Rapport sur l’oral de mathématiques 2008 Oral spécifique E.N.S. Paris : Olivier Debarre Oral commun Paris-Lyon-Cachan : Laurent Berger, Sorin Dumitrescu, Romain Abraham. 1 Remarques générales sur la session 2008 Le jury de l’oral spécifique Ulm a été frappé, comme l’an dernier, par l’excellent niveau général des candidats et de leur préparation à cette épreuve, alors que le nombre d’heures d’enseignement des mathématiques dans le secondaire ne cesse de diminuer au gré des diverses réformes. 2 Commentaires d’ensemble Les recommandations des années passées sont reconduites. Le jury espère qu’elles finiront par être prises en compte. • Il est bon de s’écarter régulièrement du tableau pour laisser l’examinateur voir ce qu’on y a écrit. • Inutile d’effacer sans arrêt ce qu’on écrit, avant même de savoir si ce sera utile ou non : le tableau est grand. • Il faut trouver un juste équilibre entre un mutisme total et un flot de paroles ininterrompu (comment peut-on réfléchir dans ces conditions ?). Le jury apprécie de savoir où en est le candidat de ses réflexions, mais il n’est pas sûr qu’il soit dans l’intérêt du candidat de raconter tout ce qui lui passe par la tête. 1 • Les examinateurs n’essaient pas d’induire les candidats en erreur. • Les candidats ne doivent pas être surpris par des exercices qui mélangent deux domaines (algèbre linéaire, topologie, analyse, etc.). 3 Commentaires mathématiques de détail Les démonstrations par l’absurde, souvent inutiles, sont en régression depuis l’an dernier. C’est une bonne chose. P Les candidats restent friands de la notation et d’indices multiples, alors qu’une forme développée permet souvent de mieux voir ce qui se passe. La manipulation des nombres entiers pose souvent des problèmes. Très peu de candidats réalisent que les coefficients d’une relation de Bézout entre nombres entiers sont premiers entre eux. Les congruences sont très peu utilisées. Dans le même ordre d’idées, des calculs simples avec des nombres complexes ou avec des parties entières se révèlent délicats pour nombre de candidats. En outre, il est arrivé que des candidats soient mal à l’aise avec le maniement graphique des nombres complexes En algèbre linéaire, la réduction des endomorphismes est connue en surface, mais est souvent mal maı̂trisée. Beaucoup expliquent qu’« une matrice complexe est trigonalisable donc a une valeur propre ». La démonstration de ce fait est d’ailleurs parfois mal connue : nul besoin d’utiliser les espaces caractéristiques (qui ne sont d’ailleurs pas au programme). De même, la décomposition de Dunford est aussi hors programme et ne devrait pas être le premier réflexe des candidats. Les débordements du programme de certaines classes préparatoires ne rendent pas service à tous ! Tous les candidats connaissent bien sûr le théorème de Rolle, mais ils ne pensent pas toujours à l’appliquer. Il faut aussi savoir faire un changement de variables correctement et être capable d’utiliser l’intégration par parties. Curieusement, on semble souvent redécouvrir que les images d’un réel par les itérés d’une fonction croissante forment une suite monotone, et que cela peut servir à trouver des points fixes. Il ne faut pas non plus rester désarmé face à des suites récurrentes qui ne sont pas monotones. 2 4 Quelques exercices posés à l’oral spécifique Ulm • Montrer qu’une infinité de puissances de 2 ont un développement décimal qui commence par 7. • Un polynôme non nul à coefficients réels avec au plus k coefficients non nuls a au plus 2k − 1 racines réelles distinctes. Peut-il en avoir exactement 2k − 1 ? • Soit Rn [X] l’espace vectoriel des polynômes de R[X] de degré au plus n. Montrer que le sous-ensemble de Rn [X] formé des polynômes qui ont exactement n racines réelles distinctes est ouvert dans Rn [X]. • Soit n un entier positif. Trouver une constante explicite rn telle que pour tout polynôme P ∈ C[X] de degré au plus n vérifiant P (−1) = P (1), la dérivée P 0 s’annule sur le disque de centre 0 et de rayon rn dans C. • Soient f et g des fonctions continues de [0, 1] dans [0, 1] vérifiant f ◦ g = g ◦ f . On suppose f monotone. Montrer qu’il existe c dans [0, 1] tel que f (c) = g(c) = c. • Soit f : R → R+ une fonction de classe C 2 . À quelle condition nécessaire et suffisante sur f la fonction g : R → R+ définie par g(x) = p f (x) est-elle de classe C 1 ? • Soient u et v des endomorphismes d’un C-espace vectoriel E de dimension finie tels que uv = vu. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) Ker(u) ∩ Ker(v) = 0 ; (ii) Im(u) + Im(v) = E ; (iii) il existe t ∈ C tel que u + tv est inversible. • Soit M ∈ GLn (C). Montrer qu’il existe des matrices triangulaires supérieures T et T 0 et une permutation σ telles que M = T Pσ T 0 , où Pσ est la matrice (δi,σ(j) ). Montrer que σ est uniquement déterminée par M . • Soient A et B des matrices complexes carrées du même ordre. 3 1) Si A et B commutent, montrer qu’il existe une matrice P inversible telle que P −1 AP et P −1 BP soient triangulaires supérieures. 2) Dans le cas général, montrer qu’il existe des matrices inversibles P et Q telles que P AQ et P BQ soient triangulaires supérieures. • 1) Soient a1 , . . . , an des entiers premiers entre eux. Montrer qu’il existe une matrice carrée P à coefficients entiers, de première ligne a1 , . . . , an et de déterminant ±1. 2) Soit A une matrice à coefficients entiers à p lignes et q colonnes. Montrer qu’il existe des matrices P ∈ Mp (Z) et Q ∈ Mq (Z) telles que dét(P ) = dét(Q) = 1 et D 0 P AQ = , 0 0 où D est la matrice diagonale diag(d1 , . . . , dr ), avec di entiers tels que d1 | · · · | dr . Montrer que les entiers r et |d1 | sont uniquement déterminés par A. 5 Quelques exercices posés à l’oral commun Ulm-Lyon-Cachan • Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie et soit u un endomorphisme de E. On note ρ(u) = max |λ|, où λ décrit l’ensemble des valeurs propres de u. Montrer que les propriétés suivantes sont équivalentes : (i) il existe une norme sur E pour laquelle kuk < 1 ; (ii) ρ(u) < 1 ; (iii) lim un = 0. n→+∞ • Soit A une matrice réelle carrée d’ordre n telle que, pour toute valeur propre λ (éventuellement complexe) de A, on a Re(λ) < 0. 1) Soit z : R → Rn une solution de l’équation différentielle z 0 = Az. Montrer qu’il existe des réels strictement positifs a et c tels que ∀t ∈ R kz(t)k ≤ ce−at kz(0)k. 2) Vérifier que Z b(u, v) = +∞ hesA u, esA vi ds 0 n définit un produit scalaire sur R . 4 3) Soit f : Rn → Rn une fonction de classe C 1 , nulle en 0 et admettant A comme matrice jacobienne en 0. Soit y une fonction solution de l’équation différentielle y 0 = f (y). Montrer qu’il existe des réels strictement positifs α, β et c tels que b(y(0), y(0)) ≤ α =⇒ ∀t ∈ R b(y(t), y(t)) ≤ ce−βy(t) . • Soit U le groupe multiplicatif des nombres complexes de module 1. 1) Trouver les morphismes de groupes continus de U dans (C, +). 2) Déterminer les morphismes de groupes continus de U dans U . 3) Trouver les morphismes de groupes continus de U dans GL(n, C). • Soit A une matrice réelle carrée d’ordre 2 et de déterminant 1 et soit x un point sur le cercle unité de R2 . Définissons par récurrence une suite (un )n∈N en posant u0 = x et ∀n ∈ N un+1 = A(un ) . kA(un )k Déterminer le comportement de la suite (un ) en discutant selon la matrice A et la position du point x. • Soit Q : [a, b] → R une fonction continue, soit k un nombre complexe et soit y : [a, b] → C une solution non identiquement nulle de l’équation différentielle y 00 (t) + kQ(t)y(t) = 0, avec y(a) = y(b) = 0. Montrer que k est dans R. • Soient A et X des applications de R dans M2 (R) telles que A est continue, X est de classe C 1 et X 0 (t) = A(t)X(t) − X(t)A(t). Montrer que pour tout entier k positif, Tr(X(t)k ) est indépendant de t, puis que les valeurs propres de X(t) ne dépendent pas de t, puis enfin que X(t) est conjugué à X(0) pour tout t. • Soit (an )n∈N une suite de réels de limite 1 telle que 0 < an ≤ 1 pour tout n. On choisit x0 6= 0 et on pose an 1 ∀n ∈ N xn+1 = xn + . 2 xn Montrer que la suite (xn )n∈N converge et déterminer sa limite. 5 • Est-ce que GL2 (R) est connexe par arcs ? Montrer que l’ensemble des matrices M ∈ GL2 (R) telles que dét(M ) > 0 est connexe par arcs. • Soient f et g des fonctions de classe C 1 de R dans R telles que ∀x, y ∈ R f 0 (x) 6= g 0 (y). On définit une fonction h : R2 → R2 en posant h(x, y) = (x + y, f (x) + g(y)). Montrer que h est un difféomorphisme de classe C 1 sur son image. On suppose de plus que g est bornée et qu’il existe C > 0 tel que f 0 (x) ≥ C pour tout x ∈ R ; montrer qu’alors h est surjective. • Soit P un polynôme trigonométrique réel de degré ≤ n. On note I l’intervalle [0; 2π[. Montrer que P a au plus 2n zéros sur I. Pour β ∈ I, calculer n+1 1 X 2πj P β+ . n + 1 j=1 n+1 Montrer que si P est de moyenne nulle, l’ensemble des x ∈ I tels que P (x) ≥ 0 est de longueur ≥ 2π/(n + 1). 6