Argumentaire suite à l’accord sur le Budget 2013 et la déclaration de politique générale Service d’études et de formation CNE Rédaction Destinataire Nabil Sheikh Hassan Référence Nivelles Document15 28 mai 2017 Thèmes : budget, économie nationale, austérité, relance, compétitivité, AIP 0. Introduction Pour décrypter l’accord sur le budget 2013, suivi de près par une déclaration de politique générale faite au Parlement le 21/11/2012, nous procéderons en suivant les quatre points ci-dessous : Reprendre les grands points du discours du premier ministre lors de son allocution à la Chambre. Explications du gouvernement sur ce que les neuf déclarations reprises dans ce document signifient en terme de mesures prises. Interpréter ces fragments pour montrer en quoi c’est injuste et/ou inefficace pour le travailleurs et citoyens de ce pays. Esquisser des alternatives que le gouvernement a choisi de ne pas prendre. A chaque déclaration, son décryptage en 3 temps. Voici l’ensemble des déclarations reprises : 1. « Assainir nos finances publiques, relancer notre économie, protéger au maximum les revenus de nos citoyens et nos entreprises. » 2. « Dans les périodes difficiles, c’est aux autorités à montrer l’exemple par des réductions de dépenses supplémentaires. Tous les départements et institutions de l’Etat livrent à cet égard un grand effort. » 3. « Les dépenses de la sécurité sociale et des soins de santé sont aussi diminuées. Cela sans toucher à l’accessibilité et la qualité des services fournis. » 4. « Dans un contexte difficile, un effort est toutefois demandé aux citoyens qui ont proportionnellement plus de moyens et aux très grandes entreprises et holdings qui ont les épaules les plus larges. » 5. « Contrairement à ce que certains disent, il n’y a pas de gel des salaires vu que tant l’indexation que les augmentations barémiques restent d’application ». 6. « Les cotisations sociales seront diminuées sur base annuelle de 400 millions d’euros à partir d’avril 2013 ». 7. « Le gouvernement va veiller à ce que l’index reflète mieux et plus vite le comportement réel des ménages ». 8. « Une autre décision importante est l’intention du gouvernement de soumettre un projet de loi de réforme ciblée de la loi sur les salaires et la compétitivité de 1996. » 9. « En élaborant ce budget 2013, le gouvernement a également été attentif à l’impact de ses décisions sur le budget 2014 ». Document1 Page 1 sur 8 1. « Assainir nos finances publiques, relancer notre économie, protéger au maximum les revenus de nos citoyens et nos entreprises. » Par cette déclaration, le gouvernement s’inscrit dans un double mouvement clair : Réduire ses dépenses publiques pour rencontrer les exigences de l’Europe (limiter le déficit publique à 3% du PIB annuel et ramener ce budget à l’équilibre en 2015). Pour cela, le gouvernement a trouvé 3.767 milliards par soit des réductions de dépenses soit des nouvelles recettes. Ce montant est supérieur à l’effort que la Belgique s’est engagé à fournir vis-à-vis de l’Europe. Le supplément d’effort fourni par le pays (300 millions d’euros) est affecté à la relance de l’économie. Par ces mesures, en apparence fruit d’un équilibre Nord-Sud et gauche-droite, le gouvernement entend protéger citoyens et entreprises … Ce budget est clairement un budget austéritaire, libéral, sans véritable politique de relance de l’emploi. Il frappe essentiellement les citoyens et les travailleurs et enrichit les entreprises sans jamais les responsabiliser en matière de création ou de sauvegarde de d’emploi. L’austérité n’est pas une solution : réduire ses dépenses publiques équivaut à une politique d’austérité que nous avons déjà par ailleurs largement dénoncée 1. De nombreux économistes (même le FMI) s’accordent à dire que cette politique tue la croissance et la relance de l’économie. Réduire les dépenses publiques n’est pas une solution : la réduction des dépenses collectives , que cela concerne des services publiques (SNCB, la Poste, la coopération au développement) ou les services au public au travers de la sécurité sociale, appauvrit les travailleurs (par exemple en augmentant le coût des soins de santé) et diminue la qualité de vie (par exemple moins de gares, moins de moyens dans les écoles, etc). Les dépenses publiques soutiennent l’économie, l’emploi et le bien-être et sont sources de croissance du PIB.. Ce ne sont pas les dépenses publiques qui sont responsables de l’augmentation de la dette publique. De 1999 jusque 2007, notre dette ne cesse de diminuer (113% du PIB en 1999, 84% du PIB en 2007) C’est clairement le sauvetage des banques qui a fait exploser notre dette publique. En 2012, elle s’élève à 101,8% du PIB La relance ne peut pas financer le profit des entreprises : les cotisations de sécurité sociale sont du salaire socialisé et appartiennent aux travailleurs. . Sans contreparties exigées des employeurs contre ces moyens supplémentaires, nous sommes déjà certains que l’essentiel de ceux –ci serviront à enrichir un peu plus les actionnaires. Seule une politique de relance économique durable pourra être efficace. Cela demande une conjonction de facteurs et de mesures : 1 S’attaquer aux salaires, c’est plomber la croissance, appauvrir l’état et augmenter le chômage. De plus, le salaire n’est qu’un des éléments qui déterminent le degré de compétitivité d’une entreprise. Par exemple, juguler les prix de l’énergie, maîtriser la spéculation sur les matières premières ou avoir une vraie politique de formation des travailleurs sont des moyens bien plus efficaces pour augmenter la compétitivité des entreprises. Les services publics et les soins de santé sont des secteurs vecteurs de croissance du PIB. Un euro de moins de dépenses publiques amène jusque 1,7 euros de moins de croissance, comme l’a identifié le FMI. La fiscalité doit être juste et responsable : les revenus mobiliers, la spéculation, les grosses fortunes, etc contribuent peu ou pas au financement de l’Etat. Paradoxe important, ce sont les responsables de la crise économique qui en paient le moins les conséquences Argumentaire pour les assemblées de personnel en vue de la mobilisation du 14 novembre 2012 (renvoyer vers site) 27 novembre 2012 Page 2 sur 8 2. « Dans les périodes difficiles, c’est aux autorités à montrer l’exemple par des réductions de dépenses supplémentaires. Tous les départements et institutions de l’Etat livrent à cet égard un grand effort. » En clair, cela signifie que des économies doivent être faites dans les différents services en lien avec l’Etat. Le montant avancé actuellement est de 674 millions d’économies dont : La défense, la coopération au développement (100 millioins) et la diplomatie : 208 millions € La SNCB : 131 millions € La Poste : 113 millions € Les organismes de paiement de du chômage, caisses d’allocation familiales, mutualités : 10 millions € (dont 1.5 millions pour la CSC). Ces efforts de l’état seront en fait essentiellement payés par le citoyens, dont les plus précarisés. Cent millions d’euros de diminution du budget pour la coopération au développement, ça signifie dans les fait la mort de quelques milliers de personnes dans les pays les plus pauvres. Réduire les moyens de la SNCB et de la poste, ça veut dire du courrier et des trains plus en retard, des gares en moins, du matériel qui se dégrade et des conditions du travail plus mauvaises pour les cheminots et les postiers. S’en prendre aux organismes de paiement du chômage ou des indemnités de maladie, c’est réduire la qualité des services offerts aux personnes les plus en difficulté. Focus sur les efforts imposés à la SNCB : Le rail doit économiser de l’argent alors qu’il est pourvoyeur d’emploi de manière directe et indirecte. Il faut mettre ces économies en perspective par rapport à ce qui est demandé à la SNCB par le fédéral : établir un plan pluriannuel 2013-2025 se limitant au strict minimum. Cela signifie que la SNCB est contrainte d’abandonner l’entretien de certaines lignes (ce qui revient à les faire disparaitre dans quelques années) ou en reportant le nécessaire renouvellement du matériel roulant. (en niant les projections d’augmentation du nombre de voyageurs du Bureau du Plan). Le gouvernement privilégie l’austérité aux investissements majeurs en terme de mobilité pour la collectivité (rénovation et entretien de certaines lignes, accélération du projet RER …). Or une croissance durable passe aussi par une mobilité plus verte basée sur des alternatives au transport routier qui est le plus polluant Les services publics sont pourvoyeurs d’emploi et de croissance. Il est inadmissible de restreindre les services publics uniquement à ce qui est rentable. Bien entendu, il faut toujours essayer d’améliorer l’efficience et l’efficacité des services publics ; mais ils peuvent pas, par définition, être rentables dès lors que la finalité-même des services publics est qu’ils soient accessibles à tous. Par exemple, comment pourrait-on avoir un enseignement rentable alors que nous voulons que l’enseignement soit gratuit ? L’enseignement rentable n’existe que dans des écoles privées pour enfants friqués qui ne sont pas accessibles au commun des mortels. Autre exemple, le train. La seule façon de rendre la SNCB rentable, c’est qu’elle limite ses services aux territoires très peuplés et uniquement durant les heures de pointe. Est-ce que nous voulons la suppression des trains dans les campagnes et aux heures creuses ? Nous, non ! 3. Les dépenses de la sécurité sociale et des soins de santé sont aussi diminuées. Cela sans toucher à l’accessibilité et la qualité des services fournis. » La sécurité sociale doit aussi se serrer la ceinture avec plusieurs postes de réductions de dépenses : Les soins de santé doivent réduire leurs dépenses de 370 millions d’euros (en plus de la réduction de norme de croissance de 4.5% à 2%) avec entre autre o Une baisse de 1.95% des prix des médicaments remboursés (53 millions €) o Récupération de dépassements d’honoraires (82 millions €) o Economie en imagerie médicale (20 millions €) o Postposer des investissements (84 millions €) 27 novembre 2012 Page 3 sur 8 L’INAMI doit également faire des réductions de dépenses avec entre-autre : o Renforcement des programmes de réintégration des invalides dans le processus de travail (Back to Work) (25 millions €) o Mesures de contrôle, recalcul et harmonisation du régime d’allocation spéciale (25 millions €) Les économies suivantes sont entre autre prévues du côté de l’ONEM : o Adaptation des allocations de chômage temporaire (50 millions €) o Ajustement des prévisions de croissance pour les titres-services (82 millions €) Enfin quelques recettes : o Extension de la cotisation INAMI de 3.55% et de la cotisation de solidarité aux étrangers qui habitent en Belgique (8.8 millions €) o Avantages non récurrents liés au résultats (plan bonus collectifs de la CCT 90) soumis à une – cotisation ONSS personnelle de 13.07%, avec parallèlement un relèvement du plafond annuel de 2488€ à 3100€ (53.3 millions €) Il est assez difficile d’imaginer, à l’heure d’écrire ces lignes, l’impact précis de ces mesures. Néanmoins, nous pouvons déjà affirmer deux choses : Comme précédemment affirmé, la diminution des cotisations sociales définance la sécurité sociale. Et économiser de l’argent sur le financement de la sécurité sociale, c’est la tuer à terme et prendre de l’argent dans la poche des travailleurs. Lorsque la volonté du gouvernement est de réduire de 370 millions le budget alloué à la sécurité sociale, cela veut dire qu’on postpose des investissements importants et qu’on demande à un secteur en croissance, pourvoyeur d’emploi et de bien-être de se brider et de faire des économies. Le gouvernement semble perdre de vue une chose : ce n’est pas en arrêtant de financer des soins de santé au sein d’un secteur générateur de croissance qu’on améliorera la relance économique. Cette politique aura par ailleurs entre autres conséquences d’augmenter le coût des soins de santé pour les patients. Il y a un peu de positif dans ces mesures : il semblerait qu’il y ait dans le budget 40 millions € prévus de manière récurrente pour la création de 800 équivalent temps-plein (ETP) dans le secteur (545,84 ETP dans le privé et 254,16 ETP dans le public) avec une priorité des soins pour maison de repos pour 75% des ETP. Il y a également une mesure pour le pouvoir d’achat du secteur des aides-soignantes à hauteur de 5 millions et un soutien du 2eme pilier des pensions dans le secteur publique à hauteur de 1.43 millions). Il faudra être attentif à traduire cet accord budgétaire en accord social et veiller à une bonne répartition des moyens et de la création des emplois. 4. « Dans un contexte difficile, un effort est toutefois demandé aux citoyens qui ont proportionnellement plus de moyens et aux très grandes entreprises et holdings qui ont les épaules les plus larges. » C’est le volet fiscal du budget qui est ici abordé. Ou comment obtenir des nouvelles recettes par une modification de la fiscalité que cela soit pour les entreprises ou les citoyens. Plusieurs mesures fiscales font donc partie du paquet budgétaire, entre autres : Le précompte mobilier passe à 25%, sauf pour les carnets d’épargne (15% au-delà des 1830€ d’intérêts exonérés) ou les bons d’Etat (ceux émis entre le 24/11/11 et 02/12/11 restent à 15%) (361 millions €). Augmentation des accises sur le tabac (0.2€ par paquet de cigarette) et sur l’alcool (0.4€ par bouteille) (159.5 millions €). Application d’une mesure déjà décidée sur les intérêts notionnels dont le taux de déductibilité diminue à 3% (sauf pour les PME à 3.5%). (256 millions €). Augmentation de la taxe sur les primes d’assurance-vie de 1.1% à 2% (139.2 millions €) Amélioration de la lutte contre la fraude fiscale (127 millions €) Déclaration libératoire unique pour une régularisation fiscale de l’argent noir rapatrié par un prélèvement de 30% (513 millions €). 27 novembre 2012 Page 4 sur 8 Ce ne sont pas les quelques mesures telle la modification du précompte qui y change quelque chose : on ne touche pas aux tabous des entreprises et des gros investisseurs : pas d’impôt sur les grosses fortunes, pas d’impôt sur les plus-values des particuliers, pas d’augmentation des boni de liquidation, pas de démantèlement de l’usage abusif de la déduction des intérêts notionnels, pas d’impôt des sociétés minimum, pas de cotisations majorées pour les indépendants, pas de taxe sur les billets d’avion en classe business Le gouvernement a décidé de réduire le taux des intérêts notionnels. Ce n’est qu’une application de l’accord de gouvernement intervenu l’an dernier. Cette mesure est clairement insuffisante tant les intérêts notionnels sont un système couteux pour l’Etat. Ils visaient à la base à consolider les fonds propres des entreprises mais très vite, des abus de grandes entreprises sont apparus. Au final, ce système n’est qu’un produit d’ingénierie fiscale. L’exemple le plus flagrant est Arcelor Mittal qui, en 2011, a payé 936€ d’impôts pour les 35 millions de bénéfice du site liégeois. Et aucune création d’emplois ; au contraire, cette entreprise est aujourd’hui grande pourvoyeuse de chômage… Outre les mesurettes sur l’épargne et la faible réforme des intérêts notionnels, le gouvernement persiste dans une politique fiscale injuste par le biais d’une nouvelle DLU (déclaration libératoire unique). Elle permet aux grands fraudeurs (sauf blanchiment d’argent, terrorisme ou fraude grave) de rapatrier l’argent au pays moyennant un prélèvement de l’ordre de 30%, sans poursuites pénales. Cette mesure n’a rien d’ « unique » et elle a déjà été appliquée. Le signal donné au citoyen est clair : frauder n’est pas un problème, il suffira de régulariser lorsque cela vous semble profitable. La fiscalité est un levier puissant pour redistribuer les richesses ou favoriser un comportement au sein d’une économie. Des mesures fiscales beaucoup plus efficaces peuvent être mises en œuvre à divers niveau : Alléger la fiscalité du travail en la transférant vers le capital : taxer les plus-values comme c’est le cas dans la plupart des pays européens Faire contribuer les autres types de revenus que le travail de manière progressive et juste : il faut instaurer un impôt sur la fortune (progressif, hors habitation propre, pour les fortunes de plus d’un million d’euros, …). Ou encore, taxer le revenu du patrimoine mobilier ou immobilier. Et enfin, lutter contre les niches fiscales qui permettent à certains d’éluder l’impôt. Lutter contre la fraude fiscale en levant le secret bancaire et en mettant en place un cadastre des revenus. 5. « Contrairement à ce que certains disent, il n’y a pas de gel des salaires vu que tant l’indexation que les augmentations barémiques restent d’application ». Le gouvernement a décidé également de relancer l’économie par une amélioration de notre compétitivité. Cette amélioration passe par une réduction de l’handicap salarial par rapport à nos trois voisins (Pays-Bas, Allemagne, France). L’écart est estimé à 5.2% brut (hors subventions qui allègent les cotisations sociales). En prenant en compte ces allègements, on arriverait à 3.4% d’écart. Le gouvernement souhaite réduire cet écart. La première mesure consiste à jouer sur le salaire : Pas d’augmentation collective des salaires (exception pour le salaire minimum, CCT n°43 et les salaires jeunes CCT n°50). Maintien de l’indexation automatique Progression barémique des salaires maintenue Cette mesure permettrait de réduire l’écart salarial avec nos voisins de 0.9% selon le gouvernement. Cette mesure est une attaque en règle contre les travailleurs. Et ce à plusieurs niveaux : C’est une attaque contre le pouvoir d’achat : en effet, les salaires sont bloqués pour six ans dans les faits, il y a clairement un gel des salaires. L’indexation des salaires n’est pas une augmentation. C’est un mécanisme de rattrapage par rapport au coût de la vie. Quand les prix augmentent, l’index compense partiellement ces augmentations (index santé). En fait il s’agit pour beaucoup d’une perte de pouvoir d’achat. Par exemple, quand on est pas propriétaire de son logement, chaque index correspond à une diminution du pouvoir d’achat. En effet le loyer est très mal impacté dans le calcul de l’inflation. Idem pour ceux qui fument boivent du vin ou roulent en voiture : depuis l’instauration de l’index santé, ces produits ne sont plus pris en compte pour le calcul de l’inflation. C’est une stratégie qui mène à la récession : Modérer les salaires constant (ou les tirer vers le bas) détruit 27 novembre 2012 Page 5 sur 8 la consommation, augmente le chômage et détruit le tissu économique. Une telle politique entraîne une spirale vers le bas à l’échelon européen. En effet, si notre pays décide d’être plus compétitif en modérant les salaires, les autres pays d’Europe n’auront pas d’autre solution que de faire de même ; et ainsi de suite. En plus, l’expérience de ces vingt dernières années démontre que cette modération salariale ne crée pas d’emploi et bénéficie directement aux actionnaires. C’est une attaque contre le pouvoir de négociation collective : Avec la modification prévue de la loi de 96, ce sont six années de modération salariale qui sont programmées. Le gouvernement émascule ainsi la concertation sociale et empêche les organisations syndicales de jouer leur rôle historique : négocier des améliorations des conditions de travail et de rémunérations En affirmant qu’en augmentant les barémiques, les salaires ne sont pas gelés, le gouvernement balaie d’un revers de main une réalité propre aux employés : les barémiques ne sont pas des augmentations de salaires mais bien la conséquence d’un choix historique qui consiste à étaler les revenus sur l’ensemble de la carrière : on gagne peu en commençant sa carrière et on gagne plus au fur et à mesure des années d’ancienneté. Les ouvriers ont fait un autre choix, celui d’un salaire plat à fonction égale. L’ouvrier gagne plus qu’un employé en début de carrière et plutôt moins en fin de carrière. En moyenne, cela revient au même. La compétitivité est un concept de plus en plus destructeur en Belgique et en Europe. Qui plus est, c’est un débat qui a été importé par le patronat au détriment de celui de la répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital. La CNE réfute clairement ces préoccupations patronales. Il convient d’avancer pour : Réfuter la suprématie de la logique de compétitivité : Tous les secteurs ne sont pas soumis à la concurrence internationale et toutes les entreprises d’un secteur soumis à la concurrence ne sont pas en difficulté. Il faut réfléchir à des mesures ciblées en fonction des réalités des secteurs et entreprises. Par ailleurs, nous répétons que la compétitivité chère au patronat n’est pas qu’une question de coût salarial. Juguler le coût de l’énergie ou maîtriser la spéculation sur les matières premières sont des éléments bien plus déterminants pour améliorer les mauvaises performances de certaines entreprises de notre pays. De plus, au lieu de monitorer les salaires en Europe, on devrait suivre les profits pour constater que les actionnaires, malgré la crise, se portent bien. Empêcher les pays de tirer les salaires vers le bas. D’une part, le gel des salaires engendre la récession. Cette dernière facilite la délocalisation des entreprises. C’est un cercle vicieux qui tue l’économie européenne. D’autre part, l’objectif des travailleurs n’est pas de vendre un produit à tout prix mais d’améliorer le bien-être et l’emploi. Pour ce faire, il faut se tourner vers une politique économique de répartition juste de la richesse crée, accompagnée d’une politique industrielle de pointe. Préserver le pouvoir de négociation collective : la répartition de la richesse créée par l’activité économique est l’objet des négociations lors de l’accord interprofessionnel. Que cela soit en temps de crise ou de croissance économique, la richesse créée par l’apport de capital et par le travail doit être répartie par négociation. Il n’appartient pas à un gouvernement de centre-droit de décider de cette répartition. 6. « Les cotisations sociales seront diminuées sur base annuelle de 400 millions d’euros à partir d’avril 2013 ». Le gouvernement poursuit sa politique de relance économique par l’amélioration de la compétitivité. Après la précédente mesure qui agit sur les salaires, celle-ci agit sur les cotisations payées par les employeurs. Ils bénéficieront d’une ristourne de 300 millions d’euros en 2013 et 400 millions en 2014. Il semblerait que l’attribution des ristournes soit subordonné à un suivi strict de la norme salariale (donc pas d’augmentation en 2013-2014). Cela devrait permettre selon le gouvernement de diminuer le handicap salarial de 0.3%. 27 novembre 2012 Page 6 sur 8 Cette ristourne des cotisations patronales est un nouveau cadeau fait aux entreprises : Rien ne transparait dans l’accord sur des obligations en terme de création d’emploi ou de pérennité dans l’activité de ces entreprises. Ces cotisations de sécurité sociale sont souvent appelées « charges patronales », tant par certains politiques ou économistes que dans tous les médias … Le choix des mots est très important et n’est jamais innocent. Nous devons rappeler sans cesse que les cotisations de sécurité sociale appartiennent aux travailleurs. Depuis 1945 et la création de la sécurité sociale moderne, les travailleurs ont accepté d’abandonner une part de leurs salaires pour qu’elle soit versée directement dans la sécu afin de les assurer contre les aléas de la vie. La sécu appartient aux travailleurs. Des diminutions de cotisations sociales ne sont tolérables que si elles servent à créer de l’emploi réel ou si elles contribuent à sauver concrètement des emplois. Par ailleurs, même si elles se justifient par de la création d’emploi, les diminutions de cotisations sociales doivent être compensées car sinon on tue la sécu à petit feu, à force de la définancer.cf point 4 7. « Le gouvernement va veiller à ce que l’index reflète mieux et plus vite le comportement réel des ménages ». La mesure du gouvernement est de revoir le panier qui sert à définir l’indexation, par une meilleure intégration et représentativité des produits consommés. Le gouvernement entend par là réduire le handicap salarial de 0.4%. Au total, avec les deux précédentes mesures, on arriverait à un handicap de 1.6%. La dernière révision du panier de l’indice des prix qui date de 2010 a déjà donné lieu à une diminution de l’impact sur les salaires de 0,4 %. Si cela correspond à une juste évolution de nos habitudes de consommation des produits essentiels, on peut trouver ça logique . Mais dans le budget 2013, avant même d’avoir réalisé la moindre étude, le gouvernement annonce déjà que la prochaine révision aura un impact négatif de 0,4% sur les salaires. c’est clair : il s’agit d’un bidouillage de l’index en vue de diminuer les salaires ; sinon comment le gouvernement pourrait-il déjà dire que cela rapportera O,4% aux entreprises? Le mécanisme d’indexation des salaires n’a rien à avoir avec une augmentation. Nous le répéterons sans cesse. C’est un rattrapage d’une perte de pouvoir d’achat. Donc, si le gouvernement veut s’attaquer à l’inflation qui cause l’indexation, il doit prendre le mal à la racine et légiférer sur les prix de l’énergie et des produits qui pèsent sur le panier. Modifier le panier ne fera pas baisser les prix structurellement … De plus, les manœuvres gouvernementales contre l’index sont une 1ère salve. Il est fort probable que l’UE va à son tour entrer dans ces débats et envoyer une 2 e salve, en réclamant de la Belgique une modification/suppression du principe de l’indexation automatique des salaires. Cela est évidemment tout à fait inacceptable. 8. « Une autre décision importante est l’intention du gouvernement de soumettre un projet de loi de réforme ciblée de la loi sur les salaires et la compétitivité de 1996. » L’adaptation prévue par le gouvernement est censée respecter le rôle des partenaires sociaux tout en permettant que l’écart salarial ne se creuse plus, mais qu’il se réduise à l’avenir. En effet, lorsque les partenaires sociaux vont se rencontrer lors des AIP, la future loi imposera la prise en compte non seulement des prévisions de croissance de norme salariale, mais également l’évolution constatée au cours des deux années précédentes. 27 novembre 2012 Page 7 sur 8 C’est sans doute la mesure la plus insidieuse du gouvernement. C’est une véritable attaque contre : la négociation collective : l’objectif ici est de cadenasser véritablement les négociations dans le cadre de l’AIP. Avec la loi sur la compétitivité de 1996, il était déjà complexe de négocier une augmentation des salaires. En effet, sur base du rapport du CCE sur les marges maximales disponibles, il fallait négocier la marge d’augmentation des salaires. Cette marge négociée était indicative, avec une liberté dans les secteurs de négocier. De plus en plus, cette marge indicative est cadenassée en marge maximale impérative. On franchit aujourd’hui une étape supplémentaire : le gouvernement impose aux interlocuteurs sociaux de corriger la marge si les salaires sont plus hauts en Belgique que la moyenne de nos voisins. La question est donc vraiment : qu’y a-t-il donc à négocier lorsque gouvernement impose que nos salaires augmentent au maximum comme ceux de nos voisins et qu’aucune liberté ne sera accordée pour y déroger ? une résignation dans la liberté de proposer des politiques macro-économiques ambitieuses : il est clair que c’est à présent les allemands, les français et les néerlandais qui décident de la politique salariale belge (tout cela sans même évoquer la nouvelle « règle d’or » européenne. Jusque dernièrement, sur base de données économiques, chaque entreprise ou secteur évaluait ses possibilités de négocier une augmentation. C’est aujourd’hui fini. Que nous reste-t-il donc à négocier comme AIP dans ces conditions ? Dans l’absolu, le mieux serait de supprimer la loi de 96 purement et simplement et laisser le libre cours à la négociation collective. C’est la base de notre modèle de concertation sociale. Sinon, la norme définie doit rester indicative, afin qu’on puisse négocier de meilleures conditions de travail ou de rémunérations dans les secteurs ou entreprises qui font des bénéfices. Par ailleurs, l’article 14 de la loi de 96 doit jouer pleinement : Cet article, qui n’a jamais été mis en œuvre, prévoit que les revenus des actionnaires ou encore l’évolution des loyers doivent eux aussi être limités. 9. « En élaborant ce budget 2013, le gouvernement a également été attentif à l’impact de ses décisions sur le budget 2014 ». L’impact des mesures de ce budget pour 2013 (3.767 milliards donc) aurait un effet également en 2014 à hauteur de 2.554 milliards d’euros. Ceux qui pensaient que ce budget constituerait la fin de l’austérité se trompe : Pour satisfaire aux exigences de l’Europe, le bureau du plan prévoit déjà qu’un nouvel effort pour un montant de 4,591 milliards sera nécessaire pour boucler le budget 2014. Et aujourd’hui déjà, la banque nationale revoit les perspectives économiques à la baisse et dit déjà qu’il faudra sans doute ajouter 800 millions d’euros à ce qui est prévu… Et c’est sans compter sur le fait que le monde bancaire risque fort de venir toquer de nouveau aux portes de l’état pour demander quelques milliards d’aide supplémentaires. C’est est assez de leur austérité ! L’austérité est le problème, pas la solution ! 27 novembre 2012 Page 8 sur 8