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Philosophie morale
Julie Allard
Cours 1
Introduction
Qu’est-ce que la philosophie morale ?
La philosophie morale s’intéresse à l’action et aux raisons de l’action. Elle ne fait pas que décrire des
faits, une réalité, mais s’intéresse aussi à donner de la valeur à cette réalité.
C’est donc une philosophie descriptive et normative.
Il y a aura des énoncés descriptifs et normatifs, plus ou moins présents selon les courants. Les deux
types d’énoncés sont aussi présents dans le droit
La différence entre la morale et la philosophie morale n’est pas toujours évidente. Toute société a
des règles de conduite (morale) souvent sanctionnées par le droit Mais la philosophie morale n’a pas
pour rôle d’énoncer ces règles de conduite. Son but est de prendre la morale comme objet d’étude
et de l’étudier, la questionner.
La question principale de la philosophie morale est : qu’est-ce qui est bien, qu’est-ce qui est mal.
C’est ce qui lui permet de s’interroger sur la valeur de l’action.
Morale et droit
Ce sont deux disciplines ont évolué en parallèle, et sont donc interconnectés.
On peut cerner 3 points communs () et 3 différences (-) :
Ce sont deux ensembles qui comportent des normes, des obligations, qui indiquent une
conduite à suivre.
- Mais le droit est toujours assorti d’une sanction, tandis la morale est plus vague
Morale et droit concernent la vie en commun, les relations intersubjectives et
interpersonnelles entre individus.
- Néanmoins, aujourd’hui, chez nous, la morale concerne notre sphère privée, et le droit
concerne la sphère publique, il s’applique à tous. C’est ainsi que peuvent surgir des conflits
entre droit et morale. Mais le droit s’applique en priorité
Ils sont tous les deux culturels, liés à la culture de la société, et varient donc selon les pays et
les époques
- Le droit fait l’objet d’une fixation, la morale pas. On va accepter qu’il y ait des variations de
morale au sein d’une même société à un même moment.
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Kant a une théorie comme quoi le devoir moral est purement intérieur, il n’est provoqué par aucune
contrainte extérieure (menace, intérêt,…). Le droit, lui, est le devoir extérieur. Il ne s’applique pas à
ce que l’homme pense mais à ce qu’il fait.
« Le droit est la béquille de la morale », il permet de la réaliser. Dès lors, s’il y a une contradiction
entre droit et morale, c’est que le droit est mauvais. Le droit prévaut sur la morale mais uniquement
parce qu’il est pour en réaliser les principes. Il introduit la notion de droit naturel (jus
naturalisme) : façon de définir le droit mais aussi de dire ce qu’il devrait être.
Le droit naturel s’oppose au droit positif.
Un autre courant est le positivisme juridique, qui affirme qu’il faut une séparation nette entre droit
et morale. Il ne peut donc y avoir aucune obligation morale dans le droit, seulement des obligations
positives.
Morale et psychologie
La psychologie est une branche de la philosophie. C’est la science de l’âme.
La question de l’âme est une question métaphysique.
Un des pères de la philosophie est Socrate. Il a contribué à la définition même de la philosophie
(=amour de la sagesse). Selon lui, « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux » : la
philosophie implique une introspection, et l’on pourrait rapprocher cette introspection de la
psychologie. Socrate propose une technique, la maïeutique accoucher » en grec), c’est-à-dire le
dialogue de l’âme avec elle-même, ou le dialogue entre un élève et son maître. Le but de ce dialogue
est d’accoucher de vérités que l’on a en soi. Ainsi, Socrate va questionner ses disciples pour, au final,
les confronter à leurs propres contradictions et leur révéler leurs vérités.
Il y a donc un lien entre la philosophie et la psychologie.
Mais la psychologie est aussi la science des comportements
lien entre psychologie et philosophie morale.
La grande question de la psychologie est celle de la normalité et de la pathologie
Question du bien et du mal.
En réponse au développement massif de la psychologie, il y a en philosophie morale un courant très
critique envers la psychiatrie qui s’est développé, l’antipsychiatrie. Il s’oppose surtout à la
naturalisation et la médicalisation de l’anormalité.
Michel Foucault par exemple, voit le développement de la psychiatrie non pas comme un
développement scientifique, mais comme le développement d’un dispositif de contrôle social (il fait
essentiellement référence à l’internement des viants, enfermés selon lui dans des maisons
politiques et non médicales).
Il y a au moins une thématique commune au droit, à la psychologie et à la philosophie : la question
de la norme.
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PLAN DU COURS
1. Origine de la conduite morale : la raison ou les sentiments ?
Rationalisme moral >< empirisme moral
2. Le bien et le mal sont-ils des notions qui existent objectivement ou des valeurs relatives ?
Cognitivisme moral >< relativisme moral
3. Agit-on par pur devoir, juste pour le bien ou avons-nous d’autres motivations ?
Éthique déontologique >< éthique téléologique (conséquentialisme)
4. Le mal sert-il à quelque chose ? Comment expliquer certaines atrocités ? Y a-t-il un mal
radical ?
Cours 2
Chapitre 1 : l’origine de la conduite morale : la raison ou les sentiments ?
Rationalisme moral >< empirisme moral
A. Le rationalisme
Rationalisme moral : on fait le bien quand on agit avec sa raison.
Rationalisme « tout court » : courant philosophique assez dominant dans la philosophie, car cette
discipline est naturellement liée à l’utilisation de la raison.
Étymologie : « ration » = mesure, part => raison, raisonnement
Le rationalisme est le fait de privilégier le raisonnement à un discours émotionnel.
Exemple de rationalistes : Platon, Descartes, Kant
En philosophie morale, les principes moraux doivent être tirés de la raison, selon le rationalisme
moral. Ce courant va s’appuyer sur une thèse, celle de la différence anthropologique, qui dit que la
différence entre l’homme et l’animal, c’est que le premier peut utiliser sa raison. Aristote :
« l’homme est un animal doué de raison ». On ne peut donc se comporter en être humain que si l’on
utilise sa raison.
CF texte de Descartes : animaux +- = machines
Si on faisait des machines à la figure d’animaux, on ne verrait pas la différence. Avec l’homme,
cela ne serait pas possible, car la machine serait toujours limitée à ce qu’on a prévu de lui faire
faire, tandis que l’homme a un potentiel infini.
On a une part animale et c’est elle qui se manifeste si l’on a un comportement immoral. Pour
être moral, on doit maitriser cet animal en nous par la raison, celle-ci constitue notre
résistance à notre part animale
Il faut distinguer le rationalisme moral de l’antiquité et celui de la moderni(renaissance -> XIXème
siècle)
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Rationalisme antique
Les stoïciens avaient une conception différente de la nature : un ordre chaque chose a une place
déterminée. Agir rationnellement, c’est agir conformément à sa place dans cet ordre. Nous avons un
destin, nous devons l’accepter et l’accomplir le mieux possible.
Ex : on est esclave par nature, il faut l’accepter. C’est ce qu’Epictète, lui-même esclave, disait
supporte et abstiens toi »)
Cela relève de la philosophie morale car il y a l’idée qu’il ne sert à rien de vouloir l’impossible, il faut
agir naturellement et moralement.
Les stoïciens vont utiliser la métaphore du corps : on peut essayer d’utiliser nos mains pour marcher
mais cela serait irrationnel et nous rendrait malheureux. Il y a donc aussi l’idée que la raison conduit
au bonheur.
CF texte Marc Aurèle « L’homme a une nature et tant qu’il la suit, ce qu’il fait est bon ».
C’est donc une conception où il n’y a pas de liberté dans la morale. Le mal vient d’une forme
d’orgueil.
Morale d’acceptation
CF texte d’Epictète « si nous voulons »
A force d’accepter, l’angoisse nous quitte.
CF texte d’Epictète « comment donc tout… »
Ce qui se passe vient d’un coup de dé, nous y sommes donc impuissants ; Le mal ne vient pas
de ce que les autres font, mais de ce que nous faisons.
Rationalisme moderne (à partir du XVIème siècle)
Une série d’évènements vont changer la vision du monde des philosophes : la découverte du monde,
les avancées scientifiques, les thèses cosmologiques, l’imprimerie, etc.
Et ces savoirs ont été obtenus par la raison, en opposition aux superstitions, à la religion qui a alors le
monopole du savoir, qui dit ce qui est vrai ou faux, bien ou mal. C’est à partir de là qu’une
philosophie va s’émanciper de ce que l’Eglise a enseigné en termes de connaissance et de morale.
Cette philosophie affirme que c’est la raison qui permet de maitriser la nature, de changer l’ordre
naturel, y compris social. La raison, c’est ce que chaque homme en tant qu’homme possède, et c’est
donc ce que chaque homme peut utiliser pour s’émanciper.
Le rationalisme modern contredit ici le stcisme antique : pour les modernes, utiliser la raison c’est
résister à la nature, à nos penchants naturels, à des vérités imposées, aux croyances officielles. Il
s’agit ici de fonder la morale sur la liberté, l’autonomie, de décider soi-même de ce que lon veut
être. C’est l’homme et non la nature qui détermine ce qui est bien.
CF texte Voltaire « la morale n’est point dans la superstition… »
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Il fait une définition de la morale. Celle-ci est la même chez tous les hommes qui utilisent leur
raison, alors que la croyance est différente.
Rationalisme antique et moderne
Thèse commune aux deux rationalismes : il faut arrêter d’agir impulsivement.
Différence :
- Antique : par rapport à la nature. La raison permet de maintenir l’harmonie de la nature qui
permet aux hommes de vivre ensemble. Nous nous différencions des animaux par la raison.
- Moderne : en opposition à la nature. Les animaux sont associés aux esclaves, nous nous
différencions donc d’eux par notre autonomie.
Pour les rationalistes, les émotions font partie de ce qui nous empêche de devenir ce que l‘on veut
être. Etre motivé par la peur, c’est y être soumis.
La raison est la condition de l’autonomie de la volonté (=choisir soi-même entre le bien et le mal)
La philosophie rend l’homme responsable, puisque tout homme est doué de raison et peut donc
choisir ce quil fait. (=> réflexion sur la tentation de l’immoral)
Dans le rationalisme moderne, il y a différents types de rationalismes. Certains vont dire que la raison
n’est pas morale en elle-même, mais nous permet de faire des calculs, d’agir d’une certaine manière
pour atteindre ce que l’on veut. La raison ne nous permet pas de découvrir l’immoralité d’un acte,
mais permet de s’abstenir de quelque chose qui serait sanctionné => rationalisme instrumental.
B. L’empirisme moral
Beaucoup d’auteur du courant empiriste ont aussi cette conception instrumentale de la raison.
Empirisme : idée que tout part, non pas d’un principe (raison), mais de l’expérience de vie, du vécu.
C’est en grandissant que se construisent les principes.
David Hume (XVIIIème) : Nous avons une raison mais elle est instrumentale. Elle permet de
distinguer le vrai du faux, mais pas le bien du mal. Il faut pour cela quelque chose en plus de la
raison, qui lui aussi nous différencie des animaux : le sentiment, les passions
David Hume est une figure des Lumières écossaises.
Point commun avec les autres lumières : il faut que la philosophie ne se soumette pas à la
théologie.
Différence : les lumières françaises (cf. Voltaire) pensent que la raison suffit pour développer la
morale.
Pour Hume, si l’homme se conduit moralement, c’est parce qu’il a des sentiments qui le conduisent
au bien. On peut donc très rationnellement faire du mal. La raison n’est pas un moteur de l’action. Ce
qui va déclencher une action, c’est un ressenti, une expérience de l’esprit.
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