Qu`est-ce que la philosophie morale

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Philosophie morale
Julie Allard
Cours 1
Introduction
Qu’est-ce que la philosophie morale ?
La philosophie morale s’intéresse à l’action et aux raisons de l’action. Elle ne fait pas que décrire des
faits, une réalité, mais s’intéresse aussi à donner de la valeur à cette réalité.
C’est donc une philosophie descriptive et normative.
Il y a aura des énoncés descriptifs et normatifs, plus ou moins présents selon les courants. Les deux
types d’énoncés sont aussi présents dans le droit
La différence entre la morale et la philosophie morale n’est pas toujours évidente. Toute société a
des règles de conduite (morale) souvent sanctionnées par le droit Mais la philosophie morale n’a pas
pour rôle d’énoncer ces règles de conduite. Son but est de prendre la morale comme objet d’étude
et de l’étudier, la questionner.
La question principale de la philosophie morale est : qu’est-ce qui est bien, qu’est-ce qui est mal.
C’est ce qui lui permet de s’interroger sur la valeur de l’action.
Morale et droit
Ce sont deux disciplines ont évolué en parallèle, et sont donc interconnectés.
On peut cerner 3 points communs (●) et 3 différences (-) :


-

-
Ce sont deux ensembles qui comportent des normes, des obligations, qui indiquent une
conduite à suivre.
Mais le droit est toujours assorti d’une sanction, tandis la morale est plus vague
Morale et droit concernent la vie en commun, les relations intersubjectives et
interpersonnelles entre individus.
Néanmoins, aujourd’hui, chez nous, la morale concerne notre sphère privée, et le droit
concerne la sphère publique, il s’applique à tous. C’est ainsi que peuvent surgir des conflits
entre droit et morale. Mais le droit s’applique en priorité
Ils sont tous les deux culturels, liés à la culture de la société, et varient donc selon les pays et
les époques
Le droit fait l’objet d’une fixation, la morale pas. On va accepter qu’il y ait des variations de
morale au sein d’une même société à un même moment.
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Kant a une théorie comme quoi le devoir moral est purement intérieur, il n’est provoqué par aucune
contrainte extérieure (menace, intérêt,…). Le droit, lui, est le devoir extérieur. Il ne s’applique pas à
ce que l’homme pense mais à ce qu’il fait.
« Le droit est la béquille de la morale », il permet de la réaliser. Dès lors, s’il y a une contradiction
entre droit et morale, c’est que le droit est mauvais. Le droit prévaut sur la morale mais uniquement
parce qu’il est là pour en réaliser les principes. Il introduit là la notion de droit naturel (jus
naturalisme) : façon de définir le droit mais aussi de dire ce qu’il devrait être.
Le droit naturel s’oppose au droit positif.
Un autre courant est le positivisme juridique, qui affirme qu’il faut une séparation nette entre droit
et morale. Il ne peut donc y avoir aucune obligation morale dans le droit, seulement des obligations
positives.
Morale et psychologie
La psychologie est une branche de la philosophie. C’est la science de l’âme.
La question de l’âme est une question métaphysique.
Un des pères de la philosophie est Socrate. Il a contribué à la définition même de la philosophie
(=amour de la sagesse). Selon lui, « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux » : la
philosophie implique une introspection, et l’on pourrait rapprocher cette introspection de la
psychologie. Socrate propose une technique, la maïeutique (« accoucher » en grec), c’est-à-dire le
dialogue de l’âme avec elle-même, ou le dialogue entre un élève et son maître. Le but de ce dialogue
est d’accoucher de vérités que l’on a en soi. Ainsi, Socrate va questionner ses disciples pour, au final,
les confronter à leurs propres contradictions et leur révéler leurs vérités.
 Il y a donc un lien entre la philosophie et la psychologie.
Mais la psychologie est aussi la science des comportements
 lien entre psychologie et philosophie morale.
La grande question de la psychologie est celle de la normalité et de la pathologie
 Question du bien et du mal.
En réponse au développement massif de la psychologie, il y a en philosophie morale un courant très
critique envers la psychiatrie qui s’est développé, l’antipsychiatrie. Il s’oppose surtout à la
naturalisation et la médicalisation de l’anormalité.
Michel Foucault par exemple, voit le développement de la psychiatrie non pas comme un
développement scientifique, mais comme le développement d’un dispositif de contrôle social (il fait
essentiellement référence à l’internement des déviants, enfermés selon lui dans des maisons
politiques et non médicales).
Il y a au moins une thématique commune au droit, à la psychologie et à la philosophie : la question
de la norme.
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PLAN DU COURS
1. Origine de la conduite morale : la raison ou les sentiments ?
 Rationalisme moral >< empirisme moral
2. Le bien et le mal sont-ils des notions qui existent objectivement ou des valeurs relatives ?
 Cognitivisme moral >< relativisme moral
3. Agit-on par pur devoir, juste pour le bien ou avons-nous d’autres motivations ?
 Éthique déontologique >< éthique téléologique (conséquentialisme)
4. Le mal sert-il à quelque chose ? Comment expliquer certaines atrocités ? Y a-t-il un mal
radical ?
Cours 2
Chapitre 1 : l’origine de la conduite morale : la raison ou les sentiments ?
Rationalisme moral >< empirisme moral
A. Le rationalisme
Rationalisme moral : on fait le bien quand on agit avec sa raison.
Rationalisme « tout court » : courant philosophique assez dominant dans la philosophie, car cette
discipline est naturellement liée à l’utilisation de la raison.
Étymologie : « ration » = mesure, part => raison, raisonnement
Le rationalisme est le fait de privilégier le raisonnement à un discours émotionnel.
Exemple de rationalistes : Platon, Descartes, Kant
En philosophie morale, les principes moraux doivent être tirés de la raison, selon le rationalisme
moral. Ce courant va s’appuyer sur une thèse, celle de la différence anthropologique, qui dit que la
différence entre l’homme et l’animal, c’est que le premier peut utiliser sa raison. Aristote :
« l’homme est un animal doué de raison ». On ne peut donc se comporter en être humain que si l’on
utilise sa raison.
CF texte de Descartes : animaux +- = machines
Si on faisait des machines à la figure d’animaux, on ne verrait pas la différence. Avec l’homme,
cela ne serait pas possible, car la machine serait toujours limitée à ce qu’on a prévu de lui faire
faire, tandis que l’homme a un potentiel infini.
On a une part animale et c’est elle qui se manifeste si l’on a un comportement immoral. Pour
être moral, on doit maitriser cet animal en nous par la raison, celle-ci constitue notre
résistance à notre part animale
Il faut distinguer le rationalisme moral de l’antiquité et celui de la modernité (renaissance -> XIXème
siècle)
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Rationalisme antique
Les stoïciens avaient une conception différente de la nature : un ordre où chaque chose a une place
déterminée. Agir rationnellement, c’est agir conformément à sa place dans cet ordre. Nous avons un
destin, nous devons l’accepter et l’accomplir le mieux possible.
Ex : on est esclave par nature, il faut l’accepter. C’est ce qu’Epictète, lui-même esclave, disait
(« supporte et abstiens toi »)
Cela relève de la philosophie morale car il y a l’idée qu’il ne sert à rien de vouloir l’impossible, il faut
agir naturellement et moralement.
Les stoïciens vont utiliser la métaphore du corps : on peut essayer d’utiliser nos mains pour marcher
mais cela serait irrationnel et nous rendrait malheureux. Il y a donc aussi l’idée que la raison conduit
au bonheur.
CF texte Marc Aurèle « L’homme a une nature et tant qu’il la suit, ce qu’il fait est bon ».
C’est donc une conception où il n’y a pas de liberté dans la morale. Le mal vient d’une forme
d’orgueil.
 Morale d’acceptation
CF texte d’Epictète « si nous voulons… »
A force d’accepter, l’angoisse nous quitte.
CF texte d’Epictète « comment donc tout… »
Ce qui se passe vient d’un coup de dé, nous y sommes donc impuissants ; Le mal ne vient pas
de ce que les autres font, mais de ce que nous faisons.
Rationalisme moderne (à partir du XVIème siècle)
Une série d’évènements vont changer la vision du monde des philosophes : la découverte du monde,
les avancées scientifiques, les thèses cosmologiques, l’imprimerie, etc.
Et ces savoirs ont été obtenus par la raison, en opposition aux superstitions, à la religion qui a alors le
monopole du savoir, qui dit ce qui est vrai ou faux, bien ou mal. C’est à partir de là qu’une
philosophie va s’émanciper de ce que l’Eglise a enseigné en termes de connaissance et de morale.
Cette philosophie affirme que c’est la raison qui permet de maitriser la nature, de changer l’ordre
naturel, y compris social. La raison, c’est ce que chaque homme en tant qu’homme possède, et c’est
donc ce que chaque homme peut utiliser pour s’émanciper.
Le rationalisme modern contredit ici le stoïcisme antique : pour les modernes, utiliser la raison c’est
résister à la nature, à nos penchants naturels, à des vérités imposées, aux croyances officielles. Il
s’agit ici de fonder la morale sur la liberté, l’autonomie, de décider soi-même de ce que l’on veut
être. C’est l’homme et non la nature qui détermine ce qui est bien.
CF texte Voltaire « la morale n’est point dans la superstition… »
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Il fait une définition de la morale. Celle-ci est la même chez tous les hommes qui utilisent leur
raison, alors que la croyance est différente.
Rationalisme antique et moderne
Thèse commune aux deux rationalismes : il faut arrêter d’agir impulsivement.
Différence :
- Antique : par rapport à la nature. La raison permet de maintenir l’harmonie de la nature qui
permet aux hommes de vivre ensemble. Nous nous différencions des animaux par la raison.
Moderne : en opposition à la nature. Les animaux sont associés aux esclaves, nous nous
différencions donc d’eux par notre autonomie.
Pour les rationalistes, les émotions font partie de ce qui nous empêche de devenir ce que l‘on veut
être. Etre motivé par la peur, c’est y être soumis.
La raison est la condition de l’autonomie de la volonté (=choisir soi-même entre le bien et le mal)
La philosophie rend l’homme responsable, puisque tout homme est doué de raison et peut donc
choisir ce qu’il fait. (=> réflexion sur la tentation de l’immoral)
Dans le rationalisme moderne, il y a différents types de rationalismes. Certains vont dire que la raison
n’est pas morale en elle-même, mais nous permet de faire des calculs, d’agir d’une certaine manière
pour atteindre ce que l’on veut. La raison ne nous permet pas de découvrir l’immoralité d’un acte,
mais permet de s’abstenir de quelque chose qui serait sanctionné => rationalisme instrumental.
B. L’empirisme moral
Beaucoup d’auteur du courant empiriste ont aussi cette conception instrumentale de la raison.
Empirisme : idée que tout part, non pas d’un principe (raison), mais de l’expérience de vie, du vécu.
C’est en grandissant que se construisent les principes.
David Hume (XVIIIème) : Nous avons une raison mais elle est instrumentale. Elle permet de
distinguer le vrai du faux, mais pas le bien du mal. Il faut pour cela quelque chose en plus de la
raison, qui lui aussi nous différencie des animaux : le sentiment, les passions
David Hume est une figure des Lumières écossaises.
Point commun avec les autres lumières : il faut que la philosophie ne se soumette pas à la
théologie.
Différence : les lumières françaises (cf. Voltaire) pensent que la raison suffit pour développer la
morale.
Pour Hume, si l’homme se conduit moralement, c’est parce qu’il a des sentiments qui le conduisent
au bien. On peut donc très rationnellement faire du mal. La raison n’est pas un moteur de l’action. Ce
qui va déclencher une action, c’est un ressenti, une expérience de l’esprit.
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Ex : un enfant battu. On peut dire rationnellement que c’est immoral. Mais si on intervient, c’est
parce que le spectacle de cet enfant nous est insupportable. Il s’agit d’une réaction émotionnelle
plutôt qu’une action rationnelle.
 Il faut écouter ses sentiments pour différencier le bien du mal
CF texte de Hume, « Les systèmes qui affirment… »
Ce qui ne peut être dit vrai ou faux ne peut être objet de la raison ; Il n’y a aucune action vraie ou
fausse, donc aucune action rationnelle ou irrationnelle. La raison en elle-même ne peut produire ou
empêcher une action. Les actions seront évaluées louables ou blâmables, et non raisonnables ou
déraisonnables.
C’est notre sens moral qui nous permettra de juger les actions.
On peut ainsi faire une distinction, essentielle en droit, entre les faits (établis par la raison) et leur
évaluation, le jugement que l’on porte dessus (qui suppose l’intervention du cœur, du sens moral).
Ex. (> Hume) : si l’on juge d’un meurtre, on ne pourra trouver ce que l’on appelle vice dans un fait,
mais dans le sentiment que l’on prouve vis-à-vis de ce fit.
Le bien et le mal peuvent être comparés au froid et à la chaleur, c’est-à-dire des sensations
physiques, des perceptions de l’esprit.
Ce qu’il y a de plus interne à l’individu, c’est le plaisir et le déplaisir, et c’est là-dessus que va se
fonder la morale.
Cours 3
Ce sont les affects qui nous rendent capables de distinguer le bien et le mal. Ça ne veut pas dire que
quad on ressent quelque chose on fait le bien, mais que quand on ressent quelque chose on voit la
différence entre le bien et le mal. N peut parfois voir la différence entre les deux et faire le mal
quand même (distinction importante)
L’empirisme moral va aussi dire que si on veut que les hommes fassent le bien, il faut développer les
affects positifs, les sentiments qui poussent vers le bien.
Ainsi l’empirisme moral va distinguer les sentiments qui nous poussent à faire le mal et à faire le bien
(le sens moral). Ce qui développe notre sens moral c’est notre éducation, notre expérimentation,
expérience, notre entrainement au sens moral.
Un sentiment moral, c’est un sentiment que l’on éprouve (et non que l’on pense) indépendamment
de l’exercice de la raison, qui va nous conduire de manière immédiate vers le bien.
Ex de l’enfant battu : le sentiment moral c’est ce qui nous pousse à voir la détresse de l’enfant
comme insupportable et comme incluant nécessairement une réaction.
Ce sentiment n’est pas inné mais on peut éduquer les gens à avoir ces réactions, on peut développer
le sentiment moral.
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Théorie principalement développée chez le philosophe Adam Smith (cf. aussi libéralisme
économique). Selon lui, bien sûr nous éprouvons des sentiments, et notre raison aussi nous dit des
choses, pour fonder la morale il faut quelque chose d’universel, quelque chose dont tout homme est
capable (=> même principe que les rationalistes). Or, ce qui est commun aux hommes, ce n’est pas la
raison, qui est très variable, mais c’est la capacité à éprouver des sentiments. Ce sentiment universel,
c’est le sentiment d’humanité, une capacité d’identification : on se reconnait en l’autre, on sait se
mettre à sa place. C’est cela qui va fonder la morale. Les hommes par nature sont des êtres égoïstes
et c’est seulement ce sentiment qui les fera sortir de leur égoïsme et aller vers l’altruisme (lié au
libéralisme économique car c’est une morale qui ne nie pas la nature égocentrique de l’homme).
Selon la proximité réelle que l’on a avec autrui, on s’y identifiera plus ou moins.
Smith va se fonder sur des évidences du sens moral.
CF texte Adam Smith « Aussi égoïste que l’homme puisse être supposé… »
Titre « de la sympathie » : ce sentiment universel, c’est un sentiment de sympathie. C’est une
question d’affinité.
« Sympathie » : « souffrir avec » => partager le vécu émotionnel
L’homme peut avoir du plaisir à faire le bien, et c’est cela qu’il faut encourager.
TOUT homme peut ressentir de la pitié/compassion. La question est de savoir comment le
faire ressortir.
Par la fantaisie = par l’imagination, qui est plus ou moins possible selon notre éducation.
Ce sentiment de sympathie, si tout homme e est capable, va varier, tout d’abord, selon le degré de
proximité avec l’autre. Ensuite, il va varier selon le développement qui en a été fait par l’éducation.
Rousseau a écrit un manuel sur l’éducation morale des enfants, l’Emile, dans lequel il explique
comment étudier moralement les enfants. Il va notamment proposer comment apprendre aux
enfants à développer leur sentiment de pitié, à les sensibiliser à la pitié.
CF texte de Rousseau « Ainsi nait la pitié… »
Il faut que l’enfant comprenne que d’autre enfants souffrent comme il souffre ou souffrent comme il
pourrait souffrir. On a pitié par identification, en sortant de nous-même et nous mettant à la place de
celui qui souffre.
C. Critiques
Critique à l’égard du rationalisme
Hume reproche au rationalisme de fonder la morale sur la raison alors que celle-ci est impuissante,
que ce n’est pas elle qui fait agir. => le rationalisme est une théorie idéale qui n’est pas fondée sur la
réalité. On exige de l’homme une maitrise rationnelle qu’il n’a pas.
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Critique à l’égard de l’empirisme moral
Dans celui-ci tel qu’il est décrit par Hume notamment, ce n’est plus une action morale mais une
réaction morale, cela suppose un stimulus. Or ce qui définit souvent l’action en philosophie morale,
c’est d’être autonome et spontanée. Ici on la rend très dépendante de circonstances, d’où la
deuxième critique : ce sentiment de sympathie est extrêmement subjectif. On s’identifie plus
facilement à celui qui nous ressemble, mais la moralité va bien au-delà, elle est aussi à l’égard de
celui qui ne nous ressemble pas. Et sur quoi va-t-elle se fonder alors ? Est-ce que la morale s’arrête
dès qu’on ne peut s’identifier ? L’empirisme va aussi exclure la raison du champ de l’action, et cela
est problématique. L’action est un champ humain très important, et si l’action, qu’on ne peut
qualifier de raisonnable ou déraisonnable, ne peut laisser de place à la raison, celle-ci n’a alors de
place nulle part.
Kant : l’humanité n’est pas un sentiment, bien que ce soit effectivement une identification. Elle
relève bien de l’imagination, mais l’imagination elle-même n’est pas que du sentiment mais c’est
aussi du jugement, de la pensée => Ca ne peut être fondé que sur des affects.
Selon lui, la faculté de projection vient de la pensée et non de l’affect, et Kant va ainsi distinguer ces
deux choses. Une des choses qui permet la distinction est le caractère immédiat, spontané de
l’affect, alors que la pensée c’est la distance, le recul. Si on fonde la morale sur l’émotion, le
sentiment, on va effectivement s’émouvoir tout va, mais ces émotions vont nous faire oublier nos
devoirs. Ce que l'on fera suite à cette émotion sera donc peut-être louable, beau, mais pas moral.
CF texte de Kant « une certaine tendresse de cœur… »
Chapitre 2 : Le bien et le mal sont-ils des objets de connaissance, des notions
définissables, objectives, ou des valeurs subjectives ?
Cognitivisme moral >< relativisme moral
Ce sont des valeurs subjectives. La différence entre le bien et le mal dépend alors de la personne
qui la pose. Est-ce que la distinction dépend d’une certaine réalité (=> objet d’une certaine
connaissance) ou de mon esprit ?
A. Le cognitivisme moral
La connaissance et le savoir sont de nature à augmenter notre moralité, c’est par erreur qu’on fait
le mal.
Nous sommes dans une société où le relativisme a gagné. Ms longtemps s’est posé la question, le
projet de faire une science morale.
Cours 4
Le cognitivisme antique
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Selon Platon il y a toujours derrière le mal une cause qui ne relève pas de la volonté mais du savoir.
On fait le mal par ignorance, nul ne fait le mal volontairement. On fait le mal quand on échoue à
reconnaitre le bien et le mal
Chez les cognitivistes, la volonté (=ce qui chez le sujet déclenche l’action) ne sait pas ce qui est bien
ou mal. Il va donc falloir que notre connaissance, qui n’appartient pas à la volonté, donne des
informations à la volonté et que celle-ci s’y soumette
CF texte Platon « La plus belle de toutes les questions… »
Question : est-ce que ne pas vouloir faire le mal, suffit pour ne pas le faire ?
Personne ne veut être injuste, on commet toujours les injustices malgré soi.
Il s’agit là du cognitivisme ancien. Avec la découverte de la science, la connaissance va prendre une
importance croissante.
Le cognitivisme moderne
Descartes aura une attitude cognitiviste très simple : la vérité est une question de certitude. Mais on
peut se tromper, commettre une erreur. C’est cette erreur qui explique le mal que l’on commet. =>
Pour être plus moral, il faut évacuer les possibilités d’erreur
Pour comprendre le cognitivisme moderne il faut creuser la définition que Descartes fait de la
connaissance (dans Les méditations métaphysiques) : pour connaitre, il faut arriver à des certitudes,
et pour cela il faut une méthode on ne peut arriver à la connaissance par hasard. La méthode de
Descartes, c’est le doute, le contraire de la certitude. Descartes va utiliser le doute systématique,
s’imposer de douter de tout pour ne laisser que ce dont il est absolument certain = le doute
méthodique = le doute hyperbolique.
CF texte de Descartes « il y a quelques temps… » ???
Il faut suspendre l’action pour acquérir la vérité par le doute, et reprendre l’action ensuite.
Cette connaissance vient de l’entendement, c’est-à-dire la faculté de connaissance de
compréhension (>< volonté, faculté de décision).
=> Si on fait le mal, c’est qu’on n’a pas assez utilisé notre entendement ou qu’on a utilisé la mauvaise
méthode.
Vrai/faux //
Bien/Mal
: même type d’erreur
CF texte « Si je connaissais toujours clairement… »
Dans tous les domaines on utilise la volonté, même ceux où on n’a pas de connaissance. C’est de la
que viennent les erreurs. MS c’est justement ça le domaine de la morale, c’est un domaine où il n’y a
pas de certitude. Mais selon Descartes, le doute permet d’avoir des certitudes même là. Ms pendant
qu’on doute, on n’a aucune vérité. Mais on ne peut s’empêcher, pendant ce moment, d’agir => on va
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se trouver une morale provisoire, ou morale par provision, c’est-à-dire des maximes, des règles
morales auxquelles l’individu va se conformer en attendant d’avoir les connaissances suffisantes.
CF texte Descartes « afin que je ne demeurasse point… »
I y a 3 règles dans la morale par provision
Se soumettre à la réalité (cf. stoïciens) au lieu de réformer le monde au nom de certitudes que l’on
n’a pas.
Descartes et Platon : cognitivistes classiques. Positivisme en sciences : foi que l’on peut avoir dans les
effets de la science sur la société (ex : + les sociétés sont développées scientifiquement, + elles sont
tolérantes, respectueuses des droits de l’homme). On constate effectivement souvent cela, mais estce bien la science qui est la cause de cela ? Le cognitivisme fait de la science une cause de la moralité.
L’ULB a été fondée par des penseurs positivistes, cf. « scientia vincere tenebras »
Ces deux auteurs sont aussi des rationalistes mais rationalisme et cognitivisme ne vont pas toujours
ensemble. Ex : Kant est rationaliste mais pas cognitiviste. Et vice versa, chez les empiristes, il y a une
école qui est l’intuitionnisme moral, qui est cognitivistes (on acquiert la connaissance du bien et du
mal par l’intuition) mais pas rationalistes.
B. Le relativisme moral
Chaque individu, dans chaque circonstance, va placer la distinction à un endroit différent.
Ce courant ne s’oppose pas réellement au cognitivisme mais a une vision de la morale qui empêche
d’en faire un objet de connaissance.
Critique du cognitivisme de Platon
Aristote va critiquer, ou plutôt relativiser la théorie de Platon en y apportant deux nuances, qui, bien
que semblant peu importantes, mèneront au relativisme moral :
Dire d’un acte qu’il est involontaire, ça veut dire qu’il est contraire à notre volonté. Or, il y a des actes
involontaires mais aussi des actes non volontaires, au sujet desquels nous n’avions pas de volonté
particulière.
De même, un acte fait par ignorance est un acte commis par quelqu’un avec une ignorance de fond –
débile, par exemple- qui l’empêche de voir le bien et le mal. Cette personne ne veut donc pas faire le
mal mais ne veut pas non plus faire le bien. Son acte sera donc non volontaire. Tandis qu’un acte fait
dans l’ignorance est un acte commis dans une situation où nous sommes dans un état (temporaire)
d’ignorance. C’est alors involontaire.
Le signe pour distinguer ces deux types d’actes, c’est que l’on regrette immédiatement un acte
involontaire lorsqu’on apprend ce que l’on ne savait pas (ce qui nous mettait dans l’ignorance) et qui
est contraire à notre volonté (« si j’avais su… »).
 1re distinction : acte non volontaire (ce qu’on n’a pas expressément voulu faire) >< acte
involontaire (le contraire de ce que l’on a voulu faire)
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 2ème distinction : acte fait par ignorance (état d’une personne qui ne sait faire la distinction
bien/mal) >< acte fait dans l’ignorance (état d’un moment, pendant lequel une personne qui
connait la dite distinction doit faire un choix sans toutes les cartes en main)
La distinction entre le bien et le mal ne peut jamais se définir a priori mais toujours par rapport à
une situation concrète et particulière qu’on ne peut connaitre en avance. La frontière entre le bien et
le mal va donc varier, elle est relative.
CF texte d’Aristote « L’acte fait par ignorance… »
Dans « Ethique à Nicomaque » N. = père d’Aristote => manuel d’éthique
Ex : dénoncer un assassin à des gens que l’on pense être la police mais qui sont en fait eux-mêmes
des meurtriers : on fait le mal car on n’avait pas les infos nécessaires, on était dans l’ignorance. On va
regretter cet acte par après => Involontaire
La morale n’est pas une question de savoir mais de sagesse (ou de prudence).
Savoir : accumulation de connaissances à propos de la réalité, qui vont valoir absolument,
indépendamment de la personne qui la détient et des circonstances
La sagesse est une capacité à bien agir en situation, à savoir ce qu’il faut faire dans chaque
circonstance.
Là où la science va pouvoir être acquise de façon théorique, la sagesse s’acquiert dans la pratique.
On peut donc détenir des milliers de connaissances et faire des actes totalement immoraux, ce qui
était impossible dans le cognitivisme moral.
Cette sagesse ne va donc pas être réservée aux « «sages » (« ceux qui savent »), aux philosophes,
c’est une sagesse pratique, d’expérience.
Aristote : la morale c’est comme un art, on apprend à jouer du piano en jouant, et non en faisant du
solfège. La morale n’est pas une règle que l’on peut appliquer à l’infini mais une aptitude que l’on
acquiert, à reconnaitre les situations.
Cours 5
Cf texte d’Aristote §10
« Particulière », « singulière » >< « générale »
Exemple de la nourriture
 Savoir non pas comme une question de savoir, mais comme une question de vertu, c’est-à-dire
cette sagesse pratique, cette capacité de distinguer le bien et le mal non pas de façon absolue
mais en situation, par rapport à un problème particulier.
Cf texte d’Aristote « ainsi les vertus… »
= ainsi la vertu est une capacité que les hommes ont en eux mais qui se développe par
l‘habitude, l’expérience. Elle n’est pas un don naturel. C’est une conduite.
Opposition de la vertu p/r aux sens, que l’on a naturellement et qui qui ne se développent pas
de par leur usage. Comparaison avec les arts, qui eux aussi s’acquièrent par l’expérience.
Aristote mentionne la nécessité d’avoir des guides.
 Ne s’acquiert pas par l’étude, mais par l’habitude. Il ne s’agit pas d’une question de
conformité à une règle.
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Bien agir en situation, c’est trouver le juste milieu, mais ce juste milieu va varier selon les
circonstances. Le juste milieu c’est une sorte d’équilibre entre deux extrêmes, le trop et le
pas assez. Ex : le courage est le juste milieu entre la lâcheté et la témérité. Toute la difficulté
est de savoir où se trouve ce juste milieu dans chaque situation.
De nouveau l’exemple de la nourriture : pour un grand athlète, la quantité de nourriture nécessaire
ne sera pas la même que pour une petite personne.
Le relativisme moral, c’est l’idée que « la bonne mesure est bien loin d’être une pour tous les
hommes ni la même pour tous. »
Le savoir au contraire est une règle théorique et générale. Il y a des règles générales morales (ex :
tout homme pour être moral doit respecter le juste milieu) mais il faut de la vertu pour savoir les
appliquer.
La philosophie d’Aristote va re-responsabiliser les individus, en opposition à celle de Platon (« nul ne
fait le mal volontairement »). Aristote veut sauver la liberté du choix et la possibilité de faire du mal
en connaissance de cause. Pour lui toutes nos actions sont volontaires.
Cf texte Aristote « la maxime selon laquelle… »
Si on ne peut admettre qu’un mal puisse être volontaire, l’homme n’est pas libre.
La distinction bien/mal va varier selon les acteurs et selon les situations, les cas particuliers, les
époques, lieux, cultures, éducation, etc…=> Ce sont des valeurs relatives, qui varient.
Ex : droits de l’homme ont tendance à être considérés comme absolus mais il existe une tendance à
les relativiser, à considérer qu’on ne peut les exporter de manière universelle.
Le culturalisme
Forme de relativisme moral plus radicale : le culturalisme. = identifier les valeurs uniquement en
fonction des cultures. Il n’y a pas de point de vue universel, global, duquel on pourrait juger
moralement les cultures des autres.
Ex : peine de mort, mal vue chez nous, morale chez les américains.
Ex : L’excision, pratiquée dans certains pays => est-ce mal ? De quel point de vue ? Est-elle justifiée
parce qu’il s’agit d’une pratique culturelle ? Il n’y a pas de culture supérieure à une autre, il n’y a pas
de bonne ou de mauvaise valeur objectivement (par définition, les nôtres sont toujours les bonnes).
On ne peut faire de hiérarchie morale.
Le bien et le mal ne sont pas du côté du vrai et du faux, mais du côté du goût. C’est une question de
mœurs.
Hume a développé cette approche, à propos du jugement esthétique : « la beauté n’est pas dans les
choses, elle est dans l’esprit qui les contemple » Et si la beauté et la laideur sont des propriétés de
l’esprit, on ne peut les hiérarchiser.
De même, tout le monde sera d’accord pour dire que la justice, c’est bien etc., les hommes se
réfèrent à ces catégories morales de manières universelles, mais ils n’entendent pas la même chose
par ces catégories.
Distinction entre le bien et le mal : réelle (cognitivisme) ou conventionnelle (relativisme) ?
Le pragmatisme
12
Autre forme de relativisme morale : le pragmatisme. Plus ou moins identique au sens commun de
« pragmatique » : ce qui compte ce n’est pas vraiment ce qu’on a dans la tête etc., ce sont les effets
des choses, ce qui marche vraiment. Le vrai, le bien, le beau, c’est la même chose, c’est ce qui
fonctionne. Une théorie scientifique est vraie, non pas quand elle correspond à la réalité mais quand
elle nous donne les réponses qu’on attend, quand elle fonctionne. Il s’agit d’une doctrine
essentiellement américaine. Les vérités religieuses, scientifiques, etc. ont le même statut. Ce qui
compte, c’est qu’elles nous fassent du bien, qu’elles calment nos incertitudes.
Ex : La science est une croyance comme une autre, si elle domine aujourd’hui, c’est parce qu’elle est
plus efficace.
C’’est un relativisme moral car, la raison pour laquelle on va choisir une action est son efficacité et
non le fait qu’elle soit bien/mal. Mais pour juger son efficacité, il faut avoir un but, et évaluer
l’efficacité par rapport à ce but. Et le but ultime de l’individu, c’est le bonheur, c’est d’avoir toujours
de l’espoir.
Grand pragmatique : Richard Rorty. Selon lui, on adhère toujours à des valeurs car elles nous
donnent un espoir de bonheur. La notion de progrès va être fondamentale : On ne peut pas être ????
Si on n’est pas adapté à notre environnement. Question morale ultime des pragmatiques : rapport
du moi à sa communauté. Il n’y a pas de nature humaine, de morale naturelle.
Cours 6
Chapitre 1 : Agit-on par pur devoir, juste pour le bien ou avons-nous d’autres
motivations ?
Éthique déontologique >< éthique téléologique (conséquentialisme)
Parmi ces autres rasons, la peur d’être puni, l’intérêt, l’envie de faire plaisir aux autres,…
A. L’éthique déontologique
Éthique = morale
 Deontos : le devoir, en grec
Il y a aujourd’hui des obligations morales de déontologie, liées à des disciplines (médecins,
avocats,…) auxquelles les personnes exerçant ces professions doivent se soumettre pour bien faire
leur métier.
L’éthique déontologique a comme point commun avec cela la notion d’obligation : elle va baser la
moralité d’une action sur le respect du devoir, d’une obligation. Il ne doit pas y avoir d’autre objectif
à cette action que le devoir lui-même. Ex : exercer une action « juste » pour ne pas payer une
amende. Il y a une idée de pureté.
Principal penseur de cette philosophie : Kant. Il entend l’obligation dans le sens de « ce que l’on
s’impose à soi-même ».
Ex : dire la vérité est un devoir. On doit donc la dire. Mais si on la dit par peur que l’on découvre que
l’on a menti, ce n’est pas une action morale.
13
C’est donc la fin qui compte, la fin contient les moyens. Une action morale doit se concevoir
indépendamment de ses conséquences. Ce n’est pas ses conséquences qui vont la rendre morale ou
non, mais l’intention qu’on y a mis. Peu importe donc les conséquences, qu’elles soient morales ou
immorales.
Ex : (souvent utilisé comme contre-exemple) : un enfant juif est caché et on nous demande où il est
=> on doit dire la vérité.
Selon eux, si on pense toujours aux conséquences, on trouvera toujours des raisons d’échapper au
devoir, parfois louables (cf. l’enfant juif) mais pas forcément.
Kant va utiliser la notion d’impératif, c’est-à-dire une obligation que l’on s’impose à soi, intérieure. Il
va distinguer deux impératifs :
- L’impératif hypothétique : « si je fais ça, alors cela va se produire » => des obligations qui ne
le sont que parce qu’elles permettent la réalisation de quelque chose.
- L’impératif catégorique : le devoir qui doit être fait inconditionnellement.
Kant, lorsqu’il critique les autres philosophies, vise beaucoup de philosophies, comme celle d’Aristote
par exemple, qui utilise la morale pour être heureux. Pour Kant, plus l’action nous coûte en terme de
bonheur, plus elle est morale.
Ex : rester en vie est un devoir. Mais si tout le monde reste en vie parce qu’il est heureux, ce n’est pas
spécialement moral. Rester ne vie ne devient moral que lorsque l’on a envie de mourir, et qu’on ne
reste en vie que pour respecter notre devoir.
Kant ne fait pas une liste des valeurs morales nécessaires, des impératifs catégoriques. L’impératif
catégorique est quelque chose que l’on peut s’imposer à soi-même, à partir d’un test. Ce n’est jamais
qu’un test que l’on fait passer à soi-même pour évaluer notre intention.
Ex d’impératif catégorique : « agis selon la maxime qui peut en même temps se transformer en loi
universelle ». Avant d’agir il faut donc se demander : est-ce que je peux vouloir que mon action se
transforme en loi universelle ?
Si on reprend ‘exemple du mensonge : est-ce qu’on peut vouloir que le mensonge soit universel, que
les autres nous mentent ? NON. Ce n’est donc pas un devoir moral
Cf texte de Kant : « Mais quelle peut donc être cette loi dont la représentation… »
Il ne faut pas entendre le terme loi au sens juridique.
Cf texte de Kant : « Les conséquences ne sont pas aussi aisées à prévoir »
Il y a deux façons d’être sincère, qui sont tout à fait différentes : par devoir ou par crainte de
conséquences désavantageuses (auquel cas il faut à l’avance réfléchir à ces conséquences).
Les actions morales sont alors toujours désintéressées : sans sentiment, sans intérêt extérieur ni
personnel. C’est comme cela qu’elles ont quelque chose de pur.
 Distinction entre une action accomplie par devoir et conformément au devoir : différence
entre le devoir comme seule motivation de l’action (=> action morale), et une action qui
coïncide avec cela mais a d’autres motivations (=> action ni morale ni immorale).
 Distinction entre deux types de volonté : la volonté autonome et la volonté hétéronome. La
volonté autonome n’obéit qu’à elle-même. La volonté hétéronome est influencée, elle mêle
à ses décisions des motivations qui lui sont extérieures.
Cf texte de Kant : « Ce qui fait que la bonne volonté est telle… »
14
Si la nature a donné à l’homme la raison, c’est parce que la raison sait. Et souvent, suivre sa raison
c’est renoncer à son bonheur.
B. La critique de l’éthique déontologique
Elles vont critiquer son applicabilité.
1. Peut-on vraiment concevoir un devoir aveugle ?
2. Peut-on vraiment concevoir des obligations inconditionnelles ?
Ex : Doit-on dire la vérité au menteur ?
Ces deux questions vont être développées par Benjamin Constant. Il est l’un des penseurs
fondamentaux du libéralisme politique (place la liberté au fondement de la vie en communauté). Il va
proposer la distinction encore utilisée entre la liberté des modernes et la liberté des anciens. Chez les
anciens (= grecs et romains), la liberté c’est pouvoir participer directement au pouvoir politique. Chez
les anciens, le collectif va primer sur l’individuel. La notion d’individu est une notion moderne. Cette
participation n’stp possible que dans une petite société, et une société où, pendant que les uns
participent directement à la vie collective, il faudra d’un autre côté l’exclusion de la vie politique
d’une majorité de personnes (femmes, esclaves) qui feront tourner l’économie. Pour les modernes,
la liberté est la possibilité de faire des choix pour soi-même, la protection du droit par rapport à
l’individu. En échange de cela le citoyen renonce à sa participation directe (il élit des représentants)
Cette liberté moderne a une limite : celle des autres.
La critique de constant vis-à-vis de la philosophie kantienne relève de cette conception de la liberté :
bien sûr, la morale s’évalue selon l’universalisation de la maxime. Mais il y a des conditions : le devoir
est indissociable du droit, c’est une réciprocité : on n’a pas de devoir envers ceux qui n’ont pas de
droit.
Ex : Le menteur n’a pas droit à la vérité.
Il y a des devoirs moraux mais ils sont réciproques et non inconditionnels. Si les autres ne sont pas à
la hauteur de leurs propres devoirs, ils perdent leurs droits à notre égard.
Cf texte de Constant : « Le principe moral, par exemple, que dire la vérité est un devoir,… »
La vie en société suppose des mensonges.
Il n’y a APS de devoir absolu, il n’y en a que par rapport à un autre
Il critique donc l’inconditionnalité de la morale de Kant.
Cours 7
Le devoir selon Kant est une volonté intérieure. Mais la morale ne concerne pas que notre
intérieur, elle est avant tout vis-à-vis des autres : elle est conditionnée par l’existence des
autres.
Selon Constant donc, la notion de devoir est indissociable de celle de droit : pour avoir un
devoir vis-à-vis de quelqu’un, il faut que celui –ci ait un droit
Cette théorie correspond au libéralisme, qui se base sur le fait que nous sommes des hommes libres
mais que notre liberté a comme limite celle des autres.
C. L’éthique téléologique
Cette appellation regroupe différents courants.
Telos en grec : la fin, la finalité
15
Un action morale a toujours un but et doit être évaluée par rapport à celui-ci, par rapport à ses
conséquences. C’est le rapport entre le but de l’action et ses conséquences réelles qui doit permettre
d’évaluer la valeur de l’action.
Il n’y a pas de devoirs absolus, seulement des devoirs qui s’imposent dans un certain but. Et souvent,
les finalités de l’action sont liées aux désirs individuels, à un intérêt personnel, c’est-à-dire que ça
contribue à notre bonheur (pas forcément négatif). On présuppose donc que tous les hommes
tendent naturellement à avoir un raisonnement qui leur garantit le plus grand bonheur possible. Et la
plupart du temps, notre bonheur consiste à avoir un maximum de plaisir et un minimum de déplaisir.
Dans cette approche, aucun acte n’est ni bon ni mauvais en soi. Ici donc, si l’acte est moral, les
conséquences sont morales, et peu importe les intentions qui sous-tendent l’acte.
Ce courant est aussi appelé conséquentialisme.
Le courant le plus connu de cette éthique est l’utilitarisme. L’utilitarisme est la philosophie morale
qui a le plus imprégné nos valeurs politiques. L’utilitarisme part d’une certaine vision de l’homme (là
où Kant, dans une morale normative, dit ce qu’il faut faire et non ce qui est fait), de la réalité, de ce
que les hommes font et sont effectivement. L’homme est un être égoïste (il cherche, par nature, sa
propre satisfaction) et rationnel (c’est-à-dire capable de faire des calculs, d’ajuster son
comportement à ce qu’il veut obtenir). => Il va sans cesse ajuster son comportement à son intérêt.
L’anthropologie utilitariste dit donc que l’homme va chercher dans toutes ses actions à augmenter
son plaisir et minimiser son déplaisir. => Il ne sert à rien de vouloir faire faire aux hommes ce qui
n’est pas dans leur intérêt ; ils ne le feront pas.
Un des grands penseurs de l’utilitarisme : Bentham. « «Principe selon lequel toute action, quelle
qu’elle soit, doit être approuvée ou désavouée selon la tendance qu’elle a à augmenter ou à réduire
le bonheur des parties affectées par l’action. »
Utilité : tendance de quelque chose à engendrer bien-être, avantage, bien, joie ou bonheur.
Cette évaluation est performante car elle est quantitative. Elle se veut donc plus « objective », plus
concrète. But de la morale : faire accomplir un devoir par un individu et donc démontrer l’utilité de
ce devoir
Cf. texte de Bentham : « L’instructeur dogmatique… »
Instructeur dogmatique : donneur de leçons
Fait parler Kant dans sa bouche pour s’en « moquer »
Pour lui c’est l’utilité qui nous oblige, une obligation sans utilité ne veut rien dire. Jamais le
devoir en lui-même ne va nous faire agir.
Au lieu de faire du bonheur un fondement de la morale, Kant avait plutôt tendance à
considérer que le bonheur diminuait la morale
Bentham faisait aussi dans la politique : pour lui, on va utiliser cette tendance naturelle de l’homme
pour régir les relations entre individus. On voit ici le fondement d’un modèle de vie en société : le
modèle capitaliste, une société régulée par l’intérêt, une société où l’intérêt devient un moyen de
contrôler les hommes. Là, toute loi est là pour montrer l’intérêt que l’on a à accomplir un devoir.
Cf. texte de Bentham « L'objet que nous nous proposons… »
Le but de la société démocratique : le bonheur des gouvernés.
Si on fait du mal, c’est toujours qu’on a fait une faute dans son calcul.
Les conséquences prises en compte dans le calcul sont les conséquences directes mais aussi
indirectes.
16
L’éthique utilitariste est ambigüe car à la fois elle se base sur une réalité, et elle prescrit une façon
d’agir. Dès que l’on définit la nature de l’homme, on produit du contrôle. C’est précisément à ça que
Kant s’oppose, lui qui définit la nature de l’homme par la liberté.
Cours 8
Une action morale est donc une action qui a une utilité pour celui qui la commet. Utile=bien.
Inutile=mal (mauvais calcul). C’est le but de la politique et du droit de produire des contraintes qui
créent un intérêt.
On ne peut donc réguler la société sans utiliser le levier de l’intérêt.
Bentham propose deux moyens pour réguler la société : faire coïncider les règles et l’intérêt.
Ex : si on tue notre père on va hériter d’une grosse somme d’argent => Intérêt. Miass on risque aussi
de passer notre vie en prison => Intérêt supérieur. D’où le rôle de l’éducation et….Deuxième moyen
de régulation : apprendre aux hommes à reconnaitre leur intérêt. Cela suppose d’abord de leur faire
comprendre qu’il ne s’agit pas toujours d’un intérêt immédiat, et ensuite de leur faire prendre
conscience que leur intérêt individuel passe par l’intérêt collectif. C’est une doctrine assez cynique
(pas de sentiment, ais calcul) mais aussi une doctrine qui veut utiliser cela pour réguler la société.
Ce qui fait le succès de cette doctrine c’est qu’elle va faire correspondre l’évaluation morale (fait de
savoir ce qui est bien et ce qui est mal) et la question du calcul et de l’utilité, qui va toujours être
posée en termes quantitatifs.
Cf. texte de Bentham « Tout plaisir est, prima facie,… »
L’évaluation de toute action e fait par un calcul quantitatif, une somme de bien mise en
balance avec une somme de mal.
Bonheur = somme de biens > somme de peines
Mais la morale ne suppose-t-elle pas parfois des sacrifices ? Il faut là différencier l’utilitarisme de la
morale hédoniste, qui consiste à viser un état de plaisir, de suspension de toute douleur (ataraxie).
Chez Bentham, ce n’est pas la même idée : la sienne est que l’homme est aussi un être qui a des
sentiments et surtout, qui ne cherche pas un état permanent de plaisir mais cherche plutôt à
chercher des actions pour augmenter son plaisir.
???
Bien sûr nous avons un sentiment de sympathie pour les autres, mais c’est parce que ce sentiment
nous donne du plaisir ou de la peine.
=< il y a trois bonne raisons de limiter son plaisir personnel s.s : la sympathie (le plaisir d’un ami va
nous apporter un plaisir personnel) + calcul sur la durée + le fait qu’on ne peut augmenter seulement
son plaisir individuel sans tenir compte du fait que le plaisir de tous rejaillit sur notre plaisir
individuel. Pour Bentham, le bienêtre individuel coïncide avec le bien-être du groupe (qui n’est rien
d’autre que la somme des bien-être individuels).
Chapitre 4 : Le mal sert-il à quelque chose ? Comment expliquer certaines atrocités ? Y
a-t-il un mal radical ?
A. Le nihilisme
Pourquoi le mal ne pourrait-il pas, tout autant que le bien, être le fondement de l’action ? Peut-on
présupposer qu’il y a des valeurs morales ? Ou qu’il y a une hiérarchie entre bien et mal ?
17
C’est la question que pose le nihilisme, philosophie qui consiste à nier la signification des valeurs,
l’idée que l’existence humaine mène à une signification, une valeur. => Pour le nihilisme, il n’y a pas
de valeur. En réalité, il va commencer par détruire les valeurs. Tout se vaut, et rien ne vaut rien.
C’est donc une approche qui va poser la question de la validité de la philosophie morale.
La pensée du soupçon
On va ici étudier Nietzsche, philosophe atypique. Pour Nietzsche, la philosophie est une longue
maladie, c’est quelque chose qui conduit l’homme à la mort. Nietzsche est souvent associé à deux
autres penseurs contemporains : Marx et Freud. Ils sont associés, non pas parce qu’ils étaient
d’accord, mais parce qu’ils avaient un approche, une attitude que l’on va regrouper sous la pensée
du soupçon. Ils ont d’abord, en commun, d’avoir énormément, au XXème siècle, influencé la pensée
philosophique, politique, psychologique, et en particulier celle des années 60 (mai 68) et la
philosophie post-moderne. Les philosophes post-modernes vont récupérer une méthode d’approche,
la déconstruction : il faut déconstruire tout ce qui nous a été transmis par la tradition, pour
démonter les présupposés et préjugés (la supériorité du rationnel sur l’irrationnel, celle de la
raison/rationalité occidentale sur d’autres formes de rationalité, les paradigmes masculins qui
dominent la pensée).
Cours 9
Ils ont surtout en commun de suspecter nos convictions, croyances, valeurs, en ce qu’elles
cacheraient leur propre origine, qu’elles auraient des racines inconnues/inavouées qu’il faut mettre à
la lumière du jour. Pour Freud, ces racines sont dans l’inconscient. Pour Marx, ces racines sont dans
de système économique. Pour Nietzsche, nous le verrons plus tard. On les appelle penseurs du
soupçon car ils vont, par leurs pensées, nous amener à avoir un soupçon sur toute croyance, que ce
soit la croyance religieuse, la croyance morale, la croyance au bien/mal,…Ils sont convaincu que
derrière toute parole ou tout discours, il y a un autre discours, plus secret. Leur travail est donc de
déconstruire le discours pour faire apparaitre ces arrière-pensées. Le marxisme dit que toutes nos
valeurs morales relèvent d’une idéologie, l’idéologie bourgeoise, c’est-à-dire que ses valeurs sont là
pour que les bourgeois puissent le rester (=permettre à la classe dominante de rester dominante).
Marx va en particulier critiquer la morale utilitariste (qui est indissociable de l’esprit capitaliste). Pour
Marx, cette morale est là pour justifier le droit bourgeois, le droit qui protège les bourgeois.
L’approche commune des 3 penseurs consiste donc à dénoncer des représentations acquises, un
système en place.
Nietzsche, plus radical, est moins explicite et moins connu du sens commun. Ce qu’il va dénoncer,
c’est la philosophie morale. Marx et Freud vont essayer de montrer les influences cachées de nos
croyances et valeurs, les déterminismes qui régissent nos croyances. Nietzsche lui, n’a même pas
l’illusion que l’on peut faire apparaitre ces déterminismes. Pour lui il n’y a pas de causes, il y a des
croyances et le champ des valeurs relève du combat, et rien ne dit dans ce combat qui doit
l’emporter. Chez Marx il y a derrière une utopie, chez Freud il y a la thérapie. Chez Nietzche, il n’y a
rien. C’est en tout cela qu’il est plus radical.
Ces 3 peseurs vont se méfier de tout ce qui est dichotomique, c’est-à-dire ce qui consiste à scinder la
réalité entre deux champs opposés : vrai/faux, rationnel/irrationnel, bien/mal, fou/normal. Ils vont
18
donc proposer de déconstruire ces oppositions car elles construisent des hiérarchies qui sont
fallacieuses. Elles dissimulent des rapports de pouvoir.
Ex : Michel Foucault qui dénonce la psychiatrie comme contrôle social : post-moderne,
dénonciation d’un rapport de force. Foucault va montrer que la philosophie utilitariste produit du
contrôle, et donc du pouvoir.
La science est un discours de pouvoir. Certains auteurs post-modernes vont reconnaitre leur
propre discours de pouvoir.
Ex : le discours des droits de l’homme va être déconstruit. Ce discours qui se prétend universaliste
a derrière lui une classe supérieure, une culture qui tente de s’étendre.
Approche de Nietzche de la philosophie morale : je ne suis pas un moraliste, je suis un immoraliste. Il
va revendiquer ce statut non pas pour dire qu’il ne veut pas faire de philosophie morale ou que celleci ne l’intéresse pas, au contraire, mais parce qu’il prétend faire une philosophie morale immorale.
Livres de philosophie morale de Nietzche : Pour une généalogie de la morale et Par-delà le bien et le
mal.
Ce qu’il entend par là, c’est que sa philosophie morale a pour objectif de bousculer (= déconstruire)
tous les fondements de la philosophie morale. Non pas parce qu’il veut en proposer d’autres, mais
pour montrer comment est-ce qu’une croyance morale nous arrive. Il ne va donc pas attaquer telle
ou telle conception du bien et du mal, mais l’idée même de bien et de mal. Le fait que nous pensions
que le bien est supérieur au mal, c’est un préjugé moral.
Cf. texte de Nietzche « ce qui a manqué… »
Ce qui a manqué dans toute science morale c’est le problème de la morale elle-même, le
soupçon qu’il puisse y voir là quelque chose de problématique. (C’est une pensée assez
subversive pour l’époque.)
Tous les discours sont là pour valider la morale dominante et cacher la problématique de la
morale elle-même.
Nb : cette partie du cours est appelée nihilisme car on attribue cette attitude au maitre de Nietzche,
Schopenhauer, selon qui toute attitude morale est vaine. Mais Nietzche critiquera le nihilisme.
Schopenhauer va en particulier critiquer Kant.
Cf. texte « Kant a bien…de la morale en un point »
// avec le pessimisme.
Remercie Kant d’avoir purifié la morale du bonheur
Va prendre pour cible Kant, mais plus largement la philosophie morale.
Nietzche fait un lien entre le fait que la morale soit là pour réguler la vie ne société, et le fait que sans
la religion, la morale et donc la société va s’effondrer. Il est justement à une période charnière où
l’on observe un ébranlement de la foi.
Le surhomme
Pour tout dévoiler, dit Nietzche, il faut faire une vivisection des valeurs (= métaphore organique).
Cette vivisection consiste à renverser les valeurs, à provoquer, interroger la hiérarchie des valeurs.
Nietzche va s’attaquer à tout ce qui fait l’unanimité : l’altruisme, l’amitié,…Ces valeurs sont fausses,
castratrices, elles vont endormir les hommes, les empêcher de réaliser leur potentialité humaine,
L’homme bon, l’homme moral n’est donc pas l’homme charitable, c’est l’homme fort, celui qui n’a
pas cédé à l’humanisme. Pour expliquer cela il va utiliser la notion de surhomme, c’est-à-dire
19
l’homme qui a dépassé l’homme, qui se dépasse, dépasse toutes les conceptions de l’homme
admises.
Cf. texte de Nietzche « La notion de surhomme… »
Pour Nietzche, les valeurs limiter la puissance des hommes en donnant des réponses illusoires à leurs
angoisses et leurs ignorances.
Ex : l’utilisation par la religion chrétienne de l’enfer et du paradis par rapport à la peur de la mort.
La religion nie l’homme en inculquant à l’homme la morale du ressentiment : elle le fait réagir au lieu
d’agir (cf. empirisme moral) et avoir une sorte de haine envers lui-même et envers les autres car il est
constamment culpabilisé. Cela aboutit à une société où les faibles (ceux qui cèdent à la culpabilité,
qui ne savent s’auto-affirmer, c.-à-d. la grande majorité des gens) vont systématiquement
culpabiliser les forts (pour se protéger). La vengeance, c’est le ressentiment du faible envers le fort,
et ça ne peut pas être. Ce ressentiment va donc être déguisé sous forme de valeur morale pour
culpabiliser ceux qui n’y adhèrent pas.
Ex : l’altruisme. On va culpabiliser les égoïstes, les forcer à s’autodétruire en dévalorisant leur
comportement.
On va dévaloriser tous les rapports de conflit, toute la violence. Or pour Nietzche, il n’y a pas de
raison de dévaloriser la violence a priori.
C’est ainsi que Nietzche va interpréter l’histoire de l’Occident chrétien comme un moment où
l’homme dépérit.
Le problème, c’est que l’homme fort est séduit par cette morale et va donc se soumettre à une
mutilation volontaire de ses instincts, alors que cette mutilation empêche d’autres instincts de
s’exprimer, par exemple l’instinct d’honneur. Pour Nietzche, il y a des instincts et des pulsions de vie
que la morale détruit et qui conduisent donc à la mort de l’homme. Il va revendiquer un vitalisme :
l’idée que les pulsions de vie sont au-dessus de tout, qu’il va opposer au nihilisme s.s. EN effet, même
s’il déconstruit les valeurs, il n’est pas un nihiliste proprement dit. Pour lui le nihilisme est la
conséquence du déclin en occident : c’est ce qui arrive quand on croyait en des valeurs et qu’elles
s’effondrent : on ne croit plus en rien. Et pour lui, cette attitude n’est pas suffisante. Le nihilisme,
c’est l’abandon de nos forces vitales, et elle n’est possible que parce que nous sommes soumis à la
morale du ressentiment. Il est conscient qu’à son époque, un certain nombre de valeurs chrétiennes
se sont déjà effondrées. On est alors confronté à l’absence de valeur, au néant, et à l’angoisse. Le
nihilisme c’est donc cette attitude inconsciente des modernes qui, lorsqu’ils prennent conscience de
l’artificialité de leurs valeurs, vont céder au cynisme ou au totalitarisme. Les faibles sont des esclaves,
mais des esclaves qui règnent. Ils sont esclaves d’eux-mêmes, incapables de vivre seul, sans appui, de
s’auto-affirmer. Ce sont les hommes de foi mais aussi en général tous les pratiquants de la morale.
Cf. texte ??
« La foi est une prison. »
// Marx : la religion est l’opium du peuple. La différence est que Marx veut sauver le peuple,
Nietzche pas.
La morale des faibles règne car on s’est laissé prendre à la facilité : on a fait du bien-être le but de
notre existence, culpabilisé ceux qui se sentent supérieurs (les forts). C’est pour assurer cette
domination qu’est là le principe d’égalité. Nietzche est donc opposé à l’idéal démocratique qui ruine
la vraie morale : la domination des forts sur les faibles. Le surhomme s’oppose donc à l’homme
démocratique.
Cf. texte de Nietzche : « ce problème de la valeur de l’amitié… »
Cf. texte de Nietzche : « L’évènement récent le plus grandiose…3
20
Nietzche veut en finir avec la religion et avec Dieu. Il a dit « Dieu est mort ». Mais il sait que les
conséquences de la mort de dieu vont être d’une violence sans précédent, et on s’en rend
compte si l’on replace cette phrase dans son contexte
On peut constater que le siècle suivant, le XXème, rencontrera effectivement les ténèbres dont
Nietzche parle : les deux guerres, etc...
Cours 10
Nietzche ne cherche pas à remplacer Dieu par autre chose, à remplacer les valeurs de notre sociétés
par d’autres. Nietzche, après avoir tout déconstruit, va admettre que bien/mal etc…ce n’est jamais
qu’une question de point de vue.
Ex : les valeurs des grecs : l’orgueil, la puissance, etc…, sont aujourd’hui vues comme des valeurs
naturelles mais qu’il faut réprimer
Nietzche va ainsi montrer que toute valeur est toujours barbare pour un autre.
A toute époque, les hommes se sont fait la guerre. Les combattants, si violents en contexte de
guerre, peuvent être extrêmement civilisés lorsqu’ils sont chez eux.
 Plus la morale à l’intérieur d’une civilisation est étriquée, plus les hommes sont castrés, plus,
dès qu’ils sortent de leur cercle, leur barbarie va être sans limite.
Hors, Dieu est mort, les hommes sont donc sortis de la cage.
B. Le mal radical
Comment comprendre le mal ? Faut-il le justifier ?
Le mal radical, au sens courant, est le mal dans son sens le plus aigu.
Il s’agit de s’interroger sur le mal proprement dit et non sur le mal par rapport au bien.
Tant que la question de Dieu reste centrale ? Comment traite-on la question du mal ?
Dans le christianisme, cette question occupe une place centrale. Le mal est introduit par le péché
originel. Ce pêché vient de la désobéissance des hommes vis-à-vis de Dieu, car ceux-ci voulaient
obtenir la connaissance du bien et du mal. Adam et Eve sont immortels mais n’ont pas la
connaissance qu’a Dieu. Dieu leur ayant dit qu’ils mourraient s’ils goutaient à la pomme, le serpent
leur dit qu’ils ne mourront pas, mais qu’ils ouvriront les yeux et seront comme des dieux. Une fois
avoir goûté, les hommes ne sont plus innocents ni immortels. Il leur retire donc leur immortalité pour
qu’ils ne soient pas égaux à lui.
Une autre interprétation de la doctrine chrétienne est introduite au IIIème siècle par le
manichéisme : ça ne peut être Dieu qui a introduit le mal puisque dieu est bon. C’est donc le serpent
qui a introduit le mal. Mais il faut alors admettre qu’il y a face à dieu une autre puissance, aussi
grande qu’elle : le mal, le démon. Cette doctrine est bien sûr rejetée par l’Eglise officielle.
Mais pourquoi Dieu aurait-il créé un monde pour que le mal arrive, la réponse officielle pendant
longtemps va être apportée par Saint-Augustin en réponse au manichéisme : le mal dans le monde
ne vient ni de Dieu ni du diable, mais de l’homme. Et dieu n’a pas créé l’homme mauvais, il l’a créé
bon mais il lui a donné le libre-arbitre pour le mettre à l’épreuve. Si l’homme est corrompu, c’est
donc parce qu’il a choisi le mal. Tout cela est explicité dans les Confessions de St Augustin. (cf. la
conversion d’Augustin). C’est là, pour Nietzche, la source de la culpabilité de l’homme, et cette
interprétation met le surhomme (celui qui tente d’être l’égal de Dieu, le fort) en tort.
21
Saint-Augustin raconte notamment, dans ses Confessions, avoir volé des pommes juste pour le
principe de voler. Et il précise même y avoir pris du plaisir. Il explique donc là que le mal vient du
libre-arbitre, ainsi que de la jouissance que procure la transgression. Il dit aussi qu’il est possible de
faire le mal pour le mal (>< Platon). Le mal lui-même serait bon.
Quand Dieu met l’homme à l’épreuve, il ne le met pas seulement à l’épreuve de résister au plaisir
que le mal lui procure mais aussi de se racheter du pécher originel.
Lorsque la philosophie se veut indépendante de la religion, comment cette question évolue-t-elle ?
Les Lumières, encore croyants, désirent néanmoins séparer religion et philosophie, ils veulent avoir
une approche plus rationnelle du mal. Ils sont en particulier préoccupés par la cohérence. Pour eux, il
y a une contradiction entre ces 3 affirmations : le mal existe, Dieu est absolument bon, Dieu est tout
puissant. Ils vont donc produire des thèses rationalistes des théodicées (=justifications rationnelles
de Dieu) pour expliquer que Dieu a fait le mal mais pour un plus grand bien. Ils ne désirent par-là pas
maintenir la foi des chrétiens, mais expliquer la rationalité du monde.
Une célèbre théodicée est celle de Leibnitz : pour lui l’existence du mal ne doit pas être considérée
isolément elle doit être prise dans une vision plus large du monde qui permet de voir l’équilibre
rationnel voulu par Dieu. Dieu a voulu le meilleur des mondes possibles, et l’existence du mal en fait
partie.
Il prend l’exemple de Judas : comment Dieu a-t-il permis qu’un homme trahisse son propre fils ? La
trahison de Judas faisait partie du plan de Dieu, elle ne doit pas être vue du point de vue des
hommes mais du point de vue de l’éternité. C’est ce qu’il a utilisé pour montrer aux hommes son
sacrifice.
Critiques de la théodicée
Kant va dire que la raison n’a pas dieu pour objet et on ne peut justifier par la raison l’existence ou
les actions de Dieu. C’est en réponse aux théodicées qu’il va développer la notion de mal radical.
Voltaire lui aussi va critiquer la théodicée. Pour lui, il s’agit d’une rationalisation du mal => un
scandale. C’est une façon de vouloir faire accepter aux hommes l’inacceptable, y compris leur propre
impuissance face au mal et à Dieu. Pour lui, le mal est injustifiable par la raison. Voltaire sera
normalement très marqué par le tremblement de terre de Lisbonne, sur lequel il écrira un poème. Il
affirmera qu’il est impossible d’expliquer un mal pareil. Voltaire fiat naitre l’idée que pour expliquer
certains maux, il va falloir se passer de Dieu. Voltaire développe donc la sécularisation du mal, le fait
d’en faire un problème humain et non théologique, une question qui concerne les hommes. Il
anticipe la mort annoncée de Dieu.
Cours 10 - 11
Le mal radical
Cette réflexion sur le mal va prendre tout son sens au XXème siècle, lorsque les hommes se
retrouvent confrontés à des catastrophes d’une nouvelle ampleur.
Au XXème siècle, l’homme constate que le mal est provoqué par l’homme lui-même, et non le fruit
de Dieu. Le mal, qui était pour Voltaire incarné par la mort des innocents à Lisbonne, est désormais
incarné par Auschwitz. La question est donc maintenant : pourquoi et comment l’homme fait ce mal
22
si radical ? Aurait-il été possible sans toutes les découvertes de l’état moderne (science, technique,
politique) ?
« Comment Dieu a-t-il pu nous faire ça ? » devient « comment l’homme a-t-il pu se faire mal à luimême ? » (cf. Jonas, Le concept de Dieu après Auschwitz)
Dans le poème de Lisbonne, Voltaire dénonce l’idée qu’une cause naturelle aveugle – le tremblement
de terre – puisse être rationalisée par Dieu, que l’on explique grâce à Dieu ce qui est absurde et
insupportable.
Pour Jonas, c’est le même type d’interrogation qui surgit après Auschwitz, sauf que l’on est confronté
à des actes libérés causés par des hommes. Peut-on alors les justifier ? Ce mal est-il un mal nouveau,
qui doit être expliqué par de nouvelles théories morales ? Ou est-ce juste le nouveau visage d’un mal
déjà connu, explicable par les théories antérieures ?
Encore aujourd’hui, on se pose la question : ce mal était-il unique ou peut-il se répéter ? Est-il
explicable ? Mais comment l’expliquer sans le justifier ? Quelle est sa nature, quelles en sont ses
causes (psychologique, métaphysiques,…) ?
La philosophie morale post-déportation, reprenant la thèse du mal radical, permet ainsi de répondre
à la question « pourquoi l’homme fait-il du mal à l’homme ? ».
La thèse du mal radical vient de Kant. Certains philosophes du XXème siècle vont aller rechercher
cette théorie chez Kant car il l’avait développée pour critiquer les théodicées et faire du mal une
question humaine, montrer l’humanité du mal.
En effet, contrairement aux rationalistes qui associaient le mal à l’animal, Kant fait de la tendance au
mal l’humanité de l’homme.
Ex : Le discours assez courant qui dit que la barbarie du XXème siècle est inhumaine, que les SS sont
des monstres, est un discours simplificateur que Kant, comme les penseurs ultérieurs qui le citeront,
veut éviter.
Il s’agit là d’une forme de laïcisation de la société :
Dans une société religieuse, le mal est transcendant, il vient d’en haut. Avec la perte de la foi (la mort
de Dieu), le mal devient immanent, interne à la condition humaine. Il faut donc adapter les théories,
abandonner celles qui donnent un rôle à la transcendance.
Le mal radical est une tendance inhérente à l’homme tant qu’il est libre (il dispose du libre arbitre,
mais pas grâce à Dieu comme le disait Saint-Augustin). Ici, l’homme est libre de se déterminer et il va
être potentiellement l’auteur d’un mal radical.
Selon Kant, l’homme vit en société et tente d’améliorer la vie en commun en produisant des règles.
Le problème, c’est que si l’homme a tendance à vouloir des règles, il a aussi tendance à vouloir
s’excepter lui-même de ces règles. Il s’agit de l’inverse de l’impératif catégorique (cf. supra) : au lieu
de s’imposer quelque chose à lui-même, l’homme impose quelque chose aux autres et s’en exclut.
Ex : celui qui veut la vérité mais qui ment en permanence
23
Selon lui, c'est là la racine du mal radical. Il n'entend pas par « mal radical » un mal absolu, énorme ;
il veut dire le mal qui est à la racine de l'homme, parce que l'homme, essentiellement, est libre et
autonome.
Le mal radical est un mal intentionnel qui consiste à vouloir échapper à la règle qu’on a
universellement admise. Il s’agit d’une sorte de malice qui nous pousse à donner à une mauvaise
action le vernis de la morale, à faire croire que l’on a agi en conformité avec la loi alors qu’en réalité
on a voulu y échapper.
Ex donné par Kant : Pendant la Révolution française a eu lieu la Terreur, c’est-à-dire un moment où
les révolutionnaires eux-mêmes sont entrés dans une logique paranoïaque, se sont suspecté les uns
et les autres d’être potentiellement un ennemi de la révolution. Ils vont ainsi se poursuivre et
s’éliminer jusqu’à se faire éliminer eux-mêmes.
Une question peut se poser : comment une utopie de la raison comme celle qui a amené la
révolution a-t-elle pu déboucher sur de tels massacres ? Kant l’expliquait ainsi : il s’agit d’une utopie
qui veut le bien des hommes. Dès lors, toutes les règles, normes produites, tout va être justifié, tout
va être fait au nom du bonheur supposé des hommes. C’est par cette théorie kantienne que les
penseurs du XXème siècle expliqueront toutes les utopies qui ont ensuite mené à des systèmes
totalitaires et à des catastrophes. C’est lorsque la société se tourne vers le bonheur absolu que le mal
ressurgit dans sa radicalité.
La banalité du mal
Hannah Arendt va réutiliser le concept de mal radical et y associer celui de banalité du mal. Cette
notion est introduite dans l’intitulé d’un de ses ouvrages : « Eichmann à Jérusalem – rapport à la
banalité du mal ». Ce qu’elle entend par « banalité », c’est que lorsque le mal est répandu, il est facile
d’y céder, plus facile même que d’y résister.
Hannah Arendt est une philosophe juive allemande qui dans les années 30, s’exile aux USA, où elle va
écrire la plus grande partie de son œuvre en anglais. Elle est connue parce qu’elle est une philosophe
politique et atypique. Elle développe la question de philosophie morale que représente pour elle les
camps de concentration en l’abordant de 2 façons :
-
Approche très politique : aborder la barbarie nazie à partir du totalitarisme. Le mal ne peut
surgir que dans ce système politique. Le système se différencie des régimes tyranniques
classiques par le fait qu’il impose une domination totale, aucune sphère de la vie humaine
n’y échappe. Les deux exemples qu’elle donne sont le système nazi et le système
communiste. Ces systèmes rendent les hommes superflus, ils les transforment en
marionnettes par un processus de déshumanisation symbolisé par les camps de
concentration. Cette déshumanisation se fait à 3 niveaux :
o On enlève aux individus leur personnalité juridique. Cela s’est beaucoup fait sous
l’Allemagne nazie : on a enlevé aux juifs allemands leur nationalité et ils se sont
retrouvés apatrides.
24
o
-
On va les transformer en cadavres vivants en détruisant tous les liens sociaux
naturels, par exemple en obligeant les juifs à faire fonctionner eux-mêmes les camps,
à se dénoncer les uns les autres, à être les bourreaux de leurs compagnons.
o On va retirer à chaque individu sa singularité, ce qui fait de lui quelqu’un d’unique :
son nom, son passé, sa famille...Ils n’auront plus qu’un numéro tatoué. On va leur
retirer leur existence même et même leur mort, puisqu’ils finiront dans les fosses
communes.
Approche plus morale : Qui sont ces barbares ? Cette approche est indissociable de la
première car la déshumanisation ne s’applique pas seulement aux victimes, mais aussi aux
bourreaux. Et même s’ils ont été déshumanisés, il faut les considérer comme des individus
responsables, comme les criminels qu’ils sont. Arendt va suivre à Jérusalem le procès d’un
ancien bureaucrate responsable de l’administration allemande, Adolf Eichmann. Elle rédigera
un compte-rendu du procès, à la fois factuel mais aussi interprétatif, pour le compte d’un
journal américain.
Autre chose intéressant dans l’approche de cette philosophe : elle change d’attitude par rapport au
statut moral du mal. Les crimes des nazis dépassent le bien et le mal, ruinent la distinction entre le
bien et le mal, mais aussi plus généralement la justice. Ce sont des crimes qu’on ne peut ni punir, ni
pardonner.
Sa position initiale est la suivante : le mal auquel nous sommes confrontés est tellement radical qu’il
ne peut être expliqué par l’intérêt personnel, par l’égoïsme. Ce que l’on croyait impossible, en
devenant possible, a ruiné toute explication morale habituelle.
Cette position change au procès d’Eichmann. C’est là qu’elle développe l’idée que le système
totalitaire, en faisant du mal radical la norme, la règle, a introduit la banalité du mal. C’est ainsi que
des hommes ordinaires, en toute inconscience, commettent des atrocités. C’est ainsi que Adolf
Eichmann, qui, elle le découvrira, n’est pas spécialement partisan du nazisme et de la solution finale,
contribuera efficacement et volontairement à envoyer à la mort des millions de personnes. Elle va
découvrir que cet individu n’a rien d’un monstre, et qu’il n’a pas conscience du caractère criminel de
sa propre participation. A son procès il ne comprend pas ce qui lui est reproché et déclare sans
mentir « je n’ai rien fait de mal ». Eichmann sait que tuer est mal, mais il ne se rend pas compte qu’il
a tué.
On peut donc mettre en évidence 3 dimensions de banalité chez Eichmann :
- C’est un homme ordinaire
- Il n’agit pas au nom de ses convictions
- il ne comprend pas la nature criminelle de ses actes
Cf. texte de Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem
Arendt décrit la confrontation entre cet homme et les juges/psychiatres.
Juger, c’est distinguer le bien du mal, le juste de l’injuste. Les juges étaient tellement conscients de
ces fondements de leur profession, qu’il leur semblait impossible qu’un homme normal ne les
connaisse pas.
Elle va montrer comment ces systèmes ruinent toute distinction entre le bien et le mal au point qu’à
la fin, les individus n’ont plus de valeurs et s’en remettent au pouvoir et à la loi pour savoir ce qui est
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bien. C’est ainsi que fonctionne Eichmann, il vit dans un système où il n’a aucune capacité de
distinguer le bien et le mal. Dans la pratique, très peu d’hommes sont capables indépendamment de
la loi de distinguer le bien et le mal.
Eichmann va se défendre en déclarant que toute sa vie il a été un bon citoyen, respecté la loi, fait son
devoir, son travail.
Cf. 2ième texte d’Hannah Arendt
Hannah Arendt identifie une différence majeure au niveau de la source de la loi : pour Kant, la source
de toute loi était la raison mais sous Hitler, c’est la volonté de celui-ci qui est source de la loi. Dès
lors, un citoyen comme Eichmann, qui n’est pas capable de juger la loi mais qui est en mesure de la
respecter, va obéir à cette loi comme il aurait obéi à une autre.
Ce qui a rendu le mal radical possible, c’est donc un certain rapport à la légalité, qui après Auschwitz
va être mis en crise. Cette confiance qu’Eichmann a en la loi et en devoir illustre l’inversion complète
des valeurs qui a lieu dans les systèmes totalitaires. Ceux qui ont refusé de se joindre à une tuerie de
masse sont donc ceux qui ont su juger la conformité de la loi, qui ont une capacité de résistance.
On ne parle ici plus d’une définition du bien dont le mal serait l’exception, mais on demande à penser
le mal dont le bien serait lui aussi à son tour l’exception.
Arendt va synthétiser cela en deux thèses :
-
-
Une sur le jugement, c’est-à-dire la faculté à faire des distinctions entre les valeurs. C’est une
capacité très rare. Pour dominer les hommes, le totalitarisme va rajouter d’avantage de
règles, d’habitudes, il va transformer le rapport entre les hommes et la réalité pour ce que
rapport ne soit plus direct, qu’il soit entravé par des habitudes, des clichés,…De sorte que les
hommes ne puissent plus voir clairement et penser seuls. C’est donc l’absence de jugement
qui conduit au mal radical
Le totalitarisme provoque un renversement des valeurs. « tu ne tueras point » => « tu
tueras ». Et personne ne se rendra compte de cette inversion. Le meurtre est devenu la
nouvelle norme sans que la plupart des individus s’en aperçoivent. C’est parce que les
individus veulent des règles, quelles qu’elles soient. Ce à quoi les gens s’habituent, c’est
moins le contenu des règles que la possession des règles. Les lois ne sont pas admises parce
qu’elles sont bonnes, mais parce qu’elles sont normes.
Le fait d’être criminel devient la norme dans le système totalitaire. Ce qui est bon, c’est de
participer au meurtre organisé. Le crime devient l’objectif même du système, le système est
là pour justifier le crime. C’est grâce à l’effondrement moral qu’ils ont fait du crime la norme.
Un philosophe italien, Georgio Agamben, voit aussi dans cette banalisation du crime la
caractéristique du totalitarisme. Auschwitz est un endroit où les situations extrêmes deviennent le
paradigme du quotidien.
Pour se défendre, Eichmann dit que s’il n’avait pas fait tout ce qu’il a fait, quelqu’un d’autre l’aurait
fait à sa place. Alors, dit Hannah Arendt, tous les allemands sont coupables. Et si tout le monde est
coupable, personne ne l’est. Mais aux yeux de la loi, la culpabilité est objective : il ne s’agit pas de
savoir ce que tous auraient pu faire, mais de voir ce que certains ont effectivement fait. Ce n’est pas
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parce qu’il ne se rend pas compte de ce qu’il a fait qu’Eichmann ne doit pas être jugé. En le
considérant comme un individu responsable, on le ré-humanise.
Un écrivain italien, Primo Levi, est allé dans les camps et raconte son expérience dans le livre Si c’est
un homme. Lui aussi relate l’extrême banalité du mal dans ces situations. Le mal radical, lorsqu’il est
érigé en système, nous place en-deçà du bien et du mal.
Cf extrait de Si c’est un homme, « Il n’y a pas plus de criminels qu’il n’y a de fous »
Ces extraits font écho à ce que Nietzche disait.
Même les victimes ne perçoivent pas les SS comme des criminels.
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