant au cours d'une activité sportive (1-12).
Leur fréquence respective varie en
fonction de l'âge des sujets, du
niveau d'activité sportive (loisir ou
haut niveau), du sport pratiqué, et
des pays considérés (3, 7, 9-12). Chez
le sportif de haut niveau, la cardiomyopathie hypertrophique est considérée comme la plus fréquente (1-3).
Les autres cardiopathies, représentées principalement par la cardiomyopathie ventriculaire droite
grossissement d'origine: X ~000).
(coloration : trictirome ;
d'origine : X 40).
anomalies des artères coronaires
intramyocardiques, et de préciser la
topographie de la fibrose et son étendue. L'examen histologique est également essentiel pour distinguer une
cardiomyopathie hypertrophique
d'une hypertrophie physiologique
développée au cours de la pratique
sportive (14). Une hypertrophie cardiaque peut être secondaire à de
nombreuses causes (Fig. 2).
Le diagnostic de cardiomyopathie
ventriculaire droite arythmogène
repose également sur l'examen
microscopique de nombreux prélèvements des deux ventricules (Fig. 3).
La fibrose associée au remplacement
adipeux du myocarde du ventricule
droit est parfois discrète. L'inflammation peut être minime. Il existe
parfois une atteinte du ventricule
gauche.
La fréquence des myocardites, le plus
souvent d'origine virale, comme
cause de mort subite est souvent
sous-estimée car l'examen macroscopique du cœur est le plus
souvent normal, et seul l'examen
histologique permet le diagnostic
(16, 17). De nombreux prélèvements
sont nécessaires en raison du caractère focal des lésions nécroticoinflammatoires.
L'examen du tissu de conduction
requiert une grande expérience pour
ne pas interpréter à tort, comme
"">>>
21
Cardio & Sport • n°2
OS SI ER
>>
pathologiques, des images artéfactuelles ou physiologiques. Il n'est
q u ' exceptionnellement possible
d'établir un diagnostic de pathologie
des voies de conduction sans
confrontation avec des données électrocardiographiques.
Les examens macr?scopiques et histologiques peuvent être normaux (18).
Certaines morts subites sont dues à
des pathologies non lésionnelles, tel
que le syndrome du QT long.
Le diagnostic d'une cardiopathie
n'implique pas qu'elle soit la cause de
la mort. Il faut souligner en effet la
faib le corrélation entre la sévérité
anatomique de la cardiopathie et le
risque de mort subite (19).
Les autres constatations autopsiques
éventuelles doivent être analysées
minutieusement, et des analyses toxicologiques approfondies sont nécessaires. En effe t , des substances
médicamenteuses ou des stupéfiants
peuvent avoir favorisé la mort subite.
Ces recherches doivent être effectuées
non seulement dans le sang et l'urine,
mais également dans les phanères
(cheveux, poils pubiens, ongles). La
prise chronique de substances, éventuellement dans un but de dopage,
peut avoir contribué au développem ent de la cardiopathie et à la mort
subite.
Le diagnostic étiologique de la mort
sub ite repose donc sur une autopsie
complète, des investigations anatomopathologiques approfondies de
tous les organes, des analyses toxicologiques exhaustives par un toxicologue expérimenté, bénéficiant
d'équipements adéquats, et l'analyse
des circonstances du décès. Ces conditions sont trop rarement réunies, en
dépit des dispositions légales qui permettraient ces investigations.
> Les dispositions légales
Lorsqu'un médecin constate le décès
d'un sportif survenu subitement au
cours de sa pratique sportive, il doit
décider si cette mort subite pose un
Cardio&Sport • n°2
problème médicolégal, et en conséquence coche la case obstacle médicolégal sur le certificat de décès.
L'article 74 du Code de procédure
pénale dispose qu'en cas de découverte d' un cadavre, qu'il s'agisse ou
non d'une mort violente, si la cause
en est inconnue ou suspecte, l'officier
de police judiciaire qui en est avisé
informe immédiatement le procureur de la République, se transporte
sans délai sur les lieux et procède aux
premières constatations. Le procu reur de la République se rend sur
place, s'ille juge nécessaire, et se fait
assister de personnes capables d'apprécier la nature des circonstances
du décès.
Lorsque la mort survient au cours de
la pratique sportive, ou a u décours
immédiat, dans la phase de récupération ou dans le vestiaire, les
témoins attestent qu'il s'agit d 'une
mort naturelle, non suspecte. Dans
ce contexte, le médecin peut être
enclin à ne pas cocher la case "obstacle médicolégal".
Si le médecin coche cette case parce
qu'il considère avec raison que cette
mort de cause inconnue requiert une
autopsie et des investigations judiciaires, il peut se heurter à la réticence de l'officier de police judiciaire,
puis à celle du procureur de la République. Celui-ci, du fait de l'absence
d'infraction évidente, peut ne pas
considérer une autopsie justifiée, et
classera l'affaire sans suite. Seul le
procureur de la République peut en
effet décider si une autopsie doit être
pratiquée.
Néanmoins, le jeune âge habituel des
victimes, par ailleurs en bonne santé
apparente, peut conduire le magistrat
à demander une autopsie. Cette
autopsie conclura à une mort naturelle, mais la cardiopathie causale
sera rarement identifiée de façon
certaine sans un examen anatomopathologique. Cet examen anatomopathologique ne peut être effectué
que sur réquisition du procureur
dans le cadre d ' une enquête décès
préliminaire (avant l'ouverture éven-
22
tuelle d'une information), ou bien sur
ordonnance de commission d'experts d' u n ju ge d 'instruction, lorsqu'une information est ouverte.
Dans ce contexte de mort naturelle,
sans indice d'infraction, une expertise anatomopathologique peut ne
pas apparaître justifiée pour le magistrat. Dans le cas contraire où l' expertise anatomopatho logique est
demandée, il est essentiel que l'expert
anatomopathologiste soit spécialisé
en pathologie cardiovasculaire.
Les rapports d'autopsie et d'expertise
anatomop athologique sont adressés
au m agi strat. Il est rare alors que
celui-ci complète systématiquement
ces investigations par une expertise
toxicologique. Idéalement, le magistrat confiera au médecin légiste une
mission de synthèse consistant à établir, à p artir des constatations autop siques et anatomopathologiques, des
résultats toxicologiques et des données e l'enquête, la cause et les circonstances du décès.
La personne la plus proche du défunt
a légalement accès à l'ensemble des
informations. Elle peut ainsi demander des explications à son médecin
traitant. Les familles ne sont pas toujours informées de cette possibilité.
Le médecin doit savoir guider la
famille dans le cadre d'une enquête
génétique.
Il apparaît donc que si les dispositions légales permettent des investigations approfondies et la
connaissance précise de la cause du
décès, de nombreux obstacles sont
susceptibles d'interrompre la chaîne
des investigations. De surcroît, l'accès aux données est réservé à la
famille. Les informations ne sont pas
utilisables à des fins de santé
publique.
> L'avis de
l'anatomopathologiste
Nous pensons qu' une autopsie
devrait être systématiquement pratiquée en cas de mort inexpliquée d'un
DOS SIE
sportif de compétition. Le médecin
qui constate le décès devrait toujours
cocher la case "obstacle médicolégal"
du certificat de décès, et le procureur
de la République, saisi en vertu de
l'article 74 du Code de procédure
pénale, devrait systématiquement
faire pratiquer une autopsie. L'examen du cœur devrait être effectué par
un anatomopathologiste spécialiste
des maladies cardiovasculaires. Une
expertise toxicologique approfondie,
recherchant en particulier les
substances dopantes, devrait être
effectuée systématiquement, non
seulement dans le sang et l'urine,
mais également dans les phanères,
ces dernières donnant une information sur la prise chronique de substances.
Des dispositions légales devraient
permettre de rassembler ces données
dans un registre national en respectant l'anonymat. Ce registre permet-
trait de suivre l'incidence des morts
subites chez le sportif de haut niveau,
et de confronter rétrospectivement
les données post-mortem aux informations des dossiers médicaux et du
suivi longitudinal. Définir des modalités diagnostiques implique, d'une
part, une connaissance approfondie
des pathologies à l'origine des morts
subites et, d'autre part, d'améliorer
la reconnaissance des éventuels
symptômes ou signes cliniques.
La loi du 23 mars 1999 relative à la
protection des sportifs et à la lutte
contre le dopage (dite "loi Buffet") et
le décret du 6 février 2004 relatif aux
examens médicaux obligatoires pour
les licenciés inscrits sur la liste des
sportifs de haut niveau ou dans les
filières d'accès au sport de haut
niveau ou pour les candidats à cette
inscription, soulignent la volonté du
législateur d 'améliorer le dépistage
des pathologies susceptibles de se
compliquer en mort subite.
Toutefois, il convient d'évaluer l'efficacité de ce dépistage et d'analyser la
pertinence de s critères encadrant
actuellement l'aptitude médicale à la
compétition. Seule une confrontation entre les paramètres recueillis au
cours du suivi longitudinal et les données recueillies par l'analyse de s
morts subites et des accidents cardiovasculaires permettra d'évaluer
leur valeur prédictive en terme d' événements cardiovasculaires.
Une collaboration étroite entre
la justice, dont dépend la pratique
des autopsies et des expertises
anatomopathologiques et toxicologiques, les médecins légistes et anatomopathologistes spéc ialisés en
pathologies cardiovasculaires, s'avère
donc impérative pour mener à bien
non seulement la mission judiciaire
mais également celle de santé
publique. l
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Cardio &Sport • n°2
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