Frères d’armes Tome II 1ère Partie Terménès -2- Chapitre 1 A cette heure de la fin d’après-midi, le soleil était rouge, rouge sang, tout comme la terre sèche et craquelée qui meurtrissait les pieds des bagnards. Nappées de sueurs, leurs épaules se creusaient sous la charge des sacs. Même si la tâche y était éreintante, l’arrivée dans la mine, au petit matin, était un soulagement. Tandis que porter les sacs de beaurithe à découvert, le soir, jusqu’au convoyeur parqué à cinquante mètres de l’immense entrée de la mine, était un calvaire. A l’ouest, bien que parfaitement immobiles, les bouleaux de la forêt d’Amnos ondoyaient au fil des ondes qui rayonnaient depuis un sol saturé par quatorze heures de soleil ininterrompues. Dans ce même flux, à six kilomètres au nord, les miradors du camp dansaient tels des serpents se préparant à mordre. L’énorme masse de métal du convoyeur aussi, semblait prête à se dissoudre dans l’air ambiant. — Prisonnier, relevez-vous ! La voix désincarnée du veilleur planant résonna au milieu du souffle des bagnards. La file indienne, rectiligne jusqu’alors, se bossela tandis que les hommes évitaient le prisonnier qui venait de s’effondrer sur le sol. Personne, parmi les bagnards, ne lui adressa le moindre coup d’oeil. Le veilleur descendit d’un mètre. — Prisonnier, relevez-vous ! Répéta l’engin, aussi stupide qu’implacable. Un gardien, bien humain, juché sur sa plateforme à trois mètres au dessus du sol et protégé par une ombrelle stat, s’avança jusqu’à la forme étendue sur le sol. — Tu as entendu. Relève-toi, sale chien ? Le prisonnier redressa vers le geôlier deux yeux vitreux où se mêlaient, à parts égales, souffrance et terreur. Sa main tâtonna sur le tissu du sac pour prendre un appui, l’autre s’enfonça dans les fissures du sol. Il parvint à se mettre sur les genoux, resta à quatre pattes, tête basse, le cou rougi comme de la braise qu’un coup de vent aurait suffit à ranimer. — Debout ! Hurla encore le geôlier. Si tu ne te relèves pas… Continua-t-il, laissant la fin de sa phrase en suspens. Le prisonnier banda ses muscles, en vain. Lentement, il secoua la tête. Le garde envoya un signal sur sa console. En réponse, une diode verte clignota trois fois de suite sur son panneau de commande. Le gardien regarda une dernière fois le bagnard. Pour lui donner une chance ? Pour s’excuser par avance ? Pour lui montrer qu’il ne prenait à tout cela aucun plaisir ? Son pouce appuya sur le mamelon noir fiché en bas à droite de son panneau, celui que tous les bagnards apprenaient à détester. Greffé dans la nuque du prisonnier, à la racine de la moelle épinière, l’imp envoya sa décharge. Défiant toutes les lois de la physique, le corps du bagnard s’arqua en arrière, ses muscles tétanisés. Aucun son ne sortit de sa bouche béante. Dans le regard qu’il adressa au garde, cette fois, la souffrance l’emportait. De très loin. Craignant, même si c’était impossible, de recevoir une décharge par erreur, la file des prisonniers s’écarta encore d’avantage du supplicié. Le gardien releva son pouce. Le bagnard -3- s’affala à plat ventre, le corps flasque, comme vidé de toute substance. La diode verte clignota de nouveau. Le garde appuya sur la commande une seconde fois. Le corps du bagnard s’agita d’un soubresaut, puis se délita pour de bon. L’incrustation sur l’écran du geôlier lui confirma le décès du bagnard. Le cœur avait lâché. Le gardien se retourna vers la file ininterrompue des hommes qui courrait depuis les chariots jusqu’au convoyeur. Il chercha d’abord vers la gueule monstrueuse de la mine, puis plissa les yeux comme il se tournait vers le convoyeur dont la coque lui renvoyait l’éclat du soleil. — Les deux, cria-t-il à l’adresse d’une paire d’hommes qui arrivait à proximité du convoyeur. Déchargez vos sacs et venez me ramassez ce tas d’excréments. Parfait, qui arrivait à hauteur du rebord de la barge, se délesta de son sac d’un coup d’épaule précis. Les deux bagnards chargés de l’arrangement du convoyeur ramassèrent le sac et le hissèrent au dessus des autres. A la suite de Parfait, Orio déchargea à son tour. Côte à côte, sans hâte, les deux alcidiens se dirigèrent vers le cadavre du prisonnier. Orio lui saisit les pieds tandis que Parfait glissait ses mains sous les aisselles. Ensemble, ils le soulevèrent. Il n’était pas lourd. Moins lourd qu’un sac de beaurithe. C’était toujours ça de gagné. Parfait, qui avançait à reculons, était obligé de tourner la tête pour voir où il mettait les pieds. Estéban jeta un bref coup d’œil au visage du mort. Sans ressentir la moindre émotion. De toute façon, ce bagnard était mort depuis longtemps. Depuis son arrivée, en fait, deux mois plus tôt. Dès le début, il s’était mis à parler, trop, pour conjurer son angoisse. Il allait d’un prisonnier à l’autre, posait des questions, s’inquiétait de ne recevoir que des embryons de réponse, quand il ne récoltait pas des rebuffades. Il n’était pas non plus aguerri aux travaux de force. Au bout de deux jours, l’Ancien était venu le voir, il lui avait demandé de ne plus se poser de question, ni d’en poser aux autres, mais d’observer. L’homme s’était tu, sans pour autant parvenir à masquer son angoisse. Une maladresse lui avait valu sa première décharge d’imp. Il avait renversé son plateau sur les pieds d’un maton. La douleur d’une première décharge vous prenait toujours par surprise. Vous ne maîtrisiez plus votre corps. Il était comme écartelé, transpercé de millier d’aiguilles brûlantes. Plus de voix, plus de souffle. Vous étiez persuadé que votre heure était venue. Et puis non, la décharge passée, le sang se remettait à circuler dans vos veines, l’air à pénétrer dans vos poumons. Cette première décharge n’avait fait qu’augmenter l’angoisse du nouveau bagnard. Les hommes s’étaient mis à l’éviter comme s’il avait été porteur d’une maladie contagieuse. Il s’était aussi mis à faire des cauchemars, à parler dans son sommeil. Si sa couchette n’avait pas été à côté de celle de Parfait, les autres bagnards l’auraient tué de leurs propres mains. D’ailleurs, au bout de quelques jours, l’Ancien était venu voir les Alcidiens. « S’il ne s’arrête pas, vous allez devoir vous en occuper vous même ! Les avait-il avertis ». « Il est presque mort, lui avait répondu Parfait. Il n’en a plus que pour quelques jours. » « D’accord, je te fais confiance. Mais n’oublie pas ce que je vous ai dis à votre arrivée. Le sommeil nous est vital. Les cauchemars de cet homme nous mettent tous en danger ! » « Economie ! » : voilà ce que leur avait appris l’Ancien quelques semaines après leur arrivée dans le camp. Il y avait dix mois. Au début de la saison des pluies. -4- Après les huit mois qu’avait durée leur traversée dans l’espace, de se retrouver sur la terre ferme, même une terre hostile, leur était d’abord apparu comme une libération. Les rares sorties au sol qu’ils avaient pu effectuer durant leur périple, pour telle ou telle corvée, ne faisaient que briser la monotonie du voyage. Grâce à leur sérieux, ils avaient pu gagner le droit de travailler dans le vaisseau de transport. Encore heureux. Le pire de tout était l’inaction. Sur Terménès, tout commençait dans la « cabine ». Celle dans laquelle on vous enfermait nu dès que vous passiez les portes du camp. Une boite de deux mètres sur trois, basse de plafond. On vous disait d’attendre. On vous ordonnait de vous asseoir par terre. Sans vous préciser que c’était pour éviter que vous vous blessiez en tombant. Et vous vous réveilliez six heures plus tard, avec mal au crâne et un implant greffé à l’arrière de votre nuque. Un gardien attendait que vous ayez retrouvé vos esprits, puis il se campait devant vous, effleurait sa commande. Impossible de réfréner un cri. Vos membres se raidissaient devant vous, vous sentiez vos cheveux se dresser sur la tête. Vous saisissiez alors votre nuque à pleine main, comme pour chercher à atteindre la source de la douleur. Mais, comment chasser ce qui venait de l’intérieur ? « C’est l’intensité la plus faible ! Vous annonçait enfin le garde avec un sourire satisfait. La plus forte, c’est la mort. Chaque acte de rébellion, de désobéissance, est sanctionné de trois secondes à l’intensité intermédiaire.» « Personne ne s’est jamais évadé de Terménès, leur avait annoncé un peu plus tard le contremaître du camp. Tenter de s’évader, c’est mourir, avait-il continué. Faites votre travail, tenez vous à carreaux, et nous vous laisserons tranquille.» Mais, comment deux alcidiens imprégnés du sens de la justice, de celui de la loyauté, pour qui faire preuve de courage était aussi naturel que n’importe quelle autre fonction vitale, auraient-ils pu rester indifférents aux traitements que subissaient les bagnards dans le camp ? Et comment ne pas répondre aux gardes, quand leurs ordres allaient jusqu’à l’absurdité ? Des décharges intermédiaires, Parfait et Estéban en avaient eu leur compte. Au bout d’une semaine, Intervenir, Résister, étaient devenus leur marque de fabrique. Quand bien même à chaque fois ils devaient se tordre de douleur. Ils se galvanisaient l’un l’autre. Et quand l’un subissait une décharge, il n’était pas rare que l’autre en subisse une à son tour dans les minutes qui suivaient. C’est à cette époque, qu’on s’était mis à les surnommer « les deux !». S’en prendre à l’un, c’était s’en prendre à l’autre. Peu à peu, ils étaient devenus le centre de l’attention du camp. Leur résistance dépassait l’entendement. Les bagnards les plus faibles se mettaient sous leur protection. La haine des deux chevaliers, leur sentiment de révolte se nourrissaient de chaque décharge supplémentaire. Bien sûr, à cette cadence, ils marchaient à la mort. Ce n’était qu’une question de temps. Alors, l’Ancien était intervenu. C’était un homme de soixante-cinq ans, au crâne dégarni. Seules, quelques touffes de cheveux blancs poussaient derrière ses oreilles. Au milieu des profondes rides qui creusaient son visage, son regard gris acier étincelait d’une lucidité extraordinaire. Sous sa peau, saillait une couche de muscles rôdés, endurcis par trente-cinq années de travaux forcés. Enfin sa peau, noircie par le travail en plein air et par l’air vicié de la mine, se fendillait de petites veinules roses. -5- Il était venu les voir un soir, comme Estéban s’échauffait devant le contenu de son assiette qu’un gardien, exprès, avait renversé sur le sol avant de lui faire servir de nouveau. Il avait posé sa main sur l’épaule de Parfait. Le chevalier s’était retourné, prêt à bondir. Il s’était arrêté en croisant le regard de l’Ancien. « On sait maintenant qui vous êtes ! Avait déclaré ce dernier, sans quitter le chevalier des yeux. Vous n’avez plus rien à prouver… À partir de maintenant, ce sera l’Economie ! » « L’économie ? » avait répété Parfait. « C’est ça ! » « Qu’est-ce que tu racontes, ça ne veut rien dire ! » était intervenu Orio, impatient. D’autorité, l’Ancien avait alors attrapé la cuiller d’Estéban, l’avait plongé dans son assiette puis l’avait amené jusqu’à sa bouche. Devant les deux hommes, il avait mâché le brouet avec application, celui-là même que le garde avait répandu sur le sol quelques minutes plus tôt. « Que… ! » Avait voulu réagir Estéban. Mais cette fois, c’est Parfait qui l’avait arrêté en lui posant la main sur l’épaule. « D’accord ! » avait-il déclaré à l’Ancien. « L’Economie ! » avait-il répété encore, comprenant que par ce simple mot, le bagnard venait de leur sauver la vie. Et c’était devenu leur religion. Economie de tout, d’effort, de parole, de pensée. Pour cela, il leur avait fallu observer l’Ancien, il leur avait fallu s’appliquer à répéter ses mêmes gestes avec exactitude. Dans la mine, dans les coupes de bois, dans les travaux de débroussaillage, jusqu’à sa façon de porter les sacs de beaurithe , de les décharger. Apprendre aussi à doser la quantité de travail à fournir, juste assez pour ne pas donner aux gardes de raison d’intervenir, mais sans jamais dépasser la limite qui vous aurait mis en danger le lendemain. Economie morale, aussi. Ne plus s’offusquer, ne plus se révolter, ne rien voir, ne plus rien ressentir. Se bâtir une carapace, se transformer en brute. Et attendre le soir, juste avant de s’endormir, pour, en secret, ouvrir la petite niche humaine qui subsistait en vous. L’entretenir. Par quelques rêves, quelques souvenirs. « Je n’ai pas perdu espoir de sortir d’ici ! » Leur avait avoué un jour l’Ancien, alors qu’ils étaient seuls, tous les trois, les pieds embourbés dans les marais en train de tirer un rondin depuis la coupe vers la zone de sciage. « C’est aussi ça, le secret ! Les gardiens ne peuvent rien faire contre ça…» « Nous aussi, nous sortirons d’ici un jour ! » Avaient déclaré Parfait et Estéban de concert. « Très bien. Mais ne vous en vanter jamais devant les gardes. Ce serait signer votre arrêt de mort ! » Ainsi, telle une minuscule flamme, vacillante mais têtue, l’espoir était toujours bien là tandis que les deux hommes transportaient le cadavre du bagnard vers la barge qui les ramènerait au camp une fois les chariots vides. « Gomil viendra nous chercher ! » décrétait Estéban de temps à autre. Parfait acquiesçait sans répondre. Ce n’est pas qu’il n’y croyait pas, c’est surtout qu’il ne voyait pas comment l’écuyer d’Orio aurait pu intervenir à lui tout seul. Parfait croyait plutôt à une solution politique, un -6- revirement, ou même à une victoire de l’Alcidie sur l’Empire Thêet, même si cela paraissait inconcevable. Il savait aussi qu’Alaine ne les oublierait pas. Car s’évader de Terménès pas leurs propres moyens, sans aide extérieure, leur paraissait impossible. Ce n’était pas faute d’avoir cherché, et de chercher encore. Pour cela, les deux chevaliers étaient toujours aux aguets et continuaient d’emmagasiner une foultitude d’informations. « Vous cherchez un moyen de sortir de là, hein ? C’était amusé un jour l’Ancien comme il les voyait observer attentivement la vie qui se déroulait dans le camp, la ronde des gardes, des veilleurs planants. » « Tu en as un ? » « Si c’était le cas, je ne serais plus ici… Et puis, le problème n’est pas de s’évader du camp. C’est surtout de trouver un moyen ensuite pour quitter cette maudite planète ! » « Parce que tu connais quelqu’un qui a déjà réussi à s’évader du camp ? » « Il existe une légende, leur avait expliqué l’Ancien. Un prisonnier, qui aurait réussi à survivre plusieurs mois quelques part dans la jungle » « Malgré l’implant ? » Autour du camp, il existait une barrière invisible. La franchir déclenchait automatiquement une décharge mortelle. « Il se serait entouré le cou d’une couche de boue, d’écorces et de feuilles de bananier. Afin de brouiller les ondes. » « Et ? » « Rien, un jour, il a enlevé sa protection. Il devait se croire en sécurité. C’est tombé au mauvais moment. Le contremaître venait de lancer un balayage sur la fréquence de son imp. Ils ont retrouvé son cadavre près d’une rivière, deux semaines plus tard… De toute façon, ce n’était qu’une question de temps. A quoi ça l’avançait. Comme je vous l’ai dit, la seule évasion c’est de quitter Terménès… Et ça, c’est une autre histoire ! » * Arrivé au pied de la barge, Estéban sauta dans la soute et se pencha en avant pour récupérer les bras du cadavre que Parfait lui tendait. Le chevalier hissa sans effort le corps inerte sur le plancher. Parfait grimpa à son tour, aida Estéban à transporter le cadavre jusqu’à un recoin, contre la coque. Les deux hommes redescendirent aussitôt. Il ne fallait pas donner aux gardes de raison de les rappeler à l’ordre. Côte à côte, ils se dirigèrent vers la mine. Le soleil commençait à faiblir. Dans cette lumière crépusculaire, l’entrée de la mine, creusée à même le roc, faisait penser à l’arche d’un temple des temps anciens. Chaque fois qu’il voyait cette entrée, Estéban repensait à son père, qui avait travaillé toute se vie dans des mines, d’abord comme ouvrier, puis comme contremaître. Il était mort sur les remparts d’Albas, victime d’un char Zorgos. Le chevalier éprouvait un sentiment étrange, comme si sa présence ici suivait une logique prédéfinie. Ne -7- s’était-il pas, plus jeune, moqué de ce travail d’ouvrier qu’il jugeait alors indigne d’un homme. Si bien qu’aujourd’hui, il allait jusqu’à ressentir une sorte de plaisir, quand il attaquait le roc à l’aide de son marteau percuteur. Il n’y avait pas d’ascenseur dans la mine mais des rampes qui suivaient les veines de beaurithe en s’enfonçant dans la montagne. La nuit, des aérateurs tournaient au maximum. — Il ne lui restait que vingt minutes à tenir, commenta Estéban en découvrant la quantité de sacs qu’il restait à transporter. — Et après, il serait mort demain. — Ou alors, il aurait fallu le tuer nous même. — Tu aurais pu ? Demanda Parfait, tournant son visage vers celui de son compagnon. — Oui, répondit Orio au bout de quelques secondes. — Moi aussi, renchérit Parfait tout présentant son épaule au prisonnier qui se trouvait dans l’avant dernier chariot… Voilà donc où nous en sommes venus, rajouta-t-il encore en s’éloignant à la suite des autres vers le convoyeur. — Oui, conclut Estéban, mâchoires serrées, présentant son épaule au bagnard. Huit ans, telle était la durée de vie moyenne d’un prisonnier sur Terménès. Mais ce chiffre, que le contremaitre, pour son plaisir, jetait à la face des nouveaux arrivants, était faussé par les prisonniers les plus faibles, ceux qui décédaient au bout de quelques mois. C’est eux, qui faisaient chuter la moyenne. Eux, ainsi que les quelques tentatives d’évasion, qui n’étaient rien d’autre que des suicides déguisés. Les deux chevaliers avaient été les témoins d’un de ces suicides, alors qu’ils travaillaient à la limite de la zone autorisée. Un bagnard de leur équipe s’était redressé de sa tâche, alors qu’il jetait des broussailles sur un tas en train de se consumer. Il avait planté sa fourche dans le sol et s’était dirigé droit vers la barrière. Pourquoi l’idée d’en finir lui avait traversé la tête à cet instant ? Personne n’avait pu trouver de réponse. Un veilleur planant l’avait rappelé à l’ordre. L’homme avait continué du même pas. Un gardien était arrivé à son tour, lui avait ordonné de stopper sa progression. Le bagnard avait continué. Le geôlier avait envoyé une requête sur sa console de commande. Mais, aucun signal n’était venu en retour. Une ou deux décharges intermédiaires auraient pourtant suffit à le mettre ko. Le garde avait haussé les épaules et s’était contenter de suivre le bagnard à distance. Ce dernier était arrivé à la barrière, l’avait traversé de part en part. Il n’avait pas fait un pas de plus. L’effet de la décharge était foudroyant. C’était la première et la seule décharge d’intensité mortelle à laquelle les chevaliers avaient assisté. Le corps du bagnard, bras collés au corps, s’était soudain raidi comme un piquet. Il était resté deux secondes comme suspendu au dessus du sol par une corde invisible, tandis que sa nuque s’embrasait, se gonflait démesurément. Puis il avait basculé en avant, tête la première. Les chevaliers n’étaient pas prêts d’oublier l’expression qui était restée gravée sur le visage du cadavre au moment de sa mort, les yeux exorbités, injectés de sang, les lèvres bleues retroussées sur les gencives, la peau noire comme du charbon. En se serrant, ses mâchoires avaient même sectionné un morceau de sa langue. -8- Encore une fois, le geôlier les avait désigné pour aller ramasser le cadavre de l’autre côté de la barrière. « Tu veux dire que tu nous envoies à la mort. Avait questionné Parfait en s’arrêtant sous la plateforme du garde. » « Je viens de désactiver vos implants, leur avait-il annoncé » « Devons-nous te croire sur parole. Avait encore questionné Estéban, méfiant. » Le garde leur avait alors souri, s’était retourné vers eux et avait appuyé sur sa commande. Malgré eux, les chevaliers s’étaient crispés, prêts à recevoir une décharge. Au lieu de quoi, rien ne s’était produit. « Convaincus… Bon, maintenant dépêchez-vous, il ne vous reste que trois minutes ! » « Au moins, on sait maintenant que les gardiens peuvent désactiver nos implants. » Avait noté Orio le soir venu. « Oui, mais reste à savoir s’ils peuvent le faire indéfiniment. En trois minutes, nous n’irons pas loin. » Les chevaliers avaient questionné l’Ancien à ce sujet quelques jours plus tard. « Non, les gardes ne peuvent désactiver les Imps qu’un court instant. Il n’y a que le directeur de la prison et le contremaître, qui peuvent les désactiver totalement, leur avait-il répondu… Si ça leur chante, ils peuvent aussi envoyer une décharge mortelle à tous les prisonniers en même temps. Un bouton, et tu envoies trois mille hommes dans l’autre monde. Pas mal, comme jouet. Vous ne trouvez pas ? » Leurs sacs déchargés, les deux chevaliers partirent se mettre en rang devant la rampe de la barge de transport. Il leur fallait encore attendre que le convoyeur décolle, puis disparaisse au sud, derrière la forêt, en direction de la raffinerie. — Prisonniers, dans la barge. Ordonna le veilleur planant. Parfait, Estéban et l’Ancien partirent s’installer au premier rang, loin du cadavre du bagnard que les Alcidiens avaient déposé à l’entrée. Comme la plupart des engins en service dans le camp, la barge de transport était vétuste, rouillée, avec de nombreux trous dans sa coque. L’air sifflait dans la soute dès qu’elle prenait de la vitesse, rendant toute conversation impossible. Depuis la mine, le trajet ne durait que cinq minutes. Il durait plus d’une demi-heure depuis la jungle et les zones de coupe. Arrivée au dessus du camp, la barge se plaça en position d’attente, ses suspenseurs vrombissants. Chaque soir, le ballet était bien réglé. Une barge ne se posait sur le terrain d’atterrissage que lorsque les bagnards de la barge précédente passaient la seconde grille du camp. Il y avait quinze barges en tout, qui contenaient chacune les occupants d’un baraquement entier, soit deux cents hommes. Par l’étroit bandeau extérieur, Estéban remarqua Hraald le conquérant qui pénétrait dans le camp à la tête des autres bagnards de son groupe. Les deux Alcidiens veillaient à croiser l’ancien roi Zorgos le moins possible. De la même façon, ils l’avaient évité durant leur périple jusqu’à Terménès. À quoi bon multiplier les harangues et les menaces inutiles. Et, si Estéban continuait de sentir quelque chose en lui se durcir en apercevant la stature du barbare, il savait -9- que ce dernier les ignorait totalement. Dans le camp, Hraald bénéficiait d’un traitement de faveur. Jamais il ne recevait de décharge d’imp, même quand il élevait la voix. Parce que les Zorgos restaient malgré tout les alliés des Thêets ? Parce qu’il s’agissait d’un roi, même s’il avait été déchu de sa couronne ? Parce que des hommes à lui, une petite délégation, venaient le voir de temps en temps, lui apportant des cadeaux, arrosant les geôliers au passage ? Le bruit courrait même que cette faction zorgos, dirigée par les anciens clients du roi, multipliait les tractations avec le pouvoir Thêet afin de le faire libérer, jugeant sa situation indigne d’un homme de son rang. La barge se posa, la porte de la soute s’ouvrit, bascula jusqu’au sol avec un grincement effroyable. Depuis le rebord de la barge, Parfait salua de loin le Major de la Ligue qui se trouvait assis en haut des marches de son baraquement. Le Major le salua en retour. Parfait avait fait sa connaissance quelque mois plus tôt, sur une zone de coupe. Si les prisonniers de guerre ne se mélangeaient pas aux bagnards et n’étaient pas soumis aux travaux forcés, il leur fallait quand même faire le plein de bois de temps en temps pour entretenir leurs baraquements. De ces baraquements, il s’en construisait régulièrement de nouveau. Le flux des soldats de la Ligue ne se tarissait pas. La Ligue, ainsi appelait-on désormais la force qui faisait front à l’Empire Thêet. Cette force réunissait plus d’une vingtaine de systèmes solaires. Au dire du Major, la Ligue avait même réussi à pénétrer dans la poche de Galamu par le couloir des Sept Temps. Les Calixtes, anciens ennemis des Alcidiens, étaient ainsi venus renforcer leur camp. Le Major leur avait également affirmé que l’Alcidie libre était sur le point de se rallier à eux. Parfait avait beau faire, il avait du mal à imaginer les soldats alcidiens avec l’uniforme rouge sombre, orné sur le devant du plastron d’un cercle blanc cerné d’étoiles, des soldats de la Ligue. La longue colonne des bagnards, alignés par cinq, s’arrêta après avoir passé la première porte du camp. La seconde grille s’ouvrit. En silence, les prisonniers défilèrent sous les yeux du contremaitre. Comme tous les soirs, chaque homme pouvait sentir peser sur sa nuque, à un moment ou à un autre, son regard scrutateur. Le contremaître du camp était un homme au front lisse et haut, aux cheveux courts, aux petits yeux froids plantés de part et d’autre d’un nez minuscule. Son long visage se terminait par un menton fuyant. Jamais il n’élevait la voix. Et sa politesse, dont il usait même avec les bagnards, tranchait avec le langage grossier des geôliers. C’est pourtant bien de lui, dont il fallait se méfier. Lui, qui depuis son bureau, avalisait une requête de décharge d’imp. Lui, qui, pour l’édification des bagnards, laissait de temps en temps un prisonnier aller au suicide. Lui, encore, qui, moins d’une heure plus tôt, avait ordonné la mort du nouveau venu. A lui seul, il catalysait la haine des bagnards. Plus que tout, c’est son hypocrisie qui révulsait les chevaliers. Et défiler sous ses yeux chaque soir, pour Parfait aussi bien que pour Estéban, était bel et bien le pire moment de la journée. D’autant plus qu’il fallait baisser la tête, éviter de croiser son regard. Par souci d’économie, toujours. Car, sinon, vous pouviez être sûr que la pire des corvées vous attendait le lendemain. La deuxième grille se referma. Une sorte de frémissement couru le long des rangs. Jusqu’ici bien ordonnés, ceux-ci se délitèrent. Certains prisonniers ralentirent le pas, tandis que d’autre au - 10 - contraire, accéléraient. Des groupes se formèrent, laissant par endroit des hommes isolés. Estéban et Parfait remontèrent par la droite la longue travée qui distribuait l’ensemble des dortoirs. A la suite l’un de l’autre, ils pénétrèrent dans la fournaise de leur baraque, se hâtèrent de récupérer leur serviette puis ressortirent par une porte latérale et marchèrent jusqu’à la cabane, basse et tout en longueur, où se trouvait les douches. Ils se déshabillèrent côte à côte à l’entrée, ramassèrent leur tenue et les jetèrent sur le comptoir en bois derrière lequel se trouvaient les deux « mignons » du contremaitre. Les chevaliers s’éloignèrent jusqu’à un emplacement libre, accrochèrent leurs serviettes au dessus du tuyau d’eau qui distribuait toute la cabane et s’avancèrent sous la douche froide. En dix mois de travaux forcés, les corps des deux chevaliers s’étaient métamorphosés, alourdis de nouveaux muscles. Leurs épaules, surtout, s’étaient développées, renforcées, tandis que des veines saillaient sur leurs mollets. Soldats, ils avaient toujours considéré leur corps comme une arme potentielle, aujourd’hui, ils ne le considéraient plus que comme un outil, outil qu’ils entretenaient, affutaient et nourrissaient avec le plus grand soin. Peu importe ce qui se trouvait dans leur gamelle, ils en ingurgitaient le contenu jusqu’à la dernière miette. Deux uniformes propres les attendaient à la sortie sur le comptoir. L’un des mignons, il s’appelait Athis, tendit son uniforme à Parfait en accompagnant son geste d’une oeillade énamourée. Le chevalier s’appliqua à ne pas la remarquer et commença à se vêtir. De tissu grossier et de couleur marron, la tenue des bagnards ne consistait qu’en un haut à manche courte et au col évasé, accompagné d’un bas ample et informe. Seul signe distinctif, un losange de couleur orange se trouvait cousue dans le dos des chevaliers. Il correspondait au sigle de leur baraquement. — Alors, Athis a toujours le béguin pour toi ? Questionna l’Ancien en croisant les chevaliers à la sortie de la cabane. — Il le dévore des yeux, plaisanta Estéban. — Méfie-toi de ne pas te retrouver seul en tête avec lui. Rajouta encore l’Ancien avec un grand éclat de rire avant de pénétrer dans les douches. Parfait haussa les épaules. Il n’aimait pas ça. Bien sûr, il aurait pu envoyer paître le jeune homme. Seulement, à chaque fois qu’il était en leur présence, les paroles de l’Ancien concernant le sort qui était réservé aux « mignons » du contremaître continuaient de résonner à ses oreilles. « Notre contremaître n’aime pas les femmes, leur avait-il expliqué un jour. Il éprouve même pour le beau sexe de la répulsion. Alors, de temps en temps, il pioche parmi les nouveaux arrivants les plus jeunes. Ses mignons sont dispensés de travaux forcés. Ils se contentent d'accomplir de menus tâches dans l'enceinte du camp. Tant qu’ils restent sous sa protection, ce sont des petits rois... Le hic, c’est qu’il finit par s’en lasser.» « Tu veux dire qu’il les renvoie avec les autres ? Avait questionné Estéban » « Exactement. Autant dire que les moutons sont renvoyés aux loups. Inutile de vous faire un dessin sur ce que les bagnards leur font subir. À la mine, sous les douches ou dans la jungle. Ils ne survivent jamais bien longtemps. Et j'en ai déjà vu plus d’un se suicider !» - 11 - Voilà pourquoi, plus que la répulsion qu’il éprouvait pour les avances du jeune Athis, ce qui gênait Parfait, c’était de voir à chaque fois en lui un mort en sursis, qui, sans le savoir, s’en allait vers les pires souffrances. « Et le directeur, avait-il demandé un jour à l’Ancien. Il n'intervient pas ? » «Mais, le directeur n’est qu’une potiche ! S’était exclamé l'Ancien. Il demande la permission pour sortir de son bureau. Non, vous pouvez me croire, c’est le contremaître qui dirige ce camp. C’est lui le maître de Terménès ! » C’est vrai qu’en dix mois, les chevaliers n’avaient aperçu le directeur qu’une dizaine de fois. Toujours aux côtés du contremaitre. Ou plutôt dans son ombre, tant il semblait s’effacer devant lui. La dernière fois, cela avait été lors de la punition d’un bagnard. Ce dernier avait fait tomber un geôlier du haut de sa plateforme. Tout le camp avait été réuni sur le terre-plein central pour assister au châtiment qui avait consisté en une trentaine de décharges successives, d’une seconde chacune et d’intensité variable. Le bagnard leur avait offert un spectacle grotesque, tantôt hurlant, bondissant, se tordant ou se roulant par terre au milieu des geôliers qui l’encerclaient et appuyaient tour à tour sur leur commande. Il s’était même, tel un animal pris au piège, griffé la nuque jusqu’au sang. Blafard, le directeur avait semblé sur le point de défaillir. Il avait disparu aussitôt après la dernière décharge. « Vous avez vu, il nous présente toujours le même profil ! » S’était amusé l’Ancien. Car le directeur n’avait pas d’avant bras droit. De ce côté, sa main était directement greffée à l’extrémité de son coude. De retour dans le baraquement, Estéban partit s’asseoir sur sa couche. Moric était en train de rouler la couverture du prisonnier qui venait de mourir. Le bagnard ramassa ensuite les quelques affaires personnelles qui se trouvaient sous le lit. Il tomba sur un cadre, qu’il observa quelques secondes avant de le tendre en direction du chevalier. — T’as vu ? La photo à l’intérieur du cadre représentait une petite maison en bois plantée sur pilotis, isolée au milieu d’un marais. Estéban avait vu plusieurs fois le bagnard avec ce cadre dans ses mains, il l’avait même vu chuchoter à son adresse. — Ce devait être chez lui ! Finit-il par lâcher, haussant les épaules. — Tu parles d’une cage à poule, rigola Moric en finissant d’arranger les affaires sur le drap dont il noua ensuite les coins pour en faire un baluchon qu’il jeta sur son épaule. Estéban le regarda s’éloigner. Moric était arrivé en même temps qu’eux. C’était un homme d’une cinquantaine d’année, toujours de bonne humeur. Il prétendait que sa vie d’avant, au côté de son épouse, avait été un enfer à côté de celle du bagne. « C’est bien pour ça que j’ai fini par la tuer, leur avait-il expliqué un jour, pendant le dîner. » Devant Estéban, le va et vient des bagnards entre le baraquement et les douches continuait. Est-ce que c’était à cause du mort ? Ou à cause de la photo, au décor pathétique, que ce dernier avait révéré en secret le temps de se courte vie dans le camp ? Le chevalier se sentait d’humeur sombre. À chaque fois que cela lui arrivait, c’était comme si une chape de nuages noirs s’abattait sur lui, lui bouchant l’horizon. En ces moments seulement, il mesurait toute - 12 - l’immensité qui les séparait, lui et Parfait, du royaume d’Alcidie. Une sensation désagréable au ventre, une sorte de vertige, accompagnait cet état d’hyper lucidité. « Ma vie est ici ! » Commença-t-il à se répéter, refusant de se laisser aller. « Ma vie est ici ! » Martela-t-il encore. Parfait arriva, arrangea sa serviette contre le mur au dessus de sa couche. — J’ai l’impression qu’on va bientôt avoir une nouvelle fournée de prisonniers de la Ligue. Les soldats ont pratiquement fini la construction du nouveau baraquement. Le camp des prisonniers de guerre faisait face à celui des bagnards, ils n’étaient séparés que par la centaine de mètres du terrain d’atterrissage. Estéban hocha la tête. De nouveaux soldats, cela signifiait des nouvelles fraiches sur le conflit qui faisait rage dans l’univers de Sars. Inutile, toutefois, d’espérer en savoir plus sur le royaume d’Alcidie. La plupart des soldats de la Ligue qui débarquaient ici étaient des ourgondes, qui, tout comme le Major, venaient du système de La Hache, à deux semaines de vaisseau de Terménès. Ce qui se tramait dans la poche de Galamu n’était, et c’était bien compréhensible, pas au centre de leur préoccupation. Parfait s’allongea sur sa couche, glissa un bras sous sa nuque, l’autre sur ses yeux. Il leur restait encore une heure avant le repas du soir. Et deux jours avant le jour de repos. Ce jour de repos, auquel ils avaient le droit chaque fin de semaine, les avait tout d’abord surpris. « Eh ! Leur avait expliqué l’Ancien. Mais c’est que contrairement aux apparences, le but des geôliers n’est pas de nous crever à la tâche. C’est qu’ils ont des quotas à respecter sur la production de beaurithe, de bois. Et des primes à gagner s’ils les dépassent. » Voilà pourquoi on les laissait reprendre des forces. Estéban s’allongea à son tour, croisa ses jambes l’une sur l’autre. Le visage d’une jeune femme se forma dans son esprit. Brune, aux cheveux bouclés. Pour éviter que la tension ne monte trop dans le camp, les femmes des villages voisins venaient rendre visite aux bagnards les jours de repos. L’une d’entre elle, elle s’appelait Laïa, avait jeté son dévolu sur Estéban. Et il avait jeté son dévolu sur elle. Parfait, quant à lui, préférait s’abstenir. Il se refusait à partager avec les gardes ou les autres bagnards. Ni même avec personne. C’est ce qu’il avait un jour expliqué à Estéban, alors qu’il était en veine de confidence. Orio avait compris que cela venait autant de sa nature que de son éducation. Mais si Estéban était secrètement admiratif de sa droiture, certains bagnards s’étaient aventurés à se moquer de lui à ce sujet. Toujours à leurs dépens ! Estéban croisa ses deux mains derrière sa nuque. Non, pas de doute, leur vie était bien là. - 13 - Chapitre II — Vaisseau de transport de marchandise Cedula III, demande l’autorisation d’apponter ? A son poste dans la tour de contrôle du port orbital, le sergent Thêet observa la masse de métal au ventre proéminant sur son écran. Il l’avait déjà détécté depuis 24h. Deux heures plutôt, il l’avait passer à la banque de donnée, afin de vérifier si son nom, son numéro de matricule et son type correspondait. On ne laissait pas n’importe quel vaisseau s’approcher de la planète Terménès. — Autorisation accordée, répondit-il après avoir effectué une ultime vérification. Veuillez vous diriger vers l’appontement trois… Tenez-vous prêts pour inspection… Nous vous rappelons que vous ne pourrez pas quitter votre vaisseau avant le résultat des contrôles d’identités du personnel de bord. Cela devrait prendre 24h. — Bien reçu, tour de contrôle. L’officier se pencha de nouveau vers son micro, mais changea de commande. — Sergent Phydris, veuillez vous rendre avec votre équipe à l’appontement trois. Nous attendons votre rapport. — Bien reçu, capitaine. Depuis son poste, l’officier sélectionna ses écrans afin de vérifier la manœuvre du pilote du vaisseau de marchandise, prêt à tout moment à le repousser à l’aide du champ d’onde magnétique. — C’est un bon, celui-là !... Murmura-t-il pour lui-même. Car la manœuvre, pourtant peu évidente, avait été réalisé d’une main de maître, sans à coups et avec une précision peu ordinaire. — … Faudra que je jette un coup d’œil à son cv. Ca m’étonnerait qu’il n’ait pas piloter autre chose qu’un vaisseau de transport. Le capitaine jeta un coup d’œil sur l’écran du bas. Déjà, le marin du port avançait le sas mobile. Depuis la tour de contrôle, le capitaine entendit le clang que fit l’aimant en se fixant à la coque. A la poupe et à la proue du navire, les deux bras d’appontement du quai se déployèrent jusqu’aux points d’ancrage du navire. Une fois les bras verrouillé, le marin du port avança l’adaptateur du sas et l’ajusta à la porte passager du navire. Une fois ajusté, il enclencha le déprésurisateur, insuflant de l’air dans le vide du sas, puis, attendit quelques secondes l’étanchéité du montage. Il glissa enfin par-dessus le tout une membrane de sécurité, qui, si elle n’était pas à toute épreuve, permettrait au moins, en cas de problème, d’évacuer le sas en urgence. Après un dernier coup d’œil à son panneau de contrôle, le spaçin se retourna vers le sergent. — Accès au vaisseau sécurisé, sergent. - 14 - En même temps, la porte du sas s’ouvrit en grand. Le sergent acquiesça et remonta la rampe jusqu’au sas, suivi de la dizaine d’hommes qui composaient son équipe. Ils avaient décollé de Terménès quelques heures plus tôt. Ce n’était pas tous les jours qu’un vaisseau abordait sur la planète Terménès. La première planète habitée se trouvait à cinq jours de vaisseau de là. Le couloir d’insertion faisait une trentaine de mètres de long. Le second arriva à la porte du vaisseau, actionna le levier d’ouverture. Celle-ci s’ouvrit en coulissant vers le haut. L’équipe entra dans le sas d’insertion du vaisseau qui devait faire une dizaine de mètres de long pour quatre de large. La porte se referma derrière eux, jusqu’à ce que le joint étanche se gonfle avec un chuintement aigu. Enfin, la seconde porte du vaisseau s’ouvrit. Le capitaine s’enfonça aussitôt dans la coursive exigüe et déboucha dans le plat bord. Le capitaine fronça les sourcil, un seul homme se trouvait à l’intérieur. — Je vous rappel que tout l’équipage de votre vaisseau doit se trouver dans cette pièce afin de finaliser notre contrôle. L’homme se racla la gorge, il était massif, avec un visage épais, deux yeux noirs. Lui aussi, tout comme le capitaine, semblait de mauvaise humeur. — Nous ne sommes que deux, finit-il par répondre l’homme. Moi et la comtesse ! Continua-til encore, comme avec dégout. Le capitaine masqua sa surprise, même s’il savait que la plupart des tâches d’entretien était automatisé, et que les robots de maintenance coûtaient moins cher que des hommes de mains, deux personnes, cela restait vraiment peu pour un vaisseau de cette taille. — Et qui êtes vous, vous ? demanda-t-il. — Herman - 15 -