mise en place d`un SI stratégique comme avantage concurrentiel

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Gilles Teneau
Chercheur associé LEMNA (Université de Nantes)
Intrapreneurs, comme avantage concurrentiel dans la mise en place de SI
stratégique
Résumé
L’objet de cet article est d’appréhender comment les actifs immatériels, plus spécifiquement
les ressources rares, peuvent permettre de contribuer à la création de nouveaux produits et
services. Cette étude se centre sur le cas d’intrapreneurs dans le secteur des services
informatiques. Les résultats de la recherche-action ainsi développée donnent un certain
nombre de caractéristiques propre à l’intrapreneur. En cela ils révèlent la réussite d’un projet
comme soutien d’un avantage concurrentiel dans la mise en place d’un système d’information
stratégique. L’apport managérial à cette recherche propose un ensemble d’outils dont pourra
disposer l’entreprise tant pour la mise en place d’offres d’intrapreneur que pour l’émergence
de ressources rares de type intrapreneur.
Mots-clés : actif immatériel, ressource rare, intrapreneur, avantage concurrentiel
Intrapreneurs, as a competitive advantage in the development of strategic
SI
Abstract
The aim of this article is to study how the immaterial assets, and more specifically rare
resources, can allow contributing to the creation of new products and services. This study is
focused on the case of intrapreneurs in the sector of computing services. The findings of the
research-action show some of the proper caracterictics of intrapreneurship. The success of
intrapreneur as a rare resources support (according to Barney) in the development of the offer
of a software engineering company is revealed through a specific approach of the realization
of a strategic information system offering the company a competitive advantage.
Management-wise this study highlight a set of tools any companies will be able to use in
order to support the development of intrapreneurs’ offers or to support the emergence of rare
resources such as intrapreneurs.
Keywords : immaterial asset, rare resource, intrapreneur, competitive avantage
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Intrapreneurs, comme avantage concurrentiel dans la mise en place de SI
stratégique
Introduction
Si la thématique de l’intraprenariat n’est pas un sujet récent, s’inscrivant dans ce que Duncan
qualifiaient de « réinvention de l’entreprise », celle-ci trouve un intérêt particulier quant à la
manière pour une entreprise de permettre la création de valeur. Les intrapreneurs sont des
ressources rares, difficiles à faire émerger dans une entreprise voire à identifier sur le marché
du travail (Duncan et al. 1988, p.18).
Le concept de ressources rares s’inscrit dans l’un des paradoxes de notre époque marquée par
la complexification du travail : si le contexte actuel lié à des technologies toujours plus
performantes rend les besoins plus que jamais importants pour des profils spécifiques, ceux-ci
n’ont jamais été aussi difficiles à identifier.
Notre étude se centre sur les processus d’actifs immatériels (Itami, Roelh, 1987), envisagés
selon la théorie des ressources rares (Barney, 1991). Plus spécifiquement, notre étude vise à
comprendre l’importance accordée aux critères intrapreneuriaux dans les grandes entreprises
françaises, en particulier pour ce qui relève de l’avantage concurrentiel.
Notre question de recherche est la suivante : par quelle voie les intrapreneurs en tant que
ressources rares peuvent-ils aider à soutenir la création de nouveaux produits et services ?
Pour répondre à ladite question de recherche, nous avons mené une étude empirique sur une
longue période (de 2007 à 2009) en recherche-action au sein d’une société de services
spécialisée en services informatiques et Internet dans laquelle l’action d’intrapreneurs pour le
lancement de nouveaux projets constituait un objectif spécifique.
1. Une ressource rare proche du SI, l’intrapreneur
Nous devons a Pinchot (1985), le terme d’intrapreneur, cet acteur est considéré comme la voie
permettant aux entreprises de renouer avec la performance et de retrouver cette « magie »
qu’elles ont perdu du fait de la bureaucratisation et de la complexification des structures et des
pratiques (Thornberry, 2001). L’intrapreneur peut être considéré comme un stratège ordinaire
(Besson, Mahieu, 2008), à savoir un manager intermédiaire au cœur de la dynamique de
l’entreprise.
Des recherches ont tendu à montrer que l’intrapreneuriat en tant que culture était une variable
clé source de performance et de différenciation dans un marché concurrentiel des systèmes
d’informations (Marciniak., et al., 2009 ; Benitez-Amado et al., 2010). Cette culture est
essentielle pour les managers en charge du développement commercial des services des SSII.
Plusieurs chercheurs ont adopté la théorie des ressources au regard des SI à la performance de
l’entreprise (Melville et al., 2004 ; Hulland, Wade, 2007 ; Argyres, Zenger, 2007).
Il est aujourd’hui largement partagé que les fondements de l’avantage concurrentiel découlent
des ressources de l’entreprise (Grant, 1996), du management des connaissances (Mignon &
all, 2012) des capacités dynamiques, appréhendées comme combinaisons de connaissances
(Kogut & Zander, 1992). Les objectifs stratégiques de réduction des coûts, des cycles
d’exploitation et d’amélioration de la qualité des produits, se rapportent directement à la
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mobilisation des connaissances dans une organisation et à leur management (Davenport et al.,
1996).
L’intrapreneur doit se baser sur une compétence et une aptitude relationnelle, outre le fait de
savoir développer une vision et d’avoir une capacité d’innovation ; un intrapreneur doit avoir
l’aptitude à travailler en équipe, soit à fédérer différentes parties prenantes autour du projet
qu’il porte. La capacité à innover (innovativité) ainsi que leurs ressources TIC est un facteur
de bénéfices organisationnels, économiques et sociaux (Deltour, Lethiais, 2014). Ainsi,
l’intrapreneur doit être perçu comme le cœur de compétences (Prahalad, Hamel, 1995), qui
consiste en un domaine d’expertise, une harmonisation de la technologie, une activité
professionnelle complexe, un apprentissage collectif. La question de la légitimité est donc
également une composante importante. Celle-ci s’acquiert par le relationnel et la capacité à
créer un environnement propre à l’innovation en se situant au centre d’un réseau
d’interactions (Carland, Carland, 2007 ; Baile, 2012).
1.2. Théorie des ressources et actifs immatériels
Tout un courant théorique se structure autour de la notion de ressources. Son objectif est
d’une part de définir avec précision la notion de ressource et d’autre part de comprendre le
lien entre ressources et avantage concurrentiel qui permet de renforcer les ressources
spécifiques et redéfinir de nouveaux modes d’organisation (Bernasconi, 1996).
Les ressources gardées par les entreprises ont en conséquence une instabilité imparfaite,
maintenant ainsi ces conditions de crise. La mobili insuffisante est attachée aux
particularités de certaines ressources : diversité, complexité, immatérialité qui exprime un
niveau peu discernables et peu reproductibles.
À l’origine de la théorie des ressources, Penrose (1959) est l’un des premiers à avoir travaillé
sur la notion d’actifs immatériels. Ce concept renferme l’information, la connaissance
échangée ainsi que la qualité des technologies, la circulation et le partage de l’information. Le
courant resource-based (Wernerfelt, 1984) prolongé récemment par celui des dynamic
capabilities (Teece et al., 1997 ; Schreyogg & Kliesch-Eberl, 2007) insiste sur l’importance
des ressources internes matérielles et surtout immatérielles (parmi lesquelles le knowledge)
considérées comme sources d’avantage concurrentiel.
Ces ressources concernent le capital social (Coleman, 1988), « la somme des ressources
effectives et potentielles intégrées dans, disponibles à travers ou découlant du réseau de
relations que possède un individu ou une unité sociale » (Nahapiet et Ghoshal, 1998). Cette
théorie a été particulièrement développé dans le domaine du management stratégique (Métais,
2004 ; Foss et Ishikawa, 2007) mais aussi au niveau des systèmes d’information au regard de
l’alignement stratégique de Henderson et Vankatraman (1993), mise en place d’un SI
stratégique comme avantage concurrentiel (CIGREF, 2008).
Barney (1991) complétant certaines études antérieures s’inscrit dans la finition de critères
tendant à transformer une ressource interne en source d’avantage concurrentiel. Selon cette
approche une entreprise base son développement sur des ressources stratégiques qui sont
difficilement imitables, substituables et échangeables (Arregle, 1996). Ces critères sont au
nombre de quatre et constituent des indicateurs de l’hétérogénéité et de l’immobilité d’une
ressource (modèle VRIO).
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La ressource doit être créatrice de valeur, elle doit contribuer de manière décisive à
l’efficience de la firme en permettant de saisir des opportunités ou de neutraliser des
menaces.
Elle doit deuxièmement être rare, en elle-même ou dans sa façon d’être bien
exploitée.
Elle doit être aussi difficilement imitable, ce qui peut provenir de conditions
historiques particulières liées à l’organisation. Par cette notion d’inimitabilité,
l’entreprise sait qu’il existe un lien entre telle ressource et la performance persistante
de l’organisation, mais sans être capables d’expliciter exactement quel est le processus
qui conduit de la ressource à la performance ; et c’est cette ambiguïté qui rend difficile
l’imitation par un concurrent.
Cette ressource doit être utilisée par l’organisation, la politique de l’entreprise doit
permettre et favoriser l’exploitation de cette ressource.
Barney (2001) estime que la théorie peut éclairer des situations et des stratégies d’entreprise :
la notion de ressource peut être un élément central dans les processus de benchmarking ; elle
peut permettre d’aider une entreprise à analyser sa situation concurrentielle, à évaluer les
décisions qu’elle prend. Aucune ressource ne produit mécaniquement un avantage
concurrentiel et il estime que la détermination exacte de ce que sont les ressources d’une
entreprise est difficile puisque l’on se heurte à l’ambiguïté causale : il est difficile pour les
dirigeants de l’entreprise eux-mêmes de savoir d’où provient l’avantage concurrentiel de la
firme en termes de ressources, mais cette situation les protège, car s’ils étaient capables de
lever cette ambiguïté, leurs concurrents ne seraient pas loin de pouvoir la lever également.
2. Etude de cas : soutenir l’effort d’innovation de nouveaux services ?
Notre positionnement méthodologique s’apparente à de la recherche-action de type « first
person action-research » alliant recherche-action participative et observation. Notre
positionnement en recherche-action a permis des observations à la fois participantes et non
participantes sur une période allant de début 2007 à fin 2009. Notre approche s’inscrit dans le
prolongement de la démarche de Schön (1983) notamment dans la phase de distanciation
entre l’analyse et le traitement des données et le moment antérieur de la collecte de ces
dernières. Le recours à la méthodologie de type recherche-action nous semblait approprié car
fournissant un terrain d’observation de longue durée pour lequel les données terrains sont
difficilement accessibles et nécessitent une présence de longue durée en entreprise afin
d’approfondir les constats réalisés sur ce sujet.
Nous avons eu la chance d’intervenir au sein de cette société et nous avons rencontré à
plusieurs reprises les personnes que nous avons dénommé « intrapreneur » dans ce papier de
recherche. Nous avons eu l’occasion d’échanger sur leurs compétences, leurs expériences
passées, mais aussi leurs souhaits présents et d’avenir. Nos échanges se sont fait sur des
formes de questions réponses ouvertes et larges. Nous recherchions essentiellement à
comprendre nos interlocuteurs, comment faisaient-ils pour agir au sein de l’entreprise.
Pendant près de trois années nous avons ainsi échangé à plusieurs reprises sur le « comment »
il s’y prenait, l’avancée, les blocages, les difficultés, les compliments, les résultats, tout ce
qu’ils pouvaient rencontrer lors de leur projet. Ainsi nous avons recueilli un nombre important
de données que nous avons classé selon une catégorisation simplifiée (réussite, échec, délais,
compétences, responsabilités, objectifs et résultats). Les missions confiées aux intrapreneurs
par l’entreprise dénommée « Alpha », peuvent être considérées comme de la gestion de projet,
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en cela que leur mission étaient temporaire, un début et une fin. Pour cette raison nous nous
sommes aidés d’outils de gestion de projet pour nos classements (PRINCE 2, PMI,
PMBOCK).
2.1. Le contexte de l’étude : les spécificités des intrapreneurs.
Nous sommes intervenu en 2007 au sein d’une société de services informatiques et Internet de
dimension internationale (ESN) comptant plus d’un millier de collaborateurs en France que
nous nommerons « Alpha » ; elle est spécialisée dans les systèmes d’information et les
services informatiques (délégation de personnels, sous-traitance, intervention de maintenance,
projets d’ingénierie, réalisation de schéma directeur, maintenance et support à la clientèle). La
société « Alpha » étudiée a souhaité mettre en place un service dédié aux offres innovantes du
marché. Verbatim : « Le but de cette cellule est de fédérer et de permettre à toutes personnes
ayant une idée de la partager. Nous souhaitons être des catalyseurs, des révélateurs d’idées
avec pour but de donner confiance et de créer un effet d’entraînement dans l’entreprise ».
Pour cela elle a sélectionné les offres les plus percutantes et les plus innovantes du marché
(gestion des services, Cloud, data center, sécurité) et plusieurs personnes ont été recrutées
pour mettre ces offres en œuvre. Verbatim : « Dans cette démarche, et afin que cette cellule
soit un succès, la pédagogie est alors un élément clé. L’innovation est une démarche pour
travailler sur de nouveaux concepts et services, les tester et identifier l’appétence éventuelle
des clients et ensuite passer la main sur l’industrialisation si l’expérience est positive. Cette
démarche est nouvelle, il faut l’expliquer aux différents acteurs et aux clients. ».
Parmi ces trois offres l’un des objectifs était de développer une offre Cloud. Véhiculé par un
« buzz » massif, repris sur tous les fronts, le Cloud computing est déjà en pleine mutation. Ce
n’est pas une fin en soi, ce qu’il est important de prendre en compte c’est l’application qui en
est faite. Au-delà des vocables qui lui sont associés, tout tourne autour de la transformation
des systèmes d’information, tant sur les infrastructures que sur les applications. Pour être
pertinent et répondre efficacement aux demandes, l’offre doit intégrer non seulement les
mécanismes apportés par le Cloud (on-demand, élasticité, paiement à l’usage), mais
également l’évolution de l’environnement de travail notamment la mobilité (téléphonie
mobile, tablette…) et le collaboratif (réseaux sociaux). Verbatim client « Notre entreprise
avec l’apport du Cloud pourra ainsi se développer, se redéployer, préserver ses parts de
marché, poursuivre l’innovation et rester incontournables durant cette période de
mutations. ». La personne chargée de cette offre disposait de nombreux contacts tant dans
l’entreprise qu’à l’extérieur de celle-ci. Son offre a é jugée bien construite et rentable
financièrement. Verbatim : « Je suis venu ici pour faire ce que je fais maintenant dans les
nouveaux domaines de l’informatique comme les réseaux sociaux, aujourd’hui le Cloud, le
big data, ne cherchons pas des réponses dans un monde de questions. C’est trop tôt ».
Une seconde offre a été mise en œuvre, elle portait sur la sécurité des systèmes d’information,
un véritable succès, à ce jour cette offre est toujours d’actualité. La personne nommée pour
réaliser cette offre a su s’entourer des meilleurs collaborateurs, tant en sécurité qu’en gestion
des risques et en continuité d’activité, cette équipe travaille sur des sujets extrêmement
complexes, tels : l’impact de la virtualisation, l’analyse de code binaire, l’analyse virologique,
la cryptographie, conseil et assistance et labellisation. Elle a développé un programme de
recherche, elle s’est associée avec les meilleures sociétés de sécurité. Cette offre est
performante et rentable. Un service de plus de 100 personnes est en place. Verbatim client :
« Pour mener à bien notre projet de refonte de nos systèmes d’information, projet hautement
stratégique, nous avons fait confiance à l’entreprise « Alpha » en raison de sa capacité à
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