L’intervention économique de l’Etat : rappels
Nous avons vu que les Etats ont un rôle économique à jouer (Musgrave). Le contenu du rôle est
débattu mais néanmoins, toutes les théories économiques modernes concèdent à l’Etat des fonctions
économiques.
En schématisant, il existe un premier courant de pensée qui fait du marché l’institution centrale de la
coordination des comportements individuels. L’intervention de l’Etat a pour fonction de permettre au
marché de réaliser l’allocation optimale des ressources. Pour cela, il faut établir des règles de
fonctionnement du marché : définir les droits de propriétés + définir les conditions de la concurrence
(politique de la concurrence).
Mais on sait aussi, qu’il existe des défaillances de marché. Celles-ci ne se limitent pas à l’existence de
monopole naturel et aux externalités déjà mis à jour par des économistes néoclassiques du début du
20ième siècle, comme Pigou ou Marshall, mais aussi aux imperfections de l’information (où l’on
retrouve des néoclassiques mais aussi des néokeynésiens qui étudient cette question) et que ces
défaillances rendent l’allocation par le marché sous-optimale. Je vous renvoie ici aux travaux de
Stiglitz, Tirole, Aghion ou Aglietta par exemple.
En résumé, dans le domaine de l’allocation des ressources, l’Etat intervient pour assurer le bon
fonctionnement de la concurrence mais aussi pour réglementer les marchés afin d’éviter des
défaillances trop nombreuses.
En conséquence : en améliorant, l’allocation des ressources, l’Etat permet d’augmenter l’offre, c’est-à-
dire d’augmenter le potentiel de croissance des économies.
Concernant la fonction « stabilisatrice » de l’Etat, celle-ci consiste à intervenir de manière
conjoncturelle sur le niveau de l’activité afin de le ramener vers la croissance potentielle. On fait donc
le constat qu’il existe un écart entre la croissance potentielle et la croissance réelle (soit l’économie se
situe au dessous de ses capacités et il y a du gaspillage, par exemple du chômage, soit l’économie se
situe au dessus de ses capacités et il y a surchauffe, s’accompagnant d’inflation). L’action publique
porte cette fois-ci sur le contrôle de la demande globale, qui peut à court terme s’écarter de l’offre
globale. Mais l’intérêt de cette fonction stabilisatrice est fortement débattu : pas simplement parce que
certains (les économistes de la NEC) contestent l’idée même d’écart de production (output gap), mais
aussi parce que les politiques de stabilisation ne sont pas efficaces (les fuites dans le multiplicateur) et
conduisent à un endettement excessif (public choice).
Enfin, dans le domaine de la redistribution des revenus, nous avons vu qu’il existait une graduation
des recommandations. Pour les libertariens, la redistribution est à proscrire (car elle conduit à ne pas
respecter les droits fondamentaux) ; pour les utilitaristes néoclassiques, la redistribution consiste à
trouver la situation optimale au-delà de laquelle la fiscalité et les aides sociales produisent des effets
pervers nuisibles à la performance économique ; pour les utilitaristes keynésiens, la réduction des
inégalités permet d’augmenter le produit global et améliore donc le bien-être général ; pour les
libéraux égalitaristes la redistribution permet d’augmenter l’égalité équitable des chances. Les travaux
récents de l’OCDE montrent d’ailleurs que lorsque les inégalités progressent l’égalité des chances
régresse et que cela se traduit par moins de croissance économique. Redistribuer est donc juste au sens
de Rawls et des utilitaristes keynésiens.
Historiquement, on constate que la période qui s’étend de la fin du 19ième siècle au lendemain de la
seconde guerre mondiale voit émerger progressivement (il y a une diversité suivant les pays) un Etat-
social (protection sociale, services publics, droit du travail) qui assure la fonction de redistribution (au
nom de certains critères de justice sociale). L’Etat « stabilisateur/régulateur » de la conjoncture, quant
à lui, se met plutôt en place après 1945 sous l’influence des idées keynésiennes. Les Trente-glorieuses
sont donc des années où se développent les trois fonctions économiques de l’Etat.
On sait aussi que les années 1980 marquent un virage des politiques économiques de l’Etat. Popularisé
sous le nom de consensus de Washington, qui conduit à :
- un contrôle moins direct et protectionniste de l’Etat sur le fonctionnement des marchés
(déréglementation sur les marchés des biens & services ; marchés financiers ; marché du travail) ;
- critiquer la fonction stabilisatrice de l’intervention publique (critique des politiques
discrétionnaires) ;
- contester la protection sociale organisée par l’Etat (recul de la démarchandisation).