FAIT CLINIQ UE Naissance de l'artère coronaire gauche à partir du tronc de l'artère pulmonaire ; découverte fortuite chez un homme de 52 ans A. de Meester*, E. Mievïs**, P. Chenu*** et B. Marchandise*** L'origine anormale de l'artère coronaire gauche à partir du tronc de l'artère pulmonaire est une anomalie congénitale rare mais de pronostic vital très sévère à la naissance. Ischémie myocardique, infarctus et mort subite sont fréquents. Les cas diagnostiqués à l'âge adulte sont exceptionnels. Nous décrivons le cas d'un patient de 52 ans asymp-tomatique qui présente cette anomalie congénitale. Celle-ci fut découverte fortuitement lors d'un électrocardiogramme de routine qui a mis en évidence une séquelle d'infarctus myocardique antérieur. Il semble représenter un des plus rares cas diagnostiqués très tardivement et fortuitement. Compte tenu de la bonne tolérance de la maladie et de l'absence d'ischémie résiduelle à l'effort, le traitement médical a été choisi chez notre patient. Àrch Mal Cœur 1994; 87 : 515-7. MOTS CLÉS : infarctus du myocarde, syndrome de Bland, White et Gariand, cardiopathie congénitale, anomalie congénitale de l'origine de l'artère coronaire gauche. Ce cas présent semble être celui dont la découverte fortuite est la plus tardive chez un patient adulte asymptomatique. électriquement négative. L'échocar-diographie met en évidence une dilatation du ventricule gauche (diamètre télédiastolique à 61 mm), une hypokinésie sévère de la paroi antérieure et apicale et une fonction ventriculaire gauche altérée (fraction de raccourcissement à 19 %). La scintigraphie myocardique de repos confirme la présence d'une nécrose antérieure. La coronarographie montre l'absence de sténoses significatives sur les trois artères coronaires ; l'artère coronaire droite dilatée (diamètre > 10 mm) revascularise l'artère coronaire gauche jusqu'au tronc de l'artère pulmonaire qui est opacifié également (cf. figure). La pression télédiastolique ventriculaire gauche est calculée à 24 mmHg. La ventriculogra-phie gauche met en évidence une hypokinésie modérée de la paroi antérieure et une fraction d'éjection diminuée à 42 %. En raison de la séquelle de nécrose myocardique sans ischémie résiduelle à l'épreuve d'effort et la bonne tolérance actuelle de cette anomalie congénitale, un traitement médical est proposé. OBSERVATION Actuellement, 4 ans après ce diagnostic tardif, le patient reste asymptomatique et garde des activités normales. L'origine anormale de l'artère coronaire gauche à partir du tronc de l'artère pulmonaire est une anomalie congénitale peu fréquente; elle est généralement associée à un taux de mortalité élevé dans la petite enfance. En l'absence de correction chirurgicale, la survie jusqu'à l'âge adulte est exceptionnelle [1, 2]. Chez l'adulte, elle est une des causes rares de cardiopathie ischémique et est souvent responsable de nombreux symptômes (angor, dyspnée ou palpitations) [1-4]. Nous rapportons le cas d'un patient de 52 ans asymptomatique et hospitalisé pour évaluation d'une séquelle d'infarctus antérieur découverte lors d'un électrocardiogramme de routine. La coronarographie objective l'absence de sténose coronaire, mais par contre, une origine anormale de l'artère coronaire gauche à partir du tronc de l'artère pulmonaire. Monsieur G., âgé de 52 ans, nous est adressé pour coronarographie suite à la découverte d'une séquelle d'infarctus lors d'un examen de routine chez son car(*) Service de cardiologie, hôpital de Jolimont, 7100 Haine-St Paul. (**) Clinique St-Camille, 5000 Namur. (***} Cliniques UCL de Mont-Godinne, 5530 Yvoir, Belgique. (Tirés à part : Dr A. de Meester). Article reçu en septembre 1993 et accepté en décembre 1993. diologue. Ses antécédents sont sans particularité. Il n'a jamais présenté de douleurs précordiales. L'examen clinique est banal; il ne présente ni souffle cardiaque ni signe de défaillance ventriculaire gauche. La radiographie du thorax montre une cardiomégalie sans signe de surcharge vasculaire. L'électrocardiogramme de repos enregistre un rythme sinusal et une séquelle de nécrose myocardique antérieure. Une épreuve d'effort maximale sur elyeloergomètre est cliniquement et 516 A. DE MEESTER ET COLLABORATEURS DISCUSSION La première observation dans la littérature de l'origine anormale de l'artère coronaire gauche à partir du tronc de l'artère pulmonaire remonte à 1908. C'est Abbott qui mit en évidence à l'autopsie cette anomalie chez une patiente de 60 ans décédée de manière subite. Déjà en 1885, Brooks avait décrit deux cas semblables mais concernant cette fois l'artère coronaire droite. En 1933, Bland, White et Garland décrivent le syndrome clinique associé à cette anomalie congénitale grâce à une observation clinique et à l'autopsie d'un enfant décédé d'un infarctus du myocarde. C'est une anomalie congénitale rare, représentant 1 cas sur 300 000 naissances [1-3]. Elle correspond à 0,46 % des anomalies congénitales. La mortalité est de 85 % à 90 % dans l'enfance [2]. De rares cas de survie à l'âge adulte sans correction chirurgicale ont été publiés dans la littérature [1, 4-6]. Dans une étude rétrospective de 140 cas, 116 étaient des enfants, 13 adolescents et seulement 11 adultes. Sur ces 11 adultes, 9 sont décédés subitement [2]. Dans une autre revue clinique, sur près de 200 cas rapportés depuis 1977, 44 patients atteignirent l'adolescence ou l'âge adulte; mais dans 41 % des cas, le diagnostic fut posé à l'autopsie [4], L'âge moyen atteint par les adultes était de 35 ans. Des cas exceptionnels isolés sont également rapportés : l'observation d'un patient de 56 ans hospitalisé pour un infarctus aigu du myocarde [5] et d'un autre patient de 39 ans asymptomatique chez qui cette anomalie congénitale fut découverte fortuitement lors d'un bilan préopératoire d'un polytraumatisme [6]. Dans ces deux derniers cas, une intervention chirurgicale corrective a été proposée et réalisée sans complications. Hémodynamiqueinent, trois phases successives sont à considérer; la première pendant la vie fœtale et à la naissance : la pression dans la circulation sanguine pulmonaire est élevée et le flux sanguin va du tronc de l'artère pulmonaire vers l'artère coronaire gauche. Le nourrisson est asymptomatique pendant quelques semaines. La deuxième phase est critique quand la pression pulmonaire devient normale. La survie de l'enfant dépend des collatérales coronaires droites-coronaires gauches qui se forment plus ou moins spontanément. Pendant cette phase, les complications sont fréquentes : ischémie, infarctus et troubles du rythme. Quand les collatérales se développent de manière satisfaisante, la troisième phase survient et le patient peut survivre assez longtemps, parfois jusqu'à l'âge adulte. Classiquement, deux grands groupes de patients seulement sont décrits : - la forme infantile où le flux sanguin se fait du tronc de l'artère pulmonaire vers la coronaire gauche et la collatéralisation gauche-droite est peu présente. Ces patients sont symptomatiques et leur pronostic vital est sévère. Les décompensations cardiaques après infarctus et les arythmies ventriculairesmalignes sont les deux causes principales de décès [1,4,7-8] ; FIG. - Injection sélective de l'artère coronaire droite en incidence transversale, montrant successivement l'artère coronaire droite (CD) dilatée (A), l'apparition de l'artère interventriculaire antérieure (1VA) et de l'artère circonflexe (CFX) par les collatérales conlrolatérales (B) et tardivement, de façon rétrograde, le tronc de l'artère pulmonaire (AP) dont naît l'artère coronaire gauche (C). ARTÈRE CORONAIRE GAUCHE NAISSANT DU TRONC DE L'ARTÈRE PULMONAIRE - dans la forme adulte, par contre, un shunt coronaire droitecoronaire gauche est réalisé plus ou moins spontanément avec d'autres connexions entre les deux réseaux. Parfois certaines zones myocardiques sont moins perfusées ; elles deviennent ischémiques. Les risques sont alors la dilatation ventriculaire progressive, l'infarctus, la fibrose myocardique. Quand la fibrose atteint les muscles papillaires et la valve mitrale, il peut se développer une insuffisance mitrale. Les signes cliniques à l'âge adulte sont souvent peu spécifiques : syncope, dyspnée, palpitation ou plus rarement angor (30 %) [1,4]. Le diagnostic de cette anomalie congénitale pourrait être évoqué chez un jeune patient qui présente un angor d'effort ou des signes cliniques de décompensation cardiaque gauche, une nécrose myocardique de localisation latérale ou antérieure à Pélectrocardiogramme ou une hypokinésie diffuse du ventricule gauche avec insuffisance mitrale à I'échocardiogramme. La coronarographie et l'aortogra-phie restent les examens qui confirment le diagnostic. Dans certains cas rapportés, l'échographie cardiaque bidimensionnelle a montré l'origine de l'artère coronaire gauche à partir du tronc de l'artère pulmonaire et a permis le diagnostic de cette anomalie congénitale [9]. Compte tenu du pronostic très sévère dès les premières années de la vie, une intervention chirurgicale corrective a souvent été proposée [1, 4, 8, 10, 11]. Une des premières techniques fut la ligature de l'origine anormale de la coronaire gauche. Elle permettait un développement des collatérales coronaires grâce à une pression de perfusion plus importante. Elle n'était cependant possible que chez des patients qui avaient déjà des collatérales droites-gauches. Dans la forme infantile, la plus sévère, les échecs furent nombreux. Une ligature associée à un pontage aorto-coronaire gauche par greffon saphène fut alors proposée et semblait une meilleure approche du problème en créant à nouveau un double système artériel coronaire [10]. Les résultats de cette intervention furent encourageants, malgré le risque élevé d'occlusion des ponts saphènes. La plus récente technique chirurgicale proposée est une réimplantation aortique de l'artère coronaire gauche; celleci est plus difficile à réaliser techniquement mais permet d'améliorer nettement le pronostic dans la forme infantile [8, 11]. Dans les formes adultes, l'indication opératoire semble également formelle pour la plupart des auteurs [1, 2, 4-7, 10]. Nous avons choisi chez notre patient l'abstention chirurgicale compte tenu de la bonne tolérance de la cardiopathie et le risque opératoire non négligeable. 5J7 Summary Anomalous Origin of the Left Coronay Artery from the Pulmonary Artery Diagnosed in a 52 Year Old Mail. A. de Meester, E. Mievis, P. Chenu and B. Marchandise. Anomalous origin of the left coronary artery from the pulmo-nary artery is a rare congénital abnormality but with a very poor prognosis at birth. Myocardial ischaemia, infarction and sudden death are common. Cases diagnosed in adulthood are exceptionally rare. The authors describc the case of an asymptomatic 52 year old man with this congénital abnormality diagnosed after routine elec-trocardiography had shown sequeltae of anterior myocardial infarction. This case would seem to be one of the rarest cases diagnosed fortuitously at this âge. In view of the good clinical tolérance of the disease and the absence of residual ischaemia on effort, the patient was treated medically. Arch Mal Cœur 1994 ; 87 : 515-7. Références 1. Roberts WC. Major anomalies of coronary arterial origin seen in adulthood. AmHeartJ 1986; 111 : 941-63. 2. Wcsselhoeft H, Fawcett JS, Johnson AL. Anomalous origin of the left coronary artery from the puhnonary trunk : Its clinical spectrum, pathology and pathophysiology based on a review of 140 cases with seven further cases. Circulation 1968; 38: 403-7. 3. Lurie PR. Anomalies of the coronary arteries. In : Ander-son RH, Shinebounie EA, Macartney FJ, Tynan M. Paediatric cardiology. 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