Gènéthique - n°58 octobre 2004
Clonage à l'ONU
Clonage thérapeutique ?
L’Assemblée générale de l’ONU est en
plein débat sur l’interdiction ou non du
clonage thérapeutique dans la convention
internationale sur le clonage. L’ONU doit
se prononcer sur une résolution présentée
par le Costa Rica appelant à interdire
toutes formes de clonage. Deux positions
s’affrontent entre les pays favorables à
une interdiction globale du clonage
(grande majorité des pays) et ceux qui
n’interdiraient que le clonage reproductif1.
Position ambiguë de la France
La France, bien qu'ayant interdit le
clonage thérapeutique dans les dernières
lois de bioéthique prend le parti à l'ONU de
n'interdire que le clonage reproductif et de
laisser à l'appréciation de chaque pays
l'autorisation ou non du clonage
thérapeutique. Rappelons que le clonage
est toujours la reproduction d'un embryon
humain, il est donc toujours reproductif.
Mais on l'appelle thérapeutique quand on
veut signifier qu'on ne laissera pas cet
embryon se développer jusqu'à la
naissance parce qu'on s'en servira pour la
recherche.
1 -Voir Gènéthique n° 46 « Pas d’interdiction
du clonage humain à l’ONU ».
L’empire du ventre – Pour une autre histoire de la maternité - Marcela Iacub
Faut-il accoucher pour être mère ?
Rien ne semble plus naturel et
universellement reconnu. Et pourtant…
Marcela Iacub, juriste et chercheur au
CNRS, veut démontrer en remontant
l’histoire du droit de la filiation et en
franchissant les frontières, que rien n’est
moins évident… ni souhaitable.
Les enfants ne naissent plus du
mariage
Du code civil de 1804 à la réforme de
1972, les enfants ne naissaient pas
nécessairement du corps de leurs parents,
mais de leur mariage ; les suppositions
d’enfants1 (sanctionnées pénalement
mais, dans la réalité, difficiles à prouver)
ont d’ailleurs permis à des femmes
mariées stériles d’avoir des enfants.
Il s’agissait ainsi d’un mode de création
d’une filiation légitime par la volonté des
parents, dénué d’ancrage dans la « vérité
biologique » que lui aurait donné
l’accouchement de la mère. La loi du 3
janvier 1972 a mis fin à l’empire des
apparences matrimoniales.
L’empire du ventre
Face à la crise du mariage,
l’accouchement lui-même est devenu une
institution, dans laquelle la mère est libre
d’entrer ou non jusqu’au dernier moment,
puisqu’elle peut non seulement avorter
mais aussi accoucher sous X. Marcela
Iacub dénonce cette toute puissance
maternelle finalement aliénante pour les
femmes que la nature discrimine au seul
profit de celles qui sont capables
d’enfanter… et d’avorter.
Adoption et mères porteuses
L’adoption plénière est devenue suspecte.
Dans les années 1980, le recours aux
maternités de substitution (par le biais de
l’adoption de l’enfant par l’épouse de celui
qui a donné son sperme et a reconnu
l’enfant d’une mère porteuse ayant
accouché sous X) fut condamné par les
tribunaux et Marcela Iacub s’étonne :
« alors que les ovules, les spermatozoïdes
pouvaient être arrachés des entrailles et
les embryons des éprouvettes pour être
affectés à divers projets parentaux », la
grossesse, elle, ne pouvait être déléguée.
La loi de bioéthique de 1994, en autorisant
toutes les techniques procréatives à
l’exception de la maternité de substitution,
rappelle cette « exception utérine » sur
laquelle est fondé le droit français de la
famille. Alors que l’ovule et l’embryon
peuvent circuler entre les couples sans
aucune conséquence juridique, est-il
logique de garder l’accouchement comme
critère que l’enfant a bien été conçu par
cette femme ? L’Allemagne, la Suisse ou
l’Autriche ont choisi d’interdire à la fois le
don d’ovule et la maternité de substitution
et favorisent la vérité génétique ; d’autres
pays, tels la Grande-Bretagne ou Israël
autorisent l’un et l’autre, fondant la filiation
sur le principe de volonté.
Accouchement sous X : danger ?
Du fait de la pratique généralisée de la
contraception et de l’avortement,
l’accouchement sous X serait devenu
anachronique, « faute d’enfants à naître ».
Mais la crise de cette institution rejoint
aussi celle de l’adoption et le mouvement
des militants du droit à connaître ses
origines prétend qu’il vaut mieux avorter
que faire naître sous X. Pour eux, le don
de gamète et d’embryon doit également
cesser d’être anonyme, sous peine de
faire naître un « enfant de personne », à
moins de l’interdire purement et
simplement.
Vérité génétique ou souhait
parentale ?
L’empire du ventre est menacé et se
trouve face à deux alternatives : soit
fonder toutes les filiations, y compris
maternelles, sur la volonté d’avoir un
enfant, et il n’y aurait plus de raison de
s’opposer à l’homoparentalité, chacun
assumant les conséquences, non pas de
ses actes sexuels, mais de ses décisions
procréatives ; soit faire triompher le
principe de la vérité génétique. Et l’enfant
dans tout cela ? Après avoir revendiqué le
droit à l’avortement, la libre disposition de
leur corps, les féministes s’insurgent
aujourd’hui contre l’inégalité qui frappe
celles qui ne peuvent être mère du fait de
leur stérilité ou de leur homosexualité. Le
fondement même du droit de la filiation est
remis en cause par les possibilités
qu’ouvrent les nouvelles techniques de
procréation. Dans quel sens évoluera-t-il,
vérité génétique, droit à l’enfant ou droit de
l’enfant ? Cet ouvrage, néanmoins fort
intéressant, se garde bien de répondre à
cette question, en ignorant les droits de
l’être humain qu’est l’enfant.
1 - La supposition consiste à prétendre qu’une
femme a accouché alors qu’elle ne l’a pas fait.
Marcela Iacub, L’empire du ventre, pour une
autre histoire de la maternité, ed. Fayard,
septembre 2004.
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris
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