La liberté contractuelle en droit des sociétés Le professeur Guyon expliquait ainsi les mouvements contradictoires de notre droit : « le droit des sociétés est plus que jamais soumis à deux tendances contradictoires. D'un côté la prolifération d'une réglementation de plus en plus tatillonne, de l'autre l'aspiration à davantage de souplesse et de liberté dans l'organisation et le fonctionnement de ces personnes morales. » La liberté contractuelle est un des principes qui régit non seulement le droit commun des obligations, mais aussi trouve son application en droit des affaires. En effet l’existence et l’activité des sociétés sont liées à l’activité économique d’un pays, c’est pourquoi la promouvoir est non seulement un gage de respect des libertés fondamentales mais aussi une incitation à entreprendre. Ainsi, les parties contractent ou ne contractent pas, elles déterminent le contenu de leur contrat sans conditions de forme, dans les limites des dispositions légales (art 1134 du code civil). Cependant, la cohésion et justice sociale nécessitaient le réajustement de la réglementation contractuelle. Pendant tout le 19ème siècle, le droit général des obligations, mais aussi le droit des sociétés, était beaucoup plus libre qu’aujourd’hui. En effet, il n’existait pas d’autres branches du droit spécialisées pour venir les limiter, comme le droit de la consommation ou le droit du travail. Cette liberté s’est trouvée consacrée avec le décret D’Allarde et la Loi le Chapelier de 1791, qui ont fait interdire les corporations et ont permis le développement des métiers commerçants. Cependant le législateur s’est ensuite rendu compte des effets négatifs qu’une liberté trop grande pouvait avoir, puisque trop de parties faibles étaient abandonnées à la puissance des sociétés, qui lorsque prospères, avaient un effet négatif sur la concurrence, et une fois celle-ci disparue, imposaient leurs conditions aux potentiels cocontractants. Cela entrait en contradiction avec la théorie de la volonté qui suppose un consentement libre et éclairé, en droit commun des obligations. De fait, dans la seconde moitié du 20ème siècle l’Etat s’est fait plus protecteur des intérêts des parties faibles et a instauré un ordre public économique de direction, avec la fermeture du libre accès à un certain nombre de profession (par exemple, le pharmacien) dans un idée d’assainissement, mais aussi de nombreuses nationalisations en 1945 et 1946, avec la nationalisation de la Banque de France, des quatre plus grandes banques françaises puis le gaz, l’électricité, des compagnies d’assurance ainsi que des mesures comme le contrôle des prix et des changes. Mais dans les années 1980 la tendance s’inverse avec une déréglementation massive, dont l’origine se trouve en partie dans la réalisation du manque d’efficacité d’un droit trop encadré, rigide alors que le droit des affaires en général nécessite la souplesse, mais aussi le manque de fonds propres dans un environnement européen de plus en plus concurrentiel. Ainsi la recherche perpétuelle d’un équilibre résulte de la volonté de stimuler la croissance économique tout en protégeant les individus. Mais alors comment trouver un le juste milieu en droit des sociétés, entre l’encadrement la liberté contractuelle et l’asphyxie de ce dernier liée à trop de rigidité? Ainsi il apparaîtra que si, certes, le droit des sociétés est soumis à de nombreuses règles visant à protéger les individus, parties ou tiers au contrat(I), on se rend compte que la gestion de certaines formes de sociétés est de plus en plus libre. I. La liberté contractuelle réglementée en droit des sociétés A) Formalisme et actes d’information obligatoires : encadrement essentiel du contrat de société Formalisme : le contrat de société est établi par écrit, sous seing privé ou par acte authentique (art 1835 C.civ) Condition de constitution de la société : rédaction et signature des statuts comportant le capital social, la raison social, le siège de la société… Immatriculation au RCS après vérification judiciaire : insertion dans un journal d’annonces légales, caractéristiques de la société, mention des organes de direction et de contrôle, insertion d’un avis au BODACC. Publicité à la création, la modification des statuts, nomination des dirigeants et leur départ Obligation d’écrire certaines mentions à chaque acte et courrier Exceptions : les sociétés crées de fait. B) Encadrement dans l’organisation de la société 1) pour assurer la sécurité juridique des associés Assemblée obligatoire pour l’approbation des comptes Assimilation du dirigeant de fait et du dirigeant statutaire Limitation des abus de majorité et de minorité : construction jurisprudentielle 2) pour rassurer les créanciers Publicité du capital social et de tout changement qui l’affectera 3) Pour la sécurité de la société elle-même Sanction des abus de biens sociaux : art L242-6 du C. comm.) II. Essor des libertés dans l’organisation et le fonctionnement des sociétés A) Essor de la liberté en droit commun des sociétés la loi du 14 décembre 1985 modifiant diverses dispositions du droit des valeurs mobilières, des titres de créances négociables, des sociétés et des opérations de bourse, qui a créé les bons de souscriptions autonomes et, a permis aux sociétés d'émettre des valeurs mobilières atypiques, en s'affranchissant du cadre législatif existant. Une personne physique être l’associé unique de plusieurs EURL depuis la loi Madelin Pactes d’actionnaires dans la SA B) Essor de la liberté dans des sociétés spécifiques Création de l’EURL en 1985 pour permettre à une personne seule de créer une société - - - - Simplification du fonctionnement des SARL : formalités de publicité allégées, réunion de l’obligation d’approbation et de l’obligation de publicité des comptes Création de la SAS en 1994 Simplification de la SAS par la LME de 2008 : plus de capital minimum exigé, qui est à présent mentioné par les statuts, les apports en industrie peuvent être mentionné dans le capital social, la SAS est admise « à émettre des actions inaliénables résultant d'apports en industrie. Les associés peuvent nommer un ou plusieurs commissaires aux comptes dans les conditions prévues à l'article L.227-9. Simplification du fonctionnement des SA : par exemple le nombre d’action est déterminé non plus par la loi mais par les statuts Les sociétés d’exercice libéral ont depuis la LME leur capital ouvert aux financiers