Panorama scientifique : la vaccination, de la vaccine à la

Panorama scientifique : la vaccination, de la vaccine à la thérapie. Un modèle d’innovation
biomédical, par Jacques Volckmann, directeur des projets nouveaux vaccins Europe, Sanofi Pasteur
Préalable
L’objectif de ma présentation est de vous permettre de mieux appréhender la complexité propre au
développement d’un vaccin. Quelles sont ses contraintes de développement ? Tous les thèmes que
nous aborderons feront écho à un certain nombre de sujets que vous connaissez bien. Nous sommes
en effet tous concernés par le vaccin, d’une manière ou d’une autre. Il est donc bon d’avoir un
minimum de culture scientifique sur le vaccin et ses enjeux.
Quelques mots de présentation. Je suis responsable du développement des nouveaux vaccins chez
Sanofi Pasteur, la branche biologique vaccin du groupe Sanofi. Nous avons la chance de disposer en
France d’une puissance de feu vaccinale très significative. C’est d’ailleurs le moins que l’on puisse faire
dans le pays de Pasteur ! Mes fonctions m’ont permis de travailler notamment sur H1N1 et sur d’autres
programmes de développement.
Au menu de cette intervention :
Qu’est-ce qu’un vaccin ?
Quelles en sont les spécificités ?
Quel est le panorama des vaccins existants.
Comment s’organise le cycle de développement d’un vaccin ?
Exemples / évolutions.
L’histoire du vaccin est relativement courte. La photo ci-dessus représente le virus Cowpox, qui date
de 1790. A l’époque la variole sévissait de manière dramatique en Europe. Un fort pourcentage (entre
30 et 40%) des personnes atteintes de variole décédaient de cette maladie. Il s’agissait d’un énorme
problème de santé publique aux XVIIe et XVIIIe siècles. Jenner, un médecin anglais, constate alors
quelque chose d’extrêmement intéressant : les personnes (d’ailleurs essentiellement des femmes) qui
traient les vaches et qui attrapent une maladie de la vache, appelée la vaccine et entrainant de petites
purulences au niveau des mains, sont statistiquement moins nombreuses à attraper la variole et à en
décéder. Jenner décide donc de prendre cette purulence et de l’injecter à d’autres personnes. Il
s’aperçoit alors que ces personnes sont protégées contre la variole et ne l’attrapent pas. Cet épisode
marque le début de la vaccination, de l’immunologie et de toute la science qui va se développer par la
suite, de Pasteur en France sur la rage jusqu’aux recherches actuelles sur la dengue, le sida, le CMV et
d’autres maladies.
Le vaccin : un médicament avec des spécificités marquées
Lorsque nous parlons de vaccin, nous parlons en premier lieu d’un médicament. Un médicament a des
règles, des processus d’enregistrement, des processus de veloppement, des processus
réglementaires, des suivis (ex : la pharmacovigilance). Le vaccin étant un médicament, toutes ces règles
et processus s’appliquent donc au vaccin, et ce dans tous les pays.
Le vaccin est aussi un médicament qui s’inscrit dans un environnement réglementaire
particulier. Dans tous les pays développés, les structures sanitaires réglementaires regardent
les produits biologiques en général, et les vaccins en particulier, de manière particulière et
ajoutent une réglementation additionnelle pour contrôler la mise à disposition des vaccins.
Le vaccin s’adresse à une cible extrêmement particulière composée de personnes saines (on
se vaccine contre la diphtérie ou le tétanos, des maladies que l’on ne connait même pas) et
d’enfants (population vulnérable s’il en est).
Les vaccins sont des produits complexes. Lorsque vous achetez votre seringue de grippe par
exemple, vous achetez en fait trois produits dans une seule seringue : trois souches de grippe
différentes. Lorsque vous faites vacciner vos enfants contre la polio, en fait vous les vaccinez
contre trois produits différents (3 valences). En ajoutant à ce vaccin la diphtérie et le tétanos,
vous commencez à produire de véritables cocktails dans vos seringues (DTP).
Le vaccin est un produit biologique ou pour le moins issu du processus biologique, ce qui
génère parfois questionnements et fantasmes.
Les cibles vaccinales
Il existe aujourd’hui dans le monde environ 25 agents pathogènes couverts par des vaccins.
Il existe par ailleurs environ 70 cibles potentiellement vaccinales sur lesquelles nous avons besoin de
travailler parce qu’il n’existe actuellement rien de disponible pour prévenir les maladies associées à
ces germes. HIV, malaria, dengue, etc., ces cibles présentent des intérêts très « variables », et
concernent des populations très différentes.
A ce jour, d’importants axes de développement et de recherche portent sur les cancers. L’idée ici n’est
pas de se vacciner contre un cancer une exception près que je citerai plus tard), mais d’aider un
organisme qui est confronté à un cancer à affronter ce dernier et à s’en débarrasser au plus vite.
Autre point de développement colossal : les maladies nosocomiales que l’on contracte à l’hôpital à
l’origine d’un développement vaccinal très important. Cette problématique concerne surtout les pays
industrialisés : l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon et d’autres.
Les vaccins protégeant contre 25 maladies infectieuses
On peut classer les vaccins de différentes manières. Le plus souvent on les classe par type d’agents
infectieux.
Vous voyez ci-dessus les deux types d’agents infectieux sur lesquels nous avons travaillé et qui ont
donné lieu à des vaccins aujourd’hui disponibles. Sur la gauche, se trouvent les maladies bactériennes
causées par des germes, des bactéries (la coqueluche, la diphtérie, l’Haemophilus, les méningites, les
infections à pneumocoques, le tétanos, etc.). Sur la droite : les maladies causées par des virus (la rage,
la grippe, etc.).
Permettez-moi de faire deux remarques. Je voudrais tout d’abord souligner qu’en 50 ans la
communauté scientifique médicale a fait d’énormes progrès. Je rappellerai par ailleurs que tous les
vaccins n’ont pas une efficacité parfaite, hélas. Nous sommes donc par exemple amenés à changer le
vaccin de la grippe tous les ans pour assurer son efficacité. Certains vaccins, comme celui de la
tuberculose, ont une efficacité limitée. D’importants programmes de développement et de recherche
sont donc encore en cours sur la tuberculose contre laquelle le vaccin n’offre pas la performance
espérée.
Dernier point : le vaccin pour le Papillomavirus est à signaler puisqu’il s’agit du seul vaccin appelé à
« prévenir » un cancer, le cancer du col de l’utérus en l’occurrence. Nous savons en effet que certains
virus génèrent des cancers. Nous allons donc prévenir l’installation de ce virus à travers un vaccin, et
ainsi d’une certaine manière, prévenir le cancer (bien que par voie indirecte). Il s’agit aussi là d’un axe
de développement.
La vaccination : principes clés
Développer un vaccin signifie :
Identifier le germe. Il y a 10 ans, le SARS arrive à Hong Kong : on commence à voir des gens
expectorer, avoir des fièvres extrêmement fortes et mourir. Il faut donc identifier le germe, ce
qui constitue une véritable course contre la montre.
Atténuer le germe (le bricoler, le casser en morceaux) pour en faire un vaccin. 1ère idée à garder
en mémoire : un vaccin n’est pas un simple germe. C’est un germe qui a été modifié ou dans
lequel on a pris un certain nombre d’éléments. Or, vous constaterez autour de vous que la
confusion est fréquente : nombreux sont en effet ceux qui croient qu’en se faisant vacciner
contre H1N1, on se voit injecter le virus. C’est une erreur.
Solliciter le système immunitaire. On demande à l’organisme de se défendre à travers une,
deux ou trois injections (rappels). On espère ainsi atteindre une protection contre l’agent
causal.
Cibles vaccinales : approches possibles
La capacité des vaccins est basée sur la capacité de notre système immunitaire à lutter contre des
agents pathogènes. Fait important : notre système immunitaire a une mémoire. Si l’on est vacciné
aujourd’hui, dans un certain nombre de cas, on est protégé pendant un, deux ou trois ans, à l’issue
desquels on ne l’est plus, raison pour laquelle il nous faut subir des rappels. Nous avons par ailleurs
trouvé des vaccins sur certaines cibles mais avec des taux de protection de l’ordre d’un ou deux mois
seulement ? Ces vaccins sont donc totalement inutilisables en pratique.
Vaccins prophylactiques et thérapeutiques. La principale évolution actuelle concerne les maladies
nosocomiales que l’on peut contracter à l’hôpital et face auxquelles nous sommes malheureusement
parfois démunis sur le plan thérapeutique malgré des enjeux importants.
Les vaccins peuvent être classés en deux catégories : les vaccins vivants et les vaccins inactivés. Comme
je vous l’ai montré, pour faire un vaccin, il faut en connaitre le germe, le prendre et ensuite le modifier.
La première manière de le modifier consiste à l’atténuer, c’est-à-dire à le rendre moins virulent, moins
toxique ou pas toxique du tout, tout en le gardant vivant, comme l’a fait Pasteur avec le virus de la
rage qui, après avoir été passé de cellules en cellules, a commencé à se fatiguer, à s’user et à perdre
son caractère de virulence. L’avantage de ce type de vaccins : ils sont extrêmement efficaces. Leur
inconvénient : ils conservent quelques critères du germe original, ce qui n’est pas sans imposer
certaines limites (utiliser un vaccin vivant sur une femme enceinte par exemple). Cette démarche a
ensuite été améliorée : tout en gardant le caractère vivant, on fait de l’ingénierie génétique soit à
travers des mutations, soit à travers un travail sur des chimères (boutures). Dans l’exemple de la
dengue sur lequel nous travaillons, nous avons combiné un virus fièvre jaune et un virus dengue, ce
qui permet de garder les caractéristiques vivantes et atténuées du virus. Avec cette voie classique, une
autre manière de modifier les agents cohabite : il s’agit de l’inactivation du virus, autrement dit du fait
de tuer ce dernier, soit en le traitant à la température, soit en utilisant des agents chimiques. L’étape
suivante consiste alors à faire des sous-unités c’est-à-dire de purifier.
Ci-dessus les principales étapes de développement des vaccins. Ceux qui ont fait leur service militaire
se souviennent certainement des deux rites de passage lorsque nous arrivions à l’armée : se faire
couper les cheveux, se faire vacciner contre la typhoïde (TABDT). Suite à ce vaccin, certains passaient
une semaine à claquer des dents et à trembler, devenant ainsi de vrais soldats. Comment fonctionnait
ce vaccin ? Sur le principe précédemment évoqué : nous prenions la bactérie (la ou les typhoïdes parce
qu’il y en a plusieurs), nous chauffions cette dernière qui perdait alors son caractère de virulence mais
qui restait extrêmement actives et choquantes pour le système immunitaire (d’où les fièvres). Nous
étions prêts à accepter cela, pour éviter la typhoïde. Pour la population générale, nous avons ensuite
travaillé à une amélioration de ces vaccins. Qu’avons-nous fait ? Nous avons purifié et enlevé les agents
qui génèrent ces fièvres. Nous travaillons donc sur des produits qui sont extraits. C’est ainsi le cas pour
la grippe. Que faisons-nous lorsque nous « fabriquons » un vaccin grippe ? Nous prenons le virus, nous
le faisons pousser (là en l’occurrence pour la grippe, nous le faisons pousser sur un œuf), nous le tuons,
nous extrayons la partie qui nous intéresse, qui n’a plus rien à voir avec le virus mais qui va générer la
réponse immunitaire attendue et la protection. Nombre de vaccins sont réalisé ainsi aujourd’hui. Ce
que nous faisons en termes d’extraction, nous pouvons également le faire en termes de synthèse et
de génétique et de recombinaison.
Ci-dessus : l’évolution technique et technologique associée au vaccin. Bien que super, cette évolution
présente des inconvénients majeurs.
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